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LE
MAHA-BHARATA
roÈMK Éw»r*
DE KRISÏÏN A-DW AIPAY AN A
fUJf COMDKâMXTÎ AFftU
c'est-a-uihe le compilateur et l'okdosnateuii i»es vEi.as
Truiliiii complMeaaat pour U première foi» Hu «nacrit en franc»»
— .MM ' - ... ... ■■
LE MAHA-BHARATA
POÈME ÉPIQUE
La reproduction et lu traduction même de cette traduction sont
interdites en France et dans les /ta y s étrangers.
MEAUX- — IMPRIMERIE J. CARSO.
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LE
MAHA-BHARATA
POÈME KPIÿlE
DE KRISHNA-DAV AIPAY ANA
PLU* COMMCRKMEM APPELÉ
c’est-à-dire le compilateur et l’ordonnateur des védas
Traduit complètement pour la première fois du sanscrit en français
PAR
HIPPOLY TE FAUCHE
Traducteur du RAmiyana, des (tiuvre» complète» de KâlidAaa, etc.
Abréviateur du RirnAyana
PARIS
FRIEDRICH KLI.NCKSIKCK, UBRAIRE
Rue de Lille, 11
AU GLSTE DURAND ET rEDON E-LAUR I EL, LIBRAIRES
Rue Cujas, 9
LONDRES
CHEZ MM. WILLIAMS ET jNOROATE,
I*, Henm lia Street, Cotent Garden
18«6
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A MES LECTEURS.
Vous n’avez pas augmenté en nombre! Deux eent
quinze vous étiez, quand je commençai ce volume,
deux cent quinze vous relrouvé-je en ce moment
où je le termine.
Ainsi, je vais de tome en tome accroissant entre
mes mains les exemplaires de cette bibliothèque in-
vendable ; il me faut un vaste local pour les conser-
ver tous ; il me faudrait vingt-cinq ou trente années
d’existence pour en voir le complet écoulemeul. Ma
brillante santé, il est vrai, me permet d’espérer que
j’achèverai cette longue (raduction, mais, rien au-
delà ; et, quand ma débile main aura mis d’une ma-
nière absolue au bas de cet immense ouvrage le mot
fin, commenceront ces nouvelles destinées, que Dieu
ouvre à mon âme sous un autre mode de l’existence.
Permettez-moi (l’appeler vos sympathies, votre
VI
A MES LECTEURS.
bienveillance, vos soins protecteurs, sur ce jeune en-
fant de mes travaux, qui est implumis, comme dirait
Virgile, qui ne se soutient pas encore sur ses pieds,
et qui fait tomber de son gosier, pour appeler sa
nourriture, des sons inarticulés, où l’on ne peut
reconnaître les rudiments des chants, qui seront
peut-être un jour ceux de la frfuvelte nu du ros-
signol.
Vous êtes tous des personnages importants, vous
occupez de hautes positions , vous habitez de
grandes villes, vos fonctions vous mettent en rap-
port journalier avec ses principaux habitants. Que
chacun de vous emploie donc ses efforts obligeants
pour me faire demander par la Bibliothèque publique
de sa ville un exemplaire de mon Mahâ-Bhârala.
Qu’on s’adresse à moi directement ; évitons lesinlcr-
médiaires. Je ferai à la cité la remise que l’on ac-
corde aux agents de la librairie : 6 fois 0 font 36(1).
Quelle ville n'a pas dans son budget cette modique
somme à sa disposition?
Vous savez qu’il me reste 85 exemplaires à placer ;
et Dieu veuille qu’il n'v en aitpas davantage parsuite
du naufrage trop connu de l’undemesdépositaires!
(1) l.es cin(| premiers volumes sont estimés cinquante francs
dans le catalogue de la Bibliothèque de feu M. 'l’royer (Voyez
page 10 du catalogue extrait de la librairie Maisonneuve).
— Dïïjittzoâ bVGoogle
A MES LECTEURS.
VII
Il serait fâcheux, je ne dirai pas que celte tra-
duction restât inachevée, — je ne suis pas homme,
je le répète, à renoncer, sans que j’y aie rnis la fin,
à une chose commencée, — mais que je n’eusse pas,
une fois serré la plume entre mes doigts, l’esprit
exempt de soucis, libre d'inquiétudes, vide de toute
incertitude sur les destinées matérielles de mon
livre
Dans ce volume, qui est le tiers de l’ouvrage, du
moins, n’avons-nous rien passé d’essentiel ; nous
avons traduit tout exactement, si ce n’est quel-
ques-unes de ces interpellations si ordinaires, trop
fréquentes même : Sire, ou plutôt rot, Bliaratide, ô
le plus grand des Bharatides, ô le plus excellent des
rois, Indra des rois, lion des rois, taureau des
hommes, tigre des rois, ô le plus vaillant de tous
ceux, qui portent les armes, ô le plus saint de tous
les anachorètes, souverain delà terre, monarquedes
hommes, ô le plus vertueux ou le plus vigoureux des
Pdndouides ou des fils de Kourou; apostrophes,
dont la multiplicité ne déplaît pas, sans doute,
à la politesse indienne, mais dont notre goût se
fatigue bien vile et se dégoûte comme d’une inutile
redondance. Aussi nous sommes-nous mis fort peu
en peine de chercher si plusieurs ne nous avaient
pas échappé, à notre insu ou même sciemment.
Enfin, nous avons senti le besoin d’un aide en
VIII
\ MES LECTEURS.
certains passages, et nous avons fait venir de Londres
le Commentaire de Nllâkantha.
Cette dépense assez forte dans un ouvrage, qui,
s’il ne coûte rien, ne rapporte également rien, té-
moigne du moins le respect, que nous portons à
nos lecteurs, et ledésir, que nous avons nous-mêmes
d'élever cette œuvre au plus haut point de perfec-
tion, qu’il nous est possible d’atteindre.
Mais nous n’avons pas oublié qu’un poète veut
être expliqué par un poète et qu’un commentateur
n’est ordinairement qu’un grammairien froid, sec,
étroit ; aussi n’avons-nous point enchaîné notre
allure à ses pas , nous avons marché librement ;
nous avons protesté quelquefois contre ses arrêts, et
notre traduction fut assez osée de se décider sans
orgueil pour ses propres jugements.
Hippolyte Fauche.
P arc du Collège de Juilly, 1" décembre 1866.
LE MAHA-BHARATA
POÈME SANSCRIT.
OUDYOGA-PARVA
OU LU CHANT DES EFFORTS POUR CONSERVER LA PAIX.
LES RÉSULTATS PU MESSAGE POUR LA TAIX.
Valçampâvana dit :
(Test ainsi qu’au milieu de ces entretiens avec Sanat-
soudjâta et le sage Vidoura , le monarque passa la
nuit. 1,791.
Quand elle fut écoulée, tous les rois d’entrer joyeux
dans l’assemblée, avec le désir de voir le cocher. 1,792.
Curieux d’entendre la parole des princes, tous, réunis
par l'intérêt et le devoir, ils venaient, sur les pas de
Dhritarâsthra , à la brillante assemblée du monarque;
Cour vaste, blanche de marbre, ornée d’or, très-écla-
tante, qui avait la splendeur de la lune, et qui était arrosée
du plus précieux sandal; 1,793 — 1,794.
VI
1
2
LE .MALI \ - 1) 1 1 A HATA.
Couverte (Le sièges éblouissants, faits de bois, de fer,
d'ivoire et d’or, sur lesquels étaient jetées des couver-
tures élégamment étendues. 1,795.
Bhtshma, Drona, Kripa, Çalya, Kritavarman, Djayad-
ratha, Açvatthàman , Vikarna , Somadatta le Vâh-
lika, 1,796.
EtVidoura à la grande science, au grand char, plein du
feu des batailles; tous les princes et les héros de com-
pagnie, éminent Bharatide, 1,797.
Entrèrent dans cette splendide salle, en suivant les pas
de Dhritaràshtra. Douççàsana, Tchiiraséna et Çakouni,
le fds de Soubala, Dourmoukha, Doussaha, Rama, Ou-
loûka et Vivinçati, rangés sous la conduite de l'irascible
Douryodhana, le roi des Kourouides, entrèrent dans cette
assemblée, comme les Dieux, qui forment, sire, la cour
de Çakra. L’entrée de ces héros aux bras semblables à des
massues fil briller la salle, sire, comme une caverne
remplie de lions. Tous entrés, ces guerriers aux grands
arcs, à la grande vigueur, se répandirent, brillants comme
des soleils, sur les sièges admirables. Quand tous ces
rois eurent pris place sur les trônes, le portier du palais
vint annoncer, fils de Bharata, l’arrivée du fils du cocher :
« Celui, qui était allé vers les fils de Pàndou, est arrivé
avec son char. (De la stance 1798 à la stance 1803.)
» Ses généreux coursiers du Sindhou ont amené notre
messager d'un pied rapide. » L’homme aux brillantes
boucles d’oreilles sauta promptement à bas de son char;
il s’avança; il entra dans la salle pleine de rois magna-
nimes. l,80â — 1,805.
« Me voici arrivé de mon voyage chez les Pàndouides ;
princes de kourou, sachez-le, dit Sandjaya. Les enfants
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OUDYOGA-PÀRV.Y.
3
de Pàndou rendent le salut à tous les Kourouides, suivant
leurs années. 1,806.
» Les ayant tous honorés d’une manière assortie à
l’âge, les fils de Prithâ se prosternent devant les vieillards,
et, en amis , devant les amis ; ils s’inclinent devant les
jeunes. 1,807.
» Parti de ces lieux, je suis allé d'abord cher les Pân-
douides, suivant les instructions que Dliritarâshtra m'avait
données. Arrivé devant eux, je leur ai parlé: écoutez,
princes, ce discours. » 1,808.
<> Je te demande au milieu des rois, Sandjaya, mon
(ils, reprit Dhritarâshtra, quel langage te fut adressé par
Dhanandjaya â l'âme (ière, le magnanime moissonneur
'd’existences, le guide des cruelles batailles. » 1,809.
« Que Douryodhana entende, répondit Sandjaya, ce
langage, que l'envie de combattre inspirait à Arjouna. Ce
magnanime Dhanandjaya m’a dit, aux oreilles de Kéyava,
avec l’approbation d’Youdhishthira. 1,810.
» I.'intrépide héros Kirîtl, plein de l'impatience des
combats, déployant près du Vasoudévide la vigueur de
ses bras, m’a dit : « Parle au fils de Dhritarâshtra, en
pleine assemblée des Kourouides. 1,811.
» Que ton discours, cocher, soit entendu par ce fils
de cocher, à l’âme cruelle, aux paroles injurieuses; cet
homme, à la science étroite, rempli de folie, et déjà mûr
pour la mort, qui désire toujours combattre avec moi.
» Qu’il soit entendu même par ces rois, amenés de
compagnie pour livrer bataille aux Pândouides. Répète,
comme je le prononce, ce discours entier au monarque,
environné de ses ministres. 1,812—1,813.
« Les fils de Pàndou et les Sandjavas, diras-tu, ont
4
LE MAilA-IOIAIUTA.
eux-mêmes entendu, comme tous les Dieux entendent la
voix du roi des Dieux, l’Immortel, qui tient la foudre, ces
puissantes paroles, qu’a prononcées Kiriti : 1,814.
» Si le fils de Dhritaràshtra, a dit l’archer du Gândlva,
bouillant de combattre. Arjouna, les yeux semblables au
lotus rouge, ne restitue pas son royaume au monarque
Youdhishthira-Adjamilha ; 1 ,815.
» C’est qu'il a commis, sans doute, une mauvaise
action au temps passé !
» Les Dhritaràshtrides se sont (1) engagés dans un
péché, et de là vient cette guerre avec les cavaliers Bhi-
rnaséna et Arjouna, avec le Vasoudévide, avec Çalnéya,
avec Dhrishtadyouuina, qui a pris, en vérité, les armes,
avec Çikhandi 1 1 cet Youdhjshthira , qui ressemble à
Indra même et qui, à cause de leur scélératesse, consu-
mera le ciel et la terre. 1816 — 1817.
» Si tu veux combattre avec eux, tu remplis entière-
ment l’affaire des Pàndouides. Ne fais pas cette chose,
qui eut si bien dans l’intérêt des fds de Pândou. Aborde
le combat, si tu le juges à propos. 1 ,81 8.
» Que le Dhritarâshtride , de qui la vie est comme
expirée, obtienne à son tour cette couche abjecte, infor-
tunée, remplie de douleur, que le vertueux Pàndouide a
subie dans les souffrances et dans l’exil d’une forêt !
» Agis avec pudeur, science et répression des sens,
avec pénitence, courage et vigueur , qui est le nœud
des vertus, sentiments, que le cruel Dhritarâshtride à la
(1) Le signe de quiescence est tombé, je pense, dans ce composé pou-
rnsiâdaniriishtnm , de dessous la lettre D, ce qui fait un contre-sens.. Il
faut lire, en rétablissant le signe) pourastdd/iirvis/itam .
• "Digittzed tsÿ’Google
OUDYOGA-PARVA.
6
conduite irrégulière opprime dans le (ils de Pàndou. »
1,819—1,820.
» Abordé par nous, le royal Y oudhishthira, qui sup-
portait ses accablantes peines avec résignation, nous dit
ces vérités, après qu’il se fut informé de nos santés avec
révérence et droiture, avec le tapas, le dama et la force,
qui est le nœud des vertus. 1,821.
« Ce fils de Dhritarâslitra, reprit Arjouna, il se repen-
tira d’avoir engagé la guerre, alors que le frère ainé des
Pàndouides aux pensées élevées, à l'âme accomplie, déchaî-
nera au milieu des Kourouides cette colère épouvantable,
qu'il a contenue un grand nombre d’années. 1,822.
» Enflammé de colère â l'aspect de l'armée du Dhrila-
râshtride, Youdhishthira la consumera, tel que le feu à
la route noire, allumé, flamboyant, dévore une forêt dans
la chaude saison. 1,823.
» Ce Dhritarâshtride , il se repentira d’avoir engagé la
guerre, alors qu’il verra l’irascible (ils de Pàndou, Bhlma-
séna, à la fougue effrayante, monté sur son char, une
massue à la main et vomissant le poison de la colère.
» Cet orgueilleux, il se souviendra de la parole, qu’a
prononcée Bhtmaséna, alors qu’il le verra marcher en tête
des arifiées, revêtu de sa cuirasse, proclamer hautement
son nom, détruire les héros de l'ennemi, et, pareil à la
mort, moissonner son armée. 1,824 — 1,825.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé la
guerre, alors qu’il verra, sous les coups de Bhlmaséna ses
éléphants tomber, semblables à des cimes de montagnes,
et, les bosses frontales brisées, vomir le sang comme à
pleins seaux ! 1,826.
» Ce Dhritarâshtride, il sc repentira d’avoir engagé la
B
US MAHA-BHARATA.
guerre, alors qu’il verra Bhtma aux formes épouvantables
entrer, comme un grand lion au milieu des bœufs, dans
les rangs des fils de Dhrilaràshtra, les affronter, sa massue
au poing, et les assommer de ses coups. 1,827.
» Sans crainte au milieu de grands périls, consommé
dans les armes, il broiera dans cet engagement les armées
des ennemis; il abattra sous sa massue les bataillons des
fantassins, les multitudes des chars et les héros une seule
fois incomparables sur un char. 1,82S.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors que ce héros, arrêtant les éléphants par
sa vélocité puissante (1;, renversera l'armée de Souyo-
(fhana, telle qu’une forêt coupée avec la hache. 1,829.
» Il se repentira, quand il verra ses frères, semblables
à un village aux herbages abondants , consumé par la
flamme ; quand il verra la grande multitude de son
armée, inondée de /lèches et pareille à des fruits mûrs,
brûlés par les rayons de la lumière ! 1,830.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d'avoir engagé la
guerre, alors que ses guerriers présomptueux, ordinaire-
rement la face tournée à l'ennemi, prendront la fuite, ac-
cablés de crainte, et que ses héros immolés tomberont,
consumés par Bhimaséna, environné de la splendeur des
armes. 1,831.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d’avoir engagé cette
guerre, alors que le fortuné héros Nakoula, le premier sur
un char, égalera avec son adroit carquois plus de cent
maîtres de chars. 1,832.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d’avoir engagé
(I) ÇaUcyéna , ce mol k l'instrumental manque à tous les dictionnaires.
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OU D YOGA-PAH VA.
cette guerre, alors que Nakoula vomira des poisons,
comme un serpent irrité, pour le triste séjour, qu’il a
vécu un long temps au milieu des forêts, lui, digne de
tous les plaisirs. 1,833.
» Ce Dhritaràslitride, cocher, il sera ensuite accablé de
chagrin, à la vue des princes, qui, prodigues de leur vie sur
le champ de bataille, courront, à l’ordre d'Youdhishthira,
au milieu de son armée sur leurs chars éclatants. 1,834.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé ce
combat, alors qu’il verra les cinq jeunes héros de Kourou,
consommés dans le métier des armes et semblables à de
vieux maîtres, se précipiter, faisant mépris de leur exis-
tence, à travers ses Kourouides; 1,835.
h Quand l’homicide Sahadéva, monté sur un char
attelé de coursiers dociles, éclatant d’or, aux roues mugis-
santes (1 ) , l’effort (2) écarté, déchaînera les multitudes
de ses (lèches dans le corps des rois. 1 ,830.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé la
guerre, alors qu’il verra ce héros consommé dans les
armes, rouler çà et là, debout sur son char, au milieu de
ce grand danger bouillonnant, et parcourir tous les points
de l’espace. 1,837.
» Le fougueux Sahadéva à la main prompte, à la grande
force, habile, véridique, observateur de la pudeur et doué
de toutes les vertus, marchant sur le fils de Gândhàrl,
décochera ses traits sur les armées au milieu de ce combat
tumultueux. 1,838.
(1 — 2) Tou.» les dictionnaires, compris celui même de Bôthüngk et Roth,
ne donnent pas le mot udvdluwui; il faut donc recourir à ses racines 5 car
ici la signification ne peut être celle à'udvùhn, mariage; et l’n privatif,
joint à kiiruljana, fait un contrevent.
8
LE MAHA-B1IA1UTA.
%
» Ce grand Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir
engagé cette bataille, alors qu'il verra les héros aux
longues flèches de Droupada, consommés dans les armes,
exercés dans les combats de chars, semblables â des ser-
pents aux poisons mortels. 1 ,830.
h Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé ce
combat, alors qu'Abbimanyou, immolant les héros op-
posés, inondera, comme un nuage, les ennemis de ses
flèches, et, versé dans la pratique des armes, se plon-
gera, tel que Krishna, au milieu de ses bataillons. 1 .840.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé la
guerre, alors qu’il verra ce fils tle Soubhadrâ consommé
dans les armes, enfant, l’image d’Indra, qui a la vigueur
d’un homme, fondre comme la mort sur l'armée des enne-
mis. 1,841.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé
cette guerre, alors que ces jeunes et beaux guerriers, ins-
truits, à la main très-leste, décocheront leurs flèches sur
les fils de Dhritaràshtra, accompagnés de leurs armées.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé
cette guerre, alors que les deux héros Virâta et Droupada
s’avanceront, chacun à la tète d'une armée, et fixeront
les yeux sur les fils de Dhritaràshtra, suivis de leurs
guerriers. 1,842—1,843.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors que Droupada, consommé dans les
armes, debout sur son char, recherchant au milieu du
combat les tètes des jeunes héros, les tranchera de ses
flèches décochées. 1,844.
>. Ce Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé
cette guerre, alors que \ iràla, annonçant la cruauté dans
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OLDYOGA-PAUVA.
0
ses formes, se plongera, accompagné d’üuttara et suivi
de ses Matsyas, dans l’armée ennemie, dont il abattra les
héros. 1,845.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors qu’il verra devant lui ce fils aîné de
Viràta, ce Matsya, accusant la méchanceté dans ses
nobles formes, revêtu de sa cuirasse et monté sur son
char pour la cause des Pàndouides. 1,840.
» Quand Çikhandi aura tué dans la bataille le vertueux
(ils de Çàntanou, le plus excellent des Kourouides, jamais
nos ennemis ne tiendraient devant nous, je te dis cette
vérité indubitable. 1,847.
» Ce Dliritarâshlride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors que, rassemblant les guerriers, qui
combattent sur des chars, Çikhandi, arrivé sur Bhtshma
avec son chariot, broiera des multitudes de chars avec les
chevaux divins, attelés à son timon. 1,848.
» Ce Dhritarâshtride, il s’affligera, alors qu'il verra
au premier rang de l’armée des Srindjayas le bridant
Dhrishtadyoumna, à qui le sage Drona fit la grâce de révéler
un astra secret. 1,849.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors que Çatrousaha, le général des armées
à la vigueur sans mesure, accablant de ses (lèches les
ennemis, enfants île Dhritarâshtra, affrontera Drona dans
la bataille. 1 ,850.
» Les autres ennemis ne pourraient jamais supporter
ceux, qui auraient pour chef ce lion de Vrishni, le pre-
mier des Somakas, sage, fort, intelligent, fortuné et rem-
pli d’âme. 1,851.
» Fais entendre ces mots : « Ne choisis pas dans ce
10
US M AH A-BH Ail ATA.
monde un associé pour la guerre. Nous choisissons Sa-
tvalti, le petit-fils de (fini, monté sur son char, héros &
la grande force, intrépide et consommé dans le métier
des armes. 1,852,
» Le petit-fils de Çini est un héros, qui connaît les
astras supérieurs, de qui les armes ont la taille d'un
palmier, qui est sans crainte, guerrier habile, sans égal
dans les combats, qui a une large poitrine et de longs
bras, qui est l’immolateur des ennemis. 1,853.
» O Dhritarâshtride, il se repentira d'avoir engagé
cette guerre, alors que le monarque des Çivis, dont je
parle, inondera les ennemis de ses flèches, comme un
nuage, et que, destructeur des ennemis, il ensevelira
sous ses traits tous les chefs de guerre ; 185A.
» Que le magnanime à l’arc solide, aux longs bras,
prendra son assiette au moment de combattre, et que
les ennemis déploieront leurs efforts contre lui sur le
front de la bataille, comme des taureaux, qui ont senti
les fumées d’un lion. 1,855.
» Adroit, à la main rapide, habile dans l’astra, ce ma-
gnanime à l’arc solide, aux longs bras, fendra les mon-
tagnes et enchaînera tous les mondes, comme le soleil,
qui, placé dans les deux, brille de tous les côtés. 1,85(5.
» L'union dans l’astra du lion de Vrishni, le rejeton
d’ Vadou, estconsidérable, vertueuse, délicate, admirable;
cette union est conforme à la régie, assure-t-on. Le Sa-
lyakide est doué de toutes les vertus. 1,857.
» Ce stupide Dhritarâshtride à l'âme méchante, il
s'affligera, alors qu’il verra sur le champ de bataille ce char
fait d'or, attelé de quatre blancs coursiers, conduits par
le Satyakide, meurtrier de l’Asoura Madhou. 1,858.
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OU D YOG A-PA K V A.
11
» Cet insensé à l'âme méchante, il s'affligera, alors qu'il
verra, docile à mes ordres, ce char, lumineux comme
les pierreries et l’or, attelé de quatre chevaux blancs,
ombragé d’un singe pour étendard, voler, portant Kéçava
lui-même. 1,859.
n Cet homme à l'âme insensée, il entendra le grand
son, pareil au fracas de la foudre, bruit terrible, éclos à la
surface de ma corde, quand je tirerai le Gàndiva dans
cette vaste bataille. 1,800.
» Environné de ses mauvais compagnons, le fils insensé
de Uhritaràshtra à l’intelligence bornée sera consumé
de chagrin dans ce combat, quand il verra son armée se
briser à la tête du champ de bataille, comme un trou-
peau, dans l'obscurité d'une pluie de flèches. 1,861.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d'avoir engagé
cette guerre, alors qu’il verra sortir comme du nuage
ces flèches, semblables à des étincelles de feu, qui jail-
lissent des éclairs, et que, vomies par la corde de l'arc, ou
lancées par Gàndiva, cette multitude bien empennée, bien
effrayante, aux formes épouvantables, tuant des milliers
d’hommes dans les bataillons des euuemis, coupant les
os, tranchant les articulations, tombera avec ses tran-
chants acérés, enlevant les chevaux, les éléphants et les
soldats, revêtus de leurs cuirasses. 1 ,862 — 1 ,863.
a Ce Dhritaràshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors qu’il verra, l’insensé! mes dards lancés,
mes flèches abattre les ennemis, blesser en travers, forcer
mes adversaires à tourner le dos. l,S6/j.
» Ce Dhritaràshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors que les traits; décochés par mon
bras, abattront les tètes des jeunes gens, comme les
12
Lh MAHA-BH \R VTA.
oiseaux coupent les fruits de la cime d’un arbre. 1,865.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, aloi'3 qu'il verra, tombant de leurs chars,
précipités de leurs grands éléphants, les cavaliers, les
vaillants guerriers, immolés par les (lèches et renversés
sur le champ de bataille. 1,806.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, alors qu'il verra la route suivie par la flèche
de l’ennemi et périssants de tous côtés les enfants de
Dhritaràshtra, sans qu’ils aient atteint leur but, sans qu'ils
aient accompli l’œuvre du combat. 1,867.
» Cet homme à l'âme insensée, il sera consumé de cha-
grin, quand, dispersant mes dards, j’écarterai les ennemis
sous des pluies de traits flamboyants, les escadrons de
chars, les bataillons de fantassins, étendus de tous côtés,
la bouche ouverte comme la mort. 1,868.
» Cet insensé, il sera ensuite consumé de chagrin,
quand il aura vu son armée jetée dans le trouble, mutilée
par leGândiva, renversée dans la poussière sous les roues
du char courant à tous les points de l’espace. 1,869.
» Douryodhana verra toute son armée, privée de con-
naissance, les membres coupés, mise en fuite, ses cour-
siers, ses principaux héros, ses rois immolés, haletante
de soif, tourmentée par la soif et tremblante comme la
feuille. 1,870.
» Cet insensé, il s'affligera, quand il verra, comme
une chose entrée dans l’affaire du Créateur, les bataillons
des rois frappés avec des cris de détresse, étendus morts,
les cheveux épars et les membres abandonnés. 1,871.
» Ce Dhritarâshtride, il se repentira d’avoir engagé
cette guerre, quand il verra le môme char réunir le Gàn-
Diglttze
OUDYOGA-PARVA.
13
diva, le Vasoudévide, la céleste conque Prândjanya, les
coursiers divins , les deux carquois impérissables, Déva-
dattaetwoi! 1,872.
» Ce Dhritaràshtride et son fils, ils seront dévorés de
chagrin, quand, détruisant les troupes rassemblées des
brigands et créant un nouvel âge à la fin d'un âge ter-
miné, je brûlerai tous les Kourouides comme le feu.
» Ce Dhritaràshtride insensé, il s'affligera ensuite,
frappé au bout de son orgueil, tremblant, déchu de son
empire, esclave de la colère, avec ses serviteurs, avec son
alliée, avec ses frères. 1,873. — 1,874.
» lin jour, à la fin de ma prière, un matin, la cérémo-
nie de l'eau terminée, un brahme me dit un oracle char-
mant : « 11 te faudra, fils de Prithà, exécuter une chose
difficile; une guerre est à soutenir par toi, Ambidextre,
avec les ennemis. 1,875;
■i Choisis ! Ou Indra aux coursiers fauves, le Dieu, qui
tient la foudre, marchera devant toi et tuera les ennemis
dans le combat ; ou Krishna, le fils de Vasoudéva, proté-
gera tes derrières avec son char attelé de Sougrlva. »
u Je choisis pour allié dans cette guerre le Vasoudé-
vidc au lieu du grand Indra, sa foudre à la main : ce son t
les Dieux, je pense, qui m’ont inspiré ce choix d’Indra
pour la mort des brigands. 1,876 — 1,877.
» Quiconque désire vaincre en bataille, Krishna, le fil
de Vasoudéva, ce héros valeureux, qui surpasse tous les
héros, veut franchir l'Océan, ce dépôt incommensurable
des eaux, à la seule force du bras ! 1,878.
b 11 veut fendre avec la paume de la main une mon-
tagne, le mont Çwéta, par exemple, élevé au-dessus de
toutes les hauteurs. Mais il se brisera la main avec ses
là
LE MAIIA-BHARATA.
ongles et ne fera pas la moindre blessure à la montagne.
» Quiconque désire vaincre en bataille le Vasoudévide,
entreprend d'éteindre le feu allumé, d’arrêter avec ses
bras le soleil et la lune, d'enlever de force l’ambroisie aux
Immortels! 1,879 — 1,880.
» Ce magnanime, après qu’il eût immolé avec violence,
au moyen d’un seul char, les rois Bhodjas dans le combat,
se maria avec Roukminl, épouse flamboyante de renom-
mée, au sein de qui il engendra les Raâukminéyas.
» Il broya par sa fougue les Gândhàras ; il vainquit
tous les lils de Magnadjit; il délivra Soudarçana, le dra-
peau des Dieux, qui était enchaîné et à qui la violence ar-
rachait des cris. 1,881 — 1,882.
» 11 écrasa Pândya sous le poids d’une porte; il délit
les Kalingas à Dantakoûra ; et, brûlée par ses mains, la
ville de Vàrànasl, resta sans maître des multitudes d’an-
nées. 1,883.
» En vain pensait -on que les autres ne pouvaient
triompher dans les combats du roi des Nishâdas, nommé
Ékalavya. Djambha, qui avait tué Çalla avec une sorte de
fougue, gît it cette heure sans vie, immolé par Krishna.
» Secondé par Baladéva, il abattit le fils très-vicieux
d'Ougraséna, venu au milieu des Vrishnides et des An-
dhakas, lui, qui osait paraître dans l’assemblée, et, ce tyran
tué, il donna son royaume à Ougraséna. 1,881 — 1,886.
» Il attaqua le roi de Çalva, formidable par la magie,
Saâubha, qui se tenait dans l’air. A la porte de Saâubba,
il reçut la çataghnl entre ses bras. Qui des mortels aurait
pu le soutenir ? 1,886.
<> 11 était une forteresse supérieure , terrible, intolé-
rable aux Asouras, nommée Prâgdyotisha : c’est là que
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OUDYOGA-l’AUVA.
la
Naraka à la grande puissance, habitant au sein de la
terre, enleva une paire étincelante de boucles d'oreilles en
pierreries à Aditi. 1,887.
j Quoique sans crainte de la mort dans un combat, les
Dieux, réunis avec Qakra, ne purent le maîtriser. A l'as-
pect du courage, de la force et de l’astra irrésistible de
Kéçava, reconnaissant la nature de ce Dieu, ils excitèrent
Krishna à la mort de ce brigand. Le Yasoudévide, qui
jouissait de l’empire sur les facultés surnaturelles, pro-
mit d’exécuter cette difficile affaire. 1,888 — 1,889.
» Après qu'il eut tué six mille de ses ennemis dans sa
délivrance, qu’il eut coupé des cordes, tranchantes comme
le rasoir, qu'il eut immolé Moura, qu'il eut abattu un
grand nombre de ltakshasas , le héros de parvenir à la
délivrance. 1,890.
» LA même, fut livré le combat de ce héros à la force
immense avec le demi-Dieu Vishnou à l'incomparable
vigueur; mais Krishna lui lit mordre la poussière, et,
tel qu’un karnikara brisé par le vent, il gtt, étendu sans
vie. 1,891.
» Après qu’il eut enlevé ses pendeloques de pierre-
ries, tué l’infernal Naraka et Moura, le sage Krishna,
couronné par la fortune et la renommée, s’en revint, en-
vironné d’une puissance incomparable. 1,892.
» Témoins du grand exploit, qu'il avait exécuté dans
ce combat, les Dieux le comblèrent de grâces : « La fatigue
te sera inconnue dans tes batailles, lui dirent-ils ; et tu
pourras marcher dans l’air et dans les eaux. 1 893.
i Les flèches n’entreront pas dans ton corps et tes dé-
sirs, Krishna, seront toujours accomplis. » Le Vasoudé-
vide , orné d’une telle beauté , ù la profondeur sans
1« LE MAHA-BUA11ATA.
mesure, à la puissante vigueur, posséda toujours la per-
fection des qualités. 1,894.
» Ce Dhritaràshtride , il espère vaincre cet insoute •
nable Vishnou à la vigueur infinie ; sans cesse, il pense à
lui, et cette vue donne au méchant la force de nous sup-
porter. 1,895.
» 11 regarde comme imminente une rixe violente de
Krishna et de moi ; mais, une fois mis le pied dans la
guerre, il saura qu’il est impossible d’enlever l’individua-
lité aux Pândouides. 1,896.
» Ayant rendu mes hommages au prince issu de Çân-
tanou, à Drona et son fils, au Çaradvatide, je combattrai
sans hostilité par l'envie de reconquérir mon royaume.
» Je regarde comme convenable, donnée avec justice,
la mort du scélérat, qui fera la guerre aux fils de Pâudou.
Des cruels ont gagné avec tricherie douze années il ces
fils de roi ! 1,897 — 1,898.
» On leur fit, durant un long temps, une habitation
pleine de souffrances dans les forêts ; ils durent vivre en-
suite inconnus une seule année. Pourquoi, usurpateurs de
leur place, les enfants de Dhritaràshtra se réjouiraient-
ils de la vie des Pândouides ? 1 ,899.
» Si, aidés par les Dieux, Indra à leur tête, ils rem-
portaient sur nous la victoire dans ce combat , le vice
marcherait plus fort que la vertu et, en vérité! il n'y
aurait plus de bonne action sur lu terre. 1,900.
» S’il ne croit pas que cet homme, moi! je suis lié à
mon affaire; s’il ne croit pas que nous l'emportons sur
lui , j’espère , secondé par le Vasoudévide , immoler
Douryodhana et tout ce qui lui est attaché. 1,901.
» Cette action sera-t-elle stérile? Ou cette affaire pro-
fBÿGoogle
ouüyoga-pakva.
17
diiira-t-elle un fruit? Après que j’ai fixé les yeux sur
l'une et l’autre de ces questions, je décide que la défaite
du Dhritaràshtride est, sans doute, une bonne chose.
» Je le dis en présence de vous, princes de Kourou ! Si
les Dlirilaràshtrides combattent, ils cessent de vivre! Sont-
ils en des dispositions autres que le combat, un certain
reste échappe ici à la mort des batailles. 1,902 — 1.903,
« Quand j’aurai tué les fils de Dhritaràshtra et Karna
avec eux, je recouvrerai tout mon royaume aux mains
des Kourouides. Faites donc ce que vous avez à faire, en
sorte que vous alliez aux jouissances de vous-méines et
aux embrassements de vos tendres épouses. « l,90â.
» Et nous aussi, n’avons-nous pas des brahmes âgés,
d’une grande instruction, d’un bon caractère, d’une sainte
famille, versés dans l'observation des années, attentifs â
l’horoscope, et qui savent les prognoslics de la conjonc-
tion des astérismes? 1,905,
» Nous avons les astrologues, qui embrassent le cercle
des recherches, les enquêtes célestes, les arcanes mul-
tiples associés au Destin : ils annoncent une grande dé-
faite au Srindjayas-Kourous et la victoire des Pândouides.
» Ce lion de Vrishni , qui a la science visible ,
Djanârddhana voit, il n'y a nul doute, quelle est la pen-
sée d'Adjàtaçatrou aux affaires accomplies sur la répres-
sion de nous, ses ennemis. 1,906—1,907.
» Et moi, certes ! je vois aussi, sans négligence avec
le regard de mon intelligence les formes de l’avenir : ma
vieille vue n’est pas troublée ; les fils de Dhritaràshtra,
s’ils combattent, ont cessé d’être. 1 ,908.
» L'arc Gândlva saisi bâille, la corde intacte de l’arc
tremble à mes oreilles ; sorties de la bouche du carquois,
vt 2
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18
i.h HA1IA-BIIARATA.
les flèches désirent avec impatience voler çà et là. 1 ,009.
» Le cimeterre étincelant sort de son fourreau comme
un serpent, qui abandonne sa vieille peau. On entend
dans le drapeau dos paroles aux formes terribles. Quand
le char, Kiritl, coin battra- t-il contre toi ? 1,010.
» Des gazelles, des chacals en troupes glapissent dans
la nuit; desRakshasas tombent du ciel, des gallinules, des
corbeaux, des vautours, des hérons et des hyènes, à la vue
du char attelé de chevaux blancs, volent sur ses traces,
portés sur leurs brillantes ailes. Seul, faisant pleuvoir une
averse de flèches, je précipiterai dans le monde des morts
tous ces princes guerriers; 1,911—1,912.
« M’emparant de chaque route des flèches, comme le
feu allumé dans la saison chaude s'empare d'une forêt!
Décochant d’une main ferme les grands astras, le Slhoû-
nàkarna, le Pâçoupata, le Brahmique et l'astra, que je
dois à Indra, je n’épargnerai pas sous mes dards rapides
une poignée de peuple. Ainsi j’obtiendrai la paix : voilà
ma disposition d'esprit ferme, avant tout conçue! » Parle
de cette manière à ces princes, fils de Gavalgana.
1,913 — 1,914.
» Le Dhitaràshtride pense, dans le délire, qui aveugle
ses yeux, soutenir une guerre violente avec le secours de
ces hommes, qui seront vaincus, eussent-ils obtenu l’aide
de tous les Dieux, Indra même à leur tête! 1,015.
» Que le fils de (jântanou, le vieux Bhlshma, que Drona
et son fils, que Rripa et le sage Vidoura, que tous ceux,
qui disent : « Puissions-nous jouir de la paix! » que tous
ces Rourouides goûtent les charmes d’une longue vie! «
Valçampàyana reprit, en continuant à raconter :
Bhlshma, de qui Qântanou fut le père, tint, au milieu
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OCDYOG A-PA IV VA.
1»
de tous les monarques rassemblés, Bharalide, ce langage
à Donryodhana : 1,916—1,917.
« Brahma était environné de Vriliaspati et d'Ouçanas,
de Maroute et Mahéndra, des Vasnus avec Agni. 1,918.
» Les Aditvas, les Siddhas et les sept llishis, habitants
du ciel, le Gandharva, Viçvavasou et les chœurs des sé-
duisantes A psaras ; 1,919.
» Tout ces hétes des palais du ciel présentent à
Brahma leurs adorations , s’avancent vers le vieil an-
cêtre du inonde, environnent le maître de l’univers, et
s'assoient sur des sièges inférieurs. 1,920.
» Les deux saintes personnes, Nara et Nârâyana, ces
Dieux primitifs, s'abstinrent de lui rendre ces hom-
mages, enlevant aux autres Dieux , pour ainsi dire, l'âme
et la splendeur avec leur puissance. 1,921.
« Qui sont ces deux, demanda Vrihaspati à Brahma,
par qui ta divinité n’est pas honorée? Pis-nous-le, aïeul
des mondes. » 1,922.
« Ces deux ascètes à la grande force, splendides, flam-
boyants, répondit Braluna, qui ont traversé ce qui est
pénétrable, qui illuminent le ciel et la terre, 1,923.
» Ce sont Nara et Nârâyana, à la grande âme, à la vi-
goureuse énergie, puissants par leur pénitence. Ils sont
montés dans le monde, qui est au-dessus du monde.
» Ce double être à la grande science, s’étant partagé
en deux, a réjoui le monde par son œuvre ; sache, brahme,
que le Gandharva et le Dieu honorent ces deux héros,
pour la mort des Asouras. » 1,924 — 1,925.
Çakra, avec tous les chœurs des Dieux, Vrihaspati
marchant à leur tête, se rendit au lieu où ces deux
associés cultivaient la pénitence. 1,926.
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20
LE .MAHA-ItllAK VT
Alors, le péril était né pour les habitants du ciel, dans
la guerre entre les Asouras et les Dieux ; il demanda une
grâce à ces magnanimes, Nara et Nàràyana. 1,927.
« Choisis-la! » répondirent-ils. Le Dieu reprit, ô le
plus vertueux des Bharalides : « Que notre salut soit
assuré. » 1,928.
u Nous ferons ce que lu désires, » dit le couple im-
mortel. Et (Jakra vainquit, aidé par eux, les enfants de
Diti et de Danou. 1 ,929.
Après qu’il eut immolé dans le combat d'Indra les
ennemis, le vaillant Nara fit mordre la poussière à des
centaines et des milliers de Paàulomas et de Kàla-
kandjas. 1,930.
Debout sur son char lancé, il enleva, avec une flèche
en demi-lune, la tête à Djambha , qui dévorait Arjouna
dans la bataille. 1,931.
Ce fut celui-ci qui, sur le rivage ultérieur de la nier, a
brisé la ville d’or, qui a défait soixante mille Nivâtaka-
vatchas dans le combat. 1,932.
« Dès qu’il eut vaincu les Dieux avec Indra, Arjouna
aux longs bras, le conquérant des cités ennemies, rassasia
la faim d’Agni. 1,933.
» Nàràyana , en ces lieux , immola un plus grand
nombre d’autres êtres. Contemplez ces deux puissantes
forces ainsi rassemblées. i,98â.
» Arjouna et le Vasoudévide sont deux héros vaillants
réunis; ce sont, raconte l’histoire, les célestes Nara et
Nàràyana, ces Dieux primitifs. 1,935.
» Ils sont invisibles dans le monde des hommes aux
Démons et aux Dieux, fussent-ils commandés par Indra.
Nàràyana est appelé Krishna; Nara est dit Phàlgouna.
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OU DYOG A-PAH V.\.
21
» Nara et Nàrâyana n’ont qu’une seule âme, partagée
en deux; ils jouissent, grâce à leurs œuvres, des mondes
éternels, impérissables. 1,936 — 1,937.
» Au temps des guerres, ils naissent, l’un et l’autre,
çà et lâ. 11 faut donc, a dit Nârada, que se fasse dont ils
sont occupés. 1,938.
» I.e brabme de l’armée desVrishnides a dit toutes ces
paroles : <• Quand tu verras Kéçava, tenant à la main
sa conque, sa massue, son disque de guerre, et Arjouna,
le terrible archer, dispersant ses flèches; quand tu verras
ces deux Krishnas magnanimes, immortels, placés en-
semble sur un seul char, 1,939 — 1,940.
» Alors, Douryodhana, tu te souviendras, mon fils, de
ma parole, à moins que la mort ne menace ici les enfants
de Kourou. 1,941.
» Ton âme est-elle, mon fils, offusquée par l’intérêt
et séparée de la vertu'.' Si tu ne reçois pas ma parole,
tu apprendras qu’une foule d’hommes est descendue au
tombeau. 1,942.
o Tous les Kou roubles obéissent à ton opinion; mais
tu obéis, toi seul, à l’opinion de trois personnes : 1,943.
» harna, ce vil adopté du cocher, éminent Bharatide,
qui fut maudit par Balarâma, Çakouni, le fils de Soubala,
et Douççàsana, ton vil et coupable frère. » 1,944 — 1,945.
u La parole, que tu as jetée ici à mon adresse, mon
aïeul, répondit Karna, n'aurait pas été dite ainsi par un
vieillard. Je me tiens dans le devoir du kshatrya, et je
ne me suis point écarté de mon devoir. 1,946.
« Les Dhritarâshtrides ne connaissent , nulle part,
aucune faute à me reprocher. Quelle autre chose mé-
chante trouves-tu à blâmer en moi? 1,947.
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22
LK MAHA-BHAKATA.
» Continuellement dévoué au fils de Dhritaràsbtra, je
u'ai jamais commis de péché à son égard. Certes! je ferai
mordre la poussière à tous les Pàndouides, qui aborderont
le champ de bataille! 1
» Comment un homme de cœur, qui en fut empêché
une fois, voudrait-il faire la même chose? Mais je ferai
toujours tout ce qui est agréable au fils de Uhrita-
râshtra : J ,949.
» Moi et quiconque veille attentif au royaume de I)ou-
ryodhana même. » 1 ,1)50,
A peine eut-il entendu ce langage de Karna, Rhtshma,
le fils de Çântanou, adressant la parole au grand roi
Dhritaràshlra, lui parla en ces termes : 1 ,1)51.
« 11 se vante saus cesse : « Je tuerai, dit-il, les Gis de
Pàudou; » tuais cet homme ne parvient pas même à la
seizième partie des magnanimes Pàndouides! 1,952.
» Ce fut le mauvais destin de les vicieux Gis, qui
amena vers eux ce fils pervers du cocher. Sache que se
cailler, c'est là son affaire. 1,953.
» Appuyé sur lui, ton fils à i'âmc stupide, Souyo-
dhana, a méprisé ces héros, dompteurs des ennemis et
fils des Dieux.. 1 ,954.
» Quel exploit si difficile cet homme a-t-il accompli
avant, comme les actions, que tous las Pàndouides ont
exécutées jadis individuellement. 1,955.
» Quand il vit Dhauandjayu immoler dans l'armée (1)
de Virât» son frère chéri, par quelle prouesse a-t-il
montré son courage ? 1 ,950.
» Affrontant tous les Kourouides rassemblés, Dbanan-
(I) l.illéraleinenl : dans lu ville.
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OUDYOGA-PVUVA.
23
djaya les broya ; il en fit la moisson. Pourquoi fut-il con-
traint de mettre son habitation en pays étranger ? 1 ,957.
» Quand ton (ils 5 Ghoshayàtrà fut enlevé par les Gan-
dharvas, où se trouvait alors ce fils de cocher, qui montre
aujourd'hui l'orgueil d’un taureau? 1,958.
» lit, sans doute, c’est avec Bhlmaséna, c'est avec le
magnanime fils de Prithû que lef’ combat fut engagé,
et les Gandhnrvas furent défaits par ces deux Yatnas !
» Ges paroles vaines, éminent Bharatide, tombent de la
bouche d’un homme, plein de jactance, Brahma te soit
en aide ! et qui a toujours déserté le juste et l’utile. »
1,959—1,960.
» A ces mots de Bhtshma, le Bharadwâdjide, 5 la
grande âme, rendit hommage au monarque et lui adressa
ce langage au milieu des rois : 1,961.
« Que l’on exécute, sire, la chose, que vient de nous
dire Bhishma, le plus vertueux des kourouides. Ne veuille
pas faire de bon cœur la parole des hommes, que pousse
le désir des richesses, 1 ,962.
» Je pense qu’une amitié avec les Pàndouides est préfé-
rable .aux combats; parole, qui fut dite jadis parArjouna
et que Sandjaya nous a rapportée. 1,963.
» Ce P&ndouide fera tout cela, je le sais, car il n’est
pas dans les trois mondes un être, qui tienne l’arc, égal à
lui. » 1.964.
Mais, sans tenir compte de ces paroles, pleines de
sens, qu’avait prononcées Bhishma et Drona, le mo-
narque interrogea Sandjaya sur les fils de Pàndou.
Tous les kourouides alors perdirent l'espérance de la
vie, quand le roi n’eut pas adressé une parole convenable
à Bhishma et h Drona. 1,905—1,906.
LE MAHA-BHA1UTA.
2 h
«Qu'est-ce qu’a dit ce roi Pàndouide, fils d’Yauia?
demanda-t-il. Que ces nombreuses années l'entendent ,
elles sont rassemblées pour partager notre joie. 1 ,9(17.
» Par quels efforts, cocher, Youdhishthira se prépare-
t-il aux combats? Qui de ses lils et de ses frères tiennent
leurs yeux attachés sur son visage dans l’attente de ses
ordres? 1,9(18.
» Quels hommes le retiennent des combats, ou lui
disent : « Cal me- toi !» à ce prince irrité de la tricherie,
qu’il a subie de ces gens stupides, lui, qui sait le devoir
et qui marche dans le sentier du devoir ? » -1,989.
« Les Pàntchàlaius avec les Pàndouides, répondit
Sandjaya, tiennent leurs yeux fixés sur le visage du roi
Youdhishthira, qui, s’il te plaît, donne ses ordres à
tous. 1 ,970.
» Partagés en deux rangs, une foule de chars des
Pàutchâlains et des Pàndouides, saluent à son arrivée le
lils de bouilli, Youdhishthira. 1,971.
» Tel que le soleil qui monte au sein du ciel, les Pàn-
tchàlains accueillent avec des applaudissements redoublés
le lils de bouilli, à lu splendeur enDamuiée, cl qui
semble une niasse de lumière, éclatante au milieu des
airs. 1,972.
» Les Agopàlas et les Vipâlas, les Pàntchàlaius, les
Kékayains et les JUatsyas, réjouissant le cœur d’You-
dhislithira, saluent ce fils de Tandon de leurs acclama-
tions répétées. 1,973.
» Des liràhmaiils, des filles de rois, des vaiçyas et
leurs filles viennent de compagnie, en se jouant, admirer
le fils de Prilhà revêtu de ses armes. » 1 ,97/i.
« Parle-moi, Sandjaya, (les guerriers de Dhrishta-
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OUDYOGA-PARVA.
25
dyounma, fit Dhritaràshtra, et de l’armée des Sonmkas,
avec laquelle nous attaquèrent les fils de Pàndou. n
A cette question faite dans la cour, dans l’assemblée
des Kourouides, le Gavalganide poussa de longs et très-
nombreux soupirs, il y pensa mainte et mainte fois.
1,975—1,976.
Alors, fatalement, sans cause, le cocber tomba dans
la perte des sens, et Vidoura de parler ainsi dans l’assem-
blée des enfants de Kcurou, en pleine cour : 1,977.
« Voici Sandjaya, grand roi, qui est tombé évanoui
sur la terre. I.a connaissance échappée, l’âme à peine
retenue, il ne peut articuler une seule parole. » 1,978.
o Sandjaya, reprit Dhritaràshtra, a vu sans doute les
héros, fils de Kountl, et son àuie est encore toute émue
sous la peur de ces tigres des hommes. » 1,979.
Sandjaya revint à la connaissance, il recouvra l’esprit,
et parla en ces termes à Dhritaràshtra, le grand roi, au
milieu de sa cour, dans l’assemblée des fils de Kourou :
« J’ai vu, Indra des rois, les héros enfants de Kountl,
écartés de leur patrie et confinés dans l'habitation d’un
palais du roi des Matsyas. 1,980- 1,981.
» Ecoute par qui les Pandouides ont attaqué, grand
roi. Ils vous ont attaqués par le vaillant Dhrishtadynumna
dans le champ de bataille. 1,982.
» Que l’homme vertueux n’abandonne jamais la vérité,
ni par la colère, ni par la crainte, ni par cupidité, ni à
cause des richesses, ni par controverse. 1,983.
» Les Pàndouides vous ont attaqués, grand roi, par
Adjâtaçatrou, qui est une autorité dans le devoir et le
plus vertueux des hommes, qui soutiennent la vertu.
» Habile archer, il n’existe pas sur la terre un seul
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26
LE MAHA-BHA1UTA.
anlagouistc égal à la force de ses bras ; c'est lui, <|ui
soumit tous les rois du globe à sa puissance.
l,98â— 1,985.
» Les Pàndouides vous ont attaqués par Bhimaséna,
qui vainquit en bataille les kaiingas, les Magadhains, les
Vangas et les habitants de Kaçl. 1,986.
» Grâce à son énergie, quatre hommes sur la terre
furent promptement sauvés de la maison de laque et arra-
chés aux dents de l’anthropophage Hidimba 1 1,987.
» Vrikaudara, le fils de Kountl, fut leur ile de salut;
et, quand le roi de Siudhou enleva Vajuaséni, c'est le (ils
de Prilhà, Ventre-de-loup, qui fut encore leur Ile de salut.
Ce fut lui, qui sauva tous les Pàndouides, qui brûlaient,
rassemblés dans V&ranàvatâ. Ils vous ont attaqués par
ce héros, voué à l'amour de krishnâ, et qui, entré dans
le uiont Gaudhauiàdaua, inégal, épouvantable, immola
ses habitants tombés sous le pouvoir de la colère. Les
Pàndouides vous ont attaqués par ce Bhlmaséna, de qui
la force, semblable it celle d’une myriade de serpents,
consistait dans la force du bras. Le Feu est allé, pour
satisfaire à sa faim, s'associer avec Krishna,
■1 ,988— 1 ,989— 1 ,990— 1 ,991—1 ,992.
» Ce héros, qui jadis vainquit daus un combat le Bri-
seur-de-villes, qui jadis satisfit par une bataille Mahà-
déva en personne, ce Dieu des Dieux, Girlça, l’époux
d’Ouiuà, le Dieu, qui tient dans sa main un trident. I.es
fils de Pàndou vous ont attaqués dans un champ de ba-
taille par ce Vidjaya, le sagittaire, qui lit plier tous les
rois sous sa puissance, qui courba sous son pouvoir la
région occidentale, habitée par des peuples de Mlétchhas.
1 , 993—1 ,994—1 ,995.
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OU D YOGA-PAU VA.
27
» Dans cette guerre se tenait de pied ferme Nakoula,
l'héroïque combattant. Ils vous ontattaqués, kourouides,
parce fils de Midrl, héros admirable à voir, armé d'un
arc supérieur, qui vainquit en batailie les kaliugas, les
ilagadhains, l.s Augas erles habitants de Kaçl.
1,096— 1,997.
u Les Pândouides vous ont attaqués avec Sahadéva,
qui voit sur la terre quatre hommes seulement égaux à
son courage : 1,998.
» Açvatthàman, Dhrishtakétou, Roukmi et Pra-
dyoumna ! Vous avez soutenu, sire, un combat très-des-
tructeur contre ce Sahadéva, 1,099.
d Ce fils cher à .Madri, ce tout jeune héros des
hommes, qui jadis, étant une vierge de kaçl, accomplit
une pénitence épouvantable. 2,000.
» Descendue même au tombeau, désirant toujours la
mort de Bliishuia, éminent Bharatide, fille du roi des
Pântchâlains, elle renaquit homme par la volonté du
Destin. 2,001.
» Ce tigre des mortels, à qui ne sont pas inconnus
les vices et les vertus de l'homme et de la femme,
prince invincible des Pântchâlains, s'en est allé chez les
kaliugas. 2,002.
» 11$ vous ont attaqués, enfants de kourou, avec
Çikhandi, consommé dans les armes. Les Pândouides vous
ont attaqués avec ce terrible héros, qu’un Yaksha, de
jeune fille, changea en homme par le désir de la mort
de Bliishuia. C’est par eux que les cinq frères Rékayains,
vaillants archers, fils de roi, héros, qui ont revêtu la cui-
rasse, vous ont encore insultés. La guerre vous fut Jivrée
parlehérosdes Vrislniides, Youyoudh&na, ferme, aux longs
28
LE MAHV-BHAIUTA.
bras, aux prompts astras, au courage infaillible. Vous
vous rencontrerez sur le champ de bataille avecce Virâta,
qui dans un temps fut l'asile des magnanimes Pândouides.
ils vous ont attaqués avec le héros, qui, dans Vftrâna- ,,
vasl, était le roi de Karl et qui fut leur combattant. Les
Pândouides vous ont attaqués avec les magnanimes en-
fants du roi Droupada, invincibles dans les batailles et
de qui l'attouchement est mortel comme celui des ser-
pents. Les Pândouides vous ont attaqués dans un combat
avec cet Abhimanyou, égal en courage à Krishna, ton
père, égal en répression des sens à Youdhishthira, ton
oncle. Les Pândouides vous ont attaqués par ce Dhrish-
takétou, le fils irrité de Çiçoupâla, héros insoutenable
dans une bataille, à la haute renommée, et qui est même
incomparable en vaillance. (De la sionre 2,003 jutqu’à la
stance 2,011.)
» Environné d’une armée complète, il est venu se
joindre aux fils de Pàndou. Ils vous ont attaqués par le
Vasoudévide, qui est l’asile des Pândouides, comme Indra
est celui des Dieux. Ils vous ont attaqués, éminent Bliara-
tide, avec ces deux héros, Çarabha, le frère du souverain
de Tchédi, et Karakarsha, joint à lui. Sahadéva le
Djàrâsandhide et Djayatséna, deux 2,012-2,013-2,014.
» Héros, sans rivaux dans le combat des chars, ont em-
brassé le parti des fils de Pàndou. Droupada à la grande
splendeur, environné d’une nombreuse armée, 2,015.
o Résolu d’abandonner sa vie pour les Pândouides, se
tient prêt à combattre. Ces rois et d'autres monarques
sont en grand nombre, par centaines, de l’orient et du
nord,, et Dharmaràdja, appuyé sur eux, résiste de pied
ferme. » 2,010 — 2,017.
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OLDYOGA-PARVA.
29
« Tous ces rois, que tu viens de nommer, répondit
Dhritarâshtra, sont capables d'un grand effort ; d’un côté,
sont tous ces princes rassemblés, et de l’autre est Rhlma
seul. 2,018.
» Bhtmaséna, irrité, furieux, m’inspire une crainte
encore plus vive que tous ces rois' : de môme est saisi de
peur un grand daim à la vue d’un tigre. 2,019.
» Poussant de longs et brûlants soupirs, la crainte de
Vrikaudara me réveille toutes les nuits, comme le sou-
venir d’un lion tient éveillé une .autre espèce de bé-
tail. 2,020.
» Je ne vois pas dans cette armée un homme capable de
supporter dans un combat ce héros aux longs bras, d’une
vigueur égale à celle de Çakra. 2,021.
» L’irascible fds de Prithà et de Pàndou, aux inimitiés
constantes, à la voix de tonnerre, fou île fureur, qui
regarde de travers et ne rit point des plaisanteries, au
grand effort, â la grande fougue, aux longs bras, à la
grande force, immolera dans un combat mes fils insen-
sés. 2,022—2,023.
» Portant sa massue, comme la mort, son bâton à la
main, Ventre-de-loup, le taureau des enfants de Kourou,
les saisira dans la bataille par sa vigoureuse étreinte.
» Je verrai continuellement levé dans ma pensée,
comme le bâton d'un brahme , cette massue de fer,
épouvantable, à huit angles, aux ornements d’or.
2,024—2,025.
» Bhtma se promènera au milieu de mes armées, tel
qu’un lion, de qui la force est nouvellement acquise, se
promènerait au milieu des troupeaux de gazelles. 2,020.
» Ce glouton à la vaillance inhumaine est le principal
30
LK MAHA-BHARATA.
adversaire de tous mes fils : la légèreté est toujours la
compagne du jeune âge! 2,027.
» Mon coeur tremble ; cet homme broiera comme un
éléphant, malgré leur jeunesse, Douryodhana et les
autres, qui m’appartiennent, ses rivaux dans le com-
bat. 2,028.
» Mes fils sont continuellement effrayés de sa vigueur :
Bhîma à la force épouvantable est cause même de leurs
divisions. 2,029.
» Je vois devant mes yeux, pour ainsi dire, Bhîma
rempli de colère, qui dévore dans le combat mes armées
de chevaux, d’éléphants et d’hommes. 2,030.
» Qui pourrait soutenir une bataille avec Bhîma, égal
pour les astras A Drona et Arjouna, égal en légèreté à la
vitesse du vent, égal pour la colère au souverain Sei-
gneur? 2,031.
» Parle-moi, Sandjaya, de la colère du héros Bhîma!
Je regarde comme le plus grand de tous les bonheurs que
mes fils intelligents n’aient pas tous été tués par cet im-
molateur des ennemis, dont la terrible vigueur abattit
jadis les Rakshasas et les Yakshas! 2,032 — 2,033.
» Continent un enfant de Manou supporterait il dans
un combat la fougue de ce guerrier? Jamais, dans son
enfance même, Sandjaya, il ne demeura sous ma puis-
sance : 2,03A.
» A plus forte raison maintenant que mes coupables
fils ont abreuvé de chagrins ce fils de Pândou 1 Un rus-
tique semeur sera excessivement brisé, mais il ne se cour-
bera point. 2,035.
» Comment Vrikaudara au regard de travers, aux
sourcils contractés, éteindrait-il sa colère? Comment ce
OUDYOG V-PAUVA.
31
héros iiTésistible, semblable à un grand palmier, se cour-
berait-il (1)? 2,036.
» La taille de Bhîmaséna surpasse d’une paume celle
d’Arjouna : il dépasse les coursiers en rapidité, il excelle
en vigueur sur les éléphants. 2,037.
Le vigoureux Pândouide, que sa naissance place au
milieu de ses frères, a les yeux' doux et le murmure de
la prière indistinct ! « Ainsi l’ai-je ouï dire jadis, an
temps passé de leur enfance, b. la bouche même de
Vyâsa. 2,038.
» Excellent, en vérité, par ses formes et son courage,
l’irascible fils de Pàndou, le plus brave des combattants,
Bhima, toujours en colère, furieux dans les combats, ren-
versera avec sa valeur cruelle et sous sa massue de fer les
chevaux, les guerriers, les éléphants et les chars.
2,039—2,040.
» Jadis, traité par moi avec mépris, il forcera mes armées
à prendre la fuite. Gomment mes fils supporteront-ils,
ami, sa pesante massue de fer, sans noirceur, toute dorée,
aux beaux lianes, qui tue cent guerriers à la fois avec le
bruit de cent massues? Les insensés, ils auront le désir
de traverser, mon ami, ce défilé, que jettera devant eux
Bhtmaséna, cette mer sans rivage, profonde, sans radeau,
rapide comme les (lèches. Orgueilleux de leur science,
ces enfants n’écoutent pas mes gémissements !
2,041—2,042—2,043.
» Ceux, qui cherchent du miel, ne méprisent pas un
(1) Gaâurn v, que nous dérivons de guru, avec le sens passif) être res-
pectueux, se mettre dons l'attitude du respect, sens, que ne lui <lonne; il
est vrai, aucun de nos dictionnaires.
32
LE MAHA-BHAHATA.
précipice épouvantable, et c'eut pourtant ce qu’ils font,
eux, qui vont engager cette guerre avec la mort sous la
forme d’un homme! 2,044.
» Sans cesse, ils sont poussés par le Destin comme des
gazelles sous la griffe d’un lion. Comment mes lils sup-
porteront-ils, ami, la massue bien attachée, à la force sans
mesure, aux quatre angles, aux six tranchants, lancée par
ce guerrier, qui fait tournoyer l’arme brisant le crâne des
éléphants; 2,045 — 2,040.
n Qui lèche les deux angles de sa bouche, qui répand
à chaque instant des larmes, qui enfante des bruits épou-
vantables par la chute des éléphants ; 2,047.
» Qui se pécipite, comme les proboscidiens enivrés,
résistants à ses coups, qui, se plongeant dans les routes
des chars, fait son but des plus vaillants guerriers et les
immole? 2,048.
» Puisse ma race échapper à ce feu, pour ainsi dire,
flamboyant! S’ouvrant un chemin et dispersant mes
armées, ce guerrier aux longs bras, comme s'il dansait,
la massue à la main, fera voir aux yeux la (in de l'youga.
Tel qu'un éléphant enivré, qui brise les arbres en fleurs,
2,049—2,050.
o Vrikaudara verra dans le combat l’année de mes
fils; il rendra les chars sans guerriers, il rendra sans con-
ducteurs les chevaux et les étendards! 2,051.
Ce héros, le plus éminent des hommes, brisera les guer-
riers montés sur des chevaux, sur des éléphants, sur des
chars, comme le rapide coure de la Gangâ emporte les
arbres divers de ses humides rivages. 2,052.
» II rompra dans la bataille, Sandjaya, les armées de
mes fils! La crainte de Bhlmaséna dispersera sans doute
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OUDA'OGA-PARV A.
33
à tous les points du ciel, Sandjaya, les rois mes serviteurs
et mes fils en proie à la peur : Bhimasèna , par qui, entré
jadis dans le gynœcée et secondé par le Vasoudévide ,
fut abattu le roi Djarâsandha à la grande vigueur! Cette
immense terre brûlait entièrement dans le feu du puissant
roi de Magadha, de f harbile Djaràsandha, qui l'avait réduite
sous sa puissance. Si, grâce à l'excellence de Bhlshma,
grâce à la sage politique des Vrishnides et des Andhakas,
tous tes hommes n’ont pas été courbés sous sa domination,
ce fut une chose toute divine. Mais il a sufli d'un instant
avec la force des bras à ce héros, fils de Pàndou, pour
l’étendre mort à ses pieds : est-il rien de supérieur à cet
exploit? Il déchargera dans le combat sa vigueur sur mes
fils, Sandjaya, tel qu'un serpent vomit le poison amassé
pendant un long espace de temps ! De même que le grand
Indra jadis extermina les Dânavas sous les coups de sa
foudre, de même Bhlmaséna, la massue à la main, immo-
lera mes fils. Je vois déjà, pour ainsi dire, Bhlmaséna, qui
accourt, les yeux tout enflammés de colère, avec son cou-
rage et sa fougue, qui donnent la mort, qn’on ne peut, ni
soutenir, ni empêcher. Quel homme tiendrait de pied
ferme, vis-à-vis de ce héros corpulent, qui livre bataille
sans char, sans cuirasse, sans arc, à la seule force des
bras? Kripa le Çaradvalide, le brahme Drona et Bhlshma
savent que je connais la vigueur de cet habile guerrier.
Désirant la fin de cette guerre, ces personnes éminentes,
à qui le devoir des nobles hommes n’est pas inconnu, se
tiendront aux premiers rangs de l'armée des miens. Lt,
Destin est surtout plus fort que l'homme en tous lieux,
(De tu stance '2,053 à la stance 2,065.)
>, Puisque, voyant d'ici la victoire des Pândouides, je
vi 3
SA
LE MAHA-BHARATA.
n’arrête pas mes fils! Réfugiés dans l’antique route d’In-
dra, ces héros sacrifieront leur vie dans le combat, mais
sauront conserver leur gloire de princes. De même que
les miens sont les petits-fils de Uhlshina, les disciples de
Drona et de Kripa, de même les Pàndouides, mon ami,
ont également cette qualité. C’est nonobstant cela, Sati-
djaya, que ces trois vieillards feront, suivant la noblesse
de leur caractère, l’effacement de cette i/ualilé, en nous
donnant un peu de leur assistance désirée. La mort sur un
champ de bataille est très-belle ; c'est la plus désirable,
dit-on, pour un kslmtrya, qui a reçu les armes, et qui veut
accomplir les devoirs de la caste guerrière. Je plains le
sort de ceux, qui veulent combattre avec les fils de Pàn-
dou. (De In stance 2,0(i5 à la stance 2,069.)
» Le voilà arrivé ce danger, que déplorait Vidoura au
commencement! Mais la connaissance du mal, Sandjaya,
n'était pas capable, à mon avis, de l’empêcher. 2,070.
» Très-fort est ce pouvoir de troubler donné à la con-
naissance ! Ceux qui ne sont pas domptés, tussent-ils
des saints, voient le monde effectuer sur eux sa prise.
» Ils sont heureux par les plaisirs, ils sont affligés par
les peines : à plus forte raison, l'homme attaché çà et là
de mille manières au délire ! 2,071 — 2,072.
» Je suis dans les angoisses pour mon royaume, pour
mon épouse, pour mes petits-fils, pour mes amis, pour
mes fils. Ah ! ma félicité n’est-elle pas extrême au comble
du pouvoir ! 2,073.
» Je vois dans ma pensée la mort elle-même des en-
fants de Kourou : une grande infortune, qui a dans le jeu
son origine, menace les kourouides. 2,07A.
» Ce fut la cupidité, je pense, qui inspira cette faute
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OUDYOGA-PAIIV A.
35
par uu désir insensé du pouvoir. Tel est le propre du
temps, qui marche sans cesse. 2,075 (1).
» 11 est aussi impossible de s’en défendre, que ne peut
t’empêcher de tourner le cercle de fer, attaché à une
roue. Que ne ferai-je pas? Comment agini-je? Où irai-je,
Sandjaya? 2,080.
u Us périront, ces stupides enfants de Kourou, tombés
sous la puissance de la mort ; et moi alors, mon ami, mes
cent fils étant immolés, j'entendrai nécessairement les
gémissements des femmes. Quand la mort posera-t-elle
sa main sur moi ! 2,082 — 2,083.
» De même qu’excitée par le vent, au temps de la sai-
son chaude, la flamme allumée consume toute unejforêt ;
de même, accompagné d’Arjouna, le Pândouide Bhîma ,
sa massue à la main, écrasera mes fils. 2,08â.
» J’ai beau continuellement y penser, je ne vois per-
sonne, qui puisse marcher dans la guerre égal avec son
char à l’arc Gândiva du héros Arjouna, de qui jamais les
paroles fausses n’ont frappé nos oreilles, à qui appar-
tiendra l’empire des trois mondes! 2,085 — 2,086.
» Qui que ce soit ne s’ avancera jamais en bataille égal
à cet arc Gàndiva, qui lance des flèches, des traits, des
dards barbelés, déchirant le cœur. 2,087.
» Si Droua et karna marchaient contre lui, ces deux
héros, éminents hommes, consommés dans les armes, les
plus excellents des forts et qui n’ont jamais subi une dé-
faite dans les batailles, 2,088.
» Le monde courrait un grand danger ; mais il n’y a
point là de victoire pour moi. Karna est injurieux dans
(I) L'édition de Calcutta numérote cette stance 2,080; elle fait une
erreur de cinq chiffres.
36
LE MAHA-BHAltATA.
ses paroles, il est ivre de fureur. L’Atchâryà est un vieux
gourou, 2,089.
» Au lieu que le Prithide est capable, plein de vigueur ;
il a un arc solide, il a vaincu la fatigue ! Il y aura une
guerre horriblement tumultueuse ; mais tout A fait sans
défaite de C une et de l’autre part. 2,090.
» Tous ces héros connaissent les astras, ils ont acquis
une grande gloire ; ils céderaient l'empire de tous les
Immortels, mais la victoire jamais ! 2,091.
» Si ces deux guerriers ou si Phâlgouna succombaient,
peut-être aurait-on la paix ; mais le combattant, qui doit
tuer Arjouna, n’existe pas, et l’on ne trouve personne,
qui puisse remporter une victoire sur lui ! 2,092.
» ('.uniment se calmerait sa colère soulevée contre des
insensés? Les autres connaissent les armes, ils vainquent
et sont vaincus. 2,093.
» Mais une victoire merveilleuse de Phâlgouna est
venue à nos oreilles, il a rassasié Agni, cocher, pendant
trente-trois années dans le Khàndava ! 2,094.
» Il a vaincu tous les Dieux, et nous ne sachions pas
qu’il ait subi une défaite, ce guerrier, de qui Hrishîkéça,
semblable à la vertu même, sera le cocher dans la guerre.
» Telle que fut la victoire d’Indra, telle assurément
sera sa victoire. De ce que les deux Krishna sont portés
sur un même char et que l’arc Gàudlva est muni de sa
corde, 2,095—2,096.
» Nous avons ouï dire que c’est la réunion de trois
forces eu faisceau : il n’existe pas un tel arc pour nous,
ni un tel combattant, ni un tel conducteur de char.
» (Vest-là ce que ne savent pas les insensés, qui suivent
la volonté de Douryodhaua. La foudre, tombant sur leur
tête, Sandjaya, pourrait épargner leur vie; 2,097-2,098.
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OUDYOG A-PARVA.
37
» Mais les flèches, envoyées par Kirili, ne laisseront pas
survivre un seul parmi eux. Il me semble déjà voir
Dhanandjayn lancer des traits, immoler ses ennemis,
» Enlever du corps les têtes sous une averse de flèches,
partie de l'arc Gàndiva ! Une lumière faite de traits,
enflammée de tous les côtés, pour ainsi dire, consumera
sur le champ de bataille l’armée de mes fils. 11 me semble
déjà voir, épouvantée de mille manières, l'armée Bba-
ratienne s’enfuir, saisie de terreur au bruit du chai- de
l’Ambidextre ! De même qu’un grand feu, courant de tous
les côtés, incendierait une forêt, de même, une vaste
flamme, excitée par le vent, brûlera mes fils,
2,099—2,100—2,101—2,102—2,103.
» Quand, aussi insatiable que la mort, créée par Brahma
pour enlever tout, l’homicide Arjouna dans la bataille,
vomira les multitudes de ses flèches acérées ; 2,104.
» Quand, à chaque instant, partout, j'entendrai san-
glotter, mon ami, des gémissements de bien nombreuses
manières dans le palais des enfants de Kourou. C’est ainsi
que la mort, assurément ! visitera les Bharatides sur le
front du champ de bataille. » 2,105.
Le vieux monarque de continuer ses plaintes :
« Tels que les courageux Pàndouides désirent la victoire,
tels leurs compagnons, prêts à sacrilier leur vie, sont
résolus à vaincre. 2,106.
» Toi, mon ami, détruis mes courageux ennemis, les
rois du Pânlchàla et du .Magadha, les monarques Ké-
kayains et Matsyas. 2,107.
» Krishna, ce sage, le plus vertueux de l’univers, qui, s’il
désirait ces mondes et Indra avec eux, les réduirait sous sa
puissance, est déterminé à vaincre pour les fils de Pândou.
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38
LE MAHA-BHARATA.
» Sàtyaki-Oalnéya, qui aura bientôt acquis la science
entière d’Arjouna, se tiendra, dispersant au milieu du
combat, ses flèches comme la semence. 2,109.
» Dhrishtadyoumna, le héros de Pàntcbàla, aux œuvres
inhumaines, qui sait les plus grands des astras, exercera
dans la bataille sa valeur sur mes armées. 2,110.
» La colère d'Youdhishthira, la vaillance d’Arjouna, les
deux jumeaux, et Bhlmaséna sont, mon ami, les causes
de ma crainte. 2,111.
» Mes armées, Sandjaya, n'échapperont pas à ce filet
surhumain, que ces lndras des hommes vont jeter au
milieu d’elles, et de là viennent mes gémissements.
» Le fils de Pàndou est vertueux, intelligent, spirituel,
admirable à voir ; il est favorisé de la fortune, il a la science
complètement acquise ; sa splendeur est celle de Brahma.
» Il est bien doué de ministres et d’amis, il est doué
d’hommes de guerre, il est doué de frères, de beaux-pères
et de héros aux grands chars. 2,112^-2,113—2,114.
» Ce Pàndouide, le premier des hommes, possède la
fermeté, la modestie, l'humanité et la pudeur ; il est élo-
quent, et son courage est une vérité. 2,116.
» Les Védas lui sont familiers, il a subjugué son âme,
il respecte les vieillards, il a vaincu ses organes des sens.
Cet homme est doué de toutes les vertus, il ressemble au
feu allumé, qui brûle. Est-il un insensé à l’âme perdue,
possédé du désir de la mort, qui voudrait précipiterson vol,
comme un insecte-ailé, dans ce feu des Pàndouides, qu'on
ne peut airôter. 2,116 — 2,117.
» Ai-je honoré en vain le roi Çikhi à la haute taille?
Ne fera-t-il pas, dans la guerre, une destruction de mes
fils insensés ? 2,118.
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OU l)Y OG A-PARV A.
30
» Je pense qu'il est bon de ne pas se mettre en guerre
avec eux : écoutez ce conseil, enfants de Kourou! La
guerre entraînera, pour sûr, la perte de nia famille en-
tière. 2,119.
» Voilà quelle est ma pensée suprême. Mon âme
retrouve ainsi le calme, si vous ne désirez pas la guerre,
et si nous faisons nos efforts pour le maintien de la
paix. 2,120.
» Qu’Youdhishthira jette les yeux sur des hommes
plongés dans l'infortune ; puisse le devoir de sa caste lui
inspirer (1), à cause de l’origine commune, le désir de
me sauver moi-même (2) ! » 2,120.
» 11 en est ainsi que tu le dis, grand monarque, issu de
Bharata, lui répondit Sandjaya. On verra l'arc Gàndiva,
immoler dans la guerre l’ordre des kshatryas. 2,121.
» Mais je ne puis comprendre cette conduite de toi,
héros, que, sachant la nature de l'Ambidextre, tu mar-
ches continuellement sous la volonté de ton fils. 2,122.
a Ta ne mets pas toujours le temps à profit, grand roi ;
car, dès le commencement, noble fils de Bharata, tu as
accablé de maux les Prithides. 2,123.
» Le meilleur père et le meilleur ami, est celui, de qui
l’âme est disposée convenablement : il fera certainement
ce qui est bien, et le nom d'un père malfaisant ne lui est
pas donné. 2,12à.
» Tu as ri, comme un enfant au temps du jeu, puis-
sant roi, quand tu as appris que les Pândouides étaient
(1) ('•ougovpsati, au présent de l'indicatif, sans doute par hypallage.
(2) Nous doublons ce chiffre pour nous conformer à l’édition, qui a fait
erreur, au lieu do numéroter '.a stance 2,121.
40
LE MAHA-BHARATA.
vaincus, que ceci était gagné, que cela était acquis. 2,125.
» Tu as toléré qu'on adressât jadis, aux fils de Pàndou,
des paroles injurieuses : u Ils ont perdu le royaume
entier! as-tu dit; et tu n’as pas vu, devant toi, ce pré-
cipice. 2,120.
» Les Kourouides, Imm ri/les et les campagnes, ce
sont là, grand roi, ton royaume héréditaire; ensuite, tu
as reçu toute la terre, conquise par ces héros. 2,127.
» On t'annonça que les Prithides avaient subjugué
l’univers à la force des bras : « Cette conquête, c'est moi,
qui l'ai accomplie ! » Telle fut, alors, ta pensée, ô le plus
vertueux des rois. 2,128.
» Quand le roi des Gandharvas eut dévoré tes fils, et
les eut plongés dans une mer sans esquif pour en fran-
chir les eaux, ce fut encore le fils de Prithâ, grand roi,
qui te les ramena. 2,129.
» Tu as ri, comme un enfant, sire, mainte et mainte
fois, pendant le jeu ; car, les Pândouides étant victimes
de la tromperie et bannis dans les forêts, tu pensais que
les mers elles-mêmes d’ Arjouna, faisant pleuvoir les nom-
breuses multitudes de ses flèches aiguës, étaient taries et
desséchées, à plus lorte raison les matrices où était né
son char! 2,130—2,131.
» Phâlgonna est le plus excellent des archers, le Gàn-
diva est le premier des arcs, Kéçava est le plus grand de
tous les êtres, le Sandarçana est le plus formidable des
tchakras! 2,132.
» Et le singe resplendissant est le drapeau, qui do-
mine tous les signifères : tels ils sont. Le char, que
traînent les blancs coursiers dans la bataille, 2,133.
» Détruira ton armée, sire, comme le disque lancé de
OUDYOGA-PARVA.
41
la mort. Le globe entier appartient aujourd’hui, éminent
Bharatide, à ce monarque, de qui, 6 le plus vertueux des
rois, Arjouna et Bliîma sont les combattants. Les Kou-
rouides, qui ont pour chef Douryodhana, iront à la mort,
une fois qu'ils auront vu ton armée innombrable se
plonger dans la tombe, sous les coups de Bhlma. Tes fils
et les rois, qui les suivent, épouvantés par Arjouna et
Bhlma, n’obtiendront pas la victoire, auguste et puissant
monarque. Les Matsyas, les Pàntchàlains et les Kékayas
te refusent l’honneur aujourd’hui.
2,134—2,135—2,130—2,137.
» Les Çàlvéyas et tous les Çoùrasénas te méprisent.
Tous ces peuples, connaissant la bravoure du lils de
Prithâ, se sont tournés vers ce prudent héros. 2,138.
» Mais, toujours, tes lils les avaient empêchés de montrer
leur dévouement pour lui. 11 faut arrêter, par tous les
moyens, avec ses adhérents, cet homme criminel, ton
fils, puissant roi, qui persécute, de ses actes iniques, les
fils de Pândou, unis au devoir, indignes de mourir, et
qui, dans ce moment-ci même, est toujours leur ennemi.
Il ne faut pas l’accompagner de tes plaintes, si tout ce qui
fut dit, au temps du jeu, par le sage Vidoura et par moi,
enfant de Bharata ; si les plaintes exhalées par Vishnou,
au sujet des Pàndouides, si tout cela, Indra des rois, ne
doit pas être inutile. » 2,139 — 2,140 — 2,141 — 2,142.
« Tu n’as rien 4 craindre, puissant roi, et tu n'auras
pas de regrets à nous donner, reprit Douryodhana. Nous
sommes capables, auguste sire, de vaincre les ennemis
dans la bataille. 2,143.
» Quand le meurtrier de Madhou, à la tète d’une nom-
breuse et puissante armée, qui opprimait les royaumes
42
LE MAH.V-BHARATA.
étrangers, vint trouver les fils de Pândou, exilés au milieu
des forêts, 2,144.
» Les Kékavides.etDhrishtakétou, et Dhristadyoumna
le Prisatide, et des monarques, suivirent les enfants de
Prit h A, et d'autres, en grand nombre, furent aussi leurs
suivants. 2,145.
» Ces héros se rassemblèrent non loin d'Indraprastha,
et vomirent des injures contre ta majesté, qui avait réuni
ses Kourouides sous les drapeaux. 2,146.
» S'étant mis ensemble, sous la préséance de Krishna,
ils habitèrent, fils de Bharata, auprès d’Youdhishthira,
leur voisin, revêtu d’une peau d'antilope. 2,147.
« Il faut restituer le royaume! » dirent ces monarques,
désirant détruire ta majesté avec ses adhérents. 2,148.
■> Alors que j’eus appris ces paroles, qu’ils tenaient,
sire, je parlai à Bhishina, Drona et Kripa. Effrayés et
craignant l'extermination de leurs parents, les Pàndouides
se tinrent dans les conditions du jeu; telle est, du moins,
mon opinion. Le Vasoudévide, assurément! désire faire
la destruction entière de nous tous. 2,149—2,150.
» Vous, à l’exception de Vidoura, vous avez tous jus-
tement, je pense, mérité d’eux la mort; tuais, bn doit
respecter la vie du vertueux Dhritaràshtra, le plus excel-
lent des Kourouides. 2,151.
v Quand Djanàrdana. aura, mon ami, exécuté cette
extermination de nous tous, il désire remettre à You-
dhishthira l’empire universel des enfants de Kourou.
» Qu’avons-nous à faire ici, dans le moment arrivé ?
Faut-il nous incliner respectueusement ? Devons-nous
fuir? Ou plutôt faire le sacrifice de nos vies, et combattre
nos ennemis? 2,152 — 2,153.
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OliDYOGA-PARVA.
43
» Si nous combattons avec eux, objecte-t-on, notre
défaite est certaine. Tous les princes .suivent la volonté
d’Youdhishthira. 2,154.
» Les royaumes nous sont contraires, nos amis sont
irrités. Honte soit donc à tous ces princes, à eux et leurs
familles, sans exception ! 2,155.
» N’y a-t-il, pour nous, aucune faute à nous incliner
pour un salut, nous aurons la paix des années éternelles;
mais je plains mon père, le souverain des peuples, éclairé
par l’œil de la science. 2,1 56.
» On est tombé dans cette peine à cause de moi,
dit-on : je suis l’auteur de cette immense douleur; ce sont
tes (ils, qui ont jeté cet obstacle devant les autres. 2,157.
» Tu as connu, jadis, cette chose même, ô le plus
grand des hommes, par les informations, que je t’ai
données. « Les héros, fils de Pàndou, te feront la guerre,
Bharatide, à toi, le roi Dhritaràshtra, et à tes ministres,
jusqu'il l'extermination de ta famille. » C'est ainsi qu’ont
parlé Drona, Bhtshma, Kripa et le fils de Drona.
2,158 — 2,159.
» Ils croyaient que j'avais conçu de grandes pensées et
que F ambition troublait mes sens. Si nos ennemis ont
reçu du utal, fléau des ennemis, nous n'avons pas à les
craindre. 2,160.
n Ces ennemis ne sont pas capables de nous vaincre,
disposés en ordre de bataille, et nous sommes capables
individuellement de vaincre tous les princes, seigneurs de
la terre. 2,161.
n Qu’ils viennent et nous rabattrons leur orgueil sous
nos flèches aiguës! Jadis, en effet, seul, Bhtshma, a triom-
phé de tous les rois, 2,162,
LE MAHA-BHARATa.
44
o Très-irrité de la mort de son père, ce héros des
Kourouides, dans sa fureur contre eux, Bharatide en im-
mola avec un seul char un bien grand nombre. 2,163.
» Ensuite la crainte les conduisit à solliciter le secours
du noble Dévavrata. Il sera accompagné de nous dans la
guerre, ce Bhlsbma, très-capable de vaincre les ennemis.
Que l’elFroi s'en aille donc, exilé de ton cœur, éminent
Bharatide. Telle fut en ce temps la détermination de ces
princes à la force sans mesure. 2,164 — 2,165.
» Ce globe entier fut, il est vrai, réduit jadis sous la
puissance de nos ennemis; mais ils ne sont pas capables
aujourd’hui de nous vaincre sur un champ de bataille.
» Nos rivaux on: les ailes coupées, la vigueur est re-
tranchée aux fils de Pàndou ; la terre marche, accoutu-
mée à iTous, taureau des Bharalides. 2,166 — 2,167.
» Les princes de ton parti sont amenés sous un même
sentiment à partager le plaisir et la douleur: ils entre-
raient, fléau des ennemis, soit dans le feu, soit dans la
mer elle-même. 2,168.
» Tous ces princes, sache-le, ô le plus excellent des
Kourouides, rient ici de ta douleur à cause de moi,
comme d’une folie. 2,169.
» lit rient que tu te plaignes de maintes manières,
que tu sois effrayé dans la jactance des ennemis. Chacun
de ces rois est capable individuellement face à face des
Pàndouides. 2,170.
» Chacun s’estime soi-mèmc. Que cette crainte, tom-
bée sur toi, s’en aille ! Indra même ne pourrait vaincre
toute mon armée! 2,171.
» Cette forme éternelle de Brahma, l'Être, qui-existe-
par-lui-mème, ne saurait la détruire. Renonçant à la
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OU D YOGA-PAll VA.
45
ville, Youddhishthira demandait cinq villages, 2,172.
» Époux anté de mon armée, sire, et de ma puissance
supérieure. Si tu penses que Vrikaudara, lefilsdeKountt,
est capable de me résister, 2,173.
» C'est à tort ! car tu ne connais pas, rejeton de Bha-
rata, toute ma puissance. Il n'est personne égal à moi
. sur la terre au combat de la massue. 2,174 .
» Il n’y eut jamais personne, et jamais il ne sera per-
sonne, qui me surpasse; je suis absorbé; dans la médita-
tion, j'ai habité dans la douleur et je suis allé au rivage
ultérieur de la science. 2,175.
u II n'existe de moi aucune crainte, ni pour ce Bhlrna,
ni pour les autres ; il n’y a pas d’égal à Douryodhana
pour l'art de manier la massue: c’est la vérité I 2,176.
» Heureusement pour toi, j'ai habité jadis chez
Sankarshana. 11 n'est pas sur la terre un homme supérieur
en force à Sankarshana dans la guerre. 2,177.
» Jamais Bhima ne supportera un coup de mon pilon
dans la bataille ! 11 suffira que je donne, sire, un seul
coup de massue 4 Bhima, dans ma colère. 2,178.
» Ce coup épouvantable seul le fera descendre bien
vite dans les demeures d'Yatna; mon plus grand désir
est de voir, sire, Ventre-de-Loup devant moi sa massue
à la main ! 1,179.
n Voilà ce que j'ai demandé bien longtemps ; j'eus
toujours ce désir ; que Vrikaudara, le (ils de Prithà, gise
sur le champ de bataille, frappé de ma main sous un coup
de massue. 2,180.
» Tel que le mont Himalaya même, il tombera sur la
terre, sans vie, les membres rompus, atteint par le dé-
chaînement de mon pilon ! 2,181.
48
LE MAHA-BHARATA.
» 11 faut que je brise une fois ce mont en cent mille
fragments ! 11 n'ignore point cela : le Vasoudévide et
Arjouna le savent aussi, 2,182.
o Que Dourvodhana n'a pas d'égal pour C art de manier
la massue, » c’est une vérité. Puisse donc cette crainte,
que Ventre-de-Loup t’inspire, s'en aller de ton cœur
dans cette grande bataille ! 2,183.
» J'écarterai cet homme, sire 1 Ne sois donc pas dans
la perplexité ! Quand je l'aurai tué, des chars nombreux,
de forme égale, ou même supérieure, auront bientôt re-
jeté, éminent Bharatide, cet Arjouna hors du champ de
bataille. Bhisbma, Drona, kripa, Açvvattliàman, karna et
Bhoôriçravas, Çalva, le souverain du Prâgdjyotisha, et
Djayadratba, le monarque du Sindhou, chacun de ces
rois est individuellement capable, fils de Bharata, de
terrasser les Pàndouides. 2,184—2,185 — 2,188.
» Mais sont-ils réunis, un seul instant leur sullira pour
les jeter dans les demeures d' Varna ? Pourquoi Arjouna
serait-il le seul, que l'armée entière des princes ne put
vaincre? 11 n’en existe aucune raison 1 Le lils de Prithà
s'en ira dans le séjour d’Yarna, sous les multitudes de
flèches, lancées, par centaines et par milliers, des mains
de Drona, de son lils, de kripa et de Bhishma ! Mon
arrière-grand-oncle, le fils de la Gangà, compte, noble
Bharathide, au-dessus de lui Çà.itanon.
2,187—2,188—2,189.
« Il naquit égal aux Brahmarshis et bien difficile à
supporter par les Dieux eux-mêmes. Sur la terre, il
n’existe personne, à qui, sire, il soit donné de tuer
Bhisbma ! 2,190.
» Le sage, qui fut sou père, lui dit ces paroles : « Tu
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OUDYOGA-PAHVA.
A7
ne mourras pas, que tu ne le veuilles ! » Drona naquit
dans une aiguière du bramarshi Bharadwàdja. 2,191.
» Drona, grand roi, engendra Açwatthàman, qui sait
les plus puissants des astras; et Kripa, le plus grand des
maîtres spirituels, doit le jour au brahmarshi Gutamide.
» Cet être, qui est né d'un faisceau de flèches, 11e doit
pas mourir ; c’est mon opinion. J'ai pour mon père, ma
mère et mon oncle ces trois personnes, qui n'ont pas reçu
la naissance au sein d'une mère. 2,192 — 2,193.
a Açvatthâman se présente à mes yeux comme un
héros, puissant roi I Tous ces guerriers aux grands chars
sont égaux eux-mêmes aux Immortels. 2,194.
» Us jetteraient l'effroi dans une guerre, éminent Bha-
ratide, au coeur de Çaitra lui-même. Arjouna n'est pas
capable de regarder l’un après l'autre aucun de ces
guerriers. 2,195.
» Ils tueront de concert Dhanandjaya, tigre des hommes;
Karna est égal, suivant mdi à Bhlsluna, Drona et Kripa.
» Balarâuia t’a salué de ces mots, rejeton de Bharata ;
« Tu es semblable à moi ! » Karna possédait une paire de
pendeloques naturelles, superbes, éblouissantes.
2,196—2,197.
» Elles furent sollicitées à ce fléau des ennemis par
Mahéndra pour Çatchi, son épouse, en échange, d'une
lance de fer, au coup certain, extrêmement épouvantable.
» Il est armé de cette lance I comment Dhanandjaya
pourrait-il vivre? La victoire est assurément, sire, comme
un fruit placé dans ma main. 2,198 — 2,199.
» La défaite entière des ennemis sur la terre est évi-
dente; en eflét, Bhishma, dans un seul jour, lils de
Bharata, peut tuer un million d'hommes! 2,200.
âS LE MAHA-BHARATA.
» Drona, son fils et Kripa même sont des héros à lui
pareils : nous avons, fléau des ennemis, une ligue de
kshatryas, liés par ce serment : 2,201.
« Nous tuerons Arjouna ! ou nous tomberons tués par le
guerrier, qui a pour son étendard un singe! » Cela suffit,
pensent tous ces princes, qui sont propres â la mort
d' Arjouna. Pourquoi ta majesté est-elle troublée sans
raison par eux ? Bliimaséna tué, quel autre des ennemis
nous fera la guerre, fils de Bharata? Dis-le-moi, si tu le
sais, fléau des ennemis. Tous les cinq frères, Dhrishta-
dyoumna et Sâtyaki 2,202 — 2,203 — 2,204.
» Sont les combattants des ennemis dans la guerre !
cette force est réputée valoir une armée ; mais ceux, qui
sont distingués entre nous, c’est Bhishma, c'est Drona,
c’est Kripa, et les autres, 2,205.
■> Le Dronide, Karna, le fils du Soleil, et Somadatta le
Vàhlika, Çalya,le monarque du Pr&gdjyotisha, et Djayad-
ratha, le roi d’ Avant!, 2,200* ■
» Douççàsana, Doussaha et Dourmoukha, monarque
des hommes, Çroutàvous, Tchitraséna , Pouroumitra,
Vivinçati; 2,207.
» Cala, Bhoûriçravas et Vikarna, ton fils. Onze armées
complètes, sire, sont rassemblées pour moi. 2,208.
» L’ennemi ne possède que sept armées inférieures;
pourquoi serais-je vaincu? « 11 faut que les ennemis, a
dit Vrihaspati, attaquent une armée dépourvue des trois
qualités. » <Or, cette mienne armée, sire, a les trois qua-
lités, dont je vois privée la nombreuse armée des ennemis.
2,209—2,210.
» Ayant considéré, souverain des hommes, l’avantage
des qualités, et que leur multiplicité est réunie en moi ;
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OUDYOGA-PARVa.
A9
ayant observé toutes ces choses, fils de Bharata, la force
supérieure de mon armée 2,2 H.
» Et l’état d’infériorité des Pândouides, ne veuille pas
t’abandonner à cet abattement de l'esprit. » A ces mots,
le vainqueur des cités ennemies, sachant que les temps
étaient arrivés, et désirant porter plus loin scs infor-
mations, se mit à questionner Sandjaya : 2,212 — 2,213.
« Quand il eut reçu les sept armées, dit-il, avec les
rois, Sandjaya, quelle chose a désirée Youdhishthira? Ce
fils de Kountl a-t-il voulu obtenir la guerre? » 2,21A.
o Extrèmementjoveux, sire, Youdhishthira a demaudé
la guerre, répondit Sandjaya; Arjouna et Binmaséna éga-
lement; et ces jumeaux, leurs frères, ne montrent au-
cune crainte. 2,215.
.) Bîbhatsou, le fils de Kountl, ayant envie de recevoir
une incantation, a attelé son char céleste, qu’il fait res-
plendir à tous les points du ciel. 2,216.
» Nous l’avons vu revêtu de sa cuirasse, comme un
nuage, d’où jaillissent, de tous côtés, les éclairs. Après
un moment de réflexion, il m’a dit, rempli d’ardeur :
« Vois ces formes primitives ! Nous vaincrons, San-
djaya ! » Et moi je vois les choses de la manière qu’a parlé
Bîbhatsou. » 2,217—2,218.
a Tu loues avec plaisir les Pritides, que leurs rivaux
ont^ vaincus au jeu, reprit Douryodhana. Dis-moi com-
ment sont les chevaux ? Cornaient sont les drapeaux au
char d’ Arjouna ? » 2,219.
» Bhaàumana fit avec Indra les formes d’une manière
bien diverse, lui répondit Sandjaya. L’architecte, prince
auguste, c’est toujours Brahma. 2,220.
» Us créèrent sur ce drapeau avec une magie céleste
'I A
50 LE MAHA-BHARATA.
des formes grandes, bien riches, magnifiques et gra-
cieuses. » 2,221.
» Hanoumat, le fils de Maronte ou du rent, plaça dans
cet étendart son portrait, afin défaire une chose agréable
à Bhimaséna. 2,222.
» Ce drapeau enferma tous les pays du monde, réduit
A la mesure d’un yodjana, au milieu, de travers, en haut.
Environné d'arbres, il s’en détache. Telle fut la céleste
illusion, avec laquelle Uha&umana composa ce bel éten-
dard. 2,223.
» Grâce à l’art de Bhaâuinana, cette enseigne est faite
comme l’arc d'Indra, qui brille de plusieurs teintes au mi-
lieu dp ciel — (spectacle, qui n’est pas étranger à mes
yeux) ; — sa forme sembie de mainte et mainte espèce.
» Grâce à l’art de Bhaàumana, cette enseigne est faite
comme la fumée du feu, qui monte dans le ciel offusqué
et porte des couleurs ardentes et des formes multiples :
c'est une masse sans poids ou une mer sans rivage.
2,224-2,225.
/
» 11 altèle à son char des chevaux blancs, de noble race,
qui ont la rapidité du vent ; Tchitraséna lui a fait présent
de chars célestes. Ils roulent dans le ciel, au sein de l’at-
mosphère et dans la terre. Aucune route, Indra des
hommes, ne les arrête ici bas. 2,226.
» Par eux est détruit en chaque temps un cent, qui est
complet ; par eux est détruite la grâce jadis accordée.
Ces grands coursiers, couleur de l’ivoire, resplendisse. .t
attelés au char de ce roi avec une vigueur égale à la
sienne. 2,227.
» Les chevaux, qui traînent le char de Bhimaséna sont
pareils à des ours; ils ont la rapidité du vent ; ils ont les
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OUDYOGA-PAUVA.
51
membres de couleurs variées ; leur dos est semblable à
celui de la perdrix : c’est un présent de Phâlgouna, d’un
frère, qui l'aime, au héros, son frère. Un char triompha-
lement attelé, distingué par ses coursiers, conduit
Sahadéva. Des chevaux les plus excellents de ces quadru-
pèdes, présent du grand Indra, traînent le fils de Madrl,
Nakoula, l'ami d’Adja. 2,228 — 2,229.
» Des chevanx appareillés, au pied agile, qui ont la
force du vent, transportent ce héros, comme Indra, l'en-
nemi de Vritra. Des coursiers de noble race, présents des
Dieux, grands, de forme diverse, d'une admirable vitesse,
égaux à ceux-ci pour la jeunesse et la vigueur, traînent
le fils de Soubhadrâ et les autres jeunes princes, enfants
de Draâupadi. « 2,230—2,231.
« Sandjaya, interrompit Dhritarâshtra, je ne vois pas
ici quels hommes leur affection a rassemblés pour com-
battre cette armée de mon fils? » 2,232.
u J’ai vu là, répondit Sandjaya, venu vers Khrisna,
le plus grand des Andhakas et des Vrishnides, Tchéki-
tâna et Sàtyaki-Youyoudhàha ; 2,233.
» (les deux héros célèbres, âmes fières, qui se sont
réunis aux fils de Pàndou, avec chacun une armée com-
plète. 2,234.
» Le roi de Pantchàla, suivi d’une armée au complet,
environné de ses dix héroïques fils, Salyadjit à la tète, et
précédés par Dbrishtadyoumna; 2,235.
» Droupada, qui augmente la fierté, est venu, défendu
par Çikhandi, après qu’il eut couvert, de ta cuirasse, les
corps de tous ses guerriers. 2,230.
» Viràta, le maître de ta terre, accompagné de Soûrya-
datta et des autres héros , à la tète de qui s’avance
52
Lli MAHA-BHAKATA.
Madirâçva, est venu, avec ses frères et ses fils, au son
même du plus grand de ses tambours, environné d’une
armée complèie de guerriers , se joindre au fils de
Prithâ. 2,257—2,238.
» Djàràsandhi, le Magadhain, et Dhrishtakétou, le roi
de Tchédi, sont venus l’un et l’autre, entourés chacun
d’une armée au complet. 2,239.
» Les cinq frères Kaikéyains, déployant leurs drapeaux
rouges, sont venus, tous, marchant au milieu d'une nom-
breuse armée , se ranger autour des fils de Pàndou.
u J'ai vu tous ces héros, rassemblés en aussi grand
nombre : ce sont eux, qui, dans l'intérêt des Pàndouides,
combattront l'armée des fils de Dhritarâshtra.
2,240—2,241.
n L’héroïque Dhrishtakétou, auquel est dévoilé que
c'est une multitude composée d'hommes, d’Asouras, de
Gandharvas et même de Dieux, marche à la tête de cette
armée. 2,242.
» Bhîshma, le fils de Çântanou, est abandonné pour
victime à Çikhandi, que soutiendra le roi Virâta, secondé
des guerriers du Matsya. 2,243.
n Le vigoureux monarque du Madra est laissé pour la
part du (ils aîné de Pàndou : n Ces deux héros, ai-je
entendu là dire à quelques-uns, sont réputés formidables
pour nous! » 2,244.
» Douryodhana, ton fils, avec la centaine de ses frères,
et les héros de l'Occident et du Midi, sont adjugés pour la
part de Bhimaséna. 2,245.
» Karna, qui passe pour le fils du soleil, est donné
pour victime à Arjouna. Açvatthâman, Vikarna ctDjayad-
ratha, le roi du Sindhou, 2.249.
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OUDYOGA-PAUVA.
53
» Et tous ceux, qui ont sur la terre la fierté des héros,
sont incapables de lui résister. Arjouna, le fils de Prithà,
s’est arrogé pour sa part tous ces guerriers. 2,247.
» Les cinq frères Kalkéyains, fils de roi, sont des
héros; ils livreront bataille <1 Arjouna, qui fera d’eux ses
victimes. 2,248.
» Il a fait d’eux sa part; il la fera également des Mâ-
lavas, des Çàlvakas et des deux héros conjurés, qui sont
les chefs des Trigartas. 2,249.
» Tous les fils de Douryodhana, et ceux de Douççâ-
sana, et le roi Vrihadbala, sont attribués pour la part du
fils de Soubhadrâ. 2,250.
» Les héros, (ils de Ora&upadt, aux enseignes, dont
l’or a changé la substance, aborderont Drona, Dhrishta-
dyoumna 4 leur tête, rejeton de Bharata. 2,251.
» Tchékitâna désire combattre Somadatta, dans un
duel à deux chars ; Youyoudhàna veut s’attaquer à Bliodja,
qui a revêtu sa cuirasse. 2,252.
» Sahadôva, le héros, fils de Mâdrl, qui rappelle Indra
dans la guerre, a pensé de lui-même au fils de Soubala,
son beau-frère. 2,253.
» Le fils de Mâdrl, Nakoula, fit sa part d'Ouloûka, le
Kitavide, et des troupes du Saraswata. 2,254.
» Les enfants de Pândou ont jeté un déli à ces princes
et à tous les autres, qui les attaqueront sur le champ de
bataille. 2,255.
» Ainsi, leurs armées sont divisées partiellement. Que
ce qui doit être fait, pour toi et ton lils, soit donc fait,
quand ce n’en est pas encore la saison. » 2,256.
« Tous mes fils ne sont- ils pas des insensés, fit Dhri-
tharàstra, joueurs de jeux funestes, eux, qui auront un
54
LK MAHA-BH.ARATA.
combat à soutenir contre le vigoureux Bhtma, au front du
champ de bataille? 2,257.
» Tous les princes et les rois, offerts en sacrifice par la
mort, entreront dans le feu du Gândiva, comme des sau-
terelles se précipitent dans la flamme du foyer. 2,258.
» Mon armée est, dans mon esprit, déjà mise en
fuite, au milieu du combat, par les magnanimes Pân-
douides aux hostilités déclarées; qui la suivra dans sa
défaite sur le champ de bataille? 2,259.
» Tous, ils sont des héros, combattant sur des chars,
environnés de la renommée, resplendissants, accoutumés
à vaincre dans les combats, égaux pour l'éclat au feu ou
au soleil. 2,260.
» Ils ont pour guide Youdhishthira; pour défenseur,
le meurtrier de Ma- hou ; pour combattants, ces deux Dis
de Pàndou, l'Ambidextre et Ventre-de-Loup; 2,261.
•> INakoula, Sahadéva, Dhrishtadyoumna le Prishatide,
Sâtyaki , üroupada et Dhrishtadyoumna , le dernier
né, 2,262.
» Ottamaàudja le Pàntehàlain, et l’invincible Youdhft-
manyou, (iikandi, KshattradévaetValrâtiroultara, 2,263.
» Tous les kàçayas, les Tchédiens, les Matsyas et les
Srindjayas, le fils de Viràta à la haute taille, et les Pàn
tchàlains, suivis de l'heureuse fortune. 2,264.
» Aux mains de ces héros, forts dans les combats, et
qui rompraient des montagnes, Indra lui-’uéme ne pour-
rait enlever, malgré eux, cette terre! 2,265.
» Semblable à un malheureux, qui pousse des cris, mon
misérable liis, Sandjaya, veut combattre avec ces héros,
doués de toutes les qualités et qui ont une majesté plus
qu’humaine!» 2,266.
OLDYOGA-PARVA.
56
« Tous deux, vous êtes bien de la même caste, s’écria
Douryodhana; tons deux, vous êtes courbés vers la terre!
Tu penses sans raison que la victoire va pencher d’un seul
côté, vers les (ils de Pândou. 2,267.
» Indra lui-même, accompagné des Immortels, à plus
forte raison les P. ndouides, serait incapable de vaincre
en bataille mon arrière-grand-oncle, et Rrona, et Kripa,
et l'invincible Kartia, et Pjayadratha, et Somadalta, et
Açvalthàman lui-même, ces héros environnés d'une écla-
tante splendeur. 2,268 — 2,209.
» Tous ces maîtres de la terre, ces nobles héros, qui
portent les armes, sont capables de repousser à cause de
moi, mon père, les fils de Pàndou ! 2,270.
» Ils n’oseraient pas, ces Pàndouides, regarder les
miei s, face à face ! Je suis assez vaillant pour combattre
sur un champ de bataille les Pàndous et leurs fils. 2,271.
» Tous les princes, qui désirent faire une chose, qui
in'est agréable, rejeton de Bharata, les arrêteront comme
de jeunes antilopes avec un lacet. 2,272.
» Les Pàntchâlains avec les Pàndouides seront dispersés
en fuite, par la grande multitude de mes chars et les
averses de mes flèches. » 2,273.
« Ce mien fils, Sandjaya, parle comme un insensé,
reprit Dhritaràshtra ; car il n’est pas capable de vaincre
en bataille Youdhisbthira-Dharmaràdja ! 2,27A.
n Bhtshma sait en effet quelle est la vigueur de ces Pàn-
douides et de leurs fils, ces héros illustres, magnanimes
et versés dans le devoir ! 2,275.
» Aussi n’approuvé- je pas qu'il se jette dans une guerre
avec ces guerriers aux grands cœurs! Mais dis-moi encore,
Sandjaya, ce que font ces héros. 2,276.
60
LE MAHA-J1HARATA.
» Qu'est -ce qui enflamme d’une plus grande ardeur ces
vaillants fils de Pàndou, ces guerriers aux grands arcs,
resplendissants comme le feu, où l'on a versé l’offrande du
beurre clarifié ? » 2,277.
« Dhrisiadyoumna en personne les enflamme toujours,
rejeton de Bharata, répondit Sandjaya. « Combattez ! leur
dit-il : vous, les plus excellents des Bharatides, ne crai-
gnez pas une bataille. 2,278.
» Tous les princes, quels qu’ils soient, que le fils de
Dhritaràslitra couvre ici, s’en iront à cette guerre tumul-
tueuse et remplie d’armes. 2,279.
» Moi seul, je les enlèverai tous irrités, rassemblés avec
leurs adhérents, dans le champ de bataille, comme une
baleine enlève les poissons des eaux. 2,280.
» Bhtshtna, Drona, Kripa, Karna, le fils de Prona,
Çalya, Souyodhana, je refoulerai ces héros mêmes,
comme un rivage repousse le séjour des makaras ! »
» Au jeune héros, qui parlait ainsi, Youdhishthira, le
vertueux monarque, dit : « Pàntchâlains et Pândouides,
nous sommes tous montés au niveau de ton héroïsme et
de ta fermeté. Sauve-nous du combat! Je sais, guerrier
aux longs bras, que tu es constamment fixé dans le devoir
du kshatrya. 2,281—2,282—2,28:$.
» 11 y a un puissant, un seul moyen dans la coercition
des enfants de Kourou, ces hommes, que le désir d'un
combat a conduits en face de nous ! 2,284.
» Ce qui doit être fait par ton altesse sera notre salut,
fléau des ennemis, à nous, revenus de la bataille, brisés,
désirant du secours. 2,286.
» Le héros montrant du courage, qui tiendra en pré-
sence de l’ennemi, il faut qu'on achète cet homme
OUDYOGA-PARVA.
57
mille fois son pesant dor : c'est l’opinion des politiques.
» Toi, éminent guerrier, tu es un brave, un valeureux,
un héros, le sauveur des hommes tourmentés par la peur
dans les combats : c’est indubitable. » 2,280 — 2,287.
» Quand le vertueux fils de Kountt, Youdhishthira, eut
parlé ainsi, Dhrishtadyoumna me tint ce langage, à moi,
qui avais secoué ma crainte ! 2,288.
« Dis à tous les habitants de la campagne, cocher, à
tous ceux, qui appartiennent à Douryodhana, aux Vâhli—
kides, aux enfants de Kourou, aux Pràsipidcs et aux
Çaradvatides, 2,289.
» Au fils du cocher, à Drona et à son fils, à Djayad-
ratha , à Douççâsana , à Vikarna et' au monarque
Douryodhana ; 2,290.
» Hàte-toi d’aller vers Bhlshma et dis— lui : « Partez,
sans différer ! 2,291.
» 11 faut qu’un homme vertueux s’en aille trouver
Youdhishthira de peur qu'Arjouna, protégé parles Dieux,
ne vous ôte la vie ! Hâtez-vous de rendre â Dharmaràdja
son royaume ! Suppliez ce fils de l’àndou, le héros du
monde. 2,292.
» En effet, il n’existe sur cette terre-ci aucun combat-
tant de la même nature que l’Ambidextre, ce lils de
Pàndou au courage infaillible. 2,293.
» Son char céleste est environné par les Dieux : l'ar-
cher du Gàndiva ne peut ôire vaincu par un homme. Ne
tournez pas votre âme à la guerre. » 2,29.1.
« Le fils de Pàndou a la splendeur du kshatrya, repartit
Dhrislarâshtra ; dès l’enfance, c’est un brahmâteharî. Les
insensés, ils s’engageront dans une guerre avec lui en
dépit de mes plaintes. 2,295.
58
LE MAHA-BHARATA.
» Douryodhana, abstiens-toi des combats, ô le plus ex- .
cellent des Bharatides ! En effet, on ne loue pas la guerre,
qui compoite toutes les conditions, fier dompteur des
ennemis. 2, ‘298.
» Que la moitié de la terre te suffise pour vivre, à toi et
à tes ministres. Donne l’autre, ainsi qu'il convient, puis-
sant guerrier, aux fils de Pàndou. 2,297.
» Tous lesKourouides regardent cette restitution comme
jointe à la vertu ; et, grâce à elle, tu pourras estimer que
tu es en repos, du côté des magnanimes enfants de Kou-
rou. 2,298.
» Considère, oh ! mon fils, celte armée de toi ! Voilà
une affliction, qui est née pour ta ruine, et tu ne t'aperçois
pas de ton délire ! 2.299.
» Certes ! je ne désire pas la guerre, et Vàblika ne la
veut pas, ni Bhlshma, ni Drona, ni Açvatthàman, ni
Sandjaya. 2,300.
» Somadatta ne désire pas combattre, ni Cala, ni Kripa.
11 en est ainsi de Satyavrata, de Pouroumitra, de Djayaet
de Bhoûriçravas. 2,301.
» Appuyés sur ces hommes, les Kourouides, malme-
nés par l’ennemi, tiendront ferme; ils ne veulent pas la
guerre. Que leur sentiment, mon fils, ait ton approba-
tion ! 2,302.
» Tu n’agis pas de ton plein gré ; Karna est ton ins-
tigateur ; c’est encore le criminel Douççâsana et le fils
de Soubala, Çakouni lui-mème. » 2,303.
o Mes provocations, répondit Douryodhana, ne sont
pas motivées par la confiance, que j’ai mise dans le véné-
rable Drona, ou dans Açvatthàman, on dans Sandjaya,
ni dans Bhtshma, ni dans le roi du Kàmbodja, ni dans
OUDYOG A-PARV A.
50
K ripa, ni dans le Vàhlikide, ou dans Satyavrata, ou dans
Pouroumitra, ou encore dans Bhoûr'çravas, ni dans ces
autres, qui sont les tiens ! 2,305 — 2,305.
» Karna et moi, deux taureaux des hommes, nous
sommes initiés pour un sacrifice de bataille, que nous
avons commencé, mon père, et dans lequel nous avons
pris Youdhishthira pour victime ! 2,306.
n Mon char est mon autel ; mon cimeterre, voilà mon
aube ! Ma massue est la cuiller du sacrifice ; ma cui-
rassa, c’est l'assemblée, ma vaillance est la réunion des
quatre sacrificateur^; mes flèches sont l'herbe Kouça
et j'ai ma renommée pour beurre clarifié! 2,307.
» Après que nous aurons honoré Yama avec mon
sacrifice, que nous aurons vaincu dans le combat, immolé
nos ennemis, nous marcherons de compagnie, environnés
de la Déesse Fortune. 2,308.
» Moi, et Karna, et mon frère Douççâsana, oui! nous
trois, mon père, nous abattrons les Pàndouides dans un
combat : 2,309.
» Quand j'aurai tué les fils de Pàndou, moi, je gouver-
nerai cette terre; ou ce sont eux. qui en savoureront les
délices, après qu’ils m’auront couché sur la poussière !
» J’abandonnerais toutes mes richesses, mon royaume,
ma vie; mais jamais, prince auguste, je n'habiterai avec
les Pàndouides ! 2,310 — 2,311.
» Aussi long-temps que les fils de Pàndou ne nous
auront pas fait l'abandon de la terre, vénéré monarque,
aussi long-temps les pointes d'une profonde douleur me
déchireront le cœur ! » 2,312.
A ces mots, Dhritaràshtra dit :
« J'abandonne Douryodhana ; mais je vous plains tous,
«0
LM MAHA-BHARATA.
mes amis, qui suivre* un insensé, qui se précipite vers
le séjour d’Yama! 2,313.
» Les Pândouides réunis tueront les plus braves d’entre
vous dans le combat, comme un tigre, le plus terrible des
assaillants, tue les meilleurs dans les troupeaux des ga-
zelles. 2, 31 A.
» L’armée Bharalienne me semble déjà mise en fuite,
comme une femme confuse, enlevée, dévorée même par
un guerrier aux longs bras. 2,315.
» Màdhava se tiendra ajoutant au nombre de l’armée
déjà complète du Prilhide, et Çaînéya dispersera dans le
combat ses flèches comme une semence. 2,316.
» Bhîmaséna sera à la tête de l’armée des combattants
ennemis : tous se réfugieront auprès de lui, tels que
sous un rempart inaccessible à la crainte. 2,317.
» Quand tu verras tomber, comme des montagnes rom-
pues, les éléphants arrosés de sang, les protubérances
frontales en morceau et les défenses brisées sous les coups
de Bhima, 2,318.
u A l’aspect de ces pachydermes, tels que des montagnes
disloquée.;, alors, glacé d'épouvante à l’attouchement de
Bhîma, tu te rappèleras ces paroles de moi. 2,319.
» A la vue de ton armée, consumée pat Bhima, avec tes
éléphants assommés, tes chars brisés, comme si le feu y
avait passé, lu te rappèleras alors ces paroles de moi.
» Je tombe à cause de vous dans une grande frayeur.
Si vous no vous calmez à l'égard des Pândouides, la mas-
sue de Bhimaséna en vous immolant vous forcera bien à
vous calmer ! 2,320 — 2,321.
» Quand tu verras l’armée des Kourouides, étendue
par Bhima sur la terre, comme un vaste bois, que la
OUDYOGA-PARVA.
61
hache a coupé, tu te rappèleras alors ces paroles de
moi ! » 2,322.
Quand le vieux monarque , continua Valçampàyana,
eut fait entendre ce langage à tous les maîtres de la terre,
il adressa, puissant roi, d’une voix haute ces nouvelles
interrogations à Sandjaya : 2,323.
« Répète -moi ce qu’ont dit ces deux magnanimes,
Rhanandjaya et le Vasoudévide ! J'ai le désir, homme à
la vaste science, d’écouter encore ta parole ! » 2,324.
n Écoute, sire, de quelle manière j’ai vu Krishna et
Dhanandjaya, répondit le cocher; je te dirai ensuite, re-
jeton de Bharata; ce qu’ont dit ces deux héros. 2,325.
» Après que j'eus contemplé les doigts des pieds de
ces Dieux-hommes , j’entrai dévotement , sire , et les
paumes des mains réunies au front, dans le sérail pour
leur exposer ma rnission. 2,326 (1).
» Dans ce lieu n'entrent pas, ni Abbimanyou, ni les
jumeaux ; là seulement sont les deux Krishnas , et le
chaste Krishnâ, et l’illustre Satyabhamâ. 2,326.
» Ils sont enivrés d’âsava et de liqueurs spiritueuses,
poudrés de sandal , chargés de bouquets, revêtus des
robes les plus riches, décorés de célestes parures. 2,327.
n Là, sont de hauts sièges d’or, étincelants de nobles
pierreries diverses, recouverts de tapis variés, où sont
assis les deux héros dompteurs des ennemis. 2,328.
u Je vis les deux pieds de Kéçava posés dans le sein
d’Arjouna, et ceux du magnanime Arjouna, dans le giron
de Krishna et de Satyâ. 2,329.
(1) Ce distique est compté par erreur 2,325. Pour ne pas nous séparer
de noire édition, nous avons doublé ce chiffre.
62
LL MAHA-BHARATA.
» Le Prithide m’indiqua du pied son escabeau d’or,
je le touchai de la main ; ensuite, je m'assis à terre.
» Je vis là, ôtés de l’escabelle les deux pieds du fils
de Prithà aux signes admirables, aux plantes inarquées de
raies verticales. A peine eus-je vu, trônant sur un même
siège, ces deux resplendissants héros, jeunes, grands, azu-
rés, d'une taille élevée comme la tige d'un shor 'e, une
profonde terreur mesaisit. 2,830—2,331 — 2,332.
u L’appui, qu’il trouve dans la protection de nos
princes, la jactance de Karna, l’affection de Bhlshmaetrfe
Dronaempêche un esprit stupide de reconnaître qu'ils sont
pareils à Indra et à Vishnou. 2,333.
u Ils sont l'un et l'autre soumis aux commandements
de cet Youdhishthira, de qui l'âme doit arriver à la per-
fection. Ses projets sont alors devenus une vérité pour
moi. 2,334 (1).
» Honoré de nourriture et de breuvage, après que j’eus
reçu l’itospitalité, bien couvert et portant les paumes de
mes mains réunies à mon Iront, je demandai à ces héros
des nouvelles de leur santé. 2,340.
» Le Prithide, honorant son pied de la main aux
marques heureuses, où se voyaient imprimées les callo-
sités, qu'y avait laissées la corde de son arc, excita kéçava
à prendre la parole. 2,341.
» Orné de toutes les parures et semblable en vigueur à
Çakra, Krishna, étendu sur sacouche, s'étant levé, comme
l’arc d’Indra sur le ciel , m'adressa ce langage ; 2,342.
(I) Il y a une erreur dans l’édition ; car la stance suivante est numérotée
2,340; chiffre, qu’il nous faut donc adopter pour marcher d'un pas égal à
celui du texte.
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OUDYOGA-PARVA.
OS
» Lui, le plus éloquent des hommes, il me tint ce
discours, puissant en paroles, causant la joie, que pré-
cédait un doux sourire , mais bien effrayant aussi , et qui
portait la terreur chez les enfants de Dhritaràshtra ;
» Et moi, j'entendis ce langage de l'Être, digne qu’on
parle de lui, ce langage, doué d’une science éternelle,
au sens aimé et qui enlevait le cœur à sa suite :
2,3A3— 2,344.
« Sandjaya, répète ces mots au sage Dhritaràshtra, en
présence de Rhishma, le plus grand des Kourouides, aux
oreilles même de Drona. 2,346.
« Incline-toi, cocher, suivant nos paroles, devant les
plus âgés et les plus jeunes; ensuite, leur ayant demandé
s’ils fleurissent en santé, dis- leur de cette manière : 2,340.
« Célébrez différents sacrifices, donnez aux brahtnes
les présents honorifiques, réjouissez-vous avec vos fils et
vos femmes 1 Un grand danger fond sur vous. 2,347,
» Abandonnez vos richesses à ceux, qui ont droit à
vos biens ; engendrez des fils nés de l’amour ; obligez vos
amis! Voici que le roi ‘ Y oudhishthiru marche d’un pas
rapide à la victoire. 2,348.
» Krishnà s'est écriée vers moi , qui habitais loin
d’elle : « Govinda! Govinda! » C'est une dette, qui s’est
accrue ; elle n'est pas sortie de mon cœur. 2,349.
» Vous avez une guerre ici avec l’ Ambidextre, secondé
par moi. C’est lui, qui possède l’arc Gândtva inaffron-
tablc et composé de splendeurs. 2,350.
» Qui désire encore croiser l’épée avec Arjouna, quand
il a moi pour second ; lui, qui n’e8t point assiégé par la
mort, et qui est Indra lui-même en personne? 2,351.
i Est-il un homme, qui puisse vaincre cet Arjouna,
LE MAHA-BH VRATA.
64
qui porterait la teiTe sur ses bras, qui consumerait ces
créatures dans sa colère et qui arracherait les Dieux
mêmes du Tridiva? 2,352.
» Je ne vois personne entre les serpents, les Yakshas
et les Gaudharvas, parmi les hommes et les Dieux, qui
ose affronter ce lils de Pàndou dans une bataille! 2,353.
» Ce qu’on raconte de lui, tandis qu'il habitait la cité
de Virûta, est prodigieux; cet exemple suffit pour la
preuve, non-seulement d’un seul fait, mais 'd’un grand
nombre. 2,354.
« tjuand ce (ils de Pàndou, seul, dans la cité de Yirâta,
vous mettait en fuite, rompus à tous les points de l’espace,
cet exemple n’est-il pas suffisant? 2,355.
» La force, la vigueur, l’énergie, la promptitude, l'agi-
lité de la main, l'absence de la fatigue et la constance,
n'existent point ailleurs que dans ce lils de Prithâ! u
» Ainsi parla Hrishlkéça, exaltant de sa voix le lils de
Kouuil, tel que Pàkaçàsana, tonnant au sein du ciel, verse
la pluie dans la saison humide. 2,350 — 2,367.
» A peine eut-il ouï ce discours, Arjouna, ceint d'une
tiare et porté sur des chevaux blancs, articula un son, qui
lit se hérisser les poils sur le corps. 2,358.
Dès qu’il eut entendu ce langage de Sandjaya, le
vieux monarque des hommes, qui avait l'œil de la science,
commença à supputer, dans un discours, les avantages et
les défauts. 2,359.
Ce prince savant, qui désirait voir la victoire sourire
à ses fils, lorsqu’il eut compté dans la vérité de son
jugement avec subtilité, exactement, les qualités et les
défauts, qu’il eut balancé avec justesse le fort et le faible,
ce monarque intelligent commença à distinguer de quel
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OUDYOGA-PAHVA.
65
c6té se trouvait la puissance, et dit à Douryodhana que
les Pàndouides réunissaient la vigueur et l'énergie de
l'honmic et du Dieu, mais que les Kourouides n'avaient
pas une force aussi grande. 2,3(30 — 2,301—2,302.
« Douryodhana, cette pensée me revient sans cesse,
elle ne se calme pas. Je la vois, comme une vérité, placée
devant mes yeux, et non comme une idée acquise par
induction. 2,363.
• » Toutes les créatures témoignent, à leurs enfants, le
plus grand amour; elles prodiguent à tes jeunes ( 1res ,
suivant leurs moyens, les choses utiles et agréables.
« Nous voyous souvent des bienfaiteurs, qui sont de
cette sorte même. Les gens de bien désirent rendre, au
centuple, un grand plaisir, quion leur a fait.
2,30â— ,2306.
» Aussi, le Feu, se rappelant quel service il reçut
d’Arjouna, dans la forêt Khàndava, fera-t-il amitié avec
lui, dans ce terrible engagement des Kourouides et des
Pàndouides. 2,3(50.
» Les habitants du ciel appelés, Yauia et les autres,
viendront en grand nombre, amenés par affection pour le
parti des Pàndouides. 2,367.
» Ils viendront par le désir de sauver leur colère, sem-
blable à la foudre, de la crainte, qu'inspirent Rhtsma,
Drona, K ripa et les autres. C’est mon opinion. 2,368.
» Accompagnés des Dieux , il est impossible à un
mortel de vaincre les fds de Pândou, ces tigres des
hommes, remplis de vigueur, qui sont parvenus à la rive
ultérieure des astras. 2,369.
» 11 n’existe pas, sur la terre, un être égal au guerrier,
qui possède l’arc Gàndiva sublime, incomparable, divin,
vt 5
66
LK MA1IA-BHARATA.
et ces deux carquois, présent de Varouna, célestes, impé-
rissables, pleins de flèches, et ce singe peint en son
drapeau, et ce divin cimeterre, dont la route est celle du
feu, et ce char, qui forme un quadrilatère I
2,370—2,371.
» Quand il s'avance, les hommes entendent un bruit
pareil à celui des vastes nuages, un son tel que celui de
la grande foudre, qui glace de terreur les ennemis î
» Le monde entier pense qu'il est pour la vigueur au-
dessus de l’humanité : les princes reconnaissent qu'il
est dans les combats le vainqueur des Dieux mêmes.
» On le voit prendre cinq cents flèches, les. décocher
dans le seul espace d’un clin d'œil et les faire tomber au
loin. 2,372 — 2,373 — 2, 37 A.
» l.ui, duquel il fut dit par Bhlshna et Drona, par
Kripa et Açvatth&man, par Çalya, le roi de Madra, et par
des hommes [placés entre les deux partis : 2,375.
» 11 est impossible à des princes au-dessus de l'huma-
nité même de vaincre le fils de Prilliâ, ce dompteur des
ennemis, cet éminent maître de char, fermement résolu
au combat ! 2,376.
» Ce fils de Pàndou, égal à Kàrllavîrya pour la vigueur
de ses bras, qui, aidé par sa virilité seule, peut décocher
cinq cents flèches à la fois. 2,377.
» Il me semble déjà voir cet Arjouna au grand arc,
qui a le courage de Mahéndra ou de Vishnou, étendre son
courage dans cette vaste bataille et dans cette mêlée.
» Tourmenté de ces pensées durant les longues nuits
entières, je veille sans sommeil, rejeton de Bharata ; je
suis privé de tout plaisir, occupé de la seule pensée du
repos des enfants de Kourou. 2,378 — 2,379.
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OUDYOGA-PAUVA.
U7
» Celte ascension épouvantable de la mort des Kou-
ronides se lève sur l’horizon, si l’on ne met lin à ces
débats, et il n’existe pas d'autre moyen que la paix.
» La paix a toujours des charmes pour moi ! Qu’il n’y
ait pas de guerre avec les Prithides, mon ami ! Car je ne
puis écarter de ma pensée que les fils de Pàndoù sont plus
vigoureux que les enfants de Kourou. » 2,380 — 2,381.
A peine eut-il entendu ce discours de son père, le
Dhritarâshtride, plein d’une bouillante colère, entra
daus une grande fureur, et prononça ces nouvelles
paroles : 2,382.
« Les Prithides, qui ont les Dieux pour conseillers, ne
peuvent être vaincus ! » ainsi pense ta majesté. Que
cette crainte s’en aille de ton cœur, ô le plus excellent des
rois. 2,383.
» Les Dieux sont parvenus A la divinité par l'abandon
des sentiments, en se séparant de la cruauté, de l’avarice,
de la haine et de l’amour. 2,384.
» Ainsi Vyàsa-Dwalpayana, Nàrada aux grandes péni-
tences et Râma le Djamadagnide nous ont jadis raconté
cette légende. 2,385.
» Jamais les Dieux ne procèdent comme un homme,
éminent Bharatide, suivant l’amour, la colère, la cupidité
et la haine. 2,38ti.
» Quoique le Vent, Agni, Yama, Indra et les deux
Açvvins aient agi par le sentiment de l’amour, les fds
de Prithâ ne sont-ils pas tombés dans l’infortune ? 2,387.
» 11 ne faut donc pas que ta majesté conçoive jamais
cette pensée : les Dieux en effet, rejeton de Bharata, atten-
dent éternellement l’avenir avec des sentiments conforme-s
à la condition divine. 2,388.
68
LE MAHA-BHARATA.
» Si, d’après l'union avec l'amour, on voit la haine
et l'avarice ; ces affections ne passent point dans les Dieux,
conformément à l'autorité des Védas. 2,380.
n Jeté de tous les côtés et sur le^ioint de consumer tous
les mondes, le feu se câlin* toujours, cédant à mes incan-
tations. 2,300.
» Sache encore, lils de Bharata, que je suis ceint de
cette éminente splendeur, dont les habitants du ciel sont
environnés, et qu’elle est en moi sans égale, plus grande
même que chez les Dieux. 2,301.
n Mes incantations, sire, rétabliraient aux yeux du
monde la terre éclatée et les montagnes brisées en mor-
ceaux. 2,392.
» Je pourrais ici, en tous les temps, mainte et mainte
fois, éteindre, à la vue du monde, par compassion pour
ceux qui l’habitent, et le vent, et une pluie de pierres bien
épouvantable, au fracas terrible, suscitée pour la ruine
de l’univers avec ses êtres mobiles et immobiles, avec ses
créatures animées ou sans âme. 2,393 — 2,39â.
» Grâce à moi, les hommes de pied et les chars mar-
chent sur les eaux consolidées. C’est moi, qui seul fais
naître les sentiments des Asouras etdes Dieux. 2,395.
» La crainte d'une armée complète m'accompagne en
tous les lieux, où me conduit une affaire quelconque.
Mes chevaux s’élancent partout où se portent mes dé-
sirs. 2,396.
» Pour moi, il n’y a pas sur la terre de créatures formi-
dables, serpents ou autres monstres, ni gens défendus par
des formules secrètes, ni êtres inspirant l’effroi, qui puis-
sent me nuire. 2,397.
o Pardjanya verse les pluies à souhait, sire, aux habi-
oudyoga-parva.
t>9
tanls de la terre ; tous les sujets sont remplis de vertus
et les intempéries n’existent aucunement pour moi.
» Ni les deux Açwins, ni le Vent, ni le Feu, ni le meur-
trier de Vrilra, avec les Maroutes, ni Yama lui-même ne
peuvent défendre ceux, que je liais. 2,398—2,399.
» En effet, si, véritablement, ces Dieux étaient capables
de défendre mes ennemis, les Pritbides, qui ressem-
blent aux immortels, ne seraient pas tombés Sans l'infor-
tune. 2,400.
» Ni les Rakshasas, ni les Asouras, ni les Gandharvas,
ni les Dieux mômes ne sont capables de sauver un
homme, que poursuit ma haine : je te dis cela en vérité !
■» Un me reproche de penser toujours line chose mal-
heureuse où fortunée ; mais ces paroles n’ont pas encore
été démenties par l’événement, ni de l’un ni de l’autre
côté, pour mes amis et mes ennemis. 2,401 — 2 402.
» Si j’ai dit, fléau des ennemis: « Cette chose arri-
vera ! » ou n’a pas vu au temps passé les affaires se
tourner autrement. « C'est un homme véridique I » C’est
ainsi que je suis connu. 2,403.
n Le monde entier rend témoignage à cette magnani-
mité de moi ; elle est célèbre dans toutes les plages du
ciel ; ta majesté en a parlé elle-même, sire, pour relever
le courage, non pour faire mon éloge. 2,404.
» Certes ! jamais avant, sire, je n’ai été un glorieux, car
l’éloge d'un homme de bien est dans le mal, qu’il ne fait
pas. 2,405.
» Tu entendras dire que les filsdePândou, les Matsyas,
les Pântch&lains avec les Kaikévides, et Sâtyaki, le iils de
Vaçoudéva, furent vaincus par mon bras. # 2,40(5.
« S’étant approchés de moi, ils périront, eux et leurs
70
LE MAHA-BHARATA.
familles, comme les fleuves périssent entièrement, une
fois qu'ils ont abordé la mer. 2,407.
» Mon intelligence est supérieure; supérieure est aussi
ma force; ma vaillance est suprême, ma science est supé-
rieure ; mon unification incomparable à Dieu l'emporte
sur l’absorption méditative de ces hommes. 2,408.
» Tout ce que mon arrière-grand-oncle, et Drona, et
Kripa, et Çalya , et Cala savent dans la science des
astras, existe également en moi. » 2,409.
A ces mots, fils de Bharata, le dompteur des ennemis,
connaissant que les temps étaient arrivés, interrogea de
nouveau sur les affaires Sandjaya, dans son désir de com-
battre. 2,410.
Mais, sans penser qu’il s’enquérait diligemment sur le
fils de*Prith&, Karna, réjouissant le Yitchitraviride, fils
de Dhritaràshtra, lui adressa ce langage dans l’assemblée
des Kourouides : 2,411.
b Ayant su que jadis j'avais en vain promis au nom
de Ràma un astra inspiré de l'esprit absolu, il ine tint
alors ce langage : <■ Au temps de la mort, le souvenir des
astras t'abandonnera I » 2,412.
» Cirronstance, où je fus maudit dans une grande
offense par ce vieux maharshi. Cet anachorète aux per-
çants rayons de lumière est capable d’incendier la terre
jointe à ses mers. 2,41 3.
» Je fléchis sa colère, grâce à mon obéissance, et cet
asira me fut donné avec ses accessoires et tout rempli de
sa force. Je puis m'en servir : voilà ma fonction. 2,414.
» Quand j’aurai immolé dans l’espace d’un clin d'ueil
et grâce à la faveur obtenue du saint personnage les
Karoùshas, les l’anlchàlains, les Matsyas et les Priihides,
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OüDYOG V-PAKVA.
71
accompagnés de leurs lils et petits-fils, je posséderai les
mondes, conquis par mes armes. 2,415.
» Que l’arrière-grand-oncle , et Drona , et tous les
principaux des monarques se tiennent à mes côtés et
qu'ils voient comme, marchant, escorté de l’intelligence
et du courage, je vais tuer les enfants de Pritlià : voilà
ma fonction. » 2,416.
• « Pourquoi te vantes-tu, homme, de qui l’intelligence
est enveloppée par la mort? répondit Bhtshma au guer-
rier, qui discourait ainsi. Ignores-tu, Rarna, que les
lils de Dhritaràshtra suivront dans la tombe leur chef
abattu? 2,417.
» Tu as ouï parler de cette promesse, que fit Dha-
nandjaya, secondé par Krishna, quand il fit brûler le
Khàndava. Après une telle action, es-tu capable avec tes
parents de l’arrêter lui-mème? 2,418.
» Tu verras, brisée dans la guerre, frappée du tchakra
de Kéçava et réduite en cendres, cette lance merveilleuse,
que ta donnée l’adorable et magnanime Mahéndra, le
souverain des Dieux ! 2,419.
» Cette flèche à la gueule de serpent, qui, honorée des
plus riches bouquets, resplendit toujours dans ta main,
elle ira à sa destruction avec toi, Rarna, frappée des
averses de flèches lancées par les fils de Pândou. 2,420.
» Rirlti est protégé, Rarna, par le meurtrier de l'in-
fernal Vàna, ce Vasoudévide, qui, dans une guerre ter-
rible , immola des ennemis égaux à toi et même plus
vigoureux ! » 2,421.
•i 11 est hors de doute, répondit Rarna, que le souve-
rain des Vrishnides est connue tu le dis, et que je suis un
magnanime plus grand encore ! Que l’arrière-graud-oude
72
LE MAHA-BHARATA.
écoute ma réponse à ces paroles un peu dures ! 2,422.
» Je ne déposerai (1) jamais les armes dans le combat
et l’arrière-grand-oncle me reverra dans l'assemblée !
Mais tiens-toi en repos, loi! et tous les monarques sur la
terre verront qu’elle est ma puissance! » 2,423.
A ces mots, quittant l’assemblée, ce grand archer de
retourner dans son palais. Bhishma alors tint en sou-
riant, sire, ce langage à Douryodhana au milieu des kou--
rouides : 2,424.
« Certes ! avant ce jour, le fds du cocher nous a donné
des promesses vraies ; mais de quelle manière soutiendra-
t-il aujourd'hui cette charge ? Ayant rangé l’armée en
bataille, dit-il, et coupant les têtes sous les yeux de Bhi-
maséna, contemplant la destruction du monde, 2,425.
» J’immolerai toujours, par milliers et par myriades,
les combattants des ennemis dans le repos même des rois
d’Avanti, des Kâlingas, de Djayadratha, du souverain de
Tchédi et de Vâhlika! 2,420.
» Le devoir et la pénitence sont des choses perdues
pour ce (ils du soleil, le plus vil des hommes, alors qu’il
fait cette déclaration d’armes (2) et prononce ces paroles
de brahme, quand le beau Krishna vit sans reproche sur
la terre ! « 2,427.
Quand Bhishma eut prononcé, après le départ de
Karna, ce discours, où il blâmait scs armes, le (ils du
Vitchitraviride, Douryodhana A l’intelligence étroite tint
ce langage au fils de Çântariou : 2,428.
(1) Nyasydnti, présent de l'indicatif, par hypallage, sans doute.
(2) L'édition de Bomber porte ladtulram , et non induirai, comme celle
de Calcutta.
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OCDYOGA-PARVA.
75
• Comment peux-tu être le seul à penser que la vic-
toire puisse rester à ces Prithides, semblables au reste
des hommes, et de qui la naissance ne diffère pas de
toutes les autres? 2,420.
» Nous sommes leurs égaux en courage et en
prouesses ; notre jeunesse n’est pas différente, égale est
notre science divinatoire. 2,430.
» Nous les valons pour l’art de lancer la flèche, de
réunir les guerriers, pour la vitesse et l’habileté ; nos fa-
milles sont pareilles ; nous sommes, comme eux, sortis du
sein d’une femme. 2,431.
» Comment sais-tu, mon aïeul, que la victoire est à
ces Prithides? N’ai-je pas commencé à m'avancer hé-
roïquement aux yeux de ton altesse, de Drona, de Kripa,
et du Vahlikide, et de tous les autres Indrasdes hommes?
Moi, et Raina, le fils du soleil, et Douççàsàna, mon
frère, 2,432 — 2,433.
» Nous abattrons dans le combat les cinq fils de Pàn-
dou sous nos flèches acérées! Ensuite, je rassasierai de
vaches, de chevaux, de présents, tous les brahmes en de
grands sacrifices de diverses sortes et riches de nom-
breux honoraires. Lorsqu'ils verront les années enne-
mies pleines de chars et d'éléphants, les miens enfermer
dans leurs bras comme en des rèts leurs puissants rivaux,
tels qu’on arrête des gazelles an lacet , alors Kôçava et
les Pàndouides metfront bas leur orgueil. »
2,434— 2,435— 2, 43B-2, 437.
« La répression des sens et la vertu éternelle, dit
Vidoura, appartiennent surtout au brahme, qui a la vue
de la vérité. Ici, aflinnent les vieillards, est la béati-
t de. 2,438.
74
LE JIAHA-BHARATA.
» L'aumône, la patience, la perrection, lui viennent
exactement : la répression des sens, l'aumône, la péni-
tence, suivent la lecture et la science. 2,439.
» La répression des sens augmente l’énergie; la purifi-
cation est suprême dans la répression des sens. L'homme
sans [>éché, à la grande énergie, obtient la domination.
» Semblables aux carnassiers, les hommes indomptés
inspirent de l’effroi aux créatures; c’est pour les arrêter
que rÊtrc-cxistant-par-lui-nièuie a créé la caste des
kshatryas. 2,440 — 2,441.
» La répression des sens est, dit-on, le plus grand
vœu dans les quatre ordres religieux, — j'en dirai le ca-
ractère; — chez eux, la répression des sens commence le
lever des vertus. 2,442.
» la fermeté, la patience, l'innocuité, l’égalité d'âme,
la vérité, la droiture, la victoire sur les organes des sens,
la constance, la douceur, la pudeur, l’immobilité, 2,443.
» La richesse de l’esprit, l'absence de la colère, le
contentement et la confiance ; l'homme, qui possède ces
qualités, Indra des mortels, on dit qu'il est dompté.
n L’amour, l'avarice, l’orgueil, le ressentiment, le
sommeil, l’ambition, l’envie et le chagrin sont des choses,
qu'un homme dompté ne connaît pas ! 2,444 — 2,445/
» La franchise, la bonté, la pureté, être libre de
couvoitise, désirer peu de chose, ne pas songer aux
amours, sont le caractère de l'homme dompté. 2,440.
» Celui, que l’on vante connue dompté, est semblable
à la mer; il est vertueux, il est sage : il est doué de
bonnes mœurs, il connaît la sérénité de l'âme. 2,447.
» Après qu'il a joui du respect dans ce monde-ci, il
entre, au-delà de la tombe, dans la voie des bienheureux,
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OUDYOGA-PARVA.
75
11 n'inspire ancun effroi à tous les êtres et n'a rien à
craindre d’aucun d'eux. 2,448.
» li a mûri la science ; on le cite comme le plus grand
des hommes; il est bon pour toutes les créatures, il est
aimable et, par conséquent, il n'est point agité par la
crainte. 2,440.
o Profond comme la mer, rassasié de science ; il a l’es-
prit en paix ; la chose, qu’il fait, est toujours celle que les
gens de bien ont faite avant lui. 2,450.
» Ayant embrassé de tels sentiments, les hommes
domptés se réjouissent, adonnés à la paix de l’âme ; ou
bien, adoptaut l’abstention des œuvres, les organes des
sens vaincus, rassasié de science, il marche dans ce monde,
les yeux fixés sur la mort ; il participe à ('unification en
Dieu, et, de même qu’on n'aperçoit pas la trace des
oiseaux au milieu des airs, 2,451 — 2,452.
» Telle on ne voit pas la route de l’ homme, rassasié de
la science. Ou les mondes éternels, faits de lumière, sont
dans les cieux l'héritage du mortel, qui, abandonnant son
épouse, n’aspire qu'à la délivrance. 2,453 — 2,454.
» Nous avons ouï dire à nos devanciers, mon lils, qu’un
certain oiseleur s'était muni sur la terre d'un lacet pour
attraper ici des oiseaux. 2,455.
t Deux hôtes de l’air vinrent de compagnie se prendre
ensemble au piège : l'homme les dégage de ses rêts, mais
les deux habitués du ciel s'enfuient à tire d’aile. 2,458.
» Quand l’oiseleur vit les deux captifs s’envoler par La
voie des airs, il se mit à courir après eux, sans rougir,
partout où ils allaient. 2,457.
» Placé dans son hermitage, où il avait accompli ses
obligations quotidiennes, un anachorète vit le chasseur,
LE MAHA-BHARATA.
7«
qui courait dans le désir d'attraper les oiseaux. 2,458.
* L’hcrmitc alors d'interroger, Kourouide, avec ce
çloka, l'homme, qui suivait d'un pied rapide, mais par
terre, les volatiles, qui s'enfuyaient dans les airs : 2,4ôfl.
« L'action, que tu fais, chasseur, nie parait surprenante
et merveilleuse, car tu poursuis à pied deux oiseaux,
que leurs ailes emportent dans l’atmosphère. » 2,460.
i. (les volatiles, répondit l’oiseleur, sont venus de com-
pagnie dans le même filet de moi, qui l’avais tendu pour
les prendre ; ils reviendront en ma puissance, quand la
querelle se mettra parmi eux. » 2,461.
» ltientût la rixe se glissa entre eux, comme l'oiseleur
avait dit; ils se livrèrent un combat avec un esprit bien
stupide, et s’abattirent sur la terre. Tandis qu’ils combat-
taient irrités, obéissants à la volonté de la mort, le meur-
trier d’animaux s’approcha, .ans être vu ni entendu, et les
prit. 2,462 — 2,463.
» 11 en est ainsi des parents, qui prennent le combat
pour arbitre en leurs mutuelles affaires : la guerre les
met, comme ces oiseaux, sous le pouvoir de leurs enne-
mis. 2,464.
» Ne fais jamais d'obstacle à ces usages de famille : les
repas en commun, les conversations mutuelles, les de-
mandes réciproques, une commune entrevue. 2,465.
» Tous les hommes d’un bon esprit, qui honorent à
propos les vieillards, sont aussi invulnérables qu'une forêt,
défendue par un lion. 2,466.
» Ceux, qui, après avoir commencé une affaire éternelle,
s’arrêtent comme des lâches, éminent Hharatide, ils don-
nent l'avantage aux ennemis. 2,467.
u Dhritaràshtra est obscurci de fumée par sa famille,
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OU DYOGA-PARVA.
tel que par des torches réunies, flamboyantes, mais arri-
vées à leur lin. 2.46S.
n Je te dirai cette autre chose, comme je l’ai vne sur une
montagne. Quand tu l’auras entendue, rejeton de Kourou,
agis de manière que ta conduite soit pour le mieux. 2,469.
» Escortés par des chanteurs Kiràtas, noussotumesallés
sur une montagne très-élevée, accompagnés d’interprètes,
d’hommes, qui exposaient la science, et de brahmes, sem-
blables aux Dieux. 2,470.
» ('.'était le Gandhamàdana, montagne toute remplie de
tous les côtés avec des plantes rampantes et grimpantes,
avec une multitude d’herbes phosphorescentes, habitée
par des Gandharvas et des Siddhas. 2,471.
» LA, nous vîmes tous du miel, des rayons, des gâteaux
de miel, semblables A un boisseau, et placés au milieu
d'un lieu désert, dans un précipice escarpé! 2,472.
■> Ce dépôt, très-aiuié de Kouvéra, est gardé par des
serpents. L’homme mortel, qui peut en jouir, obtient aus-
sitôt l'immortalité. 2.473.
» L’aveugle acquiert des yeux, le vieillard revient A la
jeunesse : ainsi nous le racontèrent les brahmes, qui
faisaient nos approvisionnements. 2,474.
» Alléchés par sa vue, maître de la terre, les Kiràtas
périrent tous dans cette caverne escarpée et remplie de
serpents. 2,475.
» l)e même, ton fils, que voici, désire posséder seul la
terre-, il voit le miel, et, dans sa folie, il ne lient pas
compte du précipice. 2,476.
s Ce Douryodhana, il veut combattre l’Ambidextre en
bataille; mais je ne lui vois, ni une force, ni un courage
assortis à ceux du guerrier, 2,477.
7S
LE .MA H V-BHARATA.
» Par qui seul, -monté sur un char, la terre a été sou*
mise. Bhishma, Drona et les autres, valeureux compa-
gnons, tout tremblants, n’ ont-ils pas été rompus dans la
cité militaire de Vira ta ? Le souvenir de cette action est-
il sorti de ta mémoire? Le souverain héroïque du Mnlsya,
Droupada, qui dans l’attente soutient ton regard, et Dha-
naudjaya irrité, semblables tous deux à des feux excités
par le vent, ne laisseront pas survivre un seul de tes
guerriers. 2,478—2,479 — 2,480.
« Embrasse sur ton sein, Dhritai àshtra, le monarque
Youddhishthira ; car , si vous combattez l’un contre
l’autre, la victoire ne sera pas entière. » 2,481.
« Douryodhana, comprends, mon fils, reprit Dhrita-
ràshlra, ce que je vais te dire. Tu regardes comme une
erreur, tel qu'un voyageur ignorant, la route, que tu dois
suivre. 2,482.
» Car tu veux te rire des cinq fils de Pàndou, sem-
blables aux cinq grands éléments, par qui se soutient le
monde. .2,483.
» En effet, tu ne peux vaincre cet Youdhishthira, ce
fils de Kountt , qui pratique ici-bas la plus haute vertu et
qui doit [lasser après sa mort dans la plus haute voie.
» Tel qu’un arbre ne peut surmonter un grand vent,
de même ne pourras-tu surmonter Bhitnaséna, de qui un
égal en force n'existe pas et qui est la mort dans les
combats. 2,484 — 2,485.
n Quel homme, s’il a de l’intelligence, engagerait nne
bataille avec l’archer du G&ndtva , le plus vaillant de
tous ceux, qui portent les armes, comme le Mérou est la
plus haute des montagnes? 2,480.
•> Quel guerrier pourrait immoler ici aujourd’hui même
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OUDYOGA-PAItVA.
79
Dhristadyoumna le Pântchàlain, qui décoche au milieu
des ennemis ses flèches de la manière que le roi des
Dieux Tance sa foudre? 2,487.
» Sâtyaki est réputé invincible parmi les An il h ak as
et les Vrishnides; il moissonnera ton armée, car il se
plaît dans le bien des Pàndouides. 2,488.
« Quel homme , s'il a de l’intelligence, combattrait
avec Khrisna aux yeux de lotus bleu, lui, de qui la gran-
deur surpasse encore les trois mondes? 2,489.
» D’un côté est son épouse, ses parents, ses alliés;
de l’autre est Dhanandjaya, cette terre et lui- même.
» (l’est au parti du PAndouide à l’âme comprimée
qu’appartient l'invincible fils de Yasoudéva. I.A, où se
tient Kéçava, est une force insoutenable même à la terre!
2,490—2,491.
» Attache-toi, mon fils, à la parole de tes vertueux
amis au langage sensé ; supporte la censure du vieux (ils
de (làntanou, Rhtshma, ton arrière-grand-oncle. 2,492.
» Écoute-moi, qui te parle, les yeux fixés sur l’avan-
tage des Kourouides ; écoule Drona, Kripa, A ikarna et le
puissant roi Vâhlika. 2,493.
» Ils sont, en effet, à l’égal de moi, veuille les consul-
ter, comme tu le ferais pour moi-même. Tous connaissent
le devoir ; ils ont pour toi, rejeton de Bharata, un amour
égal nu mien. 2,494.
» Dans l’expédition contre la cité de Viràta, forcée
d’abandonner les vaches, ton armée tremblante d’effroi,
fut rompue avec tes frères sous tes yeux mêmes. 2,495.
» Nous avons appris quelle haute et merveilleuse
prouesse fut accomplie dans cette ville : cet exemple
d'une seule est suffisante pour un grand nombre.
so
Lli MAHA-BHAUATA.
» Si Arjouna l'exécuta, combien plus tous ceux qui
C accompagnent ! Souviens-l’en ! Sauve ta famille avec
tes frères. » 2.49(5 — 2,497.
Quand il eut adressé à Souvodhana ces paroles, le
vertueux Dhrilarâshtra à la grande science interrogea de
nouveau Sandjaya : 2,498.
« Dis-moi, Sandjaya, ce qui reste. Que te dit Arjouna
immédiatement après le Vasoudévide? Ma curiosité est
extrême. » 2,499.
« Dès qu'il eut entendu le discours du Vasoudévide,
répondit Sandjaya, l’inalfrontable fils de Kouutl, Dha-
nandjaya, tint ce langage à propos devant le Vasoudévide,
qui écoutait : 2,500.
« Dis, Sandjaya, à mon arrière-grand-oncle, le fils de
r.ântanou, ainsi qu’à Dhritarâshtra, à Drona, à Rripa, à
Karna, au grand roi Y&hlika, au fils de Drona, à Soir.a-
datta, à Çakouni lui-même, le fils de Soubala, à Douççà-
sana, à Cala, à Pouroumitra, à Vivinçati, à Vikarna, à
Tchitraséna, au prince Djayatséna, à Vinda et Anouvinda,
les rois d' Avant!, à Dourmoukha le Kourouidc, au Sin-
dltien Doussalta, à Bhoùriçravas, au monarque Bhaga-
datta, à son altesse Djalasandha et à tous les autres
princes, qui, réunis là pour combattre dans l’intérêt des
enfants de Kourou, désirent la mort, et que le Dhrita-
ràshtride amena pour sacrifier dans le feu allumé des
Pândouides. Il te faut parler à pes grands rassemblés,
suivant la convenance , leur baiser les pieds et leur
demander, en mon nom, des nouvelles de leur félicité.
Dis ces mots, Sandjaya, au milieu des rois, à Souyo-
dhana, le trésor des vices. (De ta stance 2,501 à la
stance 2,507.)
1 1 —
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OUDYOGA-PAUVA.
81
>> Fais entendre complètement , Sandjaya , tout ce
discours de moi au Dhritarâshtride, environné de ses
ministres; ce fils ainé du roi, plein d'avarice, prompt ft
la colère, à l’esprit méchant, à l'âme criminelle. >■ 2,507.
» A ces mots, le sage lils de Prithâ, Dhanandjaya, prit
une contenance ferme et, fixant sur le Vasoudévide ses
grands yeux aux angles rouges, il me tint ce langage,
plein de sens et conforme à la justice : 2,508.
« Tu répéteras devant les monarques rassemblés son
discours, tel que tu l’as entendu sortir de la bouche du
magnanime héros, qui triompha de Madhou, et ton excel-
lence redira aussi mes paroles entièrement. 2,509.
« Tous réunis, déployez vos efforts, afin que, dans un
grand combat, l’ offrande ne soit pas versée dans le feu
des Pàndouides, excité par le vent des chars, avec l'arc
en guise de cuiller sacrée, qui été la force aux astras.
» Si vous refusez de rendre à Youdhishthira, l’imino-
lateur des ennemis, sa désirée part d'héritage, je vous
plongerai tous, avec vos coursiers, vos hommes de pied
et vos éléphants, sous mes flèches acérées, dans le séjour
infortuné des Mânes. » 2,510 — 2,511.
» Alors, je dis adieu à Dhanandjaya ; je fis à la hâte
mes adorations à AfrisAna-Vishnou, et je revins prompte-
ment ici, en ta présence, roi, ceint d'une auréole immor-
telle, te répéter cette grande parole. » 2,512.
Ce langage ne fut point agréable à Douryodhana, le
Dhritaràshtride ; tous gardèrent le silence, et les princes
éminents levèrent le siège. 2,513.
Après le départ de tous les rois de la terre, puissant
monarque, le vieux souverain se mit à interroger Sandjaya
dans la salle évacuée. 2, 51 A .
vi
O
82
LE MAHA-BHARATA.
Soumis au pouvoir de ses fils, il désirait leur victoire,
et cherchait un jugement sur les Pândouides, sur leurs
ennemis et sur .lui-même. 2,515.
« Fils de Gavalgani, dis-nous maintenant ici le fort et
le faible de cette armée, demanda-t-il. Tu sais le nerf des
Pândouides. Qu’est-ce qu’ils ont de plus fort? Qu’est-ce
que les autres-ont de plus faible? 2,516.
» Tu connais la force de l’un et de l'autre parti; tu
vois tout; tu es versé dans le juste et l’utile; tu sais la
vérité. Interrogé par moi, Sandjaya, ne cache rien. De
quel côté les combattants ne se trouvent-ils pas ? #
« Je ne puis te rien dire en ce lieu solitaire, sire, lui
répondit Sandjaya, car il serait possible que la calomnie
eût accès auprès de toi. Mais, ami d’Adja, fais venir ici
ton aïeul au grand vœu et Gândhârl, ta royale épouse.
2,517—2,518.
» Que la présence de ces deux personnes écarte de toi
la calomnie, Indra des hommes. Elles connaissent le
devoir, elles sont habiles, elles distinguent la vérité. En
présence d’elles, je pourrai dire mon opinion entière sur
Kéçava et les enfants de Prithâ. » 2,519.
Dès qu'il eut ainsi parlé, Gândhârl et Vyâsa arrivèrent,
amenés par Vidoura, et furent promptement introduits
dans la salle du trône. 2,520.
Aussitôt qu’il eut eonnu le sentiment de son fils et l’o-
pinion de Sandjaya, Krishna-Dwaîpâyana à la grande
science s’approcha et dit : 2,521.
« Sandjaya, déclare aux interrogations de Dbrita-
râshlra tout ce qu'il t’ordonne de dire. Tu sais bien tout
exactement et’ suivant la vérité sur ce qui concerne
Arjouna et le Vasoudévide. » 2,522.
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OU DYOG A-PARV A .
83
Sandjnya dit alors :
« Arjonnaetle Vasoudévide sont deux archers infini-
ment honorés, qui doivent leur naissance h une autre
cause que l'anrour, et l'estime, dont ils jouissent, â toutes
les sortes de bons sentiments. 2,523.
» I.c disque guerrier du sage Vasoudévide, qui se dé-
veloppe dans l'espace entier d’une brasse mesurée par
l’ youta, roule, seigneur, environné de magie. 2,624.
» Il est refusé aux enfants de Kourou de connaître, en
ce qu'elle a de faible, en ce quelle a de fort, l’armée des
Pàndouides, bien estimée et qui brille d'une multitude de
splendeurs. 2,525.
» Le vigoureux meurtrier de Madhou a triomphé ,
comme en se jouant, de Maraka, de Çambara même, de
Kansa et du roi de Tchédi, qui ressemblaient tous à l’hor-
reur en personne. 2,626.
» Le sage Pouroushottama (1) à l’âme supérieure par
l’intelligence a réduit en son pouvoir la terre, l’atmos-
phère et le ciel. 2,627.
» Au sujet des questions , que tu m’as adressées
mainte et mainte fois pour connaître les fils de Pândou,
écoute en abrégé de ma bouche, sire, le fort et le faible
de cette armée. 2,528.
» Place d’un côté le monde entier, de l’autre part
Djanàrddana. Celui-ci par sa force excelle sur le monde
entier. 2,529.
u Djanàrddana par le seul effet de sa pensée mettrait
en cendres tout l'univers ; mais tout l’univers ne peut ré-
duire en cendres Djanàrddana ! 2,630.
u Du côté où est la vérité, où est le devoir, où est la
(i) Le plus grand des hommes.
84
LE MAHA-BHARATa.
pudeur, où est la droiture, là toujours se tient Govinda :
où est Krishna, là est la victoire. 2,531.
» Djanârddana, le plus grand des hommes, le principe
de vie, donne, comme en se jouant, le mouvement à la
terre, à l’atmosphère et au ciel. 2,532.
alla permis que les Pàndouides fussent victimes d'une
tromperie et il égare , pour ainsi dire, le monde ; il désire
consumer tes fds insensés , de qui les vices composent
tous les plaisirs. 2,533.
» Kéçava est la révolution du temps, la révolution du
monde et la révolution de l’youga : cet Adorable change
éternellement par l’union de son âme avec tous les (très.
n Seul, Bhagavat domine sur les créatures animées ou
privées d’âme, sur le temps , sur la mort elle-même :
c’est une vérité, que je t’affirme là ! 2,534 — 2,535.
» Tout en exerçant son empire, Hari, ce grand Yogi,
continue à exécuter les affaires du monde entier, comme
un laboureur, qui enrichit ta terre. 2,530.
» Kéçava trompe les mondes par le moyen de cette
magie : les hommes qui vont à lui, sont jetés par lui-
même dans le délire. » 2,537.
« Comment, lui demanda Dhritarâshtra, connais-tu
Màdhava, le souverain maître de l’univers entier? Et
comment se fait-il que je ne le connaisse pas? Dis-moi
cela, Sandjaya I » 2,638.
» Écoute, sire, pour toi la science n’existe pas, répon-
dit Sandjaya ; et moi, je n’ai pas délaissé la science. Dé-
pourvu de science, tu es tombé dans les ténèbres ; et voilà
pourquoi tu ne connais pas Kéçava. 2,539 (1).
(t) Cette alancc est par erreur comptée 2,540 ; nous allons sauter par-
dessus un chiffre.
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OUDYOGA-PARVA.
35
» C’est par la science que je connais, mon père, le
meurtrier de Madhou , qui renferme en soi les trois
yougas, ce créateur incréé, ce Dieu, qui est la voie même
de la naissance pour tous les êtres. » 2,541.
« Gavalganide, reprit Dhritarâshtra, quelle est ici la
piété, que tu eus toujours en Djanàrddana et par laquelle
tu obtins de connaître ce meurtrier de Madhou, cet être,
qui renferme en soi les trois yougas ? » 2,542.
« Je ne pratique point la fraude, si tu me permets de
le dire (1) ; je ne cultive pas en vain la vertu, lui répondit
Sandjaya ; la piété m'a conduit à des sentiments purs, et
je connais Djanàrddana par les Traités. » 2,543.
» Douryodhana, dit alors Dhritarâshtra, dirige tes pas
vers Djanârddana-Hrishîkéça ; Sandjaya est notre ami,
mon fils ; demande le secours de Réçava. » 2,544.
« Si, alléguant l’amitié, qui l’unit avec Arjouna, reprit
Douryodhana, l'honorable fils de Dévakl veut immoler
aujourd’hui les hommes, je ne veux pas de son appui ! »
« Gândbârl, fit Dhritarâshtra, ton fils recule; c'est un
homme à l'esprit méchant, envieux, â l’àme inique, or-
gueilleux et qui outrepasse la parole des hommes les plus
vertueux! » 2,545 — 2,546.
« Ame criminelle par l’amour de la domination, répar-
tit Gândbârl, tu méprises les ordres des vieillards. Honte,
insensé, à toi, à ton père et à moi-même dans ta vie am-
bitieuse ! 2,547.
» Tu accrois la joie de tes ennemis, tu mets le comble
à mon chagrin ; mais tu te souviendras des paroles de
ton père, quand tu succomberas sous les coups de Bhl-
inaséna! » 2,548.
(1) Bhadran tai, loculiou expliquée dans mon Hàmdyana.
8fl
LE MAHA-BHARATA.
« Tu es l'ami, sire, de Krishna; écoute-moi, Dhrita-
rishtra, dit alors Vyàsa. Toi, qui as pour messager San-
djaya, il te fera choisir le meilleur des partis. 2,549.
» Il connaît Hrishikéça et ce qui est le premier des Pou-
rânas : il sauve d’un grand péril l’homme, plongé dans
la méditation et qui vient lui prêter l’oreille. 2,550.
» Les mortels, environnés de la colère et de la joie,
enchaînés par des liens de différente espèce, Vitchitravl-
ride, ne sont jamais contents de leurs richesses. 2,551.
» D’une autre part, conduits par leurs œuvres, comme
des aveugles, les hommes, tombés dans la folie de
l’amour, passent, les yeux fermés à la lumière sous le
pouvoir d'Yama. 2,652.
» Le grand homme, qui regarde avec une profonde
attention le chemin , par où marchent les sages, saute
par-dessus la mort et ne se laisse pas enchaîner par
elle! » 2,553.
« Eh bien ! Sandjaya, dis-moi par quelle route fermée
à la crainte, fit Dhritaràshtra, je puis me diriger vers
Hrishikéça et obtenir une perfection suprême. » 2,554.
« Jamais l’insensé, répondit Sandjaya, ne connaîtra le
sage Djanârddana. Il n’y a pas d'autre moyen pour arriver
à celte science que d'accomplir sur soi-même la compres-
sion des sens. 2,555.
» Le renoncement à l’amour doit se faire avec attention
en de nobles organes des sens, la vigilance et l’abstention
de toute action nuisible : voilà, sans contredit, les mères
de la science. 2,65<1.
» Déploie sans paresse, sire, tes efforts dans la compres-
sion des sens ; et garde ton àtne de la chûte tandis que tu
la réprimes. 2,557.
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OUDYOGA-PARVA.
87
i) Les brahmes connaissent assurément cette science,
qui contient les sens ; cette science est la route, par la-
quelle s’avancent les sages. 9,558.
» Kéçava aux sens vaincus, que ne peuvent atteindre
les hommes aux organes indomptés, accorde sa faveur,
suivant la vérité, à l'unification en Dieu et aux Çâstras
obtenus. » 2,559.
« Réponds encore à mes questions , Sandjaya , sur
Poundarîkàksha , reprit Dhritarâshtra ; fais qu’avec la
connaissance du sens, de la chose et du nom, je puisse
atteindre au plus grand des hommes. » 2,560.
« J'ai entendu une heureuse explication du nom de
Vasoudéva, répondit Sandjaya, de manière que je puis la
donner ici. Kéçava se dérobe à toute mesure. 2,561.
» 11 est appelé Vasou d’après son habitation dans tous
les êtres ; ensuite, de sa naissance divine, vient le nom
de Vasoudéva. 11 est appelé Vishnou d’après sa gran-
deur. 2,562.
» Sache, rejeton de Bharata, que de son unification en
Dieu, de sa méditation, de son silence est dérivé son
nom de Mâdhava ; on le nomme Madhoukaet Madhousoû-
dana , parce qu’il est formé de toute la vraie nature.
» 11 est appelé le Labourage, la Terre ; il est appelé la
Dette ; il est appelé le Repos, Vishnou, Sâttwata et
Krishna, suivant son union à cette couleur azurée,
2,563 — 2,564.
» Le Lotus blanc, l’Habitation suprême, immortelle,
impérissable, éternelle, le Dieu aux yeux de lotus bleu,
parce qu’ils ont cette teinte, et Djanârddana d’après le
tremblement, qu’il jette dans les ennemis. 2,565.
» 11 est nommé Saltwala selon qu’il ne déchoit pas du
88
LE MAHA-BHARATA.
bien (1), selon qu'il n’est pointabandonné par lebien (2).
Sàttwata ou Vishnou est dit le Dieu aux yeux de taureau,
d’après cette ressemblance avec le saint quadrupède.
» Comme il n'est pas né d'un père, il est appelé à
cause de cela Adja (3). L'auguste est nommé Anikadjit,
mon père, en ce qu’il est visible aux Dieux, et Damaudara,
parce qu’il a mis un frein aux appétits du ventre.
2506—2367.
» S'il jouit du nom de Hrishlkéça (â), c’est qu’il do-
mine sur les plaisirs, les délices et ht volupté. S’il est
commémoré le Dieu aux longs bras, c'est qu’il porte dans
ses bras le ciel et la terre. 2,508.
» Il ne périt jamais ici-bas, de 15 vient son nom de
Adhoksbadja; sa marche sur les eaux l’a fait appeler
Nâràyana. 2,509.
» 11 est nommé Pouroushottaman d’après son antique
habitation (5) ; il assiste à la naissance de chaque être,
qu’il soit bon ou méchant. 2,570.
» Krishna nomme toujours chaque créature, parce
qu’il possède la science de toute chose ; il repose dans
la vérité, et la vérité repose en lui. 2,571.
» Il est en elîet la vérité : aussi le nom de la vérité
lui est-il donné ; ce Dieu est appelé Vishnou de sa mar-
che et Djishnou de ses victoires, 2,572.
u Sans-lin de sa durabilité et Govinda de sa connais-
sance des troupeaux. U fait être vrai ce qui n’est pas
vrai ; et jette l’illusion au milieu des créatures. 2,573.
(1 — 2) Saittoa.
(3) Son natus.
(4) Le nom d'un organe des sens.
(5) Pourana-Sadana.
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OUD YOG A-PARV A .
89
» De cette manière, le meurtrier de Madhou est le
devoir éternel ; quand Atchyouta aux longs bras descend
ici-bas, c'est à cause de sa bonté. » 2,574.
« Je porte envie, Sandjava, fit là-dessus Dhritarâshtra,
aux hommes, qui ont des yeux ; ils voient à leurs côtés le
Vasoudévide, resplendissant de beauté, éclairant d’une lu-
mièresuprème les plages, et principales et intermédiaires ;
» Ce Dieu, qui fait écouter sa parole vertueuse, fortu-
née, honorable, aux Bharatides et aux Srindjayas ; parole,
que recevront ceux, qui désirent l’existence, et dont la
forme n’est pas acceptable à ceux, qui sont déjà morts ;
» Ce héros unique à la grande taille des Sàttwatas, ce
taureau conducteur des Yadouides, au bras homicide, qui
jette la déroute parmi les adversaires et dérobe la gloire
aux ennemis! 2,575— 2,570 — 2,277.
» Certes ! les Kourouides rassemblés voient ce ma-
gnanime chef, le plus brave des Vrishnides, ce héros
destructeur, qui fait entendre, une parole sortie de sa
bonté et répand le trouble parmi les miens; 2,578.
» Ce saint, le plus immortel de tous les saints, ce docte,
cette mer d’éloquence, cette aiguière, avec laquelle
puisent les yatis ; cette roue non brisée, Garouda, Sou-
parna, Hari, la splendeur du palais des créatures. 2,579.
» Je m'incline devant la protection de cet homme
aux mille tètes, antique, sans commencement, sans
fin, à la gloire impérissable, le protecteur de Çoûkrà,
Adja, l’ Eternel, le premier des plus grands. 2,580.
» Je m’incline devant la protection de cet architecte,
qui a créé les trois mondes, de ce père desRakshasas, des
serpents, des Démons et des Dieux, de ce chef des sages
monarques, de ce frère puîné d’Arjouna! » 2,581.
AMBASSADE DE BHAGAVAT.
Valçampàyana dit :
Après que Sandjaya fut parti, Youdhishthira-Dharma-
ràdja adressa ce langage au D&ç&rhain, le plus éminent
de tous les Sâltwatas : 2,582.
« Voici le moment venu de montrer si l’on est ami,
héros , qui aime tes amis, et je ne vois pas un autre que
toi pour me faire traverser ces eaux malheureuse», 2,583.
» En effet, appuyé sans crainte sur toi, le destructeur
de Madhou, nous demanderons notre part d’héritage au
fils de Dhritaràshtra, environné de ses ministres et enflé
d’un vain orgueil. 2,58â.
» 11 te faut défendre en toutes ces infortunes, dompteur
des ennemis, les fils de Pândou comme tu défendrais
ceux de Vrishni. Sauve-nous de ce grand danger ! » 2,585.
« Me voici prêt, héros aux longs bras, lui répondit le
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OUI) YOGA-PAU VA.
91
bienheureux Bhagavat ; dis-inoi ce que tu as envie de me
dire ! car je ferai tout ce que tu me demanderas, fds de
Bharata. » 2,536.
« Tu as entendu parler reprit Youdhishlhira, des
projets de Dhritarâshtra et de son fils ! Sandjaya m’a
révélé, Krishna, toute l’opinion du vieux roi. Le lils de
Dhritarâshtra, voyant ce qu’il couvrait découvert, a dit :
» Que tout homme, cocher, qui parlera autrement qu’il n’a
été dit, soit mis à mort ! » 2,587 — 2,588.
» Cupide, faisant avec un esprit vicieux des choses
indignes de lui-mème, il cherche, la paix avec nous sans
rendre le royaume. 2,589.
» Quant aux douze années, que nous avons habité dans
les bois, et la treizième sous un personnage emprunté,
Dhritarâshtra ne dépassera pas cette condition, qui nous
fut imposée sans son ordre : c’est mon avis, seigneur. En
effet, ce n’est pas lui, Krishna, les brahmes le savent, qui
nous prescrivit cette condition. 2,590 — 2,591.
» Dhritarâshtra est un vieux roi, il ne considère pas
son devoir ; l’habitude d'obéir à son fils et une ambition
avide lui fait suivre l’ordre d’un insensé. 2,592.
» Le roi se tiendra pour nous, Djanârddana, dans le
sentiment de Douryodhana ; il suit une fausse route, et,
parce qu’il est cupide, il ne fait que ce qui est agréable à
lui-mème. 2,593.
» 11 en résulte pour nous uneplus vive peine : combien
n’est-elle pas encore plus grande à la fin, Djanârddana,
en ce que je n’ai pas la puissance de rendre heureuse ma
mère ou mes amis? 2,594.
» Les habitants de Kâçi, les Tchédiens, les Pânchâ-
lains, les Matsyas, ta majesté, notre seigneur, meurtrier
92
LE MAHA-BHARATA.
de Madhou, et moi, nous avons choisi cinq villages: 2,595.
» Avisthala , Vrikastala, Màkandi, Vâranàvata et un
certain Avasâna, qui est ici même le cinquième. 2,596.
» Qu'ils nous donnent cinq villages ou cités, dans les-
quels nous puissions habiter réunis, ou continuer à sup-
porter nos charges. 2,597.
» Mais le vicieux Dhritaràshlride n’accepte pas cette
proposition et pense que la propriété en appartient à lui-
mème : est-il rien de plus douloureux? 2,598.
u L’avarice détruit la science de cet homme, qui porte
ses désirs sur les richesses d'un autre, né et grandi dans
sa famille ; et la science, frappée à mort, détruit à son
tour la pudeur. 2,599.
» La pudeur blessée tue le devoir, le devoir frappé
tue la fortune, la fortune détruite tue l’homme, et la mort
de l’homme est la mort de ses richesses. 2,(500.
» Les brahmes, les amis, les parents eux-mêmes se dé-
tournent d'un homme, qui est pauvre, comme les oiseaux,
Krishna, s’éloignent d’un arbre, qui est sans (leurs et sans
fruits. 2,601.
» Tels que les souilles vitaux s’éloignent d’un corps,
qui a rendu l’âme, voir les parents s'éloigner de moi
comme d’un paria : voilà, mon père, ce qui est la mort !
» Il n’est pas, a dit Çambava, de condition plus mal-
heureuse que celle-là, où n’apparalt ni demain, ni aujour-
jourd’hui même, un plat, qui puisse rassasier.
» Un dit que la richesse est la vertu suprême ; tout re-
pose sur la richesse : les hommes riches vivent dans ce
monde ; ceux, qui ne possèdent rien, sont déjà morts.
2,602— 2,603— 2,60, i.
» Ceux, qui, n’admettant pour l’homme que la seule
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OUDYOGA-PARVA.
93
•
énergie, l’écartent des richesses, font violence au juste, à
l’utile, à l’agréable, à l'homme même. 2,605.
• » Des créatures, qui ont obtenu cette condition de for-
lune, les unes ont préféré la mort, les autres se sont exi-
lées au villtfîje, celles-ci dans les forêts, celles-là dans le
renoncement aux choses îles sens. 2,606.
» Plusieurs ont nourri la folie en eux-mêmes, d’autres
sont tombés sous le pouvoir des ennemis ; il en est que
leurs richesses ont amenés dans la domesticité des autres.
» Le malheurest pour l’homme plus cruel que la mort ;
la perte de sa prospérité est pour lui ce qui entraîne la
perte du juste et de l’agréable. 2,607 —2,608.
» 11 n'est personne en tous lieux, qui ait pu échapper
à cette voie; car la mort est la route éternelle du monde
et conforme à l’ordre des chost s. 2,609.
» Être privé du bonheur, quand on possède la plus
haute fortune et que l’on est parvenu à son comble, est un
coup plus cruel pour l’homme réduit à la misère que tous
ceux, Krishna, dont sévit la nature. 2,610.
» Il est tombé alors par sa faute dans une grande in-
fortune; il maudit les Dieux avec Indra, il se maudit en
quelque sorte soi-même. 2,611.
» Tous les Castras ne peuvent rien pour empêcher sa
destruction ; il s’irrite contre ses domestiques, il exècre
ses amis. 2,612.
» Arrivée doncla colère, il se livre à de plus grands
accès de délire, et, tombé sous le pouvoir de la folie, il
cultive les oeuvres de la cruauté. 2,613.
» 11 entretient la confusion des castes par sa propension
à faire des actes criminels; le Nakara même est pour la
promiscuité : c’est la place des actions coupables. 2,61A.
LE MAHA-BHARATA.
9A
» S'il ne se réveille pas, Krishna, il va au Naraka. Son
réveil est la science; l’œil de la science fait traverser
l'onde, infernale. 2,015.
» L'homme, en effet, dans l'acquisition de la science,
tourne ses regards sur les Çftstras ; la foi aux -Castras de-
vient ensuite son devoir, la pudeur est sa tête. 2,616.
» L’homme rempli de pudeur entre-'t-il dans le crime,
sa pudeur s’en trouve aussitôt accrue; il reste un être viril
aussi long-temps qu’il est environné de la fortune. 2,617.
» L'homme à l'àme paisible, qui apporte continuelle-
ment un moyen dans l'exécution de son affaire, demeure
toujours dans la vertu ; il ne met pas sa pensée dans le
vice, il ne marche pas dans le crime. 2,618.
» Si l’on manque de pudeur ou si l’on est privé de sa-
gesse, que l’on soit femme ou que l'on soit homme, on
n’arrive point à la suprématie dans le devoir ; on est tel
qu’un çoûdra. 2,619.
» Le mortel, qui a de la pudeur, honore les Dieux, les
Mânes et lui-même; cette conduite le mène à l’immor-
talité, et sa place est celle des hommes aux œuvres pures.
» C’est ce que tu as vu en moi devant tes yeux, meur-
trier de Madhou, puisque je suis tombé de mon royaume,
et que je demeure en ces habitations. 2,620 — 2,621.
a 11 ne Suffit pas que nous abandonnions le trône avec
une certaine décence. Si nous mettions là nos soins, il
serait bon pour nous de mourir. 2,622.
» Ma première pensée fut ici, vainqueur de Madhou,
que nous et les Dhritarâshtrides nous jouissions du trône
en paix au sein de l’égalité. 2,623.
» 11 est ici un dernier parti, où se lèvent et se couchent
des actions terribles : c’est que nous obtenions le royaume
DigitîzHfbf^swegle
OUDYOGA-PARVA.
95
pour nous seuls, après que nous aurons tué les Kourouides.
» Nous devons épargner, Krishna, la vie d'ennemis
non respectables, et qui ne tiennent pas à nous par les
liens de la famille : à plus forte raison devons-nous épar-
gner celle des hommes, qui ont des qualités contraires !
» Nos familles, nos parents et nos précepteurs spiri-
tuels sont en grand nombre : leur donner la mort, serait
la plus criminelle des actions ! Un combat la rendrait-il
belle? 2,624 — 2,625 — 2,626.
» 11 y a crime ici dans le devoir des kshatryas ; car nous
sommes les parents de ces kshatryas, nos futures victimes ;
que notre vertu ne devienne pas un vice ou une autre
conduite, objet du blâme. 2,627.
» Le çoûdra observe l’obéissance envers les autres
castes, le valçya soutient sa vie avec son commerce ; nous
vivons, nous 1 avec la mort, comme un crâne adopté par
les brahmes. 2,628.
» Le kshatrya pourfend les kshatryas, le poisson vit de
poissons, le chien tue le chien: ainsi, Dâçârhain, agit
l’homme, de qui la vertu s’est retirée. 2,229.
» Kali se tient continuellement au milieu des batailles -,
les vies, Krishna, s’éteignent dans la guerre ; la force
exige une bonne politique, et de-là naissent la défaite ou
la victoire dans les combats. 2,230.
» La vie et la mort des Êtres ne sont pas, ô le plus
grand des Yadouides, par le désir, qu'on peut en avoir;
ne pas obtenir le bonheur, quand le temps n’est pas venu,
est une chose égale à la douleur présente. 2,631.
» Un seul guerrier en tue plusieurs, ou plusieurs n’en
tuent qu'un seul ; un lâche immole un héros, un homme
obscur abat un homme renommé. 2,632.
9(3
LE MAHA-1ÎHARATA.
» La victoire ne règne que d’un seul côté ; on ne voit
pas à la fois apparaître la défaite dans l’un et l’autre
parti : la perte elle-même est vue dans la fuite, où l’on
voit aussi l’infortune et la ruine. 2,033.
» Le combat est de toute manière un péché: quel homme
tue et n’est pas tué à son tour ? Quand on a mordu la
poussière, Hrishîkéça, il n’y a pas de différence entre la
victoire et la défaite. 2,634.
» La défaite, A mon avis, ne vaut pas mieux que la
mort : assurément, Krishna, il y a peite aussi pour celui-
même, qui remporte la victoire. 2,035.
» Enfin, les hommes détruisent une personne aimée ;
les autres immolent, hélas ! sous les yeux de l’ennemi
impuissant, ses fils et ses lrères. 2,636.
» Il renaît partout, humble dans sa vie. Ceux, qui sont
nobles, fermes, pleins de pudeur, connaissant la piété,
succombent eux-mêuies dans la bataille. Un guerrier plus
jeune est-il sauvé : le regret des ennemis, qu’il a tués,
Djanârddana, le ronge continuellement. 2,637 — 2,638.
» Toujours il survit un reste de l'ennemi , et c’est là
une chaîne vicieuse ; car ce reste, une fois qu’il a pris de
la force, ne veut point à son tour laisser derrière lui un
seul reste ; et ce fragment du tout redouble d’efforts par
le désir de mettre une fin à l’hostilité. La victoire enfante
l'inimitié, et le vaincu siège dans la peine.
2,030—2,640.
» Renonçant à la victoire et à la défaite, l’homme tran-
quille dort en paix ; et celui, qui voit devant lui un
ennemi, dort continuellement au milieu des angoisses.
» Quiconque abat tout sous ses armes se dépouille de sa
renommée, tel qu’un homme vit avec une âme inquiète
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OUDYOGA-PARVA.
97
dans sa maison, où s'est glissé un serpent. 2,640 — 2,641.
» 11 se couvre d une honte éternelle au milieu de tous
les êtres : car le temps, quelque long soit-il, ne calme pas
les lortas inimitiés. 2,642.
» Où il y a uu homme dans une famille, on trouve
également des gens, qui racontent tes causes de l' inimitié.
line hostilité, Kéçava, ne se calme pointavecune hostilité.
Il en est comme de l’offrande de beurre clarifié, qui ajoute
au feu une plus vive ardeur. On ne peut donc obtenir la
tranquillité d’une autre manière, et la cause de la mort
est continuelle. 2,643 — 2,644.
n dette faute est incessante pour ceux, qui désirent une
différence de fortune. La force de l’homme est une ma-
ladie, qui tourmente le creur. 2,645.
» La paix ne peut donc naître, meurtrier de Madhou,
que du renoncement à ces affections, ou de la mort, ou
de l’exstirpation entière de la racine des ennemis. 2,646.
» La paix, qui sortira du renoncement, aura pour son
fruit une joie brillante ; il n’y aura plus d’actes criminels :
autrement, c’est la mort. 2,64".
» Nous ne voulons pas abandonner cela, d’après l’in-
certitude de la destruction des ennemis ou de nous-
mêmes, et nous ne voulons pas la perte de la famille.
» Profonde est ici la paix, qui vient de la soumission
des gens, qui ne désirent pas la guerre, et qui, pour t'é-
viter, emploient de toute manière leurs efforts.
2,648-2,649.
o Les moyens de conciliation repoussés, on exécute la
guerre; il n’y a pas d’autre procédé; la conciliation re-
jetée donne naissance à des choses épouvantables. 2,650.
» Ainsi, dans les assauts, que se livrent des chiens, les
vi 7
08
LE MAHA-BHAHATA.
savants remarquent l’action musculaire de la queue, les
cris de guerre , la montre des dents , qui roulent à
l’entour du défi, et les aboiements. Ensuite, le combat
s’engage , et le plus vigoureux , demeuré vainqueur,
mange alors ce morceau de chair, qui est la cause de la
bataille. 2,651 — 2,652.
» 11 n'y a donc aucune différence entre les hommes ; et
les forts ont coutume d’observer tout-à-fait cette manière
à l’égard des faibles. 2,653.
» Le faible est méprisé, il est suivi de l’infortune, il
est réduit à l'obéissance. Un roi, un père, un vieillard
mérite toute espèce d'honneurs. 2,65.1.
» Ainsi, Dhritarâshtra doit être, Djanârddana, res-
pecté et même honoré. Il y a en lui un puissant amour de
son fils, vainqueur de Madhou. 2,655.
» Tombé sous le pouvoir de son fils, il ne sera point
touché des révérences. Quelle autre chose penses-tu,
Krishna, qui soit assortie aux circonstances et que l'on
doive faire immédiatement? 2,656.
» Comment ne sortirons-nous pas, Mâdhava, du juste
et de l'utile? Que vois-tu autre chose dans ces difficiles
conjonctures, meurtrier de Madhou? 2,657.
» Je désire que tu l’interroges dans la vérité, 6 le plus
grand des hommes. Tu es mon ami, tu veux mou bien, tu
connais la voie de toutes les affaires. 2,658.
» Qu'y a-t-il pour nous d’égal à toi, Krishna, et qui
sache la vraie nature de toutes les vérités? » 2,650.
A ces mots, Djanârddana répondit à Dharmarâdja :
« J’irai à la cour des enfants de Kourou dans l’intérêt de
vous tous. 2,660.
» S’il accepte la paix, sans laisser échapper votre in-
OU D YOG A-PARVA .
99
térét, j’aurai, sire, exécuté une chose bien grande, sainte
et portant beaucoup de fruits. 2,661.
» Puissé-je délivrer du lacet de la mort les Srindjayas-
Kourous irrités, les fils de Pàndou, les Dhritarâshtrides et
cette terre! » 2,602.
o Mon sentiment n’est pas, Krishna, reprit Youdhish-
thira, que tu ailles vers les enfants de Kourou : Souyo-
dhana n'écoutera point ta parole, quelque bien dite soit-
elle. 2,603.
» Là, est réuni l’ordre guerrier des princes, qui suivent
la volonté de Douryodhana ; et je n’approuve pas que
tu te rendes au milieu d’eux. 2,60â.
» En effet, ni les richesses, ni la condition divine, ni le
plaisir, de quelque côté vint-il, ni l’empire même sur tous .
les Immortels, ne pourraient nous être agréables, s’il fal-
lait les acheter au prix d’une offense reçue par toi, vain-
queur de Madhou. » 2,665.
o Je connais, grand roi, lui répondit l’adorable Bha-
gavat, la méchanceté du fils de Dhrilarâshlra. Nous ne
mériterons aucun reproche dans tout le monde des souve-
rains de la terre. 2,066.
» Tous les rois ensemble sout impuissants à tenir de
pied ferme dans une bataille devant ma colère, comme
les autres animaux devant un lion ! 2,667.
» Si ces hommes tentaient quelque chose d’inconve-
nant à mon égard, soudain je consumerais tous les Kou-
rouides : ainsi, ma pensée est posée dans mon esprit.
» Jamais, (ils de Prilhâ, il ne sera sans fruit d’aller en
ces lieux : ce sera ou l’obtention par vous de la chose
désirée ou le blâme encouru par eux. » 2,668 — 2,669.
« Puisque cela te plaît, adieu, Krishna I Va cher les
100
LE M AH A-BHAR ATA.
Kourouides, reprit Youdhishthira; je te reverrai à ton
retour, heureux de ton affaire accomplie. 2,070.
» Arrivé chez les Kourouides, appaise ces rejetons de
Bharata, auguste V'ishnou ; fais que nous ayons tons
l'esprit en repos et l'âme paisible. 2,671 .
» Tu es mon ami, tu es mon frère, tu es cher à Bibhat-
sou et à moi ; on ne peut douter de ton amitié : adieu !
Va- pour notre salut ! 2,072.
» Tu nous connais, tu connais les ennemis, tu connais
nos affaires, tu sais l’art de parler : il te faut dire à
Souyodhana tout ce que tu penses, Krishna, être utile
pour nous. 2,073.
» Fais-lui entendre, Kéçava, toute parole bonne, con-
venable, unie à la vertu, soit un langage conciliateur,
soit autre chose. » 2,674.
« J’ai ouï le discours de Sandjaya et j’ai entendu ta
parole, répondit le Vaspudévide : je connais tout ce qu'ils
se proposent et les désirs de ta majesté. 2,675.
» Ton intelligence a pour base la vertu, et leur esprit
a pour son appui l’inimitié : aussi, estimes-tu beaucoup
d’obtenir sans combat ce qui t' appartient. 2,670.
» Le devoir du kshatrya, souverain des hommes,
n’est pas de cette manière le plus élevé. Le kshatrya ne
doit pas, ont dit les quatre ordres, mener la vie du reli-
gieux mendiant. 2,677.
» La victoire ou la mort dans la bataille, prescription
éternelle de Brahma: voilà quel est le devoir de kshatrya.
On ne lui recommande pas la pauvreté. 2,078.
» En effet, s'il embrassait la pauvreté, Youdhishthira,
sa conduite serait impossible. Avance-toi hardiment, guer-
rier aux longs bras, frappe les ennemis, fléau puissant.
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OUDYOGA-PARVA.
101
» Ces Dhritarâshtrides, pleins d’avidité, dam ton em-
pire, qu’ils ont habité long-temps, ont acquis des alliés,
ont obtenu des amis, ont achevé leurs études sur les
armes, invincible combattant. 2,671) — 2,680.
» Le temps n’est pas opportun, souverain des hommes,
puisqu’ils se mettent avec toi sur un pied égal ; car ils
pensent que la force appartient à Bhlshma, Orona, Kripa
elles autres. 2,681.
» Ils garderont ton royaume enlevé, dompteur des
ennemis, aussi long-temps que tu agiras, sire, avec dou-
ceur envers eux. 2,682.
» Les Dhritarâshtrides ne sont point capables d’ac-
quiescer à ton désir, invincible guerrier, ni par tendresse
ni par pusillanimité, ni â cause de l’utile et du juste.
» Aussi, quand lut commis à ton égard cet acte si dou-
loureux, si grand, si coupable, les fils de Pândou (1) ne
s’en affligèrent-ils pas. 2,683 — 2,68â.
u Sous les yeux de tous les principaux Kourouides, de
la ville, du roi, des vertueux brahmes, du sage Vidoura,
de Drona et de ton grand-oncle , il t’a trompé dans
une tricherie au jeu , sire , loi , en vérité ! fidèle à tes
vœux, dompté, libéral, doux, si bien doué de la vertu ;
et il n'a pas rougi alors de son action criminelle !
» Ne montre pas d’affection dans ton cœur bien disposé
par ta bonne nature : ils ont mérité la mort aux yeux du
monde entier ; à plus forte raison devant les tiens, Bha-
ratide. 2,685— 2,686— 2,687— 2, 6S8.
» Pleins de jactance, joyeux, lui et ses frères, ils t’ont
blessé avec des paroles, qui ne ressemblent 5 rien, toi et
les frères plus jeunes. 2,689.
(1) Ne faudrait- il point ici : tes fils de DhrUarAshlra Y
/
102 . LE MAHA-BHARATA.
» Il n’y aura plus rien ici, 'qu'ils aient de commun avec
les Pàndouides, ni le nom, ni la famille : tout cela va
s’évanouir en eux. 2,090.
» lis subiront la destruction pour un long-temps, et
leur nature détruite ira se changer eu moi dans une nou-
velle nature. 2,691.
» Ce bien cruel Douççâsana, le criminel, alors que le
jeu régnait clans sa fureur , traîna par les cheveux la reine
Draâupadl éplorée, sans protecteur en ce moment, au mi-
lieu de la salle dans rassemblée des rois. Une parole indi-
gnée fut mainte fois proférée devant Bhlshma et Drona.
2,692—2,693.
» Mais, tes frères à la vigueur épouvantable furent tous
arrêtés par ta majesté : liés par la chaîne du devoir, ils
n’ont pas répondu un seul mot. 2,694.
» Et lui, jetant ces paroles amères et d'autres, il s’est
vanté au milieu de sa famille, tandis que tu partais en
exil pour les bois. 2,695.
» Ceux, qui étaient réunis là, voyant que tu étais pur
de toute faute , restèrent alors dans la salle, mais versant
des larmes et le cou arrosé de pleurs. 2,696.
o Les rois et les bratnues ne l'approuvèrent pas, et tous
les membres de l’assemblée jetèrent le blâme sur Pou-
ryodhana? 2,697.
» Est-ce le blâme ou la mort, que doit préférer l’homme
bien né, ô toi, qui traînes les corps de tes ennemis sur un
champ de bataille? La mort, sire, a beaucoup d'avantages
sur le blâme, compagnon d’une méchante vie. 2,698.
» Dans l’instant môme que l'homme sans pudeur, sire,
est frappé à mort, il est blâmé, grand roi, sur la terre par
tous les souverains. 2,699.
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OUDYOGA-PARV A.
103
» Un homme, de qui telle'.est la conduite, a mérité
quelque peu la mort ; tel un arbre, dont la racine est
coupée, mais qui se tient encore debout au moyen d un
appui. 2,700.
» Cet être vil à l’àme insensée est digne de moft, comme
un serpent , aux yeux du monde entier ; imniole-le, 6 toi,
qui détruis les ennemis, et, sire, ne balance pas ! 2,701.
» Sa rie est de toute manière une chose inconvenante.
Je suis d'avis, prince sans péché, que tu présentes aussi
tes révérences à Bhlshma, ton aïeul. 2,702.
» Ma venue auprès d’eux retranchera les incertitudes
de tout le monde, sire, et fera cesser le doute de ces
princes, qui ont l'âme partagée en deux à l’égard de
Souyodhana. 2,703.
a J’exposerai là au milieu des rois les vertus de ta ma-
jesté , jointes au déploiement du courage en face de
l’ennemi, et les qualités toutes contraires de ton antago-
niste. 2,704.
» Quand tous ces princes, maîtres de contrées variées,
auront ouï de ma bouche ce discours utile, marié au juste
et à l’intérêt, ils répondront sur toi : « C’est une âme
juste aux paroles de vérité 1 » Ils iront pour l’autre à cette
opinion qu’il s’est laissé vaincre à la cupidité.
2,705—2,700.
b Je le blâmerai au milieu des habitants de la ville et de
la campagne, ayant retiré de cet auditoire les vieillards
avec les enfants, et devant les quatre classes rassem-
blées. 2,707.
b Toi, qui demandes la paix, tu n’obtiendras point la
censure de t’écarter de la vertu ; et le blâme des princes
retombera sur les Kourouidesetsur Dhritaràslura. 2,708.
EK MAHA-BHARATA.
104
» Quelle chose reste encore dans cet abandon du
monde ? Et, Dourvodhana une fois tué, sire, que dois-je
faire de plus ? 2,70$).
» Je vais aller chez tous les Kourouides ; je m'effor-
cerai, sans abandonner vos intérêts, d'établir chez eux la
paix, et j’observerai les actions. 2,710.
» Étant allé aux nouvelles chez les enfants de Konrou,
ayant vu là ce qui peut causer la guerre ou la paix, je re-
viendrai ici pour la victoire, fils de Bharata. .2,711.
» J’ai toute sorte de raisons pour craindre un combat
avec les ennemis; car tous les augures se manifestent si-
nistres. 2,712.
» Au commencement des nuits, les quadrupèdes et les
volatiles poussent des cris effrayants ; les éléphants et las
coursiers prennent des formes terribles, et le feu se revêt
de couleurs, qui glacent d'effroi. 2,713.
» Si ce ne sont là tous les prognoslict de la guerre ,
telle du moins sera la mort à l'aspect si horrible, qui
viendra mettre fin au monde des hommes. Que tous les
guerriers, la résolution déterminée, soient donc attentifs
à leurs chars, éléphants et coursiers; qu’ils fassent mon-
tés en tous lieux sur les chevaux, les éléphants ou les
chars, et fassent prendre à tous les cuirasses, les engins
de guerre et les flèches. Exécute au complet, Indra des
hommes, tous ces préparatifs militaires et qui sont à ras-
sembler par tes soins. 2,714—2,715.
» Douryodhana, tant qu’il. vivra, n’est point capable
de te rendre jamais, sire, ce royaume opulent et vaste de
l’àndou, qui fut naguère à loi avant qu’il te l’eût gagné
au jeu ! » 2,710.
« Tu dois parler, meurtrier de Madhou, lui dit lihima-
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OUDYOGA-PARVa.
105
séna, un langage tel que les enfants (le Kourou gardent la
paix, et il ne faut pas t’effrayer de la guerre. 2,717.
» Tu ne dois pas adresser à Douryodhana une parole
dure, quoiqu'il soit irascible, qu'il ait le cœur hautain, la
colère toujours allumée et la haine de la vertu ; il le faut
même l’aborder avec un langage de conciliation. 2,718.
s L’âme naturellement vicieuse, l'esprit semblable A
celui des brigands, enivré par l’orgueil du pouvoir, en-
gagé dans une guerre avec les fils de P.indou, ce guerrier
à la vue étroite, au cœur méchant, au courage cruel, à la
longue colère, à la pensée coupable, qui renverse tout,
qu’on ne peut ramener, qui fait son plaisir de la tricherie,
il mourra plutôt que de partager uvcr nous ; il n’abandon-
nera point ce qu’il pense être à lui. Je crois que la paix
avec un tel homme, Krishna, est uneœuvre d’une extrême
difficulté. 2,710—2,720—2,721.
» L’homme, qui aime le mensonge, qui a déserté la
vertu, qui s’est précipité même en bas de ses amis, re-
jette et les esprits et les paroles de ses intimes. 2,722.
» La disposition i aturelle, semblable à un serpent ca-
ché sous les herbes, conduit au crime l’homme, qui,
tombé sous le pouvoir de la colère, embrasse de mauvais
desseins. 2,723.
» Douryodhana est connu de toi ; tu sais ce qu’il a
d’armées, quel est son caractère, quels desseins il nourrit,
quelle est sa force et quel est son courage. 2,724.
v Jadis, les enfants de Kourou et nous avec nos (ils
nous vivions en paix, nous étions comme les fils aînés du
roi, le cœur toujours dans la joie avec nos adhérents,
» Mais, enflammés par la colère de Douryodhana, les
Bharatides, meurtrier de Madhott, ont brûlé, comme au
LE MAflA-BHARATA.
10*1
départ de la froide saison, les forêts embrasées par le feu.
2,725 — 2,720.
» On raconte que ces dix-huit rois, vainqueur de
Madhou, ont détruit leurs familles , leurs amis et leurs
alliés. 2,727.
» Le temps opportun de la vertu arrivé, naquit Kali,
père des riches Asouras, flamboyants en quelque sorte de
splendeur, 2,728.
» Oudâvartta des Hathayains, Djanamédjaya des Nipas,
Bahoula des Tàladjanghas, le lier Vasou des Kramis,
» Adjavindou des Souvlras, Rousharddhika des Sou-
ràshtras, Arkadja des Bal 1 lias , Dhaâutamoùlaka des
Chinois, 2,728 — 2,730.
» Hayagriva des habitants du Vidéha , Varayou des
Mahaàudjas, Bàhou des Soundaravanças, Pouroûravas des
Dlptàksbas, 2,731.
» Sahadja des Tchédiens, Vrishadhwadja des éminents
Matsyas , Dhârana des Tchandravalsas , Vigàhana des
Moukoutas 2,732.
u Et Santa des Nandivégas. Ils furent l’opprobre chacun
de sa race : ces plus vils des êtres naquirent dans les fa-
milles, Krishna, à la fin d’un youga. 2,733.
» Ile même, on peut dire que ce Douryodhana pervers,
le dernier des hommes, le tison pour incendier sa la-
mille, fut préparé à la fin d’un youga par la mort pour
nous et les Kourouides. 2,735.
» Ainsi , fais entendre , avec lenteur et d’une voix
douce, un langage utile, conforme et à l'intérêt et au de-
voir. L’amour et non la colère est un lien puissant, ô toi,
de qui la vigueur est épouvantable. 2,735.
» Devenus humbles et marchant au-dessous de Dou-
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OEDYOGA--PARVA.
107
ryodhana, nous tous, Krishna, nous te suivrons de peur
que le fardeau ne nous échappe. 2,738.
» 11 faut agir de telle sorte, Vasoudévide, que notre
conduite soit libre (Te toute affection à l'égard des Kou-
rouides et que l'infortune ne touche pas les enfants de
Kourou. 2.737.
» Tu dois parler à notre vieil oncle paternel et h tous
ceux, qui siègent dans sa cour, de manière que nous puis-
sions garder la fraternité avec ces frères et que le Dhri-
tarâshtride soit calmé, 2,738.
» Je te parle ainsi, et le monarque Arjouna donne les
mêmes éloges à la paix ; il ne désire point la guerre : une
immense pitié règne dans Arjouna. » 2,739.
» Dès qu'il eût entendu ce discours sans précédent,
que Bhlmnséna avait prononcé avec douceur, kéçava aux
longs bras, ayant estimé dmis ce /«Vos la légèreté de sa
voix ce que serait la fraîcheur au milieu du feu, ce frère
puîné de Balarâma, Gaàuri, j'archer du Çàrnga, tint en
souriant, à Uliirna Ventre-de-Loup assis , qu’il excitait
par scs paroles comme le vent excite le feu, ce langage
enveloppé de tendresse : 2,740 — 2,741 — 2,742.
« D’autres fois, c’est la guerre seulement, Bhlinaséna,
que tu vantes-, la mort est ton plaisir et tu désires broyer
les Kourouides et les enfants de Dhritaràshtra! 2,7A3.
» Et tu ne dors pas, tu es réveillé I Hait non! tu som-
meilles inertement; car, menaçant de choses terribles, ta
parole est toujours irritée. 2,744.
n Soupirant et consumé par ta colère, comme par le
feu, ton esprit agité, Blilina, est semblable à un feu ac-
compagné de sa fumée. 2,745.
» Soupirant à part, lu sommeilles, tel qu’un homme
108
LC MAHA-BHARAT.4.
faible sous l'oppression d’un cauchemar ; et certains
hommes, qui le savent, te regardent maintenant comme
frappé de folie. 2,746.
« Pareil à un éléphant, qui broie des arbres sans ra-
cines, sur lesquels il est monté , tu cours à la ronde
IShiuia, poussant des soupire et creusant la terre sous tes
pieds. 2,747.
» Tu te joues de cet homme, fils de Pândou; tu le
maudis en secret, et, ni le jour, ni la nuit, tu ne prends
jamais souci d'autre chose. 2,748.
» Tu ris sans cause, et, assis sans témoin, tu semblés
pleurer! Tu restis assis long-temps, les yeux fermés,
quand tu eus enlevé la tête de Djàmbou. 2,749.
» Contractant à plusieurs reprises tes sourcils, mor-
dant, pour ainsi dire, tes lèvres, on te voit mainte et
mainte fois, Bhiuia, exprimer tout ce que fait produire la
colère. 2,750.
« Aussi vrai que Ton voit le soleil au matin répandre
son énergie dans les deux ; aussi vrai que, délivré des té-
nèbres, l’astre radieux recommence sa révolution; 2,751.
i. Je te dis cette parole sans mensonge et il ne peut s'y
dérober : j’aborderai, la massue au poing, l'irascible Dou-
ryodhana et je l'abattrai sous mes coups. » 2,752.
» C'est ainsi qu'au milieu de les frères, tu as parlé
avec vérité, en touchant ta massue ; et ton esprit, fléau
des ennemis, est porté maintenant à la paix avec lui !
» Ah! sans doute, le moment de la guerre est arrivé,
puisque les âmes de ceux, qui aspiraient à la guerre, ont
changé ! puisque la crainte, Bhlraa, s’est glissée en ton
cœur. 2,753 — 2,754.
» Ah ! sans doute, fils de Prithâ, tu vois des augures
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OUDYOGA-PARVA.
109
contraires, à la fin d ■ ton sommeil et quand expire ton
état de veille ; et c’est pour cette cause que tu désires la
paix! 2,755.
»• Ah! sans doute, tu n’espères pas trouver en toi un
peu de virilité, comme l’eunuque en soi-même ; tu es
déchu du courage : ton âme est changée par cet abattement
de l'esprit ! 2,756.
» Ton cœur tremble, ton énergie s’affaisse, tu es pris
d’une paralysie dans les cuisses, et c’est pour cette cause
que tu désires la paix ! 2,757.
» L'àme du mortel, ferme et mobile, fils de Prithâ,
n'est certes pas toujours la même; elle ressemble à un
caillou rond, emporté du Çâlmali par la fougue du vent.
» Ta pensée, objet du blâme, est telle que la voix
humaine des vaches de ta fable; elle submerge, ainsi que
des hommes sans navire, les âmes des fils de Pàndou.
» C’est le sujet d’un grand étonnement pour moi, Bhi-
maséna, comme la pente glissante d’une montagne, que
tu dises une telle parole, qui ne t’est point assortie.
« Ayant considéré tes actions et ta naissance dans cette
noble famille, relève-toi, rejeton de Bharata: ne t'aban-
donne pas à la crainte et déploie la fermeté du héros.
2,758—2,759—2,760—2,761.
» Cette défaillance, que tu montres, dompteur des en-
nemis, n’est pas digne de toi; ce qu’il doit à sa vigueur est
le seul fruit, que goûte le kshatrya! » 2,762.
» A ces mots du Vasoudévide, l’irascible guerrier â la
colère éternelle, accourant comme un généreux coursier,
lui répondit immédiatement ce discours : 2,763.
« Immortel, toi, de qui le courage est, plus que toute
chose, infaillible dans la bataille, tu penses autrement de
110
LE MAHA-BIIAUATA.
moi, qui désires me tenir dans une autre conduite et de
qu'lie sentiment est déclaré ! 2,76 h.
.1 Tu le sais, Dâçàrhain, toi, qui as long-temps demeuré
avec moi. Ou ne le permets-tu pas, comme ce qui nage
défend à ce qui ne peut nager la fréquentation d’un lac ?
» Tu m’attaques donc avec tes paroles, qui ne sont
point agréables. En elfet, comment, Màdhava, un homme,
sachant que je suis Bhîmaséna, nie jetterait-il les paroles
sans égales, que tu as pu me dire ? Aussi te tiendrai-je ce
langage, rejeton de Vrishni. 2,765 — 2,766 — 2,767.
» Les ennemis n’ont rien d’équipollent à ma force et
mon courage ! La louange, qu’un homme se donne à soi-
même de sa propre bouche, est une chose tout à fait indé-
cente. 2,768.
» Mais, blessé de tes reproches, je vais exposer ma
vigueur. Vois, Krishna, ce ciel et cette terre, où habitent
toutes les créatures ! 2,769.
» Ces deux immobiles, infinis, sans limite, le père et la
mère de toutes les choses, s’ils venaient tout à coup se
rassembler dans ma colère, comme deux épis glanés ;
» Je les envelopperais dans mes liras avec les êtres
animés et sans âme. Les vois-tu au milieu de mes bras tels
que s’ils étaient saisis entre deux grandes massues ?
2,770—2,771.
» Et je ne vois pas l'homme, qui pourrait les délivrer de
mon étreinte ! Ni l’Himâlaya, ou la mer, ou Balabhid, le
Dieu même, qui tient la foudre; 2,772.
» Eux trois, déployant toute leur puissance, ne les sau-
veraient pas, une fois saisis dans mes bras ! Je me tiendrais
sur le sol de la terre, foulant à mes pieds sous moi tous
les criminels kshatryas, dignes de combattre avec les fils
Die t t; by Goegle
OUDYOGA-PARVA.
1H
de Pândon. Non, Immortel ! non ! tu ne connais pas ma
vigueur. 2,773 — 2,774.
n Tu ne sais pas comme les rois, vaincus par moi, ont
été forcés de passer sous ma puissance. Mais, si tu ne me
connais pas, moi, qui suis comme la splendeur même du
soleil levant, 2,775.
» Tu sauras qui je suis, Djanàrddana, dans la mêlée du
combat engagé. Tu as jeté sur moi le mépris de paroles
outrageantes; et tu as conduit ainsi la blessure en quelque
sorte à la puanteur. 2,770.
» Je te parle de cette manière d’après mon opinion :
conclus-en que je surpasse les ennemis ; tu le verras dans
ce jour de carnage, quand s’agitera ce combat sur un
champ trop étroit. 2,777.
» Toi et le monde entier, vous me verrez dans ma colère
(rainer les êtres immobiles et mobiles, immoler les chefs
des kshatryas, et les plus valeureux combattants, et les
cavaliers, et les guerriers montés sur des chars, et les
éléphants chassés devant moi ! La moëllc n’a pas perdu
la sève dans mes os, et mon âme ne tremble pas.
2,778—2,770.
» Le monde entier ne m’inspire aucune crainte dans sa
colère ; mais la pitié seule, meurtrier de Madhou, était la
cause de ce mouvement d’amitié. 2,780.
» Je souffre patiemment ces peines dans la crainte que
le fardeau ne nous échappe ! » 2,781.
« Je tentais ainsi ta disposition naturelle par affection,
reprit Kéçava; ce n’était pas le blâme, ni la curiosité,
ni la colère, ni le désir de parler, qui m’avaient inspiré ce
discours. 2,782.
» Je connais ta magnanimité, je connais ta force, je
112
LE MAHA-BHARATA.
connais également tes actions , et je ne te méprise
pas. 2,783.
» De même que tu estimes la fortune en toi-même,
ainsi j'estime en toi, fils de Pàndou, cette qualité mille
fois. 2,784.
» Tel qu’est l'honneur de naître dans une telle famille,
honorée de tous les rois, tel es-tu, Bhlma, partes parents
et tes amis. 2,785.
» Les gens, qui veulent étudier, Vrikaudara, de quelle
sorte est le devoir incertain, ne considèrent pas quelle
différence sépare l'homme et le Dieu. 2,780,
» La même cause, qui a fait accomplir les devoirs de
l’homme, agit encore pour les détruire : le courage est
une chose incertaine dans la vertu de l'homme. 2,787.
» 11 en est comme des bonds légers du vent. Autre-
ment, les choses sont comprises des poètes, qui voient les
fautes ; autrement, elles se passent. 2,788.
» Une action faite par une multitude d’hommes, exa-
minée suivant la droite raison, bien délibérée, bien con-
duite, rencontre elle-même un obstacle dans le destin.
» Le courage, fils de Bharata, peut empêcher un acte
même d’un Dieu, avant qu’il no soit fait, comme le froid
ou le chaud, et la pluie, la faim ou la soif. 2,789 — 2,790.
» Il n’y a pas d’empêchement par cela que c’est un
fait de l’homme même, de qui les sentiments sont tracés
d’une manière différente. Là, existe un caractère, qui
distingue les choses (1). 2,791.
(1) Je ne puis accepter ici le sens très-alambiqué rtu commentaire : ce-
lui-ci est un peu obscur, si l'on veut; mais vnyett le telle î c'est la traduction
toute simple et même littérale.
OUDYOGA-PAltVA.
113
» Autre n’est point la marche du monde, et autre l’ac-
tion des Pàndouides : que l’intelligence procède ainsi, et
le fruit en sera cueilli dans l’une et l’autre famiile. 2,792.
» L’intelligence, étant ainsi faite, se manifeste dans
les œuvres elles-mêmes : on n'est pas accablé de chagrin
dans l'insuccès, ou ne se livre pas à une folle joie dans la
réussite. 2,793.
b C'est la détermination, que je me propose ici, Bhl-
maséna. Ou ne doit pas dire : « 11 n'y a de succès que
dans une bataille seulement avec les ennemis, b 2,79â.
b Son âme ne sera pas entièrement dépourvue de lu-
mière, et, dans le renversement des pensées, il tombera
dans la terreur ou l’abattement de l'esprit : c’est une vé-
rité, que j’énonce ici devant toi. 2,795.
b Quand demain sera venu, je me rendrai auprès de
Dhritarâshtra, et, sans m’écarter de vos intérêts, fils de
Pàndou, je m'efforcerai de faire la paix. 2,796.
b S'ils accèdent à ma proposition, de là il naitra pour
moi une renommée infinie; pour vos altesses, l'accomplis-
sement de votre désir, et, pour eux, la félicité suprême.
b S'ils ne s’asseoient pas dans mon conseil et s'ils ne
s’approchent pas de mes paroles, les Kourouides auront
ici la guerre, et il en sortira des choses épouvantables.
2,797-2,798.
b Le faix de cette guerre sera imposé, Bhtmaséna, sur
tes épaules : le timon en sera soutenu par Arjouna. Moi,
un puissant guerrier, je serai, certes! le conducteur du
char de Bîbhatsou dans cette bataille engagée, car tel est
le désir de Dhanandjaya ; mais je n’aime point, assuré-
ment! les combats. 2,799 — 2,800.
b J’ai donc un instant suspecté ton âme, quand je t'ai
vi 8
114
LU M AH ABU Alt VT A.
entendu prononcer, Vrikaudara, ce langage énervé, et
j'ai cherché à ranimer ta virilité. » 2,801.
Aijouna dit alors :
« Ton discours me parait à moi, qui l’ai entendu,
Djanârddana, fléau des ennemis, ressembler à celui, que
nous a tenu Youdhishlhira. 2,802.
» Tu ne penses pas, seigneur, que la paix soit une
chose bien facile, soit pour la cupidité de Dhrilaràshtra,
soit pour l'affaiblissement survenu dans les esprits.
» Tu ne crois pas que l’atonie de l’homme porte aucun
fruit, et tu es d’avis que la production du fruit n’est pas
dans une autre cause que celle du courage.
2,803—2,804.
» La parole, que tu as dite, est ainsi et n’est point
ainsi. La chose ne doit pas être considérée de celte ma-
nière et rien ne doit Être même laissé dans l'imperfec-
tion. 2,805.
» Penses-tu que cette guerre soit pour nous un far-
deau, sous lequel s’épuiseront no ; forces ? Nos ennemis
font les œuvres de ceux, qui ne voient pas se lever le
fruit des œuvres. 2,800.
i L’action, qui est accompagnée d’un fruit, seigneur,
sera accomplie convenablement. Conduis -toi, Krishna, de
manière que les ennemis goûtent la joie ! 2,807.
» De même que le Pradjâpati est le héros des Asouras
et des Dieux, ainsi ton excellence est-elle le plus grand
ami des fils de Pândou et de Kourou. 2,808.
» Donne un état prospère aux Kourouides et aux Pân-
douides. Il t’est facile, je pense, d’exécuter ce bien, dont
nous sommes les objets. 2,809.
» Que la chose soit accomplie de cette manière : marche
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OUDYOGA-PARVA.
115
à ton aflaire, Djanârddana ! Il suffit que tu ailles pour
quelle soit faite! 2,810.
» S’il est une autre chose, (pie tu désires faire i l’égard
de cette âme méchante, tout eela, héros, se fera comme
tu en as le désir. 2,811.
» Goûtons la félicité avec eux, ou rangeons-nous à ton
dessein r le désir, qui est ta pensée, Krishna, est pour
nous une chose importante. 2,812.
u 11 mérite la mort avec ses parents et ses fds, ce grand
scélérat, qui n’a pu supporter de voir le fds d’Yama
jouir de la prospérité. 2,813.
» Ce joueur à des jeux perfides, ne trouvant pas un
moyen honnête, meurtrier de Madhou, lui enleva sa pros-
périté par un moyen criminel. 2,814.
a Comment, son arc à la main, un homme né dans une
famille de kshatryas, peut-il refuser le combat, quand il
est provoqué, eût-il même la mort devant lui? 2,815.
» Que ce Douryodhana, sorte de son armée, Vrishnide,
et qu’il soit immolé pour moi, lui, qui a pu nous voir
vaincus par la tricherie, et bannis dans les bois ! 2,816.
» Ce que tu veux faire pour un ami, Krishna, n'a rien
qui m'étonne : comment, s’il n'y avait 15, pour les accom-
plir, soit un parent, soit un ami, y aurait-il de bonnes cé-
rémonies funèbres (1)? 2,817.
» Cependant, à ton avis, vaut-il mieux leur donner la
mort sans délai, je vais le faire à l’instant même ; tu ne
dois pas balancer sur ce choix. 2,818.
), Tu sais comme Draâupadl fut traînée dans l’assem-
(1) Comment une chose porterait-elle du fruit , si elle n était faite ou
par la paix ou par la guerre? explication du commentaire.
LE MAHA-BHARATA.
H6
blée par un homme à l’âme perverse, de qui tu n’ignores
pas tous les outrages. 2,819.
« 11 ne pourra jamais vivre convenablement avec les
Pàndouides, » fïlt-il dit alors, Madhava; et mon intelli-
gence devint comme une semence jetée dans une terre
saline. 2,820.
» Fais donc promptement, rejeton de Vrishni, ce qui
doit être fait pour nous sans différer, ce que tu crois juste
et utile pour les Pàndouides. » 2,821.
« C’est de la manière que tu le dis, Pàndouide aux
longs bras, répondit le fortuné Bhagavat : je rétablirai la
santé dans le corps malade des enfants de Kourou et de
Pândou. 2,822.
» Je ferai dans ces deux affaires, Bibhatsou, tout ce
qui dépendra de moi. Un champ pur et plein de sucs est
fécondé par la culture. 2,823.
» Sans les pluies, jamais, fils de Kounti, il ne produira
de fruits : aussi la sève, dit-on, se manifeste là où l'on
fait pratiquer l’arrosement. 2,824.
» Il est aisé, pour sûr, de voir dans ce cas même que
le dessèchement est un fait établi par les Dieux ; c'est une
vérité saisie déjà par l’intelligence de nos magnanimes de-
vanciers. 2,825.
» Ainsi, la production du bien dans le monde dépend
à la fois de Dieu et de l’homme. Moi, certes, je donnerai
;i cette oeuvre la plus grande élévation possible en consi-
dération de l’homme. 2,026.
» Il ne peut arriver que je fasse jamais une œuvre
autre que celle d’un Dieu. Cet insensé, il marche, ayant
abandonné le devoir et le monde I 2,827.
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OliDYOGA-PARVA.
117
» Il n’est point affligé de douleur au sujet d’une œuvre,
qui se présente sous une forme telle, et, partant, ses con-
seillers sou frère Douççâsana, Ç.akouni, et le (ils du co-
cher, augmentent la perversité de son âme, déjà très-
vicieuse. 11 ne consentira jamais à la paix avec la cession
du royaume. 2,828 — 2,829.
» Souyodhana avec ses adhérents choisira plutôt la
mort, fils de Prithâ; et Dharmarâdja ne veut pas aban-
donner le trône et s’incliner pour une révérence. 2,830.
» L’insensé ne cédera pas le royaume à des supplica-
tions, et il ne faut pas lui parler, je pense, du désir des
cinq villages, qu’a manifesté Youdhishthira. 2,831.
» Ainsi, le Kourouide pervers ne fera rien de toute
cette affaire, descendant de Bharata, qu'a dite Youdhish-
thira,2,832.
» Et, la paix n’étant pas conclue, il méritera la mort
au tribunal du monde; il mérite la mort, liharatide, de-
vant le monde et moi ; 2,833.
» Parce qu’il vous a toujours contrecarrés dans tout le
temps de son adolescence et que ce cruel à Pâme mé-
chante a détruit votre royaume ! 2,834.
» Bien ne peut le calmer depuis qu'il a vu Youdhish-
thira , environné de sa prospérité. Plus d’une fois,
(ils de Prithâ, mon cœur fut aliéné par lui à cause de
toi. 2,835.
» Je n'ai pas arrêté le crime, qu’il désir ait commettre ;
car tu sais, guerrier aux Iong3 bras, ce qu’il estime son
plus grand bien. 2,836.
» Tu sais que je désire faire ce qui est agréable à
Dharmarâdja, que mon âme est la sienne, et que c’est là
ce que j'estime le plus grand des biens. 2,837.
118
LE MAHA-BHARATA.
» Pourquoi douter en ce moment, Arjouna, comme si
tu ne me connaissais pas? Comment les ennemis pour-
raient-ils se réjouir de voir que tu suis, fils de Prithâ, la
règle sublime et céleste, qui nous fut donnée? Je ferai,
soit en œuvres, soit en paroles, ce qui m'est possible ;
mais je n’espère pas qu’il puisse en résulter la paix avec
nos ennemis. Comment? Ce que dit Bhishma, ce qu’il de-
manda même avec prière , quand on ravit les vaches ,
n’était-il pas une chose utile, de laquelle on devait se ré-
jouir. Dans la route écoulée d’une année, se sont donc
évanouies les choses, que tu as désirées.
2,838— 2,83»— 2,840— 2, 841.
» Souyodhana n’est pas satisfait d'une part , d’une
fraction du royaume. 11 faut que j’accomplisse de toute
manière Tordre de Dharmarâdja ; et la coupable entre-
prise du scélérat fils de Dhritarâshtra doit être observée
de nouveau par moi. » 2,842 — 2,8A3.
Nakoula dit :
« Tu as entendu en entier, Mâdhava, le discours varié,
que vient de prononcer ici le vertueux et éloquent You-
dhishthira. 2,844.
» Tu as entendu l’allocution, qu’a tenue avec calme
Bhlmaséna, qui n’ignore pas le sentiment du roi : il est
appelé Bâhouvlrva (1), ô toi, qui es né dans la contrée
du Madhou lui-même. 2,843.
» Tu as entendu également ce qu’a dit Phâlgouna, et
(1) // guerrier à la vigueur rlet bras. Le telle est ici embrouillé de
nominatifs, d'accusatifs et de génitif», qui répugnent tous à marcher en-
semble. Nilàkantha ne réussit guère à éclaircir l’obscurité de ce passage ;
nous uous sommes tenus entre lui et la loltre.
OU D YOG A-PA H V A .
H9
ton excellence a plusieurs fois énoncé quelle est, héros,
l’opinion de toi-même. 2,840.
» Que ta grandeur, parcourant tout cela et s’arrêtant
au sentiment le plus juste, quelle vient d’entendre, fasse
donc ici, ô le plus grand des hommes, ce qui est à propos,
» Dans telle ou telle affaire, Kéçava, il y a sans doute
une opinion, et l'homme doit employer dans chacune,
dompteur des ennemis, le moyen opportun,
2,847 — 2,848.
» Une chose pensée différemment obtient aussi un ré-
sultat différent ; les mortels, û le plus sage des hommes,
n’ont pas dans le monde des opinions constantes.
» Nos pensées, quand nous habitions dans les bois,
différaient des pensées, quenous avons maintenant : autres,
elles sont dans ce qui ne doit pas être vu, Krishna, autres
sont-elles daus ce qui doit être mis sous les regards.
2,849—2,850.
» En ce temps, où nous égarions nos pas au sein des
des forêts, Vrishnide, nous n'avions pas cette bienveil-
lance, dont nous sommes remplis aujourd’uiq que nous
marchons au milieu du royaume. 2,851.
» Grâce à toi, héroïque Djanârddana, ces armées com-
plètes au nombre de sept se sont rassemblées à la nou-
velle que nous étions sortis de notre habitation dans les
bois. 2,852.
» Quel guerrier ne sera ému de terreur, quand il verra,
doués d'un courage et d'une vigueur inconcevables, ces
tigres des hommes, les armes à la main, dans le com-
bat? 2,853.
» Que ta grandeur tienne au milieu des Kourouides un
discours, suivi de la terreur, mais précédé par un langage
120
LL MAIIA-BHARATA.
bienveillant, de sorte que le stupide Souyodliana n’en soit
pas irrité. 2,804.
» Quel mortel, revêtu de chair et de sang, pourrait
soutenir une bataille contre Youdhishthira, Rhimaséna et
l’invincible Btbhatsou, Sahadéva, toi, Kéçava, et moi, et
Balarânia, et Sâtyaki à la grande vigueur, et Viràta avec
son fils, et Droupada avec ses ministres, et Dhrishta-
dyounina, et le vaillant monarque dn Kâçi, etDhrishtaké-
tou, le roi de Tchédi? 2,855 — 2,856 — 2,857,
» La seule venue de ton excellence, héros nux longs
bras, sullira sans doute, Kéçava, pour effectuer la chose
désirée par le roi Dharmarâdja. 2,858.
» Vidoura, et Bhishma, et Drona, et Vâhlika avec
eux, sont capables, si tu leur parles, mortel sans péché,
de reconnaître ce qui est le plus sage parti. 2,859.
» Ils sauront persuader ce roi Dhritarâshtra et Souyo-
dhana lui-même avec ses ministres, cet homme engagé
dans le chemin du vice. 3,860.
» Vidoura entendra, et toi, Djanârddana, tu diras ce
qu’il y a d’utilité; pour quelle raison n’établiriez-vous pas
ferme sur ses pieds un homme, qui se vautre en quelque
sorte dans sa route. » 2,861.
« Si, reprit à son tour Sahadéva. ce qui fut dit par le
roi est le devoir éternel, il faut, dompteur des ennemis,
que ta conduite nous amène le combat. 2,862.
» Si les Rourouides désirent la paix avec les fils de
Pândou, il faut la guerre dans cette condition, même,
Dâçârhain. Prépnre-la avec eux. 2,863.
» Comment, après que j’ai vu la Pàntchâlaine traînée
ainsi en pleine assemblée, ma colère pourrait-elle se
calmer, Krishna, sans combattre Souyodliana? 2,864.
Digitized-bÿ"'
OU DYOGA-PARV A.
121
» Si Bhima et Arjouna sont vertueux, si Dharmaràdja
l'est encore , je désire engager un combat avec cet
homme, qui a déserté le devoir ! » 2,865.
« Sahadéva à la grande sagesse, observa Sàtyaki, a dit
la vérité, héros aux longs bras ; il n’est que la mort de
Douryodhana, qui puisse éteindre ma colère ! 2,866.
» Tu ne connais pas leurs angoisses, pour les avoir vus
porter dans le bois la peau de l'antilope et l'habit
d’écorce ! Ta fureur éclaterait sans doute, si tu avais pu
voir les Pàndouides au milieu de la douleur. 2,867.
» La parole, qu’a prononcée le fils de Mâdri, ce héros
cruel dans les combats, est ici, ô le plus grand des hommes,
l’opinion de tous les guerriers. » 2,868.
11 dit, et à peine Youyoudhàna à la haute sagesse eut-
il articulé cette parole, de tous côtés les guerriers de
lui répondre avec un cri de guerre des plus épouvan-
tables. 2,869.
Tous les héros applaudirent à ces mots de toutes parts,
et, désireux du combat, ils réjouirent le Çinide de leurs
acclamations : o Bien 1 c’est bien ! » 2,870.
Dès quelle eut ouï du prince ce discours utile, joint au
juste et à l’utile, Krishnâ, en proie à la douleur, adressa
la parole au DAçârhain assis. 2,871.
La fille du roi Droupada aux cheveux longs et noirs
applaudit à Sahadéva et à l’héroïque fils de Satyaka.
Quand elle vil Bhlmaséna tranquille, l'intelligente
femme, dans la plus profonde tristesse et les yeux noyés
de larmes, articula cette parole : 2,872 — 2,873.
« Tu sais, vertueux et puissant meurtrier de Madhou,
comme les Pàndouides, tombés dans l’infortune, furent
précipités du bonheur ; 2,874.
LE MAHA-BHARATA.
{«
# Et comment, Dàçârhain, le roi Youdhishthira en par-
ticulier confia une mission à Sandjaya pour le fils de
Dhritaràshtra et ses ministres. Tu sais également de
quelle manière il fut parlé à Sandjaya ; tu as tout entendu.
2,875—2,876.
« Cède-nous cinq villages, mon ami : Avisthala, Vri-
kasthala, Màkandi, Vâranâvata et Avasàna, prince à la
grande splendeur et aux longs bras ; » fut-il dit, kéçava,
à Douryodhana et à ses amis. 2,877 — 2,878.
» Mais Souyodhana n’exécuta rien de cette parole, que
lui fit entendre le sage Youdhiskthira dans te désir de la
paix. 2,879.
» S'il refuse de céder le royaume, rends toi là; mais
qu’il n’espère jamais que la paix puisse se faire. 2,880.
» Aidés par les Srindjavas, les Pàndouides, guerrier
aux longs bras, sauront bien résister, malgré sa colère, à
l'armée terrible du Dhritaràshtride. 2,881.
» Aucun bien n’est possible avec eux, ni parlescaresses,
ni par les cadeaux ; il ne faut donc pas t’abandonner,
meurtrier de Madhou, il la compassion pour eux. 2,882.
» A un homme, qui veut défendre sa vie, il ne reste
plus que le châtiment à employer avec des ennemis, qui
ne peuvent s’appaiser, ni par les caresses, ni par les
cadeaux. 2,883.
» Les fils de Pàndou, lesSrindjayasettoi, Impérissable,
vous devez donc faire peser sur eux au plus tût une sévère
punition. 2,884.
i) Cette action vigoureuse, si elle est faite, apportera la
gloire aux Pàndouides et à toi, en même temps qu’elle
donnera le bonheur à la caste des kshatryas. 2,885.
» En efl'et, le kshatrya doit immoler un kshatrya,
OUDYOG \-PARVA.
123
esclave de la cupidité ; ou, s'il n’est pas kshatrya, il in-
combe à tout homme, qui se tient dans son devoir, de lui
donner la mort. 2,880.
» Différemment du brahme, qui se tient infesté de tous
les vices, un brahme, digne de ce nom, est le vrai gourou
de toutes les castes. 2,887.
u De même que l’on commet un crime, en donnant la
mort à l’ homme, qui ne la mérite pas ; de môme, il y a
faute, si on laisse la vie à quiconque est digne de mort :
ainsi l'ont décidé ceux, qui connaissent le devoir. 2,888.
» Agis de manière, Krishna, avec les Pàndouides et les
guerriers Srindjayas, que ce péché ne fasse pas invasion
sur toi. 2,889.
» Répète sans repos, Djanârddana, ce que l'on a dit.
Est-il sur la terre, Kéçava, une femme plus infortunée que
moi? 2,890.
u Fille du roi Droupada, née du milieu d'un autel,
sœur de Dhrishtadyoumna et ta chère amie, Krishna,
» Entrée dans la famille d’Ajamitha, je devins la bru
du magnanime Pândou, l'épouse royale des cinq lils de
Pàndou, qui ont une splendeur égale à celles de cinq
lndras. 2,891—2,802.
» Cinq héroïques lils me sont nés des cinq héros : de
môme qu'Abkimanyou t'appartient, de môme ces eufants
tiennent-ils également & toi, Krishna. 2,893.
». Infortunée, j'ai vu un scélérat me saisir aux cheveux
et me traîner dans l’assemblée, toi vivant, Kéçava, et
sous les yeux des fils de Pàndou f 2,894.
b I)u vivant môme des Vrishnides, des Pântchàlains et
des fils de Pândou, je suis devenue une esclave, offerte à
la vue au milieu d'une assemblée de gens pervers.
1-24
LE MAHA-BHARATA.
n Alors, je t’adressai mentalement cette prière , Go-
vinda : « Puisque les Pândouides me voient, qu’ils restent
immobiles, sans colère, défends-moi donc ! »
2,895—2,890.
» Dans ce moment, Bhagavat, le monarque, mon beau-
père, me fit entendre ce langage : « Choisis une grâce,
Pànchâll ; tu mérites d’obtenir des grâces ! Tu as mon es-
time. « 2,897.
« Que les Pândouides ne soient plus dans l’esclavage,
avec leurs chars, avec leurs armes ! » Ce fut ma réponse ;
je fus donc mise en liberté, Réçava, pour habiter au milieu
des bois. 2,898.
» De telles infortunes ne sont pas ignorées de toi,
Djanârddana aux yeux de lotus bleu. Sauve-moi avec mes
conjoints, mes parents et mes époux. 2,899.
u Ne suis-je pas légalement la bru de Bhlshma et de '
Dhritarâshtra, de ces deux à la fois? C’est malgré ma ré-
sistance que je fus réduite en esclavage. 2,900.
» Honte à l’adresse, connue archer, du fils de Pritliâ !
Honte à la vigueur de Bhimaséna, s’il reste à vivre un
seul instant, Krishna, au fils de Dhritarâshtra ! 2,901.
» Si je suis mise en quelque faveur auprès de toi, si tu
as pour moi quelque compassion, décharge entièrement
ta colère sur les Dhritaràshtrides! » 2,902.
Elle dit; et la femme aux yeux noirs, aux regards
modestes, à la taille charmante, imprégnée de tou£ les
parfums, prit dans sa main gauche son abondante cheve-
lure, doux et charmant assemblage aux bouts aunelés,
qui .avait la splendeur d’un serpent et qui était douée de
tous les caractères de ta beauté. 2,903—2,904.
La dame à Toril de lotus, à la démarche d’éléphant,
OUDYOG A-PARVA.
125
s’avança vers Krishna aux yeux de nymphéas bleus, et,
triste, ses paupières pleines de larmes, elle tint ce lan-
gage : 2,905.
« Dans toutes les affaires des ennemis, qui désirent la
paix, il faut, Poundarikâksa, te rappeler ce Douççâsana à
la taille élevée comme une trompe d’éléphant. 2,906.
» Si Bhtmaséna et Arjouna sont malheureux, Krishna,
dans leur amour de la paix, mon vieux père combattra
avec les héros, ses fils. 2,907.
» Et mes cinq fils à la grande force, meurtrier de Ma-
dhou, sous la conduite d’Abhimanyou, livreront bataille
aux enfants de Kourou. 2,908.
» Si je ne vois pas tué, caché sous la poussière et divisé
par tronçons, ce noir serpent de Douççâsana, quelle tran-
quillité peut être donnée à mon cœur? 2,909.
» Treize années se sont écoulées pour moi dans l’at-
tente depuis que j’ai posé dans mon cœur le ressentiment
comme un feu allumé. 2,910.
» Mou cœur est déchiré sous l’oppression d’une flèche,
cette parole de Bhîmaséna aux longs bras, qui tourne
maintenant ses yeux uniquement sur le devoir. » 2,911.
En parlant ainsi, Krishna aux grands yeux baignait son
cou d’un ruisseau de larmes; elle pleurait avec tremble-
ment et parlait d'une voix, que ses pleurs rendaient bé-
gayante. 2,912.
dette dame aux grands lombes inondait ses deux seins
l’un à l’autre unis, et, toute fondante en larmes, elle
versait bien brûlante l’eau, qui naît dans les yeux. 2,913.
Kéçava aux longs bras lui répondit en la consolant :
« Avant qu’un long temps ne s’écoule, Rrishnâ, tu verras
pleurer à leur tour les épouses de ces fils de Bharata.
12(1
l-K MAHA-BHAIIATA.
» Celles, contre qui tu es en colère, craintive dame,
pleureront elles-mêmes ainsi leur armée détruite, leurs
amis tués, leurs alliés et leurs parents immolés.
» Je ferai cela, moi! avec Bhlrna, Arjouna et les ju-
meaux, sur l’ordre d'Youdhishthria et pour obéir au
Destin créé par l’Être absolu. 2,91â — 2,015 — 2,918.
u Si les Dhritaràshtrides, mûrs pour la mort, n’écou-
tent pas mes paroles, leurs armées, en proie aux chiens et
aux chacals, seront étendues mortes sur la terre. 2,917.
» Un verra le mont Himalaya marcher, la terre se
rompre en cent morceaux, et le ciel tomber avec les cons-
tellations, avant que ma parole ne soit dite en vain.
» C’est une vérité, que je te promets, Krishna, retiens
ces larmes. Tu verras bien tôt, et tes ennemis immolés, et tes
époux rendus au bonheur! » 2,918—2,919.
a Ta majesté est aifjou rd’hui le plus grand ami de tous
les Kourouides, ajouta l’Ambidextre; elle est remplie de
bonnes qualités et continuellement aimée de l'un et de
l’autre parti. 2,920.
» Que les Dhritaràshtrides soient remis en bons termes
avec les Pàndouides ! Veuille bien, kéçava, rétablir la
paix, qui est entre tes mains capables. 2,921.
» Dis enlin, Poundailkàksba, à l'irascible Bharalide,
Souyodhana, tout ce qu'il faut dire, immolateur des en-
nemis, pour obtenir la paix. 2,922.
b Si tu lais entendre ce qui est conforme à l'utile et au
juste, nous jouirons tous d’une santé prospère ; mais, si
l’insensé rejette le bien, il tombera sous le pouvoir du
Destin. » 2,923.
« Me voici prêt à me rendre, lui répondit l’adorable
Bhagavat, vers le roi Dhritaràshtra par le désir de rétablir
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OUDYOGA-PAUVA.
127
la santé chez les enfants de Konrou et de faire pour nous
ce qui est le bien et le devoir. » 2,924.
Ensuite, l’obscurité s’évanouit, le soleil pur se mani-
festa, l’auteur du jour fit naître l'instant favorable au mi-
lieu de sa douce lumière. 2,925.
Alors, dans le mois de Kaâumouda, sous la constella-
tion Révatt, à la (in de l’automne, au temps où les froids
ont disparu, dans une saison, que rendent agréables les
semences poussées, bien portant lui-même, le plus ver-
tueux des hommes vertueux, prêtant l’oreille à des sons
purs, de bon augure, aux paroles fortunées des brahmes
illustres, comme Indra à celles des Rishis, Djanârddana,
ayant vaqué aux cérémonies du matin, s’étant baigné, pu-
rifié et paré, adora le soleil et le feu.
2,928—2,927—2,928.
11 prit un taureau parlaqueue, et, s' étant incliné devant
les brahmes, il décrivit un pradakshina autour du feu
propice, ’es yeux fixés devant lui. 2,929.
Après qu’il eut fait cette promesse au fils de Pândou,
Djanârddana dit au petit-lils de Çini, assis à ses côtés , à
Sàlyaki : 2,930.
« Que mon disque de guerre et ma conque soient
placés sur mon char avec ma massue, mon carquois, ma
lance de fer et toutes mes armes ! 2,931.
# Car Douryodhana, Karna et le Soubalide ont des
âmes méchantes : un ennemi, quelque faible soit-il,
ne doit pas être méprisé par un homme plus fort. »
Connaissant alors son opinion, des chefs s’avancèrent,
portant le disque et la massue, pour équiper le char de
Kéçava ; 2,932—2,933.
Ce char, semblable au feu allumé de la mort, qui
128
LE MAIIA-BIIAHATA.
voyage dans le ciel au milieu du soleil, et qui est orné
de roues pareilles aux deux flambeaux du jour et de la
nuit. 2,934.
11 est décoré de lunes et de demi-lunes, de poissons, de
volatiles et de quadrupèdes, de fleurs diverses, et parsemé
entièrement de pierres précieuses. 2,935.
Grand, beau à voir, semblable au soleil adolescent,
il est paré de riches drapeaux et de brillants étendards ;
ses membres sont embellis de pierreries et d’or. 2,93(5.
Parsemé de charmants objets d’art, inaffrontable,
couvert de la peau des tigres, il détruit la renommée
des ennemis et augmente la joie des Yadouides. 2,937.
Ils attelèrent ce char avec les coursiers Çalvya et Sou-
grlva, purs, semblables aux nuages pluvieux et doués de
toute la félicité. 2,938.
On munit de son drapeau le roi des volatiles, ce char
au beau son, qui ajoutait encore à la grandeur elle-même
de Krishna. 2,939.
Çaàuri monta sur ce char, accompagné du tambour des
nuages, pareil aux cimes du mont Mérou, et semblable à
un palais, qui marche au gré de la volonté. 2,940.
Ensuite, ayant fait monter Sàtyaki, le plus grand des
hommes s’avança, remplissant du bruit de son char les
échos du ciel et de la terre. 2,941.
A l’instant même, le temps apparut avec ses nuages
dissipés, le vent souffla d’une haleine favorable et la pous-
sière calmée s’abattit. 2,942.
Placés à droite, réguliers, de bon augure, les quadru-
pèdes et les volatiles suivaient dans sa marche le Vasou-
dévide. 2,943.
Les ardées, les paons, les cygnes venaient de tous les
OllDYOGA-PARVA.
129
côtés vers le meurtrier de Madhou, formant des sons, qui
ressemblaient à des mots de choses favorables. 2,944.
Honoré en des sacrifices, où l'on versait en abondance
le beurre clarifié, offert avec les prières consacrées,
le Feu tournait it droite sa llamine sans fumée. 2,945.
Vaçishtha, Vâmadéva, Bboûridyoumna, GayaetKratha,
Çoukra, Nàrada, les Vâlmikis, les Maroutes, Kouçika et
Bhrigou, 2,946.
Les brahmes, les rishis et les Dieux, tous de concert,
décrivaient un pradakshina autour de Krishna, qui ap-
porte le plaisir à Yadhou, et de son frère, l’ainé du Va-
soudévide. 2,947.
Ainsi, Krishna s'avançait vers !e palais des enfants de
Kourou, honoré par ces chœurs des vertueux, grands et
pieux rishis. 2,948.
Le fils de Kounti, Youdhishthira, Bhimaséna, Arjoutia
et les deux Pândouides, fils jumeaux de Màdri, le suivaient
dans sa marche. 2,949.
Tchékitana, le vaillant guerrier, Dhrishtakétou, le roi
de Tchédi, Droupada, et le souverain de Kâçi, et le héros
Çikhandl, 2,950.
Dhrishtadyoumna avec son fils, Virâta, accompagné des
Kékayains, tous ces kshatryas s’avancèrent pour faire
honneur au plus éminent des kshatryas. 2,951.
Alors, quand il eut suivi Govinda à la distance , qu’im-
posait l'étiquette, le resplendissant Youdhishthira-Dhar-
marâdja tint ce langage, en présence des rois, 2,952.
A ce Kéçava, vertueux, ferme, le plus docte de toutes
les créatures, le seigneur de tous les êtres, l'éternel Dieu
des Dieux, à qui l'homme exempt de passions, à F intelli-
gence inébranlable, doit obéir, contre les règles de la lo-
vi »
130
LE MAHA-BHAIUTA.
giquc, ni par désir, ni par colère, ni par crainte, ni à
cause de l’intérêt. 2,953 — 2,955.
Le fils de Kountl, ayant donc embrassé cet être doué
de toutes les vertus, au caractère de prédestination mar-
qué par le çrivatsu, se mit à lui parler en ces termes :
« Cette dame , qui nous éleva depuis notre enfance, de
qui la conduite fut toujours vouée au jeûue et à la péni-
tence, elle, qui se plaît dans la route du bien,
2,956-2,956.
» Qui aime les hommages rendus aux hôtes et aux
Dieux, qui est soumise à l’obéissance envers le précepteur
spirituel, cette tendre mère, que ses enfants aiment et qui
aime ses enfants, Djanârddana, 2,957.
» Qui nous sauva des périls, que nous fit courir Dou-
ryodhana ; et nous retira, formidable guerrier, du chemin
de la puissante mort, comme de la mer; 2,958.
» lnterroge-la, vainqueur de Madhou, sur sa santé,
cette dame, qui n’a point mérité l’infortune et qui est, à
cause de nous, éternellement la proie de toutes les infor-
tunes. 2,959.
» Prodigue-lui tes consolations, à cette femme noyée
dans le chagrin de ses fils ; incline-toi devant elle et,
l’ayant embrassée, parle-lui de ses chers Pândouides.
» Depuis son mariage, les peines de ses beaux-pères
sont retombées sur sa tête ; et, quoiqu’elle méritât un autre
sort, les yeux fixés sur leurs infortunes, elle n’a connu
que la peine. 2,960—2,961.
» Le temps ne montrera jamais le revers de la peine,
Krishna, dompteur des ennemis , que je n’aie rendu le
plaisir à ma déplorable mère ! 2,962.
» Partant pour l’exil, nous sommes allés dans la forêt,
OUDYOGA-PAUVA.
131
abandonnant l’infortunée, qui pleurait et qui, dans le dé-
sir avide de voir encore ses fils, courait d’une manière la-
mentable. 2,9(53.
» Certes! si elle vit encore, c’est qu’on ne meurt pas
de chagrin! Profondément tourmentée des peines de ses
fils, qu’elle soit honorée par toi, auguste Anartain !
Incline-toi devant elle en mon nom, Krishna, et devant le
Kourouide Dhritaràsthra, et devant les rois d’un âge supé-
rieur. 2,96/1 — 2,905,
» Prosterne-toi devant Bhîshma, Drona et Kripa, de-
vant le grand roi Vàhlika, devant le fils de Drona, et
Somamadatta, et tous les Bharatides. 2,966.
u Embrasse, meurtrier de Madhou, Vidoura à la
grande science, qui porte en soi le conseil des enfants de
Kourou, qui sait le devoir et de qui la science est pro-
fonde. » 2,967.
Quand il eut parlé en ces termes â Kéçava, Youdltish-
thira, l'ayant honoré d’un pradakshina, prit congé de lui
et retourna sur ses pas. 2,968.
Bibhatsou s’avance et tient ce langage au Dàçârhain,
l’homme éminent, son ami, l’immolateur des héros enne-
mis, qui n'a jamais connu la défaite : 2,969.
u Tous les rois connaissent, auguste Covinda, ce qui
fut jadis arrêté par nous dans la décision du conseil sur la
moitié du royaume. 2.970.
» Qu’ils donnent cela sans regret, après nous avoir
honorés et sans nous mépriser, je serai content, guer-
rier aux longs bras, et ils m’auront délivré d'une grande
crainte. 2,971.
» Si le fils de Dhritarftshtra agit d’une autre manière
dans l'ignorance des quatre moyens, je ferai pour sûr,
132
LE MAHA-BHARATA.
Djanârddana, l'extermination de ses kshatryas. » 2,972.
A ces paroles, Vrikaudara se réjouit, et le Pândouide
mainte et mainte fois de trembler sous le pouvoir de la
colère. 2,973.
Tout en tremblant, ce (ils de Kountl jetait de grands
cris: et ces mots de Dhanandjaya, qu'il venait d’ouïr,
l'inondaient sous des flots de joie. 2,974.
A ces cris entendus, les archers de trembler, et les
bêtes de somme, éléphants et chevaux, de lâcher sous
eux les excréments et l’urine. 2,975.
Après qu’il eut parlé en ces termes à Kéçava et lui eut
fait entendre sa résolution, Djaya prit congé de Vasoudé-
vide, l’embrassa et s’en revint. 2,976.
Tous les rois partis, Djanârddana joyeux de continuer
sa route d’une course accélérée sur son char, que traînaient
Çaivya et Sougrlva. 2,977.
Excités par Dârouka, ces coursiers du Vasoudévide
mangeaient l’espace dans la route et semblaient dévorer
le ciel lui-même. 2,978.
Ensuite Kéçava aux longs bras vit dans son chemin les
rishis enflammés d'une splendeur brahmique rangés de
l’un et de l’autre côté de la voie. 2,979.
Djanârddana descendit à la hâte de son char, il s’in-
clina devant eux, rendit ses hommages aux saints et leur
parla à tous d’une manière convenable : 2,980.
« La santé règne-t-elle dans vos contrées? Le devoir
est-il bien observé? Les trois castes inférieures obéissent-
elles aux coumimandeinents des brahmes ? » 2,981.
Dès qu'il eut accompli cet hommage, le meurtrier de
Madhou leur dit: « En quel lieu vos saintetés parviennent-
elles à la perfection ? Quelle est ici la règle de vos saintetés ?
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OUDYOG A-PARVA.
ISS
.) Quelle est l’affaire de vos révérences? Que dois-je
faire pour vous? Pour quelle chose vos saintetés sont-
elles venues sur la surface de la terre. « 2,982 — 2,983.
Le fils de Djamadagni s’approche du meurtrier de Ma-
dhou, embrasse Govinda, et cet ami du souverain des
Démons et des Dieux lui dit : 2,984.
« Les Dévarsbis aux œuvres pures, les brahmes très-
instruits et les saints rois pénitents honorent le Dàçâr-
hain. 2,985.
» Désireux de contempler, maître de la terre, l’antique
Dévasoura (1) ils se sont réunis de tous les cêtés par l’en-
vie de voir ee Dieu, qui est devenu un prince kshatrya.
» Les courtisans et les rois te contemplent, toi, Dja-
nârddana, qui es la vérité. Nous sommes accourus voir,
Kéçava, cette chose bien digne d’être admirée.
» Nous désirons entendre, Mâdhava, ces paroles, ac-
compagnées du juste et de l’utile, que tu vas prononcer,
fléau des ennemis, chez les Kourouides au milieu des
rois. 2,986—2,987 — 2,988.
» Bhishma, Drona et les autres, Vidoura à la grande
sagesse, et toi, tigre des Yadouides, vous vous réunirez
dans la salle du conseil. 2,989.
# Nous désirons entendre, Mâdhava, les paroles utiles,
vraies, célestes, Govinda, de ces sages et de ta divinité.
ii Nous te saluons, guerrier aux longs bras; nous par-
lerons ensuite. Va, héros! Nous te verrons, quand tu
seras entré dans l’assemblée, assis sur un siège divin,
la splendeur et la force réunies avec toi ! »
2,990—2,991—2,992.
(1) Ce mol, comme un des surnom» de Krishna, manque à tous les dic-
tionnaire», même à celui de BOlhlingk et Kotb.
134
LE MAHA-BHA1UTA.
Dix héros, exterminateurs des plus vaillants guerriers
ennemis, suivaient, les armes à la main, cette marche du
fils aux longs bras de Dévakt. 2,993.
Il était accompagné de vivres en abondance, d’un
millier de fantassins et de cavaliers, puissant monarque,
et d’autres serviteurs par centaines. 2,99â.
Djanamédjaya interrompit le narrateur :
« Comment s’avançait le meurtrier de Madhou, ce ma-
gnanime Dàçârhain? demanda-t-il. Et quels prodiges se
manifestaient dans la marche de ce guerrier à la grande
vigueur? a 2,995.
Valçampàyaua répondit : •
Écoute-moi ! je vais entièrement te raconter les pro-
diges malheureux, envoyés par les Dieux, qui apparurent
daus la marche de ce magnanime. 2,996.
Le bruit de la foudre, accompagné d’éclairs, naquit
dans un ciel sans nuages; et Pardjanaya, imitant celte
merveille, fit tomber des torrents de pluie dans une atmo-
sphère sereine. 2,997.
Les sept grandes rivières de la contrée du Sindhou, qui
coulent vers l’orient, tournèrent leur cours ;i l’occident.
Toutes les plages du ciel furent confondues, et l’on ne
distinguait plus rien. 2,998.
Les feux lancèrent des flammes, sire, la terre lut
ébranlée ; les puits et les seaux laissèrent par centaines
échapper leurs eaux. 2,999.
Tout le monde fut enseveli dans les ténèbres; et il était
impossible de rien distinguer, au milieu de la poussière,
ni ce qui était une contrée, ni ce qui ne l’était pas. 3,000.
Une grande voix éclata au sein des deux, où l’on ne
voyait personne, qui f eût produite: ce fut dans toutes les
OUDYOGA-PAKVA.
135
régions , sire , comme une chose merveilleuse. 3,001.
Le vent du couchant et le vent du midi ébranlaient
Hàstinapoura : ce souille rompait les arbres par centaines
avec un fracas de tonnerre. 3,002.
Mais dans chaque lieu de la route, où se tenait le re-
jeton de Vrishni, le vent était paisible, Bharatide, et tout
était favorable. 3,003.
11 plut à verse une grêle de fleurs et de lotus ; la route
était unie, sans fatigue, et les herbes Kouças avaient
déposé leurs épines. 3,00A.
Le donateur des richesses, loué çà et là par les voix des
brahmes, était honoré en tous lieux par des présents de
richesses, par des bassins de caillebotte, de beurre cla-
rifié et de miel. 3,005.
Les femmes, qui s’étaient rassemblées le long de sa
route, inondaient de fleurs champêtres au doux parfum
ce magnanime, qui trouvait son plaisir dans le bien de
toutes les créatures. 3,000.
On lui accumulait avec tous les geains un délicieux pa-
lais de riz ; et il s’élevait, éminent Bharatide, à un plaisir
de la plus haute vertu. 3,007.
Contemplant de nombreux bestiaux villageois, agréa-
bles et faisant la joie du coeur, il traversa différentes villes
et divers royaumes. 3,008.
La pensée des Bharatides veillait à l’entour de lui. Tou-
jours satisfaits, l’âme bien disposée, jamais troublée par
les armées des ennemis et dans l’ignorance des infor-
tunes. 3,009.
Des hommes, habitants de la ville et venus d’Oupa-
plavya, se tenaient rassemblés dans la roule par le désir
de voir cette incarnation de Vishnou. 3,010.
130
LE MAHA-BHARATA.
Tous d’honorer, comme le feu allumé, l'auguste arri-
vant, l’hôte venu dans la contrée et digne de cet hon-
neur. 3,011.
Parvenu à Vrikausthala dans un temps où le soleil ré-
pand ses rayons dans un ciel à l’horizon rouge de sa lu-
mière, Réçava, l’exterminateur des héros ennemis, des-
cendit à la hâte de son char, fit son ablution suivant la
règle, ordonna de dételer sa voiture et assit là son camp à
l’heure du crépuscule. 3,012—3,013.
Dàrouka détela de sa main les coursiers, qu’il pansa
d’une manière conforme aux Traités hippiques ; il défit les
nœuds et les autres attaches, qui retenaient ces quadru-
pèdes au timon, et, ces préliminaires achevés, il les mit
en liberté. 3,014.
Après qu’il eût passé toutes ces choses en revue :
« Nous habiterons cette nuit ici pour l’affaire d' Youdhish-
thira, » dit le meurtrier de Madhou. 3,015.
A peine eurent -ils connu l’opinion du maître, ses
hommes de construira là des habitations, et d’y ramasser
dans un instant des breuvages et des nourritures savou-
reuses. 3,010.'
Dans ce village, il y avait, sire, des chefs de brahmes
nobles, de bonne race, pleins de pudeur et fidèles obser-
vateurs d’une conduite vraiment brahmique. 3,017.
Ils s’ avancèrent vers le magnanime Hrishîkéça, le domp-
teur des ennemis, et lui adressèrent un hommage suivant
la convenance, joint aux prières et aux paroles fortunées.
Dès qu'ils eurent honoré le D&çârhain mis en honneur
dans tous les mondes, ils offrirent au magnauime des
maisons ornées de pierres précieuses. 3,018 — 3,019.
n Soit! » répondit le seigneur, qui honora les brahmes,
OUDYOGA- PAR V A.
137
selon qu'ils en étaient dignes, s’en alla dans leurs mai-
sons et en sortit accompagné d’eux. 3,020.
Là, après qu’il eut nourri les deux fois nés et qu’il eut
mangé avec eux tous d'une façon bien pure, Kéçava de
passer tranquillement la nuit. 3,021.
Aussitôt qu'il eut connu par des courriers l’approche
du meurtrier de Madhou, Dhritarâshtra tint ce langage à
Bhlshma, quand il eut honoré ce magnanime. 3,022.
Le poil hérissé, il dit ces paroles à Drona, à Sandjaya, à
Vidoura, prince d'une grande sagesse, et à Dourvodhana,
accompagné de ses ministres : 3,023.
« On entend dire une chose merveilleuse, grandement
étonnante, rejeton de Kourou. Elle fait dans chaque mai-
son l’entretien des femmes, des vieillards et des enfants.
» Dans les réunions, à peine les premiers compliments
sont-ils faits, les uns et les autres de raconter cet événe-
ment ; c'est le sujet des conversations particulières dans
les cours et les salles d’assemblée. 3,024—3,025.
» Le Dâçârhain, plein d’héroïsme, doit venir ici pour
les fils de Pândou ; il nous faut combler de tous les hon-
\
neurs, de tous les hommages, ce meurtrier de Madhou,
» Car en lui s’opère la marche du monde; il est le sou-
verain des créatures ; en ce Màdhava sont la fermeté, l’é-
nergie, la science et la force. 3,020 — 3,027.
» Le plus excellent des hommes, il doit être honoré des
gens de bien; il est effet le devoir éternel. Si on l’ honore,
il goûtera du plaisir; mais, s'il n’est pas honoré, il en
ressentira de la peine. 3,028.
» Si le Dâçârhain est satisfait de notre cour, nous se-
rons élevés par Krishna lui-même au comble de tous nos
désirs, parmi tous les rois. 3,029.
13S
LE MAHA-BHARATA.
» Dispose tout à l'instant même, fléau (les ennemis,
pour lui faire honneur. Que l'on construise dans sa route
des salles bien pourvues de toutes les choses, que l’on
peut désirer. -3,030.
» Agis de telle sorte, fils de Gândhàrl, que tu fasses naître
ma satisfaction en toi, guerrier aux longs bras: ou queL
est le sentiment de Bhishma? » 3,031.
Alors, Bhishma et tous les autres, honorant sa parole,
répondirent à Dhrilarâshtra, le souverain des hommes :
o Ainsi faite, la chose est pour le mieux ! » 3,032.
Aussitôt que le roi Douryodhana connut l'approbation
donnée par eux aux paroles de son père, il se uiit à com-
mander des salles et des habitations charmantes. 3,033.
On édifia dans tous les endroits agréables, en petit ou
en grand nombre, des palais remplis de toutes les pier-
reries. 3,03â.
Là, étaient des sièges admirables, assortis de qualités
diverses, des femmes, des parfums, des parures et des
vêtements du tissu le plus délié. 3,035.
Le monarque donna des aliments et des breuvages,
pleins de saveur, différents mets et des bouquets à l’o-
deur la plus exquise. 3,036.
Surtout, le roi, fils de Kourou, disposa pour l’habita-
tion, dans le village de Vrikausthala, une maison ravis-
sante, ornée de pierres précieuses en grand nombre.
Mais, après qu’il eut disposé toutes ces choses, dignes
d'un Dieu et pour un être plus qu'humain, le royal Dou-
ryodhana dit alors à Dhrilarâshtra : 3,037 — 3,038.
« Kéçava n’a pas même regardé tous ces châteaux et
ces pierreries diverses. Le Dâçârhain va bientôt arriver
dans ce palais de Kourou. » 3,030.
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OUDYOGA-PARVA.
139
« Kshattri, fit Dhritarâshtra, Djanàrddana vient ici
d’Oupaplavya; il habite dansVrikausthala, il sera demain
arrivé ici. 3,040.
» Djanàrddana est le souverain des Ahoukas et le chef
de tous les Sàtvvatides ; il possède une grande intelligence,
une grande énergie, une grande âme. 3,041.
» Màdhava est le protecteur et le conservateur de l’o-
pulent royaume de Vrishni : Bhagavat est le bisaïeul môme
des trois mondes. 3,042.
» C/est de cet Immortel que les Vrishnides et les An-
dhakas honorent la science, comme les Adityas, les Vasous
et les Roudras s'inclinent devant l’intelligence de Vrihas-
pati. 3,043.
b Je dirai en ta présence, vertueux frère, l’hommage,
que mérite ce magnanime Dàçàrhain : écoute-moi! je
raconte. 3,044.
s Je lui donnerai seize chars d'or, attelés chacun de
quatre chevaux, nés dans le Vahlika, aux membres bien
formés et du même pelage. 3,045.
b Je lui donnerai, fils de Kourou, huit éléphants aux
longues défenses, aux joues continuellement an-osées de
mada, et suivis chacun par huit guerriers. 3,040.
b Je lui donnerai un cent de jolies servantes à l’éclat
d'or et qui n’ont pas encore été mères, avec un pareil
nombre de serviteurs. 3,047.
b Les toisons produites sur les brebis des montagnes
ont le toucher doux : je lui en donnerai dix-huit mille.
b De chevaux nés dans le pays de la Chine, je lui en
donnerai autant de milliers que Kéçava en est digne.
3,048—3,049.
b Voici un joyau pur, d’un puissant éclat, qui res-
LE MAHA-BHARATA.
140
plendit jour et nuit; j’en ferai même un présent à Kéçava,
car il en est digne. 3,050.
•i Ce char, attelé de mules, franchit quatorze yodjanas
dans un seul jour, je le donnerai encore â cette éminente
personne. 3,051.
» Je lui donnerai, tant qu'il vivra avec nous, huit fois
autant d'aliments qu’il a d'hommes, qu’il a de chevaux
dans son escorte. 3,052.
» Élégamment parés, tous mes fils et petits-fils, ex-
cepté Douryodhana, s’avanceront, sur des chars bien
lavés, à la rencontre du Dâçârhain. 3,053.
» Les principales et riches courtisanes iront par mil-
liers à pied au-devant du vertueux Kéçava. 3,054.
» Les jeunes vierges, celles du moins, qui appartien-
nent à la ville, iront aussi voir Djanârddana, et, fortu-
nées, elles s’avanceront sans être cachées. 3,055.
‘i Que toute la cité, hommes, femmes et enfants, con-
templent ce magnanime vainqueur de Madhou, comme les
créatures voient le soleil radieux. 3,050.
» Que les vastes drapeaux et les grands étendards
soient arborés dans toutes les parties de la ville ; que sa
route, arrosée d’eau, soit exempte de poussière! » Tels
sont les ordres, qui furent postérieurement donnés par lui :
» Que le palais de Douççâsana, que la porte de la mai-
son-Douryodhana soit à l’iustant même bien nettoyée et
décorée au plus vite ! 3,057 — 3,058.
>< Que la ville, embellie de palais avec ces charmantes
formes, soit fortunée, ravissante, offrant une grande opu-
lence de toutes les saisons. 3,059.
» Ce mien palais et celui de Douryodhana renferment
toutes les pierreries ; elles doivent toutes être données
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OUDY OG A-l’ARV A . 141
sans aucun doute au rejeton de Vrishni, qui est digne de
les recevoir. » 3,060.
» Sire, dit-Vidoura, tu es en grande estime, tu es né
même le plus vertueux des trois mondes ; tu es, rejeton
de Bharata, estimé de l’univers entier. 3,061.
» Le langage, que tu tiens en des circonstances telles,
c’est la vieillesse, qui te l’inspire, parce que tu es arrivé
au couchant de la vie, parce que tu es ferme, ou dans les
Tiaités, ou dans le raisonnement, 3,062.
» Comme est une raie dans la pierre, comme est la
clarté dans le soleil, comme est un grand flot dans la
mer, tel est en toi le devoir, sire. Ainsi raisonnent tes
sujets. 3,063.
» Le monde est toujours rempli, seigneur, par la
multitude de tes vertus ; emploie continuellement tes
efforts, avec les gens, qui l’appartiennent, à conserver ces
vertus. 3,064.
» Acquière la droiture, sire, et ne détruis pas de fond
en comble, par ta démence, tes petits-fils, tes amis les
plus chers et tes fils. 3,065.
» Ces grands honneurs, que tu veux prodiguer à
Krishna, ton hôte, sire, le Dâçàrhain en est digne; il
mérite plus, le monde entier lui-même! 3,066.
» L’objet de ce désir n’a point en vue le devoir, ou il
n'est pas de faire une chose agréable à Krishna : j’en
touche mon cœur dans la vérité ! 3,067.
» Mais ici, la vérité est une illusion : c’est le masque
d’un autre sentiment, qui se dérobe sous ces nombreux
cadeaux : je connais, sire, l'opinion, qui est cachée der-
rière cette chose extérieure. 3,068.
» Les fils de Pândou, sire, veulent obtenir cinq villages
142
LE M AH A-BH A RATA.
pour eux cinq, et tu ne veux pas les donner : tu ne feras
donc point la paix? 3,069.
» Tu désires enlever, au moyen de cette richesse, le
Vrishnide aux longs bras; et, par ce moyen, tu rompras
avec les Pândouides. 3,070.
» lin autre, sire, que Dhanandjaya, n'est pas capable
d’agir sur lui, ou par des richesses, ou par la contrainte,
ou par des reproches ; je te dis sa vraie nature. 3,071.
» Je connais la grandeur d'âme de Krishna; je connais
la fermeté de son dévoilaient; je sais qu’il ne peut aban-
donner Dhanandjaya, qui est pour lui égal au souille de
sa vie. 3,072.
n Djanârddana n’ira pas au-delà d’une coupe remplie
d’eau, au-delà du lavement de ses pieds, au-delà d'une
enquête polie sur sa bonne santé. 3,073.
» Les honneurs de l’hospitalité, sire, peuvent être
agréables au magnanime, qui est digne de cet hommage;
que ces devoirs soient donc pratiqués envers lui. Djanârd-
dana mérite ces honneurs. 3,074.
» Kéçava arrive chez les Kourouides avec le désir de
leur félicité : donne-nous donc à lui, sire, avec tes ri-
chesses mêmes. 3,075.
» Le Dàçârhatn désire la paix, et pour toi, Indra des
roi9, et pour Douryodhana, et pour les Pândouides : ac-
complis sa parole. 3,076.
» Tu es père, sire, et ceux-là sont tes fils ; tu es un
vieillard, et les autres sont tes pupilles. Agis comme un
père à leur égard, puisque ceux-ci envers toi se conduisent
comme des (ils. » 3,077.
« Tout ce que Vidoura vient de nous dire sur l’éternel
Krishna est la vérité, répondit Douryodhana. 11 est dé-
UigitizecJtry Geogle
OUDYOG A-P ARV A.
148
voué aux fils de Prithà ; l'amitié de Djanàrddana pour
eux est indestructible. 3,078.
» Cette richesse, qui est associée avec l’hospitalité, il
faut la donner à Djanàrddana; mais un royaume, qui est
multiforme, ii ne laut jamais le donner. 3,079.
» Si le temps et le lieu n’y sont point assortis, Kéçava
ne mérite point l'hommage. C’est de cette manière, sire,
qu’en doit juger Adlxokshadja. S’il m'honore, dit-on, c’est
par crainte. 3,080.
» En tout lieu, où le mépris du kshatrya doive le
suivre, un sage n’exécutera point une affaire, maitre des
hommes : voilà mon opinion fixe. 3,081.
» Krishna aux grands yeux est dans l'univers entier
l’ètre le plus honorable des trois mondes : je connais cette
vérité complètement. 3,082.
» Mais il ne faudra pas lui céder rien; une guerre
bouillante de colère, seigneur, est la route, qu’on doit lui
offrir : un état sans guerre ne l’appaiserait pas. » 3,083.
A ces mots, le bisaïeul des Kourouides, fihishma tint
ce langage au roi descendant de Vitchitravlrya : 3,08/i.
n Bien ou mal accueilli, Kéçava ne s’en irritera pas :
tu n’es pas de taille à mépriser Djanârddaua; et il ne mé-
rite les mépris de personne ! 3,085.
« Que ce qui est à faire soit donc fait, guerrier aux
longs bras : qui que ce soit ne peut exécuter autiement
cette pensée par tous les moyens. 3,086.
» QueleVasoudévtde à la grande puissance expose, sans
balancer, l’objet de sa mission! Que sa descente ici-bas
calme promptement ta colère à l’égard des Pàndouides.
» Le vertueux Djanàrddana tiendra assurément un
langage utile et juste : reçois donc, toi et tes parents,
LE MAHA-BHARATA.
1AA
comme agréable en lui, ces paroles, qu'il doit prononcer.»
« Il n'y a pas moyen que je puisse, répondit Douryo-
dhana, jouir, tant qu’ils auront la vie, mon auguste aïeul,
de ce trône entier. 3,087—3,088 — 3,089.
» Écoute celte vaste idée, que j’ai conçue et arrêtée :
je chargerai de fers Djanârddana comme une personne at-
tachée aux Pândouides. 3,090.
« Lui une fois mon prisonnier, il ne me sera pas diffi-
cile de manier le Vrishnide, les fils de Pândou et toute la
terre. 11 doit venir ici à l’aurore. 3,091.
» Que ta majesté veuille bien me dire ici de quelle
manière Djanârddana ne pourrait nullement s’apercevoir
de mes desseins et comment aucun de ses gens ne pourra
s’échapper.» 3,092.
A ces mots de l’abominable projet, que méditait son fils
contre Krishna, Dhritarâshtra fut saisi d’effroi et demeura
sans âme, lui et ses ministres. 3,093.
Revenu à lui-même (1) , il dit ces paroles à Douryodhana :
« Ne parle point ainsi, maître des créatures, car ce n'est
pas le devoir éternel. 3,09â.
» Hrishikéça est ambassadeur, il est notre allié, il est
notre ami : comment, innocent qu’il est, a-t-il mérité la
prison chez les kourouides? » 3,095.
« Ton fils à l’intelligence des plus étroites, s’écria tout
à coup Bhîshma, est contraire à ton avis; il choisit l'infor-
tune avec ses amis et ne demande pas le bonheur. 3,096.
» C’est un criminel attaché au vice, qui marche dans
une mauvaise route 1 Et toi, fuyant les paroles de tes
amis, obéiras-tu aux siennes? 3,097.
(!) Ta ta*.
Digrtized by (î(Wgle
n Qu’il ose s’approcher de Krishna aux œuvres infatiga-
bles, et ton insensé (ils aura bientôt cessé de vivre, lui et
ses ministres ! 3,098.
» Je ne saurais entendre plus longtemps les paroles de
cet homme fou, méchant, scélérat, qui a renoncé au
devoir ! » 3,099.
A ces mots, le plus vertueux des Bharatides, le vieux
Bhtshma au courage infaillible se leva, bouillant de
sa plus ardente colère, et se tint debout après ces pa-
roles. 3,100.
Le matin du jour suivant arrivé, Krishna, ayant accom-
pli ses cérémonies journalières et reçu des brahmes la
permission de partir, s’avança vers la ville. 3,101.
Tous les habitants du Vrifcausthala, prenant congé de
lui, entouraient ce héros aux longs bras, à la grande force
au moment de son départ. 3,102.
Bhlshma, Drona, Kripa et les autres, les fils de Dhri-
laràshtra, excepté Douryodhana, tous dans la plus bril-
lante parure, allèrent au-devant du guerrier, qui s’avan-
çait. 3,103.
Attirés par l’envie de voir Hrtshikéça, les habitants de
la ville en grand nombre, sire, accoururent les uns sur
des chars de formes diverses, les autres à pied. 3,101.
Il entra dans la cité, environné des Dhritarâshtrides,
de Drona, de Bhtshma aux travaux infatigables, qui s’é-
taient réunis à lui dans sa route. 3,105.
ün avait décoré la ville pour faire honneur à Krishna;
et la route royale éclatait p r des milliers de pierreries.
Personne, éminent Bharalide, ne resta alors dans la cité,
ni femmes, ni vieillards, ni enfants : tant était grand,
sire, le désir de voir le Vasoudévide. 3,100 — 3,107.
vt 10
LE MAHA-BHARATA.
140
Les hommes accourus dans la roule royale, puissant
monarque, adressaient en ce moment, à. l'entrée de
Hrishikéça, leurs félicitations à la terre. 3,108.
On voyait, sur la surface du sol, trembler en quelque
manière sous leur fardeau les palais remplis, quelque
vastes fussent-ils, des femmes les plus charmantes. 3,109.
La marche était devenue impossible dans la rue royale,
couverte d'hommes, tandis que les coursiers du Vasoudé-
vide y faisaient route. 3,110.
Poundarîkâksha, le puissant guerrier, entra dans la
blanche habitation de Dhritaràshtra, embellie de pa-
lais. 3,111.
Quand Kéçava, le dompteur des ennemis, eut fran-
chi trois euceintes du château royal, il arriva au lieu,
où se tenait le monarque, (ils de Vitchitravlrya. 3,112.
Pendant que le Dàçàrhain s’avançait vers le souverain,
éclairé par l'œil de la science, ce roi à la haute renommée
se leva avec Drona et Bhishuia. 3,113.
Kripa, et Somadatta, et le grand potentat Vâhlika, tous,
pour honorer Djanârddhana, liront quelques pas en avant
de leurs sièges. 3,114.
Dès qu'il se fut approché de l'illustre monarque Dhri-
tarâshtra, le Vrishnide honora aussitôt lihlshma de ses
paroles. 3,115.
Après qu’il eut rempli successivement ses devoirs
envers eux, le meurtrier de Madhou s’adressa aux rois
suivant leur âge. 3,110.
Djanàrddana offrit ses voeux à Somadatta, à Kripa,
â l'illustre Drona, accompagné de son fils et de Vàh-
lika. 3,117.
Là, fut apporté, à l’ordre de Dhritaràshtra, un grand
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OUI) YOGA-PAU VA.
147
siège d’or pur, dominant tous les autres, sur lequel s’assit
l’impérissable. 3,118.
Les archibrahmes <le Dhritarâshtra suivant l’étiquette
de présenter à Djanàrddana de l’eau, une vache, un
bassin de caillebotle, de beurre clarifié et do miel. 3,119.
Quand on eut rempli tous les devoirs de l’hospitalité
envers lui, Govinda de rester assis, souriant, environné des
Kourouides et leur montrant à tous son amabilité. 3,120.
Aussitôt qu’il eut reçu les honneurs et les civilités de
Dhritarâshtra, le dompteur des ennemis à la haute
renommée detnauda au roi la permission de se retirer, et
sortit. 3,121. *
Satisfait de s’être montré aux Kourouides dans l’as-
semblée des enfants de Kourou, Màdhava choisit pour sa
demeure la délicieuse habitation de Vidoura. 3,122.
Celui-ci accueillit Djarnârddana avec toutes les choses
fortunées, et prodigua au Dâçârhain, son hôte, tous
les objets, sur lesquels peut se porter le désir : 3,123.
« Pourquoi te dirais-je la joie, que m’inspire ta vue.
Dieu aux yeux de lotus bleu ? N'es-tu pas l’âme des subs-
tances incorporées î » 3,124.
Une fois qu’il se fut acquitté de l'hospitalité envers lui,
Vidoura, qui n’ignorait aucun des devoirs, s’enquit
auprès du meurtrier de Madhou sur la santé des fils de
Pàndou. 3,125.
Le plus vertueux des Vrisbnides, le Dâçârhain, qui
voyait tout exposé à sa vue, de raconter au prudent
Kshaltri, ce vertueux et sage ami, content, exempt de la
colère, toujours occupé du juste et de futile, les actions
des Pûndouides exposées toutes avec étendue.
3,126—3,127.
LE MAHA-BH VRATA.
148
Le jour suivant, l’héroïque Djanârddana commença par
se rendre auprès de Vidoura; puis, il alla voir Prithâ, la
sœur de son père. 3,128.
A peine a-t-elle vu s’avancer Krishna, resplendissant
comme le soleil pur, elle s'élance à son cou, et, pous-
sant des cris, lui rappelle nommément chacun de ses
fils. 3,129.
Prithâ répandit ses larmes, en revoyant après une lon-
gue absence ce Govinda, le rejeton de Vrishni, qui mar-
chait au milieu de ses fils vertueux. 3,130.
Ayant rempli à son égard les devoirs de l’hospitalité et
l’ayant fait asseoir, elle dit à Krishna, le roi des batailles,
avec un visage desséché par la douleur et plein de larmes,
qui rendaient sa voix bégayante : 3,131 .
« Ces jeunes hommes, qui, dès leur enfance, se fai-
saient un plaisir d'obéir â leur gourou, qui ont une même
âme, qui sont estimés les amis l'un de l'autre; 3,132.
» Qui, renversés de leur trône par la tricherie et dignes
de vivre au milieu du monde, sont allés dans la solitude ;
qui savent gouverner la colère et la joie, pieux, véri-
diques; 3,133.
» Ces Prithides, qui, désertant le plaisir et les choses
agréables, m’ont abandonnée au milieu des larmes, et,
parlant pour la forêt, m’ont arraché le cœur avec sa
racine; 3,134.
» Comment ces magnanimes Pàndouides habitent-ils,
Kéçava, mon fils, dans ce vaste bois, qu'ils ne méritent
pas d’habiter et qui est rempli d’éléphants, de tigres et
de lions? 3,135.
» Privés de leur père dès l’enfance, toujours caressés
par moi, comment supportent-ils dans la grande forêt le
OUDYUG.Y-l'ARVA.
149
malheur de ne voir ni leur père, ni leur mère? 3,13(5.
» Les Pàndouides se réveillaient dès leur enfance,
Kéçava, au son des flûtes et des tambours, au bruit de la
grosse caisse et des trompettes. 3,137.
» Dans leur palais, ils se réveillaient alors au grince-
ment de la roue des chars, au hennissement des chevaux,
au barrit des éléphants. &,138.
■< Les fanfares des tambourins et des conques, associées
au concert des vinàs et des flûtes, se mêlaient à la voix
des paroles saintes, quand les brahuies les comblaient de
bénédictions. 3,139.
» Honorés par les voix des brahmes magnanimes, ma-
riées aux choses de bon augure, ils prodiguaient eux-
mêmes aux régénérés les.vêtements, les pierreries et les
parures. 3,140.
» Eux, qui, endormis sur les plus belles fourrures des
axis mouchetés, se réveillaient en de superbes palais,
salués par les louanges de poètes honorés et dignes
d’honneur, ils ont vu leur sommeil interrompu avant sa fin ,
eux, qui ne méritaient pas un tel sort, Djanârddana, par
les hurlements sauvages des bêtes carnassières entendues.
» Comment se réveillaient-ils dans les grandes forêts
aux rugissements des animaux carnivores, eux, accou-
tumés à se réveiller aux hymmes des poètes, des bardes
et des ménestrels, aux doux chants des femmes, aux
accords des flûtes et des conques, aux concerts des tam-
bourins et des tambours? 3,141 — 3142 — 3,143 — 3,144.
» Ce héros, plein de pudeur, ferme, vrai, dompté,
rempli de tendresse pour tous les êtres, qui a mis sous
son pouvoir l’amour et la haine, continue-t-il 4 suivre la
route des gens de bien ? 3,145.
150
LE MAHA-BHARATA.
» Lui, qui suit le devoir, qui a fait un pacte avec la
vérité, qui est doué de la bonne conduite et des vertus,
qui a mis sur ses épaules le timon diflicile à porter des
antiques râdjarshis, 3,1 40.
» D'Ambarlsha, de Mândhâlri, d’Yayati, de Mahousha,
de Bharata, de Dilîpa, de Çivi, et du fds d'Ouçinara ;
» Ce mortel, qui, doué de toutes les vertus, pourrait
être le monarque des trois mondes, le vertueux Adjàta-
çatrou, qui a la splendeur de l’or pur: 3,147 — 3,148.
» Que fait Youdliishthira aux longs bras, à l'aspect
aimable, le plus excellent, Krishna, de tous les Kou-
rouides pour le devoir, la science et la conduite? 3,140.
» Ce fils de Pândou à la grande vigueur, qui possède
la rapidité du vent et la force d’une myriade de boas,
cet homme irritable, qui se plaît à rendre service à son
frère; 3,150.
» Ce. héros, qui immola, meurtrier de Madhou, Ki-
thnka et sa famille, Hidimba et Yalta, tombés sous l’em-
pire de la colère ; 3,0151.
» Ce guerrier, qui est égal à Çakra pour la vaillance,
au vent pour la force, à Mahéçwara pour la colère,
Bhiraa enfin, le meilleur des combattants ; 3,152.
n Ce fléau des ennemis, ayant mis un frein à sa colère,
à sa force, à son ressentiment, cet irascible I’ândouide,
ayant vaincu son âme, se tient-il soumis à l’ordre de son
frère? 3,153.
» Parle-moi, Djanârddana, rejeton de Vrishni, parle-
moi de ce magnanime Bblmaséna, ce monceau de vi-
gueurs, le plus héroïque des combattants, à la force sans
mesure, épouvantable, quand il se montre ! Que fait main-
tenant Yrikaudara? Un vigoureux fils de Pândou, aux bras
' "Oui ized l . le
OUDYOGA-PARVA.
151
pareils à des massues, tient par sa naissance le milieu de
mes enfants. 3.15A — 3,155.
» C’est Arjouna, qui, n’ayant que deux bras, Kéçava,
rivalise avec l'arjouna aux mille bras, continuellement
vaincu dans celte lutte. 3.156.
» Il décoche du même coup rapidement cinq cents flè-
ches. Ce Pàndouide est l'égal du roi Kàrltavlrya pour
l’art de lancer un trait. 3,157.
» 11 est égal au soleil eu splendeur, égal aux grands
saints en répression des sens, égal à la terre pour la force
de porter, égal à Mahéndra en vaillance. 3,158.
» C’est lui, de qui la vigueur doit enlever, meurtrier
de Madhou, à tous les rois issus de Kourou cet euipire
illustre, éclatant de splendeur. 3,159.
» Tous les fils de P&ndou honorent la force de ses bras :
il est le plus excellent de tous les maîtres de chars ; sa va-
leur est une vérité. 3,160.
» Quiconque, dans un combat, l'aborderait face à face,
n’en sortirait pas vivant ! 11 est appelé Djishnou, parce
qu’il est le vainqueur, Atchvouta, de toutes les créatures.
» Lui, qui est la planche de salut pour les fils de
Pàndou, comme Indra l'est pour les Dieux, que fait main-
tenant Dhanandjaya, qui est ton frère et ton ami?
3,161—3,162.
» Il est rempli de compassion pour toutes les créatures,
observateur de la pudeur, vertueux, doux, bien délicat;
il possède la science des grands astras et il est aimé de
moi. 3,163.
» Sahadéva est un guerrier, un héros, qui brille dans
les batailles ; il est jeune, Krishna, docile à ses frères,
habile dans le juste et l’utile. 3,10â.
152
LE MAHA-BHARATa.
» Toujours ses frères eux-mêmes respectent la conduite
de ce magnanime à la conduite fortunée. 3,165.
» Parle-moi de ce héros Sahadéva, rejeton de Vrishni,
qui marche sur les traces de ses aînés, qui est le seigneur
des batailles et qui m’obéit comme il aurait obéi à M&drt,
sa mère. 3,166.
» Ce Pândouide est un héros jeune, très-délicat, admi-
rable à voir, aimé de tous ses frères ; c’est leur âme, qui se
meut extérieurement à leur personne. 3,167.
» Nakoula est un héros à la grande force, un com-
battant avec des armes diverses : est-il bien portant,
Krishna, ce fils, qui a grandi sous mon amour? 3,168.
u Reverrai-je un jour, guerrier aux longs bras, ce Na-
koula au grand char, jeune adolescent, accoutumé au
plaisir, mais novice & la peine? 3,169.
» Abandonnée par Nakoula pendant l’espace d’un clin-
d’œil, je ne puis trouver tin moment de tranquillité : vois!
est-ce que je vis maintenant? 3,170.
« Drâaupadl est celle, que j’aime le plus après tous mes
fils, Djanârddana : est-elle en bbnne santé, celte femme
douée de la beauté et parvenue à la hauteur de toutes les
vertus? 3,171.
» Cette dame aux paroles de vérité a préféré le monde
de ses époux au monde de ses enfants ; et, fuyant scs fils
chéris, elle a mieux aimé les Pàndouides. 3.172.
» Que fait-elle, Atchyouta, cette Draâupadt, douée
d’une famille illustre, richement comblée de toutes les
choses, que l’on peut désirer, souveraine maîtresse de
toutes les félicités? 3,173.
» Pourvue de cinq héroïques époux, guerriers aux
grands arcs et semblables au feu, que fait-elle , cette
DTgitteec
OUDYOGA-PARVA.
153
Dr&aupadl, maintenant qu'elle a sa part <lu malheur?
» N’ai-je pas vu, dompteur des ennemis, — cette année
qui s’écoule est depuis ce temps la quatorzième! — cette
Dràaupadl, aux paroles de vérité, mise elle-même au jeu
dans les angoisses de mes fils? 3,174 — 3,175.
» L’homme, sans doute, n’obtient pas le bonheur en
récompense de ses œuvres saintes, si pour une telle con-
duite, Dràaupadl ne jouit pas d’une impérissable félicité.
» Il n’est plus rien qui me soit agréable, ni les ju-
meaux, ni Bhimaséna, ni Arjouna, ni Youdhishthira lui-
même, depuis que je l’ai lu traînée dans l'assemblée!
3,170 — 3,177. .
» Rien n’est plus affligeant pour moi ; il ne m’est rien
survenu avant, qui fût plus douloureux que de voir la plus
vertueuse des femmes, Dràaupadl, exposée devant ces
personnes vénérables. 3,178.
u Tous les enfants de Kourou la virent couverte d’un
seul vêtement, arrivée dans l’assemblée, où la conduisit
un homme vil, qui obéissait à la colère et à la cupidité.
» Là, étaient Dhritarâshtra, et le grand roi Vàblika, et
Kripa, et Somadatta, et tous les Kourouides plongés dans
l’abattement. 3,1 70—3,180.
» Kshattri dans cette assemblée mérite entre tous mon
respect ; car il fut noble par la conduite ; il ne l’est pas
seulement pour la richesse ou la science. 3,181.
» Cette conduite de Kshattri, magnanime, profond, à
la vaste intelligence, est comme un ornement, Krishna,
qui a les mondes pour son piédestal! » 3,182.
Ayant vu Govinda arrivé dans ccs lieux, Kountl, le
jouet de la douleur et de la joie, se mit à lui raconter
ainsi toutes ses peines de mainte et mainte espèce :
15â
Lii MAHABHAKATA.
« Le jeu, la chasse, qui fut l’exercice et le divertisse-
ment des mauvais rois , nos devanciers , n’ont jamais
donné de plaisir à mon époux ni à mes fils. 3,183-3,lSâ.
» La pensée que les Dbritaràshtrides ont accablé Krishna
d’afflictions en pleine assemblée, sous les yeux des enfants
de Rourou, me brûle au point qu’il n'est plus de bonheur
pour moi. 3,185.
» Leur expulsion de la ville, leurs courses errantes !....
J’ai connu, Djanârddana, fléau des ennemis, les peines
sous mille formes ! 3,186.
» La marche incertaine de ihes enfants, les obstacles
apportés devant eux....! Après tant de malheurs, fléau
des ennemis, il n’est plus rien de très-douloureux, que
nous ayons à supporter, moi et mes fils. 3,187.
» Douryodkana me persécute depuis maintenant qua-
torze années : verrons-nous le bonheur sortir enfin de
la peine ? Aon ! si le fruit des œuvres saintes est perdu !
» Je ne mis jamais aucune distinction entre lus fils de
Pàndou et les enfants de Dhritar&shtra. Aussi vrai que
l’est cette vérité, Krishna, puissé-je te revoir avec mes
Pàndouides au sortir de ce combat, environné de la for-
tune et tes ennemis immolés I 11 est impossible môme de
les vaincre : tout est pour eux arrangé de cette manière !
3,188—3,189—3,190.
» Mais c’est sur mon père, non sur moi, ni Douryo-
dhana, que je dois faire tomber mes reproches ; car il m'a
donnée à Kountibbodja, comme un trésor est donné par
des hommes généreux. 3,191.
» J’étais un enfant, qui jouait à la balle de paume,
quand ton grand-père me donna à Kountibbodja, présent
d’un ami à son magnanime ami. 3,192.
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OUDYOGA-PAIWA.
155
u Abandonnée par mon père, accablée des plus grandes
douleurs au sujet de mes beaux-pères, quel fruit de ma
vie, puissant Krishna, ai -je donc recueilli? 3,193.
» Dans le jour, où je mis au monde l’Ambidextre, une
voix me dit pendant la nuit : « Ton (Ils sera le vainqueur
de la terre, et sa renommée montera jusqu’au ciel. 3,194.
u Victorieux des Kourouides dans une grande bataille,
Dhanandjaya, le (ils de kounti, maître eulin du royaume,
célébrera avec ses frères trois açva-médhas. » 3,195.
» Je ne maudis pas cette voix mystérieuse : adoration
soit rendue à Dbarma, à lîrahma, au grand Krishna !
Le devoir soutient continuellement les créatures. 3,19(1.
» Si le devoir existe dans te monde, la voix a dit la
vérité; et toi, Krishna, tu exécuteras ainsi toutes ces
choses. 3,197.
» Ni mon état de veuve, ni la perte de mes biens, ni
ces inimitiés conçues ne m’ont causé d’aussi cuisants
chagrins que cette existence séparée de mes lils. 3,198.
» Quelle satisfaction peut-il être à mon cœur, quaud le
plus vaillant de tous ceux, qui portent les armes, Dha-
nandjaya, l'archer du Gàndiva, est refusé à ma vue ?
» Voici la quatorzième année, qui s’écoule, Govinda,
depuis que je n’ai vu Youdhishthira, et Dhanandjaya, et
les jumeaux, et Vrikaudara lui-même. 3,199 — 3,200.
» Les hommes célèbrent des çrâddhas, commémoration
de la vie éteinte en l’honneur des parents, qui ne sont
plus ; mes fils sont morts véritablement pour moi, Dja-
uàrddana, et je leur offre des présents funèbres. 3,201.
» Parle-moi , Màdhava , du vertueux monarque You-
dhishthira ; la vertu excellente n’est pas abandonnée par
toi ; n’agis pas en vain, mon (ils. 3,202.
150
LE MAHA-BHA1UTA.
» Honnie soit la femme, qui habite dans la maison d'un
autre, Vasoudévide I La meilleure même, quand sa vie
est pleine de misère, est encore sans gloire ! 3,203.
» Parle-moi aussi de Dhanandjaya et de ce Vrikaudara,
qui est toujours dans l’activité ; lui, pour qui ce temps
venu engendre les kshatryas. 3,20A.
» Ce temps arrivé, le passera-t-il sans livrer de combats?
Hommes vertueux, en vous occupant du monde, vous
faites une chose bien cruelle 1 3,205.
» Je dois abandonner ces années, qui me rest m à
vivre, si votre cruauté les accompagne. Oui! ce temps
venu, je dois abandonner la vie ! 3,200.
1 » 11 faut me parler de ces deux lils de Mâdri, qui se
complaisent toujours dans les devoirs du kshatrya; ilsont
préféré les richesses acquises par la vaillance au prix
même de la vie. 3,207.
» En effet, les richesses obtenues par le courage, 0 le
plus grand des hommes, réjouissent toujours l'àme du
mortel, qui vit dans les devoirs du kshatrya. 3,208.
» Parle-moi, guerrier aux longs bras et qui marche dans
la route de Draàupadî, toi, qui es allé vers lui, du plus
vaillant de tous ceux, qui portent les armes, du héros
Pândouide, Arjouna. 3,200.
» Certes! tu le sais : Arjouna et Bhlma, au comble de
la colère, pourraient, comme s’ils étaient l’un et l’autre la
Mort en personne, conduire les Dieux mêmes au tom-
beau ! 3,210.
» Et ce fut au mépris de ces deux guerriers, que
Krishnà fut tramée dans l’assemblée, que Dou< çâsana et
Karna lui ont adressé des paroles outrageantes. 3,211.
» Bhimaséna, qui a du cœur, fut attaqué par Douryo-
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0UDY0CA-1MRVA.
157
dhnna : celui-ci verra le fruit de son action, commise sous
lesregards des principaux Rourouides. 3,2t2.
» Une fois qu’il a conçu une haine, Vrikaudara ne se
calme pas. Certes! de longtemps, l’inimitié de Bhima ne
s’appaise! 3,213.
» Le puissant guerrier ne se calme pas avant qu’il n’ait
jeté les ennemis à la mort. Ni le chagrin du royaume
enlevé, ni la défaite au jeu, 3,21,1.
» Ni l'exil de mes lils ne m’ont causé autant de peine
que de voir conduite îi l’assemblée cette noble Çyamà
couverteld’un seul vêtement ! 3,215.
» Elle s’entendit adresser des paroles injurieuses, cette
dame à la taille charmante, la plus vertueuse des fem-
mes, qui se plaît toujours à voir accomplir les devoirs du
kshatrya : est-il un douleur plus grande ? 3,216.
» Personne ne vint alors à son «aide, quoiqu'elle ne fut
pas sans défenseur ; elle, de qui et de mes lils, meurtrier
de Madhou, tu es le protecteur, 3,217.
» Et Raina, le plus fort des forts, et Dhrishtadyounma
au grand char! Comment puis-je, ô le plus grand des
hommes, supporter une douleur de telle sorte, 3,218.
» Quand Bhima vit, l’inaffrontable Bhima, qui ne sait
pas fuir dans la victoire? » 3,219.
Ensuite, l'ami des Prithides, Çaâuri de consoler la
soeur de son père, cette plaintive Prithâ, noyée dans le
chagrin de ses fils : 3,220.
« Est-il dans les inondes une dame égale il toi, sœur
de mon père, fille du roi Çoûra, qui as reçu la naissance
dans la famille d’Adjamltha? 3,221.
» Illustre, issue d'une noble race, lotus transporté
d'un lac dans un autre lac, reine comblée de toutes les
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I5S
I.E MAHA-BHA1UTA.
choses fortunées, souverainement honorée de ton
époux ; 3,222.
» Epouse et mère de héros, parvenue au sommet de la
vertu, est-il une femme égale à toi, dame <\ la grande
science, qui puisse supporter comme toi la peine et le
plaisir? 3,223.
» Le sommeil et la paresse, la colère et la joie, la faim
et la soif, le froid et le chaud : vainqueurs de ces affec-
tions, les l’rithides font du courage leur plaisir con-
tinuel. 3,22 h.
» Désertant les jouissances grossières, ils mettent à
jamais le plaisir en des actes d'héroïsme : une chose
minime, crois-le bien, ne saurait plaire à ces Prithides
d’une immense valeur et d’une vigueur infinie. 3,225.
» Les sages cultivent la lin ; ceux, qui sont adonnés
aux plaisirs grossiers, cultivent le milieu, et, pur suite,
les plus grandes misères et des jouissances tout hu-
maines (1). 3,226.
» Les sages se sont complus dans les dernières, ils
n’ont pas aimé les moyennes ; ils ont dit qu’obtenir la
fin (2) est un plaisir, mais que le milieu, entre les deux,
te commencement et lu fin , est une peine. 3,227.
» Les lils de Pândou s’inclinent avec Krishnït devant
la majesté: et, t’ayant fait connaître que leur personneest
bien portante, ils s’informent de ta bonne santé. 3,228.
» Tu verras bientôt les Pàndouides libres de maladie.
(!) On pourrait, dans cctto stance et la suivante, désirer un mot du
commentateur, mais il garde le silence; il parlera sans doute, quand on
aura moins besoin de sou aide.
(2) L'édition de Bombay no porte pas anUisprtlptim, comme celle de
Calcutta, mais aniùprâptim , que nous préférions.
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OUI) YOGA-PAU VA.
15!)
heureux dans toutes leurs affaires, victorieux des enne-
mis, souverains du monde entier et environnés de la féli-
cité. » 3,229.
Comprimant dans son âme les ténèbres nées de son
ignorance, < t franchissant les soucis de l'absence de ses
fils, Kountl de répondre en ces termes : 3,230.
« Fais, meurtrier de Madhou, tout ce qui sera conve-
nable pour eux et que ta conduite, Krishna aux longs
bras, soit assortie à ta manière de penser, et par ta man-
suétude, et par ta persévérance dans le devoir. Je con-
nais ta puissance, fléau des ennemis, et celle de ta véri-
dique famille. 3,331 — 3,332.
» Je sais quelles sont ta fidélité à l'égard de tes amis,
ta force et ton intelligence. Tu es le devoir lui-même,
dans notre famille, tu es la vérité, tu es la grande péni-
tence. 3,233.
» Tu es uu frère, tu as la puissante cause divine : tout
repose en toi. Cas choses seront vraies en toi de la ma-
nière que tu le dis. » 3,23 h.
Govinda lui fil ses adieux, et, quand il eut décrit un
pradakshina autour d'elle, le guerrier aux longs bras s’en
alla vers les palais de Douryodhana. 3,235.
Après qu’il eut dit adieu â Pritha et qu’il eut décrit
son pradakshina, le dompteur des ennemis, Çaâuri se
dirigea vers l’habitation de Souyodhana (1). 3,236.
Djanàrddana fit son entrée dans ce palais, garni de
sièges divers, environné de la plus haute prospérité et
semblable à la demeure de Pourandara. 3,237.
(I) C’est dans les mêmes termes la stance précédente, qui termine, et
celle-ci commence un nouveau cliapitreou lecture. Si nous l’avons conservée,
c’est pour ne pas interrompre la suite des chiffres.
100
LE MAH V-lill \ Il VT A.
Arrêté par les gardiens des portes, il en traversa les
trois enceintes. Ensuite, le héron à la vaste renommée
monta dans ce palais, élevé comme la cime d'une mon-
tagne, pareil à une masse de nuages et flamboyant de
richesses, Là était, environné par les Rourouides et par
des milliers de rois, 3,238 — 3,239.
Le fils aîné de Dhritaràshtra aux longs bras, qu'il vit
siégeant sur un trône. 11 remarqua , aux côtés de Douryo-
dhana et placés sur des sièges, Douççâsana, et karna, et
Çakouni, le fils de Soubala. L’illustre Douryodhana de se
lever à l’approche du Dàçàrhain avec ses ministres et
d’honorer le meurtrier de Madhou. kéçava de s’aboucher
avec le Dhritarâshtride et s;*s conseillers.
3,240 — 3,241 — 3,242.
Le Vrishnide s’approcha des rois, suivant leur âge, et
l’Eternel prit place sur un palanquin fait d'or, bien dé-
coré et drapé sous différentes couvertures. Le Kourouido
offrit alors à Djanârddana une vache, de l’eau, un bassin
de caillebotte, de beurre clarifié et de miel, son palais et
son royaume. Tous les Rourouides alors avec les rois
d'honorer Govinda assis, resplendissant comme le soleil
sans nuages. Puis , l’auguste Douryodhana invita le
Vrishnide, le plus brave des conquérants, à manger de
ses aliments, et kéçava les refusa. Aussitôt le Dlirila-
râshtride tint ce langage à Rrishna au milieu des Rou-
rouides. 3,243— 3,244— *,245— 3,240— 3,247.
Mais, avant, il dit un mot 4 l’oreille de Rarna, com-
mençant par la douceur les cruautés du temps à venir.
« Pourquoi, Djanârddana, ne reçois-tu pas ces aliments,
ces breuvages, ces tapis de couche et ces vêtements, que
l’on apporte ici pour toi ? Tu acceptes l’union des deux
UltjitizeU tiy ■A3
OUDY OG A-PARV A.
101
côtés et tu te complais dans le bien de l’une et de l'autre
part. 3,548—3,249.
» Tu es, Mâdhava, un parent chéri de Dhritarâshtra ;
tu sais, Govinda, le juste et T utile entièrement, suivant la
vraie nature. 3,250.
» Je désire en apprendre ici la cause, ô toi, qui portes
la massue et le disque de guerre. » 3,251.
A ce langage, le magnanime Govinda aux yeux de lotus
bleu, élevant son grand bras, de répondre au monarque,
avec le bruit des nuages, qui se forment dans la saison
pluvieuse, ces mots sublimes, pleins de sens, dits avec
lenteur, nets, remplis de gravité (1) et de consistance :
• 3,252—3,253.
« Les ambassadeurs mangent et reçoivent les honneurs,
après qu’ils ont terminé leur mission. Ainsi, veuille ho-
norer, rejeton de Bharata, et moi, et mes conseillers,
après que nous aurons accompli nos affaires ! » 3,254.
» Le Dhritarâshtride lui répondit à ces mots : « 11 ne
convient pas que ta majesté reçoive, au milieu de nous,
ce qui n’est pas à propos. 3,255.
» Que tu aies terminé ou non tes affaires, meurtrier
de Madhou, nous nous efforçons de t’honorer, Dâçârhain ;
mais nous ne le pouvons pas. 3,250.
» Nous ne connaissons pas la cause de ta venue parmi
nous : ne crois pas, ô le plus grand des hommes, que cet
honneur te soit rendu par des gens satisfaits. 3,257.
» 11 n’y a pas d’inimitié, il n’y a pas de guerre entre
nous et ta majesté, Govinda : que ton excellence, ayant
(i) L'édition du Calcutta écrit alamboû , qui no signifie rien et n’existe
pas ; mais celle de Bombay donne correctement : alaghoûkritam.
VI 11
162
LL MAHV-BHARVTA.
considéré ces choses, ne veuille pas tenir un tel langage ! »
(les mots dits, le Dâçàrhain regarda en souriant le
Dhritaràshtride et ses ministres ; puis, Djanârddarna lui
dit : 3,258—3,259.
« Ni par amour, ni par colère, ou par haine, ou par
raison d’intérêt, ni par dispute, ni par cupidité, je ne sa-
crifierai jamais le devoir ! 3,260.
» Ces aliments doivent être mangés dans la joie, ou,
au contraire, ils doivent l'être dans l’infortune ; ta ma-
jesté ne nous a point donné une cause de joie, sire, et
nous ne sommes pas encore descendus à l’infortune.
» Tu exècres sans raison depuis ta naissance les Pân-
douides, sire, ces frères, parvenus au faite de toutes les
vertus, et qui suivent la voie des choses agréables.
3,261—3,262.
» Cette haine sans raison pour les Pàndouides ne te
sied pas. Les fds de Pândou se tiennent dans le devoir ;
qui peut dire et quelle chose est à dire contre eux ! 3,263.
» Les haïr, c’est me haïr : tu me hais à cause d’eux et
ta les hais à cause de moi ! Sache que mon âme est venue
se confondre avec l’âme de ces Pàndouides, qui marchent
dans le sentier de la vertu. 3,264.
» On appelle le plus vil des hommes l’individu, qui dé-
teste, par égarement d’esprit, un homme vertueux et qui
veut mettre des obstacles devant lui. 3,265.
» Le mortel, qui, n’ayant pas vaincu son âme, n’ayant
pas triomphé de sa colère, désire, par cupidité ou folie,
enlever leur bien à des parents doués de qualités émi-
nentes, ne conserve pas longtemps sa prospérité. 3,266.
» Quiconque sait rendre, quelque désagréables qu’ elles
soient à son cœur, des personnes remplies de vertu, sou-
Di- i T?ea l GcîOgle
OU UYOG A-PAUVA .
103
mises à lui d'amitié, conserve longtemps sa gloire. 3,207.
a Tous ces mets, confondus avec l’intérêt du mé-
chant, ne doivent pas être mangés; ils peuvent l’être seu-
lement par le fils d’un çoûdra : ainsi le comporte mon
sentiment. » 3,208.
11 dit ; et, quand il eut parlé de telle sorte à Dourvo-
dhana irrité, le guerrier aux longs bras sortit du splen-
dide palais de ce fils aillé de Dhritarâshtra. 3,209.
Hors de ce château, le terrible Vasoudévide à la grande
âme s’en alla demander une habitation au palais du ma-
gnanime Vidoura. 3,270.
Drona, Kripa, Bhishma et le Kourouide Vâhlika vien-
nent trouver le héros aux longs bras placé dans la maison
de Vidoura. 3,271.
« Rejeton de Vrishni, disent-ils au vaillant meurtrier
de .Madhou, nous t'offrons des maisons ornées de pier-
reries. » 3,272.
« Vos grandeurs peuvent se retirer toutes, répondit il
ces Kourouides le guerrier à l'éminente splendeur ; mon
choix est déjà tout arrêté. » 3,273.
Les Kourouides partis, Kshattri de prodiguer avec em-
pressement toutes les choses, que l’on pouvait désirer, à
l’invincible Ilâçârhain. 3,274.
Il apporta au magnanime Kéçava des breuvages et des
mets purs, en grand nombre et pleins de qualités, 3,276.
Krishna, le meurtrier de Madhou, commença par en
rassasier tous les brahmes instruits dans les Védas et leur
donna même des richesses éminentes. 3,270.
Ensuite, il mangea les mets purs et savoureux de Vi-
doura, comme Indra avec les Maroutes, ses suivants.
Pendant qu’il mangeait et quand il eut repris haleine
164
LE MAHA-BH.MMTA.
dans la nuit : a Ce projet de ta venue ici, Kéçava, lui dit
Vidoura, n’a pas été sagement conçu. 3,277— 3, '278.
» Ce fils de Dhritarâshtra est un insçnsé, Djan&rddana,
un houinie colère, déserteur du juste et de l'utile, as-
sassin de l’honneur, ambitieux des grandeurs et qui trans-
gresse les préceptes des vieillards, âme méchante, stu-
pide, contempteur des Traités du devoir, tombé dans les
liens du vin et que ne peuvent conduire les gens ver-
tueux. 3,279—3,280.
» Esprit sensuel, orgueilleux de sa science, qui nuit à
ses amis, qui doute de tout, qui n’a rien fait de bien, de
qui le savoir est imparfait, qui a déserté le devoir et qui
est ami du mensonge ! 3,281.
» Ignorant, de qui l’intelligence n’est pas éclairée, es-
clave des organes des sens, asservi à ses désirs, et qui,
dans nulle affaire, ne distingue la vérité. 3,282.
» 11 est rempli de ces vices et d’autres en grand
nombre. Son courroux l’empêchera d’accepter le salut, in-
voqué par toi. 3,283.
» 11 a fondé ses plus grandes espérances en Bhishma,
Drona, Kripa, Karna, sur le fils de Drona et'Djavad-
ratha; son esprit ne s'incline pas à la paix. 3,284.
» C’est une opinion arrêtée chez les Dbritaràshlrides et
Karna que les Prithides, Djanàrddana, ne sont pas ca-
pables de fixer les yeux sur Bhishma et Drona, leurs
chefs. 3,285.
» Quand il eut levé cette armée du monde entier,
meurtrier de Madhou, l’ignorant s’imagina, comme un
enfant, qu’il était parvenu au comble de ses vœux.
« Il sufiit de Karna seul pour vaincre les ennemis ! <i
dit avec le ton d’une vérité ce fils à l’âme insensée de
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OUDYOGA-PARVA.
165
Dhritarâshtra : il n’accédera pas à la paix. 3,286 — 3,287.
» II est nécessaire que tu obtiennes, Kéçava, le consen-
tement de tous les Dhritarâshtrides eux -mêmes dans
tes efforts pour la paix et dans ton désir de la fraternité.
» Mais ils ont résolu de ne pas rendre l’héritage des
Pândouides, et ta parole au milieu d’eux ne peut qu’être
inutile. 3,288 — 3,289.
» L’homme savant, tel qu’un chanteur dans une réu-
nion de sourds, doit se taire, meurtrier de Madhou, là où
l’on répondrait à une parole bien dite avec une autre dite
mal. 3,290.
» Ne prononce point, Mâdhava, tes paroles attentives
au milieu de gens stupides, qui ne connaissent pas de
bornes et ne savent rien distinguer ; sois comme un
brahme au milieu des tchàndàlas. 3,291.
» L’insensé, qui ne sort pas de sa force, ne recevra point
tou discours : ta parole articulée deviendra stérile auprès
de lui. 2,292.
» Je n'approuve* pas, Krishna, ton arrivée au milieu
de tous ces hommes réunis avec des pensées crimi-
nelles. 3,293.
» Non 1 ‘Krishna, je n’approuve pas que ta parole
vienne se perdre en la foule de ces gens nombreux aux
âmes méchantes, à l’esprit corrompu ! 3,295.
» Aveuglé par sa richesse, qui n’est pas honorée, et par
l’orgueil de sa bonne fortune, Donryodhana ne recevra
pas ton avis salutaire à cause de sa hauteur, de sa violence,
de sa jeunesse. 3,295.
» Si tu parles même de la puissante armée, à laquelle
commande Youdhishthira, tu feras naître en lui un grand ,
doute sur toi, Mâdhava, et il n’accomplira point ta parole.
ioe
LE MAHA-BHAMTA.
» Indra lui-même avec les Immortels ne pourrait les y
forcer dans un combat ! Telle est, Djanârddana, la déter-
mination de tous les Dhritaràshtrides. 3,200 — 3,297.
» Avec des hommes ainsi doués, qui obéissent à l'a-
mour et à la colère, ta puissante parole, Mâd/iava, elle
deviendra impuissante. 3,298.
» Environné d'une forte armée d’élépbants, jointe à
des chevaux et à des chars, l'insensé Douryodhana
pense, libre de crainte : « Toute cette terre sera ma con-
quête. » 3,299.
» Ce lils de Dhritarâshtra, il désire un vaste royaume
sans ennemis sur la terre. Il ne pourra seulement com-
prendre la paix : il regarde toutes ses richesses amassées
comme enchaînées à sa personne. 3,300.
» Ce monde est bouleversé, il est mûr pour la mort ;
tous les guerriers de la terre se sont réunis, tous les rois
et les maîtres du monde sont rassemblés avec le désir de
combattre les Pândouides dans l'intérêt de Douryodhana.
» Et voyant la guerre déclarée pal* toi en face d’eux,
Krishna, tous ces héroïques rois, ayant saisi leurs
richesses, sont accourus avec Karna se serrer bien étroi-
tement autour des fils de Dhritarâshtra, à cause de la
crainte, que tu leur inspirés. 3,301—3,302.
» Tous ces guerriers, prêts à mourir avec Douryodhaua
sont joyeux de combattre les Pândouides. Si tu veux entrer
dans l'assemblée de ces rois, héros des Dâçârhains, ce
n’est pas mon opinion. 3,303.
» Comment, ô toi , qui traînes sur le champ de bataille
les corps de tes ennemis, t’avanceras-tu au milieu de ces
ennemis nombreux, siégeant sur des trônes et qui ont des
âmes méchantes ? 3,304.
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OU DYOü A-PAR VA.
167
» Il est difficile de toutes les manières que les Dieux
mêmes soutiennent ton attaque, immolateur aux longs
bras des ennemis. Je connais ton intelligence, toncourage
et ta puissance. 3,30&.
» L’affection que j'ai pour les fils de Pàndou, Mâdhava,
je l'ai aussi pour toi : c'est l’amour, le respect, la frater-
nité même, qui m'inspire ces paroles. 3,306.
* Hais à quoi bon te parler, Dieu aux yeux de lotus
bleu, de l’amitié, que ta vue fait naître ici en moi ? Tu es
l'âme intime de tous les êtres, que revêt un corps. »
a C'est un père et une mère, qui m’ont parlé eux-
mêmes par ta bouche, répondit le bienheureux Bhagavat ;
tu m’as parlécomme il convenait à un homme d'une vaste
science, comme il convenait à un orateur éloquent, comme
ton altesse devait parler à un ami tel que je suis, comme
il était digne de toi que fut prononcée cette parole vraie,
associée au juste etaà l'utile. 3,307 — 3,308—3,309.
» Je suis, comme tu l’as dit, un sage, et je suis par-
venu à la vérité. Ecoute la raison de ma venue : sois at-
tentif, Vidoura ! 3,310.
» Quoique je connaisse bien l’âme perverse du Dhrita-
ràshtride cul’hostilité des kshalryas, sans ignorer aucune
de ces choses, je suis venu aujourd’hui, Kshattri, cher
les enfants de Kourou. 3,311.
» Quiconque pourrait déliv rer du lacet de la mort toute
cette terre bouleversée avec ses chevaux, ses éléphants et
ses chars de guerre, accomplirait le plus grand des de-
voirs. 3,312.
» L’homme, qui prodigue ses efforts dans la chose du
devoir, qu’il réussisse ou n’obtienne rien, fait un acte de
vertu : ici il n‘est aucun doute pour moi. 3,313.
108
LE MAHA-BHAKATA.
» S'il caresse le vice dans sa^pensée, mais s’il ne l'ac-
cepte pas dans son action, il n’en reçoit pas le fruit ; ainsi
disent les sages, qui discourent sur les devoirs. 3,314.
» Je m’efforcerai, Kshattri, de rétablir franchement la
paix dans cette division année des Kourouides et des
Srindjayas. Que par moi finisse cette infortune épouvan-
table, élevée au milieu des Kourouides eux-mêmes, où
elle fut jetée par Douryodhana et Karna ! Tous ces guer-
riers, en effet, appartiennent à la même famille.
3,315-3,316.
» Quiconque ne va point au secours de son ami tour-
menté par le malheur, et ne le soulage pas de tout son
pouvoir, les sages l’appellent un homme cruel.
» Celui, qui, employant tous ses efforts, détourne de
tous ses moyens, jusqu’à le prendre aux cheveux mêmes,
son ami d’une chose, qu’il ne doit pas faire, n’est pas
un homme, qu’il faille mépriser. 3,347 — 3,318.
» Le Dhritar&shtride peut avec ses ministres, VidoUra,
accepter une parole capable, utile, brillante, accompagnée
de l’intérêt et du devoir. 3,319.
» Je ferai donc mes efforts pour que l’on entende une
parole utile aux enfants de Dhritarâshtra comme aux fils de
Pândou et à tous les kshatrvas, qui vivent sur la terre.
» Si mes efforts dans le bien ne peuvent écarter de
Douryodhana ses doutes, j’aurai du moins la satisfaction
d’avoir acquitté mon cœur de sa dette. 3,320 — 3,321.
» Les sages refusent le nom d'ami au compagnon in-
différent, qui, dans la division mutuelle de ses parents,
ne court pas employer tous ses efforts au bien de ses
amis. 3,322.
» Que des gens vicieux, insensés, infidèles amis, ne
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OUDYOGA-PARVA.
169
disent pas de moi : « Krishna le pouvait et il n'a pas em-
pêché d'éclater la colère des enfants de Kourou et de
Pândou! » 3,323.
» Je suis venu opérer le bien de l’une et' de l'autre
part; quand j’aurai consommé là tous mes efforts, je ne
tomberai pas sous la censure des hommes. 3,324.
» line fois entendue ma parole associée au juste et à
l’utile, si l’insensé ne reçoit pas cette coupe salutaire, il
passera sous le pouvoir du Destin. 3,325.
» Si je puis, sans abandonner l’intérêt des Pândouides,
faire désirer franchement la paix aux Kourouides, j’aurai
accompli le devoir de la vertu, prince magnanime ; et
les enfants de Kourou seront affranchis du lacet de la
mort. 3,326.
» Plaise aux Dienx que les Dhritaràshtridcs veuillent
accepter de ma bouche cette parole inspirée, bonne,
utile, le jardin même des vertus, et les Kourouides hono-
reront mon arrivée ici pour la paix! 3,327.
» Les princes de Kourou sont incapables, fussent-ils
rassemblés tous, de tenir en face de ma colère, comme les
autres animaux devant un lion I « 3,328.
Alors qu'il eut articulé ces mots, l’éminent Vrishnide,
la joie d'Yadon,se reposa dans sa couche, agréable au
toucher. 3,329.
Tandis que ces deux grandes intelligences s’entrete-
naient ainsi ,1a nuit s'écoula fortunée, en parsemant ses
constellations. 3,330.
Elle s’enfuit rapidement, tandis que le magnanime Vi-
iloura écoutait ces différentes paroles aux syllabes et aux
pieds remplis de sens divers, à la force sans mesure,
mêlées au juste, à l'utile, à l’agréable ; et que Krishna ra-
170
LE MAHA-BHAMATA.
contait, semblable aux ténèbres, maintes narrations,
dignes de la nuit. 3,331 — 3,332.
Ensuite, un grand nombre de poètes et de bardes à la
voix mélodieuse de réveiller Kéçava aux sons des conques
et des tambours. 3,333.
Alors s’étant levé, Djanàrddana, l’éminent DAçàrbain,
remplit toutes les obligations indispensables au matin de
tous les Sattwalides. 3,33 4.
Après qu’il eut vaqué à ses ablutions, prononcé les
prières à voix basse. , sacrifié au Feu, et qu'il se fut paré,
Mâdhava offrit ses adorations au soleil levant. 3,335.
Ces choses faites, Douryodhana et Çakouni le Souba-
lide vinrent trouver au jour naissant l’invincible Dàçà-
rhain, et se tinrent debout en sa présence. 3,336.
Ils annoncèrent à Krishna que Dhritarâsthra était entré
dans son conseil, accompagné des Kourouides, Bhishma
à leur tète, des monarques et de tous les princes. 3,337.
« Ils désirent te voir, Govinda, comme les Immortels
désirent Çakra dans le ciel. » Krishna d’une éminente
beauté salua avec bienveillance ces deux messagers.
Quand le soleil se fut éclairci, Krishna, le fléau des
ennemis, distribua aux brahmes de l’or, des vêtements,
des vaches et des coursiers. 3,338 — 3,339.
Dès qu’il eut fait de nombreuses largesses en pierreries,
le cocher s'avança vers son maître debout, et s’incliua de-
vant le Dàçàrhain, qui ne connut jamais la tléfaite.
Un char grand , resplendissant , orné de clochettes,
attelé des plus généreux coursiers, eut bientôt conduit
Dârouka vers lui. 3,340— 3,341.
Aussitôt qu'il vit arrivé ce char divin, paré de mainte
espèce de pierreries et dont le bruit ressemblait au fracas
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OUDY OGA-PARVA.
171
des grands nuages , le magnanime Djanârddana, ayant
décrit un pradakshina autour du feu et des brahmes ,
s’étant revêtu du joyau Kaàustoubha , flamboyant d’une
splendeur suprême, Krishna-Çaâuri, la joie de tous les
Yadouides, monta sur son char, environné par les en-
fants de Kourou et défendu par les fds de Vrishni.
3,342—3,343—3,344.
Vidoura, instruit dans tous les devoirs, y monta der-
rière le Dàçârhain, le meilleur de tous les êtres animés,
le plus excellent de toutes les créatures intelligentes.
Ensuite, Dourvodhana et Çakouni le Soubalidc, sur un
second char, de suivre Krishna, le fléau des ennemis.
3,345—3,340.
Sàtvaki, Kritavarman et les autres héros des Vrish-
nides suivaient, montés sur des chars, des éléphants ou
des chevaux, les pas de Krishna. 3,347.
Dans leur marche, sire, on voyait resplendir les chars
éclatants sous les ornements d'or, dont ils étaient char-
gés, et remplis de bruit par les superbes coursiers.
Flamboyant de prospérité, le sage Krishna suivait le
grand chemin pur, à la poussière arrosée, que les rois
saints avaient tenue dans leur temps. 3,348 — 3,349.
Des conques uniques , éminentes , annonçaient la
marche du Dàçârhain ; et l’on remplissait de vent tout ce
qui existait alors d’instruments de musique. 3,350.
De jeunes héros à la valeur de lion et fléaux des enne-
mis, accourus de tout l’univers, environnaient le char de
(jaàuri et suivaient sa marche. 3,351.
D’autres, par nombreux milliers, vêtus d’habits admi-
rables et merveilleux, des traits barbelés et des flèches à
la main, précédaient les pas de Çaàuri. 3,352.
172
LE MAHA-BHARATA.
Il y avait là cinq cents éléphants et des milliers de
chars, qui suivaient la marche du Dàçârhain, à qui la dé-
faite n’avait jamais été connue. 3,353.
Désireuse de contempler Djanârddana , la ville était
couverte des fils de Kourou : enfants, vieillards et femmes,
tout, dompteur des ennemis, avait afllué dans ses rues
carrossières. 3,354.
Les palais foulés aux pieds des femmes accourues en
nombre immense sur leur védikà, chancelaient, pour
ainsi dire, sous la charge. 3,355.
Au milieu de ces honneurs, que lui rendaient les Kou-
rouicles, il s'avançait à pas lents, prêtant l’oreille aux
douces conversations , contemplant ces hommages et
même y répondant, selon qu’on en était digne. 3,358.
Au moment qu'ils entrèrent dans l'assemblée, les sui-
vants de Kéçava remplirent tous les échos des diverses
plages avec les sons de la flûte et de la couqne; 3,357.
Et cette réunion de rois à la vigueur infinie trembla
toute entière de la joie, causée par le désir satisfait de
l'arrivée du grand Kéçava. 3,358.
Quand Krishna fut arrivé en la présence de ces mo-
narques, ils se levèrent dans une horripilation de plaisir
au bruit perçant de son char, semblable au fracas de
Pardjanya. 3,359.
Parvenu à la porte du conseil, Krishna, le plus émi-
nent de tous les Sàttwatides, sauta à bas de son char,
aux cimes élevées comme les sommets du Kaiiàsa. 3,380.
Il entra alors dans l'assemblée, flamboyante en quelque
sorte de splendeur, pareille aux nuages nouveaux de la
saison pluvieuse et semblable au palais de Mahéndra.
L’homme à la vaste renommée prit, sire, Vidoura et
Digitizëd
OUDYOGA-PARVA.
173
S&tyaki par la main, comme le soleil s’unit à deux étoiles,
et couvrit les Kourouides de félicité. 3,361 — 3,302.
Devant le Vasoudévide, marchaient Karna et Douryo-
dhana ; derrière Karna était Vrishnaya et Kritavarman.
Dhritarâshtra, imité dans son action par Bhlshma,
Drona et les autres, firent tous quelques pas en avant
de leurs sièges pour honorer Djanàrddana.
3,363—3,364.
L'illustre souverain des hommes, éclairé par l’œil de la
science, se lève de son siège, et suivi de Drona et de
Bhlshma, il s’approche du Dàçàrhain. 3,365.
L’auguste Dhritarâshtra, le roi des hommes, s’étant
levé, de tous les côtés s’empressent de se lever ces milliers
de rois. 3,366.
Dhritarâshtra le commande, et aussitôt on dispose pour
Krishna un siège orné d’or et fortuné de toutes parts.
Souriant au monarque, à Bhlshma et à Drona, le ver-
tueux Màdhava d’adresser la parole aux autres rois sui-
vant leur âge. 3,367 — 3,368.
Les princes alors, les rois et tous les Kourouides d’ ho-
norer Djanàrddan<t aux longs cheveux, qui était venu
dans l’assemblée en observant les prescriptions de l’éti-
quette. 3,369.
Le terrible et victorieux Dàçàrhain vit les saints ran-
gés dans l'atmosphère, tandis qu’il se tenait au milieu de
ces rois. 3,370.
Quand il eut contemplé ces rishis, qui avaient à leur
tète Nârada, il adressa avec lenteur ces mous à Bhlshma :
« Ces rishis sont venus, prince, contempler cette as-
semblée de la terre : invitons-les en leur offrant des sièges
et la plus digne hospitalité I 3,371 — 3,372.
LE M AHA-BHARATA.
17 h
a Quand ils se tiennent debout, il est impossible à qui
que ce soit de s’asseoir. Adresse promptement un hom-
mage à ces anachorètes méditatifs! » 3,373.
Le (ils de Çânlanou, ayant vu les rishis arrivés à la
porte de l’assemblée, se hâta de jeter cet ordre ! « Qu’on
apporte desf sièges ! » 3,37â.
Des trônes reluisants, grands, larges, admirables d’or
et de pierreries, furent apportés çà et là, 3,375.
Alors ceux-ci s’étant assis, Bharatide, et ayant reçu
l’arghya, Krishna et les rois s’assirent de leur côté, cha -
cun suivant son siège. 3,370.
Dourçàsana donna à Sàtyaki un trône sublime ; Vivin-
çati donna un escabeau d’or à Kritavarman. 3,377.
Karna et Douryodhana, ces deux irritables magna-
nimes, s’assirent non loin de Krishna sur un seul et môme
trône. 3,378.
Défendu par les Gândhârains, le roi du Gândbâra , Ga-
kouni prit place, maître de la terre, avec son (ils sur un
siège. 3,379.
Vidoura à la grande sagesse touche de sa main le trône
de Gaâuri et s’asseoit sur une escabelle de pierreries écla-
tante, supérieure et couverte de fourrures, objet d’envie.
Tous les rois, après qu'ils ont long-temps regardé
Djanûrddana le Dàçàrhain , ne peuvent s’en rassasier,
comme de l’ambroisie. 3,3S0— 3,381.
Vêtu d’une robe jaune, semblable à la fleur d'atasî, il
brillait au milieu de ces rois, tel qu'une pierrerie mise
dans un châton d’or. 3,382.
Quand toute l'assemblée se fut présentée devant le
siège de Krishna, elle demeura en silence, et nulle part
aucun homme n'articula pas un seul mot. 3,383.
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OU DYOG A-P A U V A .
175
Dès que tous ces rois se furent assis, plongés dans le
silence, Krishna aux belles dents tint alors ce langage
d'une voix, qui ressemblait au tambour. 3,384.
11 fit résonner toute la salle, comme un nuage, à la fin
de la saison pluvieuse, et, fixant les yeux sur Dhrita-
râshtra, Mail h a va de parler ainsi : 3,385.
c Que la paix règne entre les enfants de Kourou et de
Pàndou ! telle est la manière, dont tout le monde parle !
Je suis donc venu ici la solliciter pour empêcher la mort
des héros. 3,380.
» On ne doit pas tenir devant toi, sire, un autre lan-
gage ; tout ce qui se rapporte à la félicité commune est
connu ou doit être connu de toi. 3,387.
» Certes ! aujourd’hui cette famille est excellente parmi
tous les rois ; elle est dou je de science, de conduite et de
toutes les vertus les plus élevées. 3,388.
» La mansuétude, la clémence, la miséricorde et l'hu-
manité, Bharatide, la droiture, la patience et la vérité
sont des vertus bien estimées parmi les Kourouides.
» Ta famille étant de telle sorte et grande, quejque
chose d’irrégulier, causé par toi surtout, sire, ne convient
point ici. 3,389 — 3,390.
» Tu es, ô le plus vertueux des rois, dans les affaires
de l'intérieur et du dehors, le plus solide appui des Kou-
rouides, qui n’agissent jamais en vain. 3,391.
» Tes fils, qui ont pour chef Douryodhana, foulant aux
pieds le juste et l’utile, se conduisent comme des scélérats.
» Us se comportent mal, ils ont brisé les bornes, la
cupidité a dérobé leur âme : ces défauts, vous le savez, ô
le plus grand des hommes, sont dans les principaux de vos
parents. 3,392 — 3,393.
1 7t>
LE MAHA-BHARATA.
u Cette infortune grande, épouvantable, qui s'est
élevée au milieu des Kourouides, si on la néglige, rejeton
de Kourou, elle incendiera (1) la terre ! 3,394.
» Il est possible de l’éteindre, si tu en as le désir, Bha-
ratide. En effet, la paix n’est pas une chose, que j’estime
ici difficile à établir, ô le plus vertueux des rejetons de
Bharata. 3,39&.
» La paix, elle dépend, monarque des hommes, et de
toi et de moi-môme ; fais entrer tes fils dans ce sentiment,
descendant de Eourou, et j’y ferai entrer aussi tes enne-
mis. 3,396.
# Il faut que ton ordre, Inclra des rois, soit exécuté
par tes fils avec leur famille. Quelque puissant que soit
le bien d’eux -mômes, il sera dans ton commande-
ment. 3,397.
» Le bien de toi-môme, sire, est également le bien des
Pândouides ; ils attendent que ton ordre sorte enfin de
tes efforts pour la paix. 3,398.
» Si tu vois que cet ordre est lui-même stérile, mo-
narque des hommes, dispose tout de manière que les fils de
Bharata, puissant roi, deviennent tes compagnons. 3,399.
» Défendu par les Pândouides, reste ferme dans le
juste et l’utile. En effet, s’ils deviennent tes alliés , souve-
rain des hommes, il est impossible aux efforts mômes de
vous surmonter. 3,400.
» Indra, accompagné des Dieux ne pourrait te vaincre,
aidé par les Pàndouid.es magnanimes : à plus forte raison,
les rois de la terre ! 3,401 .
» Dans une armée, où se trouve Bhtshma et Drona,
(1) Littéralement: elle tuera.
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OUDYOG A-PARV A .
177
Kripa , Karna et Vivinçati , Açvatthâman , Vikarna et
Somadatta, le roi du Vàhlika, 3,402.
» Et le Sindhien, et le Kalingain, et Soudakskina, le
monarque du Kàinbodje, Youdhishthira , Bhtmaséna,
l’Ambidextre et les jumeaux, 3,403.
» Sàtyaki à la grande splendeur et Youyoulsou an
grand char : quel homme à l'esprit hostile oserait les
combattre, éminent Bharatide ? 3,404.
» Accompagné des enfants de Kourou et de Pàndou, tu
obtiendras, toi ! d'ôtre inaffron table aux ennemis et, de
plus, l’empire du monde. 3,405.
» Les rois de la terre et les plus grands souverains,
égaux à toi, monarque de la terre, vivront eu paix avec
toi 1 3,406.
o Défendu de tous les côtés par tes frères, tes amis, tes
pères, tes petits-fils et tes fils, tu pourras couler une vie
heureuse. 3,407.
» Leur décernant un accueil hospitalier, comme
devant, et les faisant même asseoir au premier rang, tu
jouiras, sire, de cette terre entièrement, sans réserve.
ii Accompagné de tous ces monarques rassemblés, des
Pàndouides et des tiens, rejeton de Bharata, tu triom-
pheras des autres ennemis, qui attendront de toi leurs ri-
chesses. 3,408 — 3,409.
» Tu savourer.is, si la chose réussit, la terre conquise,
assisté d'eux, monarque des hommes, avec tes (ils et
leurs ministres. 3,410.
n Ou voit, puissant monarque, un bien grand carnage
dans la guerre. Quelle vertu, sire, trouves-tu dans une
destruction, qui sévit de l'une et de l’autre part. 3,411.
» Dis-moi, éminent Bharatide, quel plaisir tu peux
vi 12
178
LE MAHA-BH ARATA.
trouver à voir tués dans la guerre, ou les Pândouides, ou
tes fils à la grande force ? 3,412.
» Les fils de Pàndou sont tous des héros, consommés dans
les armes et qui ont le désir des batailles : sauve les tiens
d’un immense danger. 3,413.
» Puissions-nous ne pas voir tous ces guerriers, les
Kourouides et les Pândouides, massacrés des deux côtés
dans un combat, les maîtres de chars immolés et les cha-
riots brisés ! 3,414.
» En effet, tombés sous le pouvoir de la colère, tous
ces monarques rassemblés sur la terre, ô le meilleur des
rois, et ces créatures, qui nous environnent, périront !
» Sauve ce monde, sire ; garde les êtres de succomber !
Si tu embrasses des sentiments naturels, un reste sur-
vivra, 6 la joie de Kourou ! 3,415—3,416.
» Candides, éloquents, pudiques, nobles, issus de
races saintes, conseillers les uns des autres, défends-les,
sire, contre un immense danger. 3,417.
» Que ces rois de la terre, qui se sont rassemblés mu-
tuellement ici, ayant bu et mangé, s’en retournent heu-
reusement chacun dans son palais, 3,418.
» Richement vêtus, ornés de bouquets, bien traités,
éminent Bh r lide, ayant rejeté loin d'eux la colère et les
inimitiés. 3,419.
» Dispose de telle sorte les choses que tu puisses
trouver aujourd’hui, cette destruction des existences n’é-
tant pas arrivée, l’affection, de laquelle tu jouissais parmi
les fils de Pàndou. 3,420.
» Dès l’enfance, privés de leur père, ils ont grandi par
tes toins : défends-les comme il convient, eux et tes fils.
» Ta majesté doit les protéger, surtout dans les
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OUDYOGA-PAHVA.
1 79
malheurs; que pour toi, éminent Bharatide, le juste et
l’utile môme ne succombent pas! 3,421 — 3,422.
■> Les Pilmlouides s’inclinent devant toi, sire, te sup-
plient et te «lisent : « C’est d’après les ordres de ta ma-
jesté, que nous avons subi l'infortune, nous et ceux, qui
nous ont suivis! 3,423.
» Nous avons habité ces douze années au milieu des
forêts, et nous avons coulé cette treizième inconnus dans
un lieu peuplé. » 3,424.
» Notre père sera fidèle à cette convention, avons-nous
pensé. 11 n’a pas imposé de condition! » Cela, mon
père, nous fut dit par les brahraes. 3,425.
» Tiens-toi dans les termes de ce traité avec nous, qui
s’y tiennent : sans cesse, en but aux persécutions, sire,
puissions-nous enfin obtenir une portion de ton royaume !
h Tu connais le juste et l'utile; veuille donc nous sau-
ver comme il convient. Nous avons supporté de nom-
breuses infortunes, parce que nous avons aperçu de la
gravité en ton excellence. 3,426. — 3,427.
» Que ta majesté agisse a l’égard de nous comme un
père et une mère. La conduite la plus honorable, fils de
Bharata, est celle du gourou à l’égard de ses disciples.
d Nous observons cette conduite, envers toi, que ta ma-
jestél’observe aussi envers nous. À peine eûmes-nous reçu
la naissance de notre père, que nous sommes entrés dans
la voie du malheur. 3,428 — 3,429.
» Fais-nous rentrer dans la voie du bonheur ; reste
dans le devoir. Tes fils disent, taureau des Bharatides,
que cette assemblée suit ta route. 3,430.
» Que rien d’inopportun ne soit lait ici au milieu d'as-
sistants, qui connaissent le devoir ; car les assistants sont
180
LE ilAHA-BHAHATA.
tués là où la vertu est tuée par le vice, où la vérité est
tuée par le mensonge des spectateurs. Là, où la vertu
entre dans l’assemblée , ayant déjà reçu la blessure du
vice, 3,431 — 3,432.
» Les assistants, blessés eux- mêmes, ne peuvent
couper sa fièche. La vertu les déracine, comme un
fleuve débordé entraîne les arbres nés le long de ses ri-
vages. 3,433.
» Ceux, qui restent assis en silence, jetant derrière eux
un regard sur la vertu, disent, û le plus grand des
Bharatides, que la vérité est une vertu et une conve-
nance. 3,434.
» Est-il une autre parole, qui soit possible ici ? line
autre que celle de la restitution ? Ou que ces maîtres de la
terre, assis dans cette assemblée, ayant pesé le juste et
l’utile, disent, monarque des hommes, si j’ai dit la vérité.
Délivre, 6 le plus grand des mortels, ces kshatryas du
lacet de la mort! 3,435 — 3,430.
» Çalme-toi ! Ne suis pas le pouvoir de la colère, ver-
tueux Bharatide, et rends aux fds de Pàndou, comme il
sied, une portion de l’héritage paternel. 3,437.
» Ensuite, une fois terminé cette affaire, savoure avec
ton fils les délices du trône. Tu sais, fléau des ennemis,
qu’Adjâtaçatrou se tient sans cesse dans le devoir des
gens de bien. 3,438.
» 11 suit envers toi et ton fils, roi des hommes, la con-
duite, qu’il suivait avant. Consumé par le jeu , chassé de sa
patrie, c’est vers toi qu'il se réfugie de nouveau. 3,439.
» Il a demeuré dans Indraprastha avec toi et ton
fils ; et c'est pendant son habitation dans cette ville qu'il
a réduit en sa puissance toits les rois de la terre. 8,440.
OUDYOGA-PARVA.
181
» Il les mit sous ton pouvoir, sire, et il ne chercha pas
à te vaincre ! Mais, tandis qu'il se comportait ainsi, le
Souhalide employa une grande fraude pour lui enlever
ses récoltes, ses richesses et son royaume. Tombé dans
cette condition, il vit Krishna conduite à l'assemblée.
3,441 — 3,442.
» Youdhishthira à l’âme infinie ne fut pas ébranlé de
sa vertu de kshatrya. Mais je désire, moi ! fils de Bharata,
le salut et de toi et d’eux. 3,443.
» N’ entraîne pas, sire, les créatures loin du devoir, de
l’intérêt et du plaisir ! Pense à l’infortune et au bonheur
des autres , en songeant au bonheur et au malheur de toi-
même. 3,444.
» Et refrène tes fils trop relâchés dans la cupidité ! Les
fils de Prithâ se tiennent prêts à t'obéir, souverain des
hommes, ou prêts à combattre, dompteur des ennemis,
» Fais, terrible monarque, ce qu’il y a de plus conve-
nable pour toi. » 3,445 — 3,446.
Tous les princes d’approuver mentalement son discours;
mais aucun ne fit un pas en avant pour lui répondre un
seul mot. 3,447.
Après que le magnanime Kéçava eut tenu ce langage,
une moiteur d’émotion se répandit sur tous les assistants,
et leur poil se hérissa sur tous les membres. 3,448.
« Il est impossible à tout homme d’articuler un mot de
réponse à ces choses ! » Telle fut la pensée que tous ces
princes roulèrent alors dans leur esprit. 3,449.
Tandis que tous ces rois gardaient le silence, le fils de
Djamadagni, Paratourâma, tint ce discours dans l’assem-
blée des Kourouidcs : 3,450.
« Écoute sans aucun soupçon ce mien langage, véri-
182
LE MAHA-BHARATA.
dique et semblable à celui de Krishna ; puis, quand tu
l’auras entendu, dispose les choses pour le salut, si tu le
juges à propos. 3,451.
» Le roi, nommé Dambhodbhava, fut jadis un monarque
universel ; il jouissait de la terre entièrement, sans excep-
tion : ainsi la tradition nous l'a raconté. 3,462.
» Toujours levé dès le point du jour, à la fin delà nuit,
le vigoureux héros siégeait, interrogeant les brahmes et
les kshatryas : 3,453.
« Est-il un homme portant les armes, qui soit ou supé-
rieur ou même égal à moi dans la guerre, hrabme,
ou kshatrya, ou valçva, ou kshatrya, ou brahme ? »
» Parlant ainsi, le roi parcourait toute cette terre, eni-
vré d’un fol orgueil et ne pensant pas à nul autre homme
qu'à lui seul. 3,454 — 3,455.
» Des brahmes instruits, non malheureux, sans crainte
d'aucun côté, arrêtèrent ce roi, qui se vantait mainte et
mainte fois. 3,456.
» Empêché par eux de continuer sa route, il présente à
ces brahmes plus d'une fois sa demande ; et ceux-ci de
répondre à ce monarque d'un immense orgueil, enivré de
sa prospérité. 3,457.
» A celte question du monarque, ces régénérés magna-
nimes, ascètes doués du vœu des Védas, disent, enflam-
més de colère : 3,458.
« Sire, tu ne seras jamais l’égal de ces deux hommes
éminents, vainqueurs d'une foule d’autres dans la guerre.»
» Le monarque à ces mots adresse une seconde fois
cette demande aux brahmes : « Où sont-ils, ces deux
héros? De qui ont-ils reçu la naissance? Quelles sont
leurs œuvres ? Qui sont-ils ? » 3,459 — 3,460.
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OUDYOG \-l»AHVA.
183
« Nara et Nâràyana, lui répondent ces brahmcs, sont
deux ascètes, comme ou nous l’a raconté ; ils sont venus
dans le monde des hommes : engage un combat avec eux,
prince. 3,481.
. » Nous avons appris que Nara et Nârâyana sont deux
magnanimes, et qu’ils pratiquent une pénitence grande,
indescriptible sur le Gandhamàdana. » 3,462.
» Le roi alors, ayant rassemblé une nombreuse armée,
divisée en six corps, s’en alla plein d'ardeur où étaient les
deux invincibles. 3,463.
» Arrivé sur le mont escarpé, épouvantable, du Gan-
dhamàdana, ses recherches le conduisirent vers les deux
anachorètes, retirés dans les bois. 3,464.
» 11 vit ces deux éminents êtres, amaigris par la soif
et la faim, plongés dans la répression des sens, et déchi-
rés par le froid, le vent et le chaud. 3,465.
» Il s'approcha d’eux, leur prit les pieds et leur demanda
des nouvelles de leur sauté : eux de leur côté répon-
dirent à son hommage, en lui offrant de l’eau, des racines,
des fruits et un siège. 3,466.
» Ils dirent au souverain : « Que nous faut-il faire ? »
Et celui-ci de leur conter à deux fois même toute la suite
des choses : 3,467.
« Cette terre a été vaincue par mes bras et tous mes
ennemis ont été immolés: c’est le désir d’un combat
avec vos saintetés , qui m’a conduit sur cette mon-
tagne. 3,468.
» Veuillez m’accorder ce présent hospitalier, que j’ai
longtemps désiré. » Nara et Nàràyana lui répondirent :
« Cet hermitage, ô le plus vertueux des rois, a chassé
l’avarice et la colère. 11 n'y a poiut de combat dans cet
184
LE MAHA-BHARATA.
hermitage : à quoi nous servirait une arme ? A quoi nous
servirait l’injustice? 3,469—3,470.
» Va ailleurs demander un combat! Les kshatryas
sont nombreux sur la terre ! » 3,471 .
» A ces paroles, il en opposa d’autres encore : on lui
pardonna mainte et mainte fois, rejeton de Bharata ; on
descendit infime jusqu'à le flatter. 3,472
» Enfin Oudbhava, qui désirait une bataille, envoie un
défi aux solitaires, et Nara, ayant pris une poignée de
flèches, lui dit : « Avance! combats, guerrier, qui dé-
sire une bataille ! Mets en jeu toutes les armes ; rassemble
ton armée! 3,473 — 3,474.
» Je vais envoyer loin d’ici ton désir de combat ! 3,475.
« Si tu penses que cet astra est convenable entre nous,
pénitent, répondit Oudbhava, je vais te combattre avec
lui. a Je veux une bataille » répétais-je, en venant ici.
A ces mots, Oudbhava avec son armée, désirant tuer
le pénitent, inonda son rival de tous les côtés avec une
pluie de flèches. 3,476 — 3,477.
» Mais l’anachorète, méprisant les traits épouvantables,
qu'il décochait, habitués à fendre le corps des ennemis,
lui riposta avec d'autres flèches. 3,478.
» L'Être invincible de lui décocher ensuite un effrayant
astra de dards, qu’on ne pouvait arrêter: ce fut comme un
prodige. 3,479.
» L’ascète par la magie blessa les yeux, les oreilles et
les nez de ses ennemis : et, fendant le surnaturel de son
rirai, il ripostait avec de nouvelles flèches. 3.480.
» Dès qu'il vit le ciel blanchir sous la masse des traits
accumulés, le roi tomba aux pieds de l’hermite et lui dit :
«Que la paix me soit accordée! » 3,481.
OUDYOGA-PARVA.
185
» Nara, secourable à ceux, qui ont besoin de secours,
lui dit : n Sois vertueux et pieux i N’agis plus de cette
manière une autre fois. 3,482.
» Un tel homme, se rappelant dans sa pensée, tigre
des rois, les devoirs du kshatrya, ne sera pas le conqué-
rant des villes ennemies. 3,483.
» Pénétré d’orgueil, ne blâme jamais qui que ce soit, ou
très-petit ou très-grand ; cela est pour toi, site, une con-
séquence des paroles, qui précèdent. 3,484.
» Reconnaissant, libre d’avarice, sans orgueil, prudent,
dompté, patient, doux, bon, protège tes sujets. 3,485.
» Ne blâme personne avant de connaître le fort et le
faible. Je te donne congé, retire-toi heureusement ; n’agis
point ainsi une autre fois. 3,486.
» Informe-toi soigneusement de leur santé auprès des
brahmes en notre nom! » Ensuite, le monarque, s’étant
incliné aux pieds de ce couple magnanime, 3,487.
» Retourna dans sa ville, où il remplit exactement ses
devoirs. Tel fut l’immense exploit, que fit jadis Nara.
u Mais de bien nombreuses vertus donnaient encore
l’excellence à Nàràyana. Ainsi qu’une flèche ne soit pas
encochée aujourd'hui sur le Gàndiva, le meilleur des
arcs. 3,488— 3,480.
d Va, sire, ayant déposé ton orgueil, trouver Dlianan-
djaya. * L'assoupissement surnaturel , le délire, l’enivre-
ment et la menace par un seul mouvement des yeux,
r Une pluie continue d'astras, la danse des Piçâtchas,
les Rakshasas, qui étendent leur destruction et la fasci-
nation de la bouche, qui est ici la huitième illusion: sous
l’oppression de ces artifices, tous les hommes descen-
dent sur le rivage de la mort. 3,400 — 3,401.
» Ces défauts tes entraînent aussi dans la tombe-.
LE MAH A -BHARATA.
188
» L’amour et la colère, la folie et l’avarice, l’ivresse
et la vanité, l’envie et l’orgueil : les voilà nommés suivant
l'ordre. 3,492.
» Que les hommes soient insensés, vides d'âme ; qu’ils
aient la connaissauce perdue, qu’ils s’agitent, dorment,
flouent çà et là, vomissent, urinent, toujours pleurent
et rient , ils n’auront jamais qu'un créateur, l’arbitre de
tous les mondes, qui sait toutes les choses. * 3,493.
» Arjouna, de qui Nàràyana est l’ami, est insoutenable
dans une bataille : qui peut le vaincre, lils de Bharata,
dans les trois mondes? 3,494.
» Personne n’est égal dans un combat au héros Djishnou,
qui a pour drapeau un singe : les vertus sont incalcu-
lables dans le lils de Prilhâ. Djanârddana est très-distin-
gué par elles ! 3,495.
» Sais-tu encore que Djanandjaya est le fils de Kounti,
et que ces deux êtres, Nara et Nàràyana, sont Arjouna et
Kéçava. 3,490.
» Sache, grand roi, que ces deux héros sont les plus
grands hommes. Si tu penses les choses de cette mauière
et si tu ne doutes pas de moi, 3,497, •
» Prends une noble résolution, rejeton de Bharata, et
calme-toi à l’égard des Pândouides. Dis, si tu penses à
la paix : u Qu’ elle ne soit pas un sujet de division pour
moi ! » 3,498.
» Appaise ta colère, ôle plus vertueux des Bharatides ;
ne mets pas ton esprit à la guerre. La famille de vos
grandeurs est très-estimée sur la terre. 3,499.
» Que ton salut soit opéré de cette manière et pense
à ton intérêt. » 3,500.
(* •) Nous regardons comme uue intrusion tout ce qui est renfermé ici
entre les deux étoiles.
OUDYOGA-PARVA.
187
Après qu’il eut écouté ce discours du Djamadagnide,
Kanva, le bienheureux saint, adressa au milieu de l’as-
semblée ce langage à Douryodhana : 3,501.
« On reconnaît Brahma, l’aïeul des mondes, impéris-
sable, éternel, et ces deux adorables ascètes, Nara et
Nàrâyana, 3,502.
» Vishnou, le chef sempiternel de tous les Adityas, et
Çiva, l'auguste souverain, immortel, invincible, 3,503.
» La lune, le soleil, la terre et l’eau, le vent, le feu,
l’atmosphère, les planètes, l’armée des étoiles et les autres,
qui sont les mânes et les présages. 3,505.
» Ceux-ci, à la fin de la destruction universelle, re-
paraissent dans les trois mondes. Sans cesse, ils mar-
chent à la mort et sont reproduits incessamment. 3,505.
» Les hommes, les quadrupèdes, les volatiles et les
autres animaux, qui se meuvent dans le monde delà vie,
ont des morts, dont une heure est la durée. 3,506.
» Après qu’ils ont achevé leur vie, les rois, qui ont
le plus joui du bonheur, reviennent à la jeunesse pour
goûter de nouveau le vice et la vertu. 3,507.
» Que ta majesté daigne faire la paix avec le fils
d’Yarna : que les Pândouides et les Kourouides gou-
vernent également la terre. 3,508.
» Il ne faut pas concevoir cette pensée, Douryodhana :
« Je suis fort ! » car on voit les forts confondus avec les
forts, ô le plus grand des hommes. 3,509.
» La force n’est pas réputée vigueur au milieu des
forts, fils de Kourou, et tous les Pândouides possèdent
la force et la valeur des Dieux. 3,510.
n On raconte â ce sujet l’antique légende de Mâtali, qui
cherchait un époux avec le désir de lui donner sa fille.
188
LE MAHA-BHARATA.
>> Cet être, nommé Mâtali, est le cocher du monarque
des trois mondes : dans sa famille vivait une vierge renom-
mée pour sa beauté en tout l’univers. 3,511 — 3,512.
n Elle avait les formes d’une Déesse et se nommait
Gounakéçt ; elle excellait par-dessus les autres femmes en
grâce et en beauté. 3,513.
» Quaud il connut, avec son épouse, que le temps de
livrer sa fille à un mari était venu, il envisagea cette idée
avec un esprit calme, et, plongé dans cette pensée, il s’v
livra tout entier. 3,51â.
» Fi donc soit à ces hommes d’une âme douce, renom-
mée, élevés en dignité, d'un brillant caractère, dans la
famille desquels est poussé le jeune scion d’une fille (i) !
» Une vierge de grande maison, qu’il faut caser, met
en péril trois familles : celle de sa mère, celle de son
père et celle de son mari (2). 3,515 — 3,516,
» Quand il se fut plongé dans les deux mondes des
hommes et des Dieux, et les eut fouillés avec un regard
humain : « Je n'y trouve pas un époux, qui me sourie! »
» Ainsi se disait-il. Mâtali, dans le choix de cet époux,
rejeta les hommes, les Gandharvas, les nombreux rishis,
les fils de Diti et les Dieux mêmes. Après qu’il en eut déli-
béré, la nuit, avec son épouse Soudharmâ, il mitsa pensée
dans un voyage au monde des Nâgas !
3,517—3,518—3,519.
« Je ne vois pas, dans le monde des hommes et des
Dieux, aucun mari, qui soit égal à Gounakéçl pour la
(1— *2) Cob doux distique? sentent bien l’esprit d'un calligraphc fatigué,
qui ose jouer avec sa lâche, au milieu de son sujet même. Noue tendons
à les rejeter en leur imprimant ce stigmate.
OUDYOGA-PAltVA.
1H9
beauté des formes. On le trouve sans doute au monde des
Nàgas! n 3,520.
» Ces mots dits, il fit ses adieux à Soudharmâ, dé-
crivit un pradakshina, mit un baiser sur la tête de sa
fille et entra dans le sein de la terre. 3,521.
» Tandis que Màtali suivait sa route, il se joignit 5
Nârada, le grand rishi, qui s’en allait de lui-même faire
une visite à Varouna. 3,522.
« Où ton excellence se hâte— t-elle d'aller? lui demanda
l'hermite céleste. Vas-tu, cocher, pour une aflaire, qui
t’est personnelle? Ou d’après un ordre de Çatakralou? «
n A ces questions de Nârada, qui faisait route avec lui,
Màtali de lui raconter exactement toute son affaire :
« Exécutons de concert notre chemin vers le Dieu Va-
rouna, lui répond l’anachorète. Moi, je viens du ciel,
amené par le désir de voir le souverain des eaux.
3,523-3,524—3,526.
» Je te raconterai tout, en montrant à tes yeux ces
lieux souterrains; et, quand tu auras trouvé là cet époux,
que tu cherches, Màtali, nous nous réjouirons ! » 3,520.
» Sur cela, ces deux magnanimes, Nârada et Màtali,
s’enfoncent dans la terre; et bientôt ils voient le souverain
des eaux, protecteur de la terre. 3,527.
• Là, tel qu'est l’hommage rendu à Mahéndra, tel Nâ-
rada, le rishi des Dieux, tel Màtali reçut aussi l’hom-
mage. 3,520.
» L’âme joyeuse , ils accomplissent leur devoir et
offrent des honneurs au Dieu ; et, avec le congé de Va-
rouna, ils parcourent le monde des Nâgas ou des grands
serpents. 8,529.
n Nârada, sans rien omettre, exposa, aux yeux du
190
LE MA II V-BHAR ATA.
cocher, toute l’histoire de tous ces Otrcs, qui habitent
l’intérieur de la terre. 3,530.
«Tu as vu, cocher, lui dit-il, Varouna environné de
ses fils et de ses petits-fils. Voici la résidence opulente et
partout fortunée du monarque des ondes! 3,631 .
» Voilà ici le fils à la grande science de Varouna, le
maître de la terre : il excelle par sa pureté et sa vertueuse
conduite. 3,532.
» C’est Poushkara, fds de Varouna, aux yeux de lotus
bleu, prince estimé, beau, admirable à voir, l’époux, que
la fille de Lunus honora de son choix. 3,533.
» Elle a pour nom Djyotsnâkàli ; on dit quelle est une
seconde l.akshmî pour la beauté. Ce Varouna, qui est le
fils aîné d'Aditi, est dit aussi le meilleur. 3,534.
» Vois ce palais varounien! il est construit d’or en
entier! Quiconque y parvient arrive à la divinité. Ce sont
les Dieux, mon ami, du souverain des Dieux. 3,535.
» On voit là, Mâtali, toutes les flèches enflammées des
Daîtyas vaincus, à qui fut enlevé leur royaume. 3,530.
» Sans doute, ces armes impérissables et douées de
majesté se convulsaient de coière, Mâtali, avant que les
Dieux ne les eussent conquises. 3,537.
o Elles étaient des guerriers célestes, issus des Raksha-
sas, issus des Daityas; elles sont aujourd’hui la conquête
des Dieux. 3,538.
u Voici le feu toujours éveillé, qui répand sa splendeur
éclatante dans le bassin de Varouna : ce disque de guerre
est celui de Vishnou, qu’on lance avec une offrande la plus
pure. 3,539.
» Cet arc est le Càndlinaya, environné de la raine
des mondes ; les Dieux toujours défendent avec cette
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OUDYOGA-PARVA.
191
arme, et c’est d’elle que vient l'arc Gândiva. 3,5/10.
n Une guerre est-elle survenue, cette arme sans cesse
infaillible porte telle et telle vie calculable par des cen-
taines et des milliers. 3,541.
» Elle gouverne des êtres même ingouvernables : ce
fut Brahma, le révélateur des Védas, qui d’abord créa
cette arme furieuse au milieu des rois, parents des Rak-
shasas. 3,542.
» Voilà sa flèche, qui est empreinte d’une grande éner-
gie, disent les ludras des hommes. Les tils du monarque
des ondes portent cette 'haute fortune de leur pire.
» Cette ombrelle du roi des eaux est déposée dans le
Palais-de-l’Ombrelle. Semblable au nuage, elle verse de
tous les cOtés une rosée fraîche. 3,544.
» De l’onde, qui découle de cette ombrelle, est formée
l'humidité pure de la lune. Ce parasol brille enveloppé
d’une obscurité, qui intercepte le regard. 3,545.
» Tu aurais de nombreuses choses aux formes merveil-
leuses à voir ici, mais elles mettraient obstacle à ton affaire.
Marchons donc, Màtali, sans plus tarder. 3,546.
» Cette ville, qui ne pose pas ses pieds sur le sol du
monde des Nàgas, est nommée le Pâtàla : elle est habitée
par les Daltyas et les Dànavas. 3,547.
» Quiconque à la marche certaine arrive dans ces lieux
avec les eaux, jette en y entrant, sous l’étreinte de la peur,
un vaste cri d’e/froi. 3,543.
» Là, dévorant les ondes, Agni l’Asoura vomit des
flammes continuelles. Là, une fois qu’il a bu l'ambroisie,
que les Dieux ont apportée, après qu’ils eurent tué leurs
ennemis, le sage reconnaît que son âme est enchaînée par
LJ: MAHA-BIIARATA.
lt>2
le travail des affaires (1), De lit apparaissent le déclin et
l'accroissement de la lune (2). 3,549 — 3,550.
» Là, se lève à son temps, à chaque parvan, l’Aditya
Hayaçiras, qui remplit de voix le monde, appelé Sou-
varna. (3) 3,551.
» Par cela que les formes de l'eau tendent (4) à
se mouler en ornements (5) , cette ville superbe est nommée
Pàtàla. 3,552.
» Airàvata, bon pour le monde, ayant puisé l'eau dans
ce bassin , la décharge fraîche dans les nuages, d'où Ala-
héndra ensuite la déverse en pluies. 3,553.
» Là, des baleines de plusieurs figures et de formes
diverses boivent dans les eaux la lumière de la luue,
habitent et se promènent au milieu des ondes. 3,554.
» Là, cocher, pénétrés par les rayons du soleil, les
morts venus dans le jour au fond du Pàtàla, ressuscitent
la nuit. 3,555.
» Ici, la lune a des levers continuels ; et, quand elle a
touché l’ambroisie avec ses rayons comme avec ses bras,
elle touche les corps, d’où l’àme s' est enfuie et, par cet
attouchement, les rappelle à la vie. 3,55(i.
» Ici, enchaînés sous l'étreinte de Kàla, habitent les
vertueux Daitéyas, qu’ Indra a dépouillés de splen-
deur. 3,557.
» Ici , le grand souverain de tous les êtres, appelé
Bhoûtapati, a supporté la plus haute pénitence pour la
prospérité de tous les mondes. 3,558.
(1—2—3) Idées incohfeemes : nous suspectai» ce passage.
(4) Patunti.
(5) Atam.
OUDYOGA-PAltVA.
103
' » Ici, consumés par la science et le murmure des Vé-
das, habitent inondés de joie, le5 brahmes Govratis, qui
ont abandonné l’existence et conquis les cieux. 3,559.
» Quiconque sans cesse occupe une couche, quiconque
vit sans jamais quitter le vêtement, dont il est couvert,
on l’appelle ici un Govrati. 3,560.
a Atr&vana est le roi des éléphants. Vâmana, Kou-
mouda, Andjana ont été créés les plus forts des éléphants
dans la race de Soupratlka. 3,561.
a Vois si là est un époux, qui par ses qualités puisse te
plaire; j’irai et, consacrant mes efforts à cette affaire,
Mâtali, je le choisirai pour fiancé. 3,562.
a Voilà un œuf, comme flamboyant de splendeur, qui
fut déposé dans les eaux, dès la formation des créa-
tures, il n’éclot pas, il ne marche pas. 3,563.
a Je n’entends pas raconter sa naissance ou sa créa-
tion : qui que ce soit ne connaît, ni son père, ni sa
mère. 3,564.
b De-là, aux jours de la rnoj;t, doit sortir un grand
feu; il consumera, certes! Mâtali, tous les trois mondes
avec les êtres mobiles et immobiles, b 3,565.
b A peine eut-il entendu ce langage de Nârada : « Au-
cun ne me plaît ici pour époux ! lui dit Mâtali. Dirige
ailleurs tes pas, sans tarder, b 3,566.
n On appelle cette grande capitale, raconta en mar-
chant Nârada, la Ville-d’or : c’est la cité des Dattvas et
des Dânavas, qui discutent sur des centaines de ma-
gies. 3,567.
n Elle fut bâtie par les vastes efforts de Viçvakarma ;
elle dépend de la terre de Pàtàla, créée par l’intelligence
de Maya. 3,568. .
’vi 13
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19A
LE M AH V -BHARATA.
» Là, habitent, orgueilleux des grâces, qu’ils ont re-
çues jadis, les héros Dùftavas à la grande force, s’occu-
pant à des milliers de magies. 3,509.
» Ni Çakra, ni aucun autre, fùt-il Yama, Varouna ouïe
Dieu des richesses, ne peuvent les mettre sous leur puis-
sance. 3,570.
» Là, habitent, Màtali, possédant la force de la magie,
doués d'un courage supérieur à la fougue du vent, rem-
plis d'une vitesse épouvantable, armés de longues dents,
les Asouras Kâlakandjas, et les fils des pieds de Vishnou,
et les Nairritas, et les Yàtoudhânas, et ceux, qui sont
issus des pieds de Brahma. 3,571 — 3,572.
» Tu sais que Çakra lui-même ne peut immoler ces
Dànavas, nommés les Nivâtakavatchas, enivrés de la fu-
reur des combats. 3,573.
» Nombre de fois, Màtali, ton (ils Gomoukha, et toi, et
l'époux de Çatchl, le roi des Dieux, accompagné de son
fils, vous fûtes rompus et mis en fuite. 3,57a.
» Vois ces palais d'ajgent et d’or joints et associés à
l’art et au travail, 3,575.
» Admirables de lapis-lazuli et de pierreries, éclatants
de corail, resplendissants d'un cristal pur comme le so-
leil et flamboyants du feu des diamants! 3,576.
» Faits de rubis, ils paraissent comme faits de terre ;
on les voit comme des constructions de pierres et de bois.
» Hauts, larges , parsemés de gemmes en multitudes,
ils brillent avec la ressemblance du soleil, semblables au
feu allumé. 3,577 — 3,578.
» Il est impossible de les décrire pour les formes, la
richesse et les qualités. Ils sont parfaits et pleins de per-
fections propres à servir de modèle. 3,679.
Digitized
OUDYOGA-l’ARVA.
195
» Regarde ces maisons de jeu et ces couclies des
Dattyas ; regarde ces palais et ces trônes, du plus haut
prix et semés de pierreries ! 3,580.
» V où ces montagnes nombreuses et ces cascades d’eau ;
voit ces arbres luxuriants, chargés de fleurs et de fruits
au gré de tous les désirs 1 3,581.
» Sera-t-il ici, Mâtali, un fiancé, qui te plaise ! Ou bien
passons dans un autre lieu de cette terre, si tel est ton
sentiment. » 3,582.
» Mâtali de répondre au Dieu, qui parlait de cette ma-
nière : « Rishi des Dieux, je ne dois pas faire une chose,
qui déplaise aux habitants du ciel. 3,583.
d Les Oânavas et les Dieux, qui ont des inimitiés conti-
nuelles engagées entre eux, sont mes frères : comment
ferai-je approuver ma parenté dans le parti des ennemis?
» Allons ailleurs, bon Nârada ; je ne puis voir les
enfants de Danou. Je connais ton âme, et je sais quelle
est suflisamment injurieuse. » 3,084 — 3,585.
» Nârada poursuivit :
» Ce monde est celui des oiseaux Souparnas, qui man-
gent les serpents. S'agit-il de voyager ou de porter une
charge au milieu des airs, ils ne connaissent pas la fati-
gue. 3,586.
» Voici les noms des six fils de Vinatà, cocher, qui ont
donné le jour à cette famille : Soumoukha, Sounàman,
Sounétra, Souvartchas, 3,587.
» Souroutch, le monarque des volatiles, et Soubala. De
ces auteurs dans la famille de Vinatà, sont nés et ont
grandi des centaines et des milliers de nobles rois des
oiseaux. Dc-là naquirent dans la race de Kaçyapa ces fils,
accroissement de la prospérité. 3,588 — 3,589.
100
LE MAHA-BHARATA.
» Tous, ils sont les favoris de la fortune ; tous, ils sont
marqués du caractère Çrlvatsa ; tous, ils désirent la féli-
cité et sont armés de la force. 3,590.
» kshatryas par les œuvres, sans miséricorde, ils dévo-
rent les serpents ; ils n’ont pas obtenu la condition des
brahmes, parce qu’ils font la destruction des races.
» Je vais te dire les noms des principaux : éconte-ies !
C’est une famille digne d'éloges, Màtali, puisqu'elle des-
cend de Vishnou. 3,591 — 3,692.
» Vishnou est leur Dieu, Vishnou est leur principal
objet ; Vishnou est dans leur cœur sans cesse; Vishnou
est continuellement leur voie. 3,503.
» La Tète-d’or, le Mangeur-de-serpents, l’Épouvan-
table, le Furieux -du-bec, le Vent, le Feu, le Volatile-
aux-grands-yeux, le Porteur-de-pemleloques, 3,59/i.
» Le Vainqueur-de-la-poussiôre, Y Oiseau, qui ressemble
à un collier de diamants, et le Vinalide Vàmana, la Yi-
tesse-du-vent, Celui qui parcourt l'espace dans un clin—
d’œil, Animisha (1), 3,595.
» Les Trois-Gràces, les sept-Gràces, Vàlndki, l'Incen-
diaire, l’Ile-des-Daityas, Paridvvipa (2), Sàrasa, le Dra-
peau -du-lotus, 3,596.
» La Belle-téte, Tchitrakétou et le vertueux Tcbitra-
varha, le Cœur-des-nuages, koumouda, Daksha, Sarpànta
et le Buveur-de-Soma, 3,507.
» Gouroubliâra , la Colombe, les Yeux- du- soleil ,
Tchirântaka, le Devoir-de- Vishnou, Koumàra, Pàrihbara
et Hari, 3,508.
(1) Qui ne cligne pas les yeux.
(2) Insula circumfluente aquâ.
Digiti
OUDYOGA- PARVA.
197
» La Jolie-voix, Madhouparka, la Couleur-d’or , le
Malaya-Màtariçwan, l'Oiseau-qui-fait-le-jour, l'Oiseau-qui-
fait-la-nuit. 3,599. *
» Je t’ai nommé ces (ils de Garouda pour exemple seu-
lement. Je le les ai cités principalement parce qu’ils sont
en renommée et qu’ils ont une longue vie. 3,(500.
■ » Si aucun d’eux ne fait naitre ici ton désir, viens,
Màlali ! allons ailleurs. Je te conduirai dans un lieu, où tu
puisses trouver un fiancé. 3,601.
a Voici le septième fond de la terre, nommé le Rasàtala :
c’est là que se tiennent les Immortels, qui sont nés des
vaches, les enfants de Sourabhi. 3,602.
» La terre distille continuellement le lait, qui prend
l’être dans son essence : cette saveur unique, sans égale,
est formée de l'essence tntme des six saveurs. 3,603.
» Jadis la vertu sortit de la bouche du Pilàmaha, qui,
rassasié de lait, en rejeta l’essence. 3,005.
» Le courant de ce lait vomi, tombant sur la terre, for-
ma ce lac, qui fut nommé la Mer-de-lait, bassin pur au
plus haut degré. 3,605.
u Là, habitent les plus vertueux des brahmes, buveurs
d'écume ; ils savourent ses rivages, que l'écume fevêt
comme de fleurs. 3,606.
» Ges hommes, qui font de l’écume leur nourriture,
sont justement appelés, Màtali, buveurs d’écume ; ils pra-
tiquent une terrible pénitence, qui inspire la crainte aux
Dieux. 3,607.
» Quatre autres vaches, nées de Sourabhi, habitent en
tous les coins de l’espace ; elles portent cet horizon et
sont appelées lesangles de ce monde. 3,608.
» La fille de Sourabhi, qui est nommée Souroûpâ, sou-
108
LE MAHA-BHARATA.
tient la plage orientale ; celle, qui a pour nom Hansikâ,
supporte un autre parage, la partie méridionale. 3,609.
» La plage Varounienne de l’occident est soutenue par
Soubhadhrâ, douée d’une haute majesté, Mâtali, et qui
peut toujours se revêtir de toutes les formes. 3,010.
<) La vache, qui a nom Sarvakâmadoughà, porte la
sainte plage du nord, qui est appelée celle d’Élavila.
» Réunis aux Asouras, les Dieux, ayant fait une baratte
avec le mont Mandara, battirent le lait de ces vaches
mêlé au lait de la mer. 3,611 — 3,612.
» Lakshml la première sortit du sein des eaux, ensuite
l’ambroisie, le cheval Outchraiçravas, monarque des
coursiers, et le Kaàustoubhà, la plus admirable des
perles. 3,613.
» Sourabhi produit en son lait du nectar pour ceux,
qui vivent de nectar, de la swadhâ pour ceux, qui
mangent la swadhâ, et de l'ambroisie pour ceux, qui
trouvent dans l’ambroisie leur nourriture. 3,61 A.
» Jadis, cet antique couplet fut chanté parles habitants
du Rasùtala ; il fut entendu par les hommes et fut aussi
chanté par eux dans le monde : 3,615.
« Ni sur la terre des Nàgas, ni dans le Paradis, ni au
sein du Tripishtapa, où sont les chars des Dieux, on ne
trouve une habitation aussi délicieuse que dans le pays
du llasàtala ! » 3,616.
» Voici la ville nommée Rhogavatl, défendue par Va-
souki. Elle ressemble à Amaravatl, la charmante cité du
roi des Dieux. 3,617.
» Voilà Çésba, le serpent, le premier du monde par sa
pénitence, qui porte la terre, associée à tout ce qu'elle
a de force cl de grandeur. 3,618.
pilDYOGA-PARVA.
100
» On dirait à ses fondes que c’est une blanche mon-
tagne; il est orné de célestes parures; plein d'une grande
vigueur, il dresse un millier de têtes et des langues flam-
boyantes. 3,619.
» Ici, lmbitcnt, portant diverses formes, armés de
poisons différents, les Nàgas, (ils de Sourasà, qui ont
banni la crainte. 3,6*20.
» Marqués sur la poitrine d'un swastika en pierres
fines, munis d’un aiguière comme signe de leur condition,
ils sont tous naturellement vigoureux, terribles ; et leur
nombre ne peut être évalué que par des milliers. 3,621.
« Les uns ont mille têtes, les autres ont cinq cents
faces, ceux-ci ont une centaine de tètes, ceux-là en ont
trois seulement. 3,622.
• » Certains ont deux fois cinq têtes, beaucoup ont sept
visages : ce sont d'immenses serpents aux grands corps,
qui dévorent pour aliments des montagnes. 3,623.
» Ces Nàgas d'une seule race forment des milliers en
grand nombre, des millions et des centaines de millions :
écoute leurs noms de ma bouche, suivant leur préémi-
nence. 3,624.
» Vasouki , Takshaka , karkotaka , Ohanandjaya,
Kâlya, Nahousha, kambala et Açwatara, 3,625.
o Vâhyakounda, le serpent Mani et l'aérien Apourana,
Vàmana, Élapatra, koukoura et koukouna, 3,626.
» Le Grand-Père, la Joie, l’Aiguière et le Bassin,
kallâsaka, le serpent Jaune, Alrâvata, 3,627.
» La Bouche-de-fleurs , Üadhimoukha, la Conque,
Nanda et Oupananda, Apta, kotaraka, le Feu et l'A-
troce, 3,628.
» La Perdrix, Hastibhadra, le Lotus-blanc, Màlyapin-
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200 LE MAHA-BHAftATA.
data, les deux Padmas, le Lotus-bleu, la Fleur, Mouhara-
parnaka, 3,020.
» Karavira, Pitharaka, Samvritta et Avritta lui-même,
le Bouvier, la Feuille-de-Vilva, le Mangeur-de-rats, Çi-
rlshaka, 3,630. *
» Dillpa, la Tête-de-conque, et l’Étoile , qui ne fut
jamais vaincu, Dhritarâshtra le Kouravien, Kouhara elle
Petit, 3,631.
» Le Sans-poussière , le Porteur , Soubâhou , Mou-
khara, la Victoire, l'Aveugle-et-sourd, Viçoundi, Virasaet
la Bonne-saveur. 3,632.
» Ceux-ci et d'autres en grand nombre sont les fils de
Kaçyapa. Vois, Màtali, s’il y a parmi eux un époux, qui
puisse te plaire ! » 3,633.
» Màtali, ayant ainsi promené sur les choses son re- •
gard, toujours impassible, interrogea alors iNàrada sur le
ton de l'aiTeclion : 3, 634.
« De la famille de quel Kourouide vénérable était (ils
ce Nàga splendide, admirable à voir, que tu viens de
mettre sous mes yeux ? 3,635.
» Qui était son père? Ou qui était sa mère? De quel
serpent, de quelle race venait ce Nàga, placé devant moi
comme un vaste drapeau déployé? 3,636.
» Mon âme entre dans une enquête sur sa méditation,
sa fermeté, sa beauté, sa jeunesse afin d’en faire l’époux
choisi pour Gounakéçt. » 3,637.
» Quand il vit sur son visage riant que Màtali avait
l’àrnc joyeuse, Nàrada de lui raconter alors, et la nais-
sance, et la magnanimité, et les prouesses du serpent.
« Il était un roi des Nàgas, appelé Soumoukha; il
était ué dans la famille d’Airàvata ; il était réputé le pe-
OUDYOGA-PARVA,
9.01
tit-fils par sa fille du vénérable Vâmana. 3,638—3,039.
» Le Nàga, qui eut nom Tchikoura, était son père ; et
bientôt après, Mâtali, ce fils de Vinatâ succombait à la
mort. » 3,640.
« Voilà celui, que j’accepte pour mon gendre, dit Mà-
tali enchanté ; c’est ce noble serpent! 3,641.
» Dirige donc tes efforts de son côté ; je serai content,
anachorète, si je donne à ce Nàga ma fille bien aimée ! ><
u Nârada tint ce langage au serpent :
« Ce cocher, appelé Mâtali, est le cher ami de (’.akra j
il est pur, il est doué des vertus et du caractère ; il est
énergique, fort et courageux. 3,042 — 3,643.
» 11 est l’ami, le conseiller et le cocher même d’Indra ;
sa force le cède peu à ce Dieu en chaque combat. 3,044.
» Dans les batailles entre les Dieux et les Asouras ,
Çakra lui a confié judicieusement le soin de conduire son
char sublime, le Victorieux, où sont attelés mille che-
vaux. 3,04â.
» Indra achève la victoire sur les ennemis, que celui-
ci a déjà vaincus par ses chevaux et la vigueur de ses
bras ; avec lui, qui les a déjà terrassés, le Briseur-des-
armées terrasse de nouveau l'ennemi. 3,646.
u II possède une vierge à la taille charmante , incom-
parable en beauté sur la terre ; elle est douée de vertus,
d’un excellent caractère et de la vérité ; on la nomme
Gounakéçi. 3,647.
» Après qu’il a parcouru avec effort les trois mondes,
il trouve que Soumoukha, le petit fils de ta majesté, ô
toi , qui es environné d’une lumière immortelle, est
l'époux, qui convient à sa fille. 3,648.
» Si cette proposition t’agrée de toute manière, ô le
202
LE MAHA-BHARATA.
plus grand des serpents, ne tardons pas ! Mets prompte-
ment ta pensée à recevoir, vénérable aïeul, cette vierge
pour ta belle-fille. 3,049.
» Que Gounakéçl à la jolie taille soit bientôt dans ta
famille ce que Lakshml est dans la lamille de Vishnou,
ce que Swâhâ est dans la famille du Soleil. 3,050.
» Que ta majesté reçoive donc Gounakéçl pour son
petit-fils, comme Çatclii est égale à Qakra, qui en est la
contrepartie. 3,051.
» Nous demandons en mariage pour ses vertus ce
jeune prince, qui a perdu son père, à cause de l’estime,
que nous portons à ta majesté ainsi qu'à Alràvata lui-
même. 3,052.
» L’auguste Màtali, qui, conduit ici par les vertus de
Soumoukha, ses bonnes moeurs, sa pureté, sa répression
des sens et les autres, s’empresse de lui donner sa fille, mé-
rite également qu’ou lui rende hommage. » 3,053-3,054.
» L’aïeul, de qui le petit-fils vivait, mais de qui le
fils avait succombé à la mort, répondit à Nârada avec joie
et tristesse : 3,655. •
« Ta parole n’est-elle pas en grande estime auprès de
moi? Qui pourrait, éminent rishi, ne pas désirer une
alliance avec cet ami de Çakra, ainsi doué des qualités?
» Mais je pense à celte allaite , grand anachorète, dans
la faiblesse de mes moyens. Ce fils est pour moi, resplen-
dissant ami, ce que la main est au corps. 3,056—3,657.
i> 11 sera dévoré par Garouda lui-mème; celle idée nous
afflige. Ce mot cruel nous fut dit par le fils de Viuatâ, qui
doit revenir. 3,658.
n Je mangerai Soumoukha l’autre mois!» ainsi nous
a-t-il parlé, seigneur. El la chose arrivera de cette ma-
OUDYOGA-PARVA.
203
nière : nous savons cette vérité sur son destin. 3,650.
» Cette parole de Souparna, elle a tué notre joie ! »
« Ma pensée est arrêtée là-dessus, lui dit alors Màtali.
J’ai choisi ton fils pour mon gendre. 3,660 — 3,661.
» Que ce serpent, accompagné de Nârada et de moi,
aille vers Indra et qu’il voie ce roi des Souras, ce mo-
narque des trois mondes. 3,662.
» Je connaîtrai par l'intermédiaire de Çésha lui-même
quelle est son existence ; et j’emploierai tous les moyens,
0 le plus vertueux des serpents, à tuer Souparna. 3,663.
» Que Soumoukha vienne trouver avec moi le souve-
rain des Dieux ; et puisse t’accompagner la fortune, rep-
tile, dans l’accomplissement de cette affaire! » 3,66A.
» Ensuite, ces êtres à la grande vigueur prennent Sou-
inoukha et bientôt ils contemplent avec lui Çakra, le roi
des Dieux, environné de lumière et assis dans son trône.
» L’adorable Vishnou aux quatre bras se trouvait là en
visite. Nârada, aux côtés de Màtali, raconta toute cette
affaire. 3,665 — 3,666.
u Qu’on apporte l'ambroisie, dit alors Vishnou à Pou-
randara, le monarque du ciel, et qu’il soit fait égal aux
Immortels! 3,667.
■ » Que Màtali, Nârada et Soumoukha obtiennent du
bon plaisir de ta maj sté ce vœu, comme ils le dési-
rent. » 3,668.
a Ayant retourné dans sa pensée la terrible vigueur du
lils de Vinatâ, Pourandara tient à Vishnou ce langage :
« Que la majesté donne elle-même celte ambroisie ! »
a Yu es le maître de tous les êtres, lui répondit
Vishnou, de ceux, qui se meuvent, comme de ceux, qui
ne se meuvent pas. Qui peut faire, seigneur, que ce qui
204 LE MAHA-BHARATA.
est donné par toi n'ait pas été donné? 8,669 — 8,670.
» Çakra donc accorda la plus longue vie à ce Nâga;
mais le meurtrier du vigoureux Vritra ne fit pas manger
l’ambroisie <1 Soumoukha. 3,671.
» Ayant obtenu cette grâce, il manifesta la joie sur son
visage et retourna dans son palais, quand il eut reçu une
épouse, assortie à son désir, 3,672.
» Nârada et le vénérable Mâlali, leur affaire terminée,
comblés de joie, revinrent auprès de l’honorable monar-
que des Dieux, environné de lumière. 3,673.
» Garouda à la grande vigueur entendit raconter cir-
constanciellement, rejeton de Bharata, comment Indra
avait donné au serpent un accroissement de sa vie. 3,674.
» Entouré du vent fougueux de ses ailes, Sonpa’rna,
enflammé d’une colère extrême, vola à travers les airs
vers le palais des trois mondes, où siège Indra. 3,675.
« Adorable, quelle est cette çonduite, dit-il, que je re-
pousse avec mépris? Quand tu m'as accordé une grâce,
qui suit mon désir, tu recules en arrière ! 3,676.
j> Brahma, le souverain de toutes les créatures, a dis-
posé pour moi une nourriture depuis la création de tous
les êtres; pourquoi en suis-je empêché par toi? 3,677.
» J’ai fait choix de ce grand serpent et j’ai fixé le temps,
où il doit Cire mangé; son corps me servira, puissant
Dieu, à nourrir de nombreux enfants ! 3,678.
« Dans l’état actuel, où sont les choses, je ne puis faire
du mal à un autre. Tu te moques à ton aise, roi des Sou-
ras, de cette grâce accordée. 3,679.
» Je déserterai l’existence, moi et toute ma famille, qui
attend de moi sa vie dans mon aire ; ou montre que tu
as, Indra, de l’amitié pour moi. 3,680.
OUDYOGA-PARVA.
205
» Je mérite sous un autre aspect de recevoir cette chose,
meurtrier du puissant Vritra, moi, qui, le souverain des
trois mondes, condescends à nourrir les autres. 3,081.
» Quand tu existes, monarque du triple monde, Vish-
nou ne peut m’ôter la vie; car mon royaume, Indra, est
immortel en toi ! 3,682.
» Ma mère est la fille de Dakslia ; Kaçyapa est mon
père ; je puis dans un instant supporter les mondes de
tous les côtés. 3,083.
» Ma force est immense, insoutenable à toutes les créa-
tures ; j’ai accompli un incroyable exploit dans la guerre
des Daityas. 3,684.
» Çr'outaçrî, Çroutasnéa, Vivasvat, Kotchanamoukha,
Prastouta et kàlakàksha, tous fils de Diti, furent immolés
par moi. 3,685.
» Si je fais la fonction d’un drapeau, si je parcours les
lieux à la ronde avec effort, si je sers de monture à ton
frère aîné, ne me méprise point à cause de cela. 3,680.
n Quel autre serait capable de porter celte charge?
Quel autre est plus fort que moi? Tout distingué que je
suis, moi ! je consens à porter ton frère ! 3,687.
-> Tu m’as dédaigné parce que je suis descendu à toi
sur une question de nourriture ; ma gravité est perdue à
tes yeux, Indra, et devant ce Nàga. 3,688.
» Les fils, qui sont nés d'Adili, excellent en force et en
courage ; mais parmi eux tous, c’est moi, certes ! qui les
surpasse eu vigueur. 3,689.
» Je te porte sans fatigue sur une portion de mes
ailes : pense 4 cela, mon ami, tranquillement : quel autre
a de la force ici ? » 3,690.
>. Dès qu’il eut ouï ce discours du volatile, effrayant
200
LE MAHA-BHARATA.
par ses conséquences à venir, le Dieu, qui tient pour
arme un disque de guerre, tel que la roue d'un char, lui
répondit en ces mots, ébranlant ce qui est inébranlable
même. S, 691.
<. Garouda, oiseau bien faible, qui te crois fort, ne
doit-il pas te suffire de faire ton éloge en présence de
nous? 3,09*2.
» Les trois mondes réunis sont incapables de sup-
porter mon corps : c’est moi-même, qui me porte, et je
-te porte en même temps. 3,093.
» Soutiens maintenant un seul de mes bras, ce bras
gauche ; et, si tu peux soutenir le poids de ce bras seul,
ce n’est pas eu vaiu que tu te glorifies ! 3,094.
» Bhagavat avait suspendu ce bras A son épaule ; mais
il succomba, accablé du fardeau, troublé, l'âme perdue.»
» A r es mots, il mit son brus sur lui. Aussi long-temps
qu’il porta le poids de ce rameau seul de son corps,
aussi long-temps il crut sentir sur lui toute la charge de la
terre entière avec ses montagnes. 3,095 — 3,690.
» Atchyouta ne l’accabla point de sa force supérieure ;
il ne détruisit assurément pas sa vie. 3,697.
k L’oiseau troublé , la bouche vomissante , le corps
abattu, sans âme, laissa tomber ses ailes, oppressé sous
la charge pesante. 3,698.
» Le volatile, fils de Yinatà, courba sa tête aux pieds
de Vishnou, et confus, l'âme enfuie, consterné, il pro-
nonça avec peine ces paroles : 3,099.
« Adorable, à la grande vigueur, je suis broyé par ton
bras, plein de beauté, abandonné inertement, égal à la
force du monde entier. 3,700.
» Daigne me pardonner, puissant Dieu, â moi, un vo-
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OUDYOGA-PARVA.
207
latile de petite pensée , en détresse , sans force , sans
fierté, qui n’ai d autre habitation <?n’un drapeau. 3,701.
» Je ne connaissais pais ta force éminente, auguste
Dieu, et c’est pourquoi je pensais que la mienne était
sans égale parmi les autres. » 3,702.
» Le bienheureux Immortel rendit ensuite le calme à
l’oiseau Garouda, et lui dit alors avec amour : o N'agis
plus ainsi désormais.» 3,703.
» Il jeta Soumoukha avec l’orteil de son pied sur la
poitrine du géant des airs ; et c’est depuis co temps, In-
dra des rois, que Garouda demeure avec le serpent.
» C’est ainsi que, surmonté par la force de Vishnou,
le vigoureux Garouda, sire, le fils à la grande renommée
de Vinatâ, fut réduit à perdre son orgueil. 3,704-3,705.
» De même, fils de Gàndhàri, si tu vis encore, c’est
que tu n’as pas croisé le fer dans un combat, mon enfant,
avec les héros issus de Pàndou. 3,706.
» Quel homme ne tueraient pas dans une bataille le vi-
goureux Bhima, ce fils du Vent, le plus excellent des com-
battants, et Dhananiljaya, de qui Indra même fut le père.
» Vishnou, le Vent, Çakra, Yama et les deux Açwius,
pour quelle raison ces Dieux seraient-ils incapables de
fixer les yeux sur toi. 3,707 — 3,708.
» Loin de toi la guerre ! Fais la paix, fils du souverain
des hommes 1 Daigne sauver ta famille, en la purifiant
dans le tîrtha du Vasoudévide. » 3,700.
Alors Nârada aux grandes mortifications, pour les
yeux de qui rien n’est caché, A ’ùrada, tenant la massue et
le tchakra de la magnanimité de Vishnou.... (1). 3,710.
(1) Une lacune dan» l'édition: celte phrase n’est paa même Unie.
208
LE MAHA-BHAKATa.
A peine eut-il ouï ce discours, Douryodhana soupirant,
les sourcils contractés sur le visage, jeta un regard sur
le lils adoptif du cocher et se mit à rire d’une voix écla-
tante. 3,711.
L’insensé méprisa ce langage de l'anachorète Kanva,
et fit entendre ces paroles en se frappant la cuisse airon-
die comme la trompe d’un éléphant : 3,712.
« Je vis, excellent rishi, avec les sentiments, que m’a
créé Içwara; je suis la route, qu’il m’a tracée; qu’est-cc
que ta harangue peut y faire ? » 3,713.
Djanamédjaya dit :
a Comment se fait-il que des parents, l’ami par amitié,
l’auguste aïeul des créatures par bienveillance, n’écartent
pas de la mauvaise voie l’homme, qui s'y engage, de qui
l’imagination est née dans le malheur, qui est égaré par
la cupidité du bien d'autrui , qui se complaît en des
choses ignobles, qui prend ses résolutions dans la mort,
qui fait la peine de ses parents, qui accroît le chagrin de
ses alliés, qui donne à ses amis des soucis et qui aug-
mente la joie de ses ennemis? » 3,714 — 3,715 — 3,716.
Valçamp&yana lui répondit :
Tu as entendu le discours, qui fut prononcé par l’a-
dorable V dsoudéride , et l'allocution, que fit écouter
BbLshma, prèle maintenant l'oreille au langage plein de
patience et varié dans l’espèce de Nârada. 3,717.
« Rare, dit-il, est l'ami, qui écoute les conseils; un bon
ami est rare-, l'ami en effet se tient là où le parent fait dé-
faut. 3,718.
» Je vois ce qu’on doit écouter même de la bouche des
amis; mais il ne faut pas faire d'opiniâtreté ; car l'opiniâ-
treté est bien épouvantable. 3,716.
OUDYOGA-PARVA.
209
» On raconte sur ce sujet une antique histoire, la ma-
nière, dont Gàlava obtint une victoire par son opiniâtreté.
» Jadis par le désir de connaître les macérations de
Viçvàmitra, le Dieu Yama emprunta la forme du véné-
rable saint Vaçishtha et, sous le déguisement de l’un des
sept rishis, il s'approcha affamé, désirant manger, de
l'hermitage du rejeton de Kouçika. 3,720 — 3,721— 3,722.
» Viçvàmitra, occupé, faisait cuire un aliment de lait
et de beurre pour le sacrifice, et, par le soin, qu'il
donnait à ce mets supérieur, il ne l’entendit pas. 3,723.
» Quand il eut mangé la nourriture donnée par les
autres ascètes, Viçvàmitra de retourner chez lui, empor-
tant ses aliments très-chauds. 3,72â.
« Toi, nourriture, dit l’auachorète, en partant, reste
maintenant à moi! » L’iiermite à la gran'de splendeur
demeura donc, sire, avec sa nourriiure. 3,725.
« Ayant mis ses aliments sur sa tête, où il les retenait
avec ses bras, l’anachorète aux vœux parfaits se tint
debout, immobile comme un pieu, sans mouvement, dans
son enseignement, comme un ascète, qui vit de l'air.
» L’hermite Gàlava fit ses efforts pour l’entendre, par
le désir de lui être agréable, à cause de son amitié, de
l'estime, quit avait pour lui, et de la gravité 3e son ensei-
gnement. 3,726 — 3,727.
» Après la révolution accomplie d'une centaine d’an-
nées, Yama, sous le travestissement de Vaçishtha, revint
auprès du rejeton de Kouçika, dans le désir de participer
à sa nourriture. 3,728.
» Il vit cette portion d'aliments, que le sage maharshi,
Viçvàmitra portait sur sa tête, debout, immobile comme
un mangeur de vent. 3,729.
vt là
$10
LE MAHA-BIUIl ATA.
» Dès qu’il eut reçu cette nourriture nouvelle et chaude
encore : « Je suis conteijt, saint brahme, » dit-il, après
qu’il eut mangé, et l’anachorète s'en alla. 3,730.
» Viçvâmitra, qni avait abandonné les sentiments du
kshalrya, et qui était entré dans la nature du brahme,
fut donc satisfait de ces paroles d’Yama. 3,731.
» 11 dit, plein d’affection pour les services et le dévoue-
ment de son disciple, au pénitent Gâlava : 3,732.
o Je te donne congé, Gâlava; habite où tu voudras; va
à ton gré. » Et celui-ci, content de cette parole douce,
répondit au plus saint des anachorètes, à Viçvâmitra,
environné de lumière : « Quel présent honorifique don-
nerai-je à ta sainteté, en reconnaissance de son ensei-
gnement? 3,733 — 3,73â.
» Car une œuvre, accompagnée de présents, conduit
un homme à la perfection. Quiconque fait des présents
arrive à la béatitude finale. 3,735.
» Le fruit du sacrifice est dans le ciel ; le présent est,
dit-on, un soulagement. Que ta sainteté me dise ce que
je dois lui donner en prix de ses leçons ! » 3,736.
» A ces mots, récompensé déjà par ses services, le
vénérable Viçvâmitra de l’exciter à se retirer, et de lui
dire plusieurs fois : « Va-t-en! Va-t-en! » 3,737.
» A ces nombreux : o Va-t-en ! Va-t-en ! » que lui adres-
sait l’hermite, Gâlava de répondre autant de fois : « Que
te donnerai-je? » 3,738.
» Viçvâmitra sentit un peu de colère à cette opiniâtreté
mainte fois réitérée du pénitent Gâlava, etlui dit ces mots :
« Donne-moi huit centaines de chevaux, qui aient la
blancheur de la lune, avec une oreille noire d’un seul
côté. Va-t-en! Va-t-en! Ne tarde pas! 3,739 — 3,7â0.
Digiti-zecHe
OUDYOGY-PAltVA.
•211
» A ces paroles du sage Viçvàuiitrn, Gàlava ne peut
rester, ni assis, ni couché; il lie fait aucuue provision de
vivres. 3,741.
» N’ayant plus que la peau et les os, plongé dans le
chagrin de ses pensées, jaune, gémissant outre mesure,
consumé par le souci, Gàlava désolé, soupirait dans sa
douleur , Souyodhana ; « Où trouver des amis opulents ?
Où trouver des richesses? Où trouver des monceaux de
splendeur? 3,742 — 3,743.
» D'où me viendront ces huit cents chevaux, éclatants
de blancheur comme la lune? Qui me donnera la foi dans
ma nourriture? D’où me viendra la confiance du plaisir?
» La foi dans la vie m’est retranchée I Qu'ai-je besoin
de l’existence? J'irai sur la rive ultérieure de la mer, ou
d’un bout à l’autre de la terre, et je romprai ma chaîne !
Quel fruit y a-t-il pour moi dans la vie, indigent, qui n’ai
pas accompli mon affaire, et qui suis abandonné de ses
différents fruits? 3,744 — 3,745 — 3,746.
» D’où viendrait à moi le plaisir de l’indifférence,
quand je suis chargé d'une dette , quand j’ai désiré nouer
l’amitié, quand j’ai partagé la richesse de mes amis? Mieux
vaut la mort que la vie, si je ne puis reconnaître ce bien-
fait, si je ne fais pas ce que j'ai promis de faire!
3,747—3,748.
» L’homme, qui est consumé d’une parole saus ré-
sultat, voit périr son sacrifice et le3 mérites de sa libé-
ralité. Le menteur est privé de beauté, une postérité est
refusée au menteur. 3,749.
» Un menteur n'a point l’empire ! Comment l'homme
ingrat aurait-il une voie brillante, ou des richesses, ou la
renommée, ou une solide assiette, ou le plaisir? 3,760.
212
LF, MAHA-BHARATA.
» L’ingrat ne mérite pas de confiance; il n'y a pas
d'expiation pour l’ingrat, lin homme pauvre ne vit pas :
c’est un vicieux! D’où viendrait la richesse à l'homme vi-
cieux? 3,751.
» Le vicieux court, certainement! à sa perte; je suis
un vicieux, moi, qui suis un ingrat, un misérable, un
homme sans vérité, qui détruis ce que j’ai fait; 3,752.
» Moi, qui, ayant toujours satisfait mon gourou, m’en-
dors et n’exécute pas ce qui m’a été commandé! Je renon-
cerai à ma vie, après que j'aurai fait les plus grands ef-
forts! 3,753.
» Je n'ai pas encore adressé une demande aux habitants
du ciel : néanmoins, tous les Tridaças m’honorent <i cause
de mes soins pour étendre le lit d'un sacrifice. 3,751.
» Je veux aller trouver l’Immortel, le plus excellent
des Dieux , le souverain des trois mondes , Vishnou-
Krishna, la voie, le plus grand de ceux, qui sont dans la
voie du salut. 3,755.
» Parce que les serpents ont obtenu la vie, après qu’ils
eurent acquis la protection de tous les Dieux et des
Asouras, je veux aller voir, dans une attitude respectueuse,
Krishna, l’impérissable Yogi. » 3,756.
» A peine avait-il achevé ces mots, quand le fils de
Vinatâ, son ami Garouda apparut, et, joyeux, lui tint ce
langage avec le désir de l’obliger : 3,757.
« Tu as mon estime, cher ami ; un ami est estimé de
ses amis. Quiconque désire, doit arriver à l’objet de son
désir, s’il en a les moyens. 3,758.
» J’ai la puissance, brahme ; j’ai parlé déjà pour toi à
Indra, mon puîné : il accomplira ton désir à cause de
moi. 3,759.
. . A,' H
OUDYOGA-PARVA.
21 3
» Mais que ta sainteté vienne ! Marchons ! Je te con-
duirai, suivant ton désir, soit au lieu où tu voudras aller ;
soit à la rive ultérieure de la terre. Viens Gàlava! Ne tar-
dons pas ! 3,760.
» J'ai reçu les ordres d’un Dieu, l’auteur de toutes les
connaissances. Dis-moi quel est ton désir, Gàlava. Sur
quelle plage veux-tu que je dirige d’abord le vol de mes
ailes? 3,761.
» Est-ce à l’orient? ou au midi? Irai-je à la plage occi-
dentale, ou du septentrion, 0 le plus vertueux des brah-
mes? Où dois-je me rendre, Gàlava? 3,762.
» Irai-je d’abord à l'orient, où naît la lumière de tous
les mondes, où le soleil se livre, aux temps du crépuscule
et de l'aurore, à la pénitence des Sàdhyas ?
» Cette plage, dans laquelle entra d’abord la sagesse,
par qui ce monde fut occupé ; où veillent les yeux
d'Yama, où ce roi bien célébré contient la machine?
3,763—3,764.
» D’où l’oblation sacrifiée est une chose qui se répand
de tous les côtés dans l’espace ; c’est la porte, ô le plus
vertueux des brahmes ; c'est la route du jour ; 3,766.
» Cette plage, où d’abord sont nées les femmes,
créatures de Daksha; où habitent les héros, fils de
Kaçyapa ; 3,766.
» Où le bonheur est la racine des Dieux ; où Çakra fut
inauguré sur le trône des Immortels; où les Dieux, saint
brahme, ont accumulé la pénitence? 3,767.
» Dans un temps antérieur aux premiers âges, pieux
brahme, cette plage fut couverte de Souras ; et c’est pour
cette raison quelle est nommé Poûrva. 3,768.
» Cesl à cause de cela que le Poùrva nomme toutes les
214
LE MAH A-BHARATA.
affaires des Dieux, qui désirent le bonheur, l’espérance
première des premiers. S, 769.
» L’adorable auteur des mondes a chanté là d’abord
les Védas : ceux, de qui la voix murmurent les Védas,
ont chanté là d’abord la Savitrl, cause des productions.
» C’est là que le soleil, 6 le plus grand des brahmes,
a donné les deux Yadjours : c’est là que les Dieux boivent
dans les sacrifices le Soma, comblé de leurs dons.
3,770—3,771.
» C’est là que rassasiés, les Feux viennent s’atteler à
leur origine ; c’est là que Varouna, après qu’il fut des-
cendu au Pàtâla, obtint la couronne. 3,772.
» Là, ô le plus excellent des brahmes, est l’ancienne
tradition de l’antique Vaçishtha; là apparaissent en
personne la naissance, la vie (1) et la mort. 3,778.
» Là, dix centaines de routes naissent pour énoncer la
syllabe mystique Aiim : c’est là que les anachorètes, qui
boivent la fumée, savourent la fumée du beurre cla-
rifié. 3,774.
» C’est là qu’lndra fait la part des sacrifices entre les
Dieux avec les sangliers en grand nombre et les autres
animaux, qu'il a tués dans la forêt. 3,775.
» Le soleil à son lever extermine là dans sa colère les
hommes méchants, ingrats, ou les êtres, qui sont des
Asouras. 3,776.
* C'est la porte des trois mondes, du Svsarga et du
bonheur. Voici la première portion des [liages : entrons-y,
si tu le désires. 3,777.
(I) Pratinhlhâ de pratishthâmi, je suis, sto ou sum. Le sens, que nous
donnons, manque à tous les dictionnaires.
-■'i Gi igle
OUDYOGA-l'AUVA.
215
» Je sais attentif à la parole de celui, qui doit faire une
chose agréable pour moi. Dis, Gàlavat Irai-je?... Écoute
quelle est la deuxième plage. 3,778.
» Voici la région appelée méridionale. Jadis Vivaçvat,
qui était le Destin armé de la cuiller du sacrifice, donna
cette plage méridionale au vénérable Yatna. 3,779.
» Là, habile la multitude des Mânes, venus des trois
mondes; là est, dit-on, tainl brahme, la demeure des
Dieux, Ouçmapâs, 3,780.
» Là, siègent continuellement avec les Mânes ceux
des Dieux, qu’on nomme les Viçvas ; ils sont parvenus
dans les sacrifices des mondes à l’égalité des portions.
» C’est appelé, brahme, la seconde porte d’Yama ; la
pensée de Kàla s’y compte par minimes portions, en
petits intervalles de temps. 3,781 — 3,782.
» Là, habitent sans cesse, exempts d’alarmes, les
rishis des Dieux, les rishis du monde des Pitris et tous les
Ràdjarshis. 3,783.
» Là, est, dit-on, le devoir, la vérité et l’action faite :
c’est la route de ceux, ô le plus excellent des brabines,
qui sont arrivés à la fin de leurs œuvres et de leur
vie. 3,78â.
» C’est la route, que tout homme obtient : mais le vicieux
ne va point sans obstacle au plaisir. 3,785.
» Là, éminent brahme , les insensés auront à voir
plusieurs milliers de Démons, créés avec des âmes enne-
mies. 3,786.
» Là, sous des berceaux de mandants et dans les palais
des brahmarshis, les Gandharvas entonnent des chants,
qui ravissent l’âme et la pensée. 3,787.
» Là, après qu’il eut entendu chanter dans ces concerts
216
LE M AHA-BHARATA.
les hymmes du Sàma-Véda, Ratvata, abandonnant son
épouse, abandonnant ses ministres, abandonnant son
royaume, se confina dans les forêts. 3,788.
» Sâvarni et le fils d’Yavakrtta posèrent là une borne,
que le soleil ne franchit jamais. 3,789.
» Là, fut choisie l'immortalité par le magnanime Râ-
vana, le rejeton de Poulasti et le roi des Rakshasas, qui
cultiva la pénitence entre les Dieux. 3,790.
» C’est là que Vritra même par sa conduite embrassa
l’inimitié contre Çakra ; c'est ici que reviennent cinq fois
tous ceux, qui ont obtenu le souille de la vie. 3,791.
» Ici, sont dévorés par les (lamines les hommes ,n)x
œuvres iniques ; ici, Gâlava, une rivière, nommée la Val-
tarani, les enveloppe des croisements redoublés de ses
flots. 3,792.
» Là, l'auteur du jour est allé à la fin du plaisir, et il
parvient au terme de la peine ; arrivé là, il détruit l’eau
sapide. 3,793.
» Parvenu dans la contrée de Vaçishtha, il déserte le
froid de nouveau. Là, jadis consumé par la faim, Gâlava,
et plongé dans mes pensées, 3,79â.
» J'eus le bonheur de rencontrer un éléphant colossal
et une tortue géante, ivres l’un et l’autre de combats. Là,
réside un grand saint, fils du soleil et nommé Tchakra-
dhanou. 3,795.
» On sait que c’est la demeure, du Dieu Kapila, par qui
les (ils de Sagara furent jadis précipités dans l'infortune :
là, habite aussi la parfaite Rrahmant, appelée Çivâ, qui a
lu complètement les Védas. 3,796.
>. De cette lecture entièrement achevée, elle obtint
un doute, que rien ne saurait plus détruire. Là, est la
OUDYOGA-PARVA.
217
ville nommée Bhognvatt , que protège Vâsouki. 3,797.
» Là, fut obtenue la béatitude éternelle dan 3 la mort
elle-même par Alrâvata et le serpent Takshaka. Il règne
dans cette ville une obscurité profonde, que ne pourrait
dissiper, ni le soleil, ni le feu lui-même. Ainsi ta route,
Gàlava, est par cette ville capitale. 3,798—3,799.
» Dis-moi s’il me faut y aller.... Eh bien! écoute quelle
est la troisième plage. 3,800.
» Cette région est la plage chérie du roi Varouna, le
monarque de la terre : elle fut toujours la gloire it les
autres avantages pour ce souverain des eaux. 3,801.
» Cette plage, où le soleil, à la fin du jour, abandonne
lui-même ses rayons, est appelée, 0 le plus excellent des
brahmes, la plage occidentale. 3,802.
» C'est là que le fortuné Dieu Kaçyapa institua Varouna
comme le roi des monstres aquatiques et le protecteur des
ondes. 3,803. •
» C'est là que, après avoir bu six rasades, la lune,
dissipatrice des ténèbres, renaît égale à Varouna, et
jeune au commencement de la quinzaine lumineuse.
» C’est là que les Daîtvas, engendrés au couchant,
furent alors comprimés par le vent, gémirent, brahme, et,
tourmentés par les vents orageux, sont tombés morts.
3,804 — 3,805.
» Là, de tous les côtés, les rayons du soleil se répan-
dent aimables ; c’est d’ici que le coucher-du-soleil a reçu
son nom et que partout se glisse le crépuscule du
soir. 3,800.
» Delà, sortis dansla perte du jour, la nuitet le sommeil
naissent pour enlever, en quelque sorte, du monde des
vivants la moitié de la vie. 3,807.
218
LE MAHA-BHARATA.
» C’est ici que Çakra, ayant surpris dans le sommeil. la
Déesse Dlti , qui portait un fruit dans ses entrailles,
détruisit le fœtus, à la place duquel naquit le rhutnb des
vents. 3,808.
» Ici est né l’éternel Mandara, la racine de l'Him&laya :
on n'en voit pas encore la fin après un millier même d’an-
nées. 3,809.
» C’est là, qu’en approchant de la mer aux monts
d’or, aux lotus d’or, l’eau coule par la cause des Dieux.
» On voit là, au milieu de l’océan et semblable au
soleil, le corps mutilé de Swarbliânou (1) , qui veutdévorer
le soleil et la lune. 3,810 — 3,811.
» Là, on entend le vaste son d’un chant, que fait enten-
dre Hariroman à la tête d’or, qui échappe à toute mesure
comme à tous les yeux. 3,812.
» Là, par l’ordre du soleil à l’intelligence de feu, une
vierge, appelée Dwadjavatî, se tient dans L’atmosphère et
dit : o Arrête toi I Ne vas pas au-delà ! » 3,813.
« Là, Gàlava, le vent, le feu, l’eau et le ciel guérissent
l’homme, qui a reçu l'attouchement du malheur, soit le
jour, soit la nuit. 3,814.
» Depuis le temps que le soleil circule dans une route
oblique, c’est ici que toutes les constellations entrent dans
le cercle, que l'astre de la lumière décrit annuellement.
» Quand elles ont marché vingt-huit jours avec le so-
leil, elles sortent de sa compagnie dans la saison conve-
nable et d’après leur intime union avec la lune.
3,815—3,810.
» Là, est sans cesse le berceau des rivières et la cause,
(1) Bd Aon.
OUDYOGA-PARVA.
219
qui soulève les mers ; là, dans l’habitation de Varotma,
ils se détachent (1) des trois mondes. 3,817.
» Là, est la demeure du monarque étemel des serpeDts:
là, est le palais incomparable de Vishnou, qui n’a pas eu
de commencement et qui n’aura pas de fin. 3,818.
» Là, est l’habitation du vent, ami du feu : là, est
l'hermitage du grand saint Kaçyapa ; là, est celui de Mâ-
rltcha. 3,819.
» Cette plage occidentale, que je viens de t'exposer,
est la route, par laquelle il te faut aller. Dis, Gàlava!
Dans quelle plage irons-nous, 0 le plus excellent des
brahmes? 3,820.
» Parce qu'elle est sauvée (2) du vice, parce quelle est
possédée par le maître du bien-être, et que supérieure (3)
est sa puissance, cette plage-ci, brahme, fut appelée sep-
tentrionale (à). 3,821.
» C’est la route du Lac-d’or septentrional : cette plage
est dite être mitoyenne entre celles de l’orient et de l’oc-
cident. 3,822.
» Dans celte vaste plage du nord, ô le plus excellent
des brahmes, n’habitent, ni hommes laids, ni gens, de
qui l'âme est ingouvernable, ni esprits vicieux. 3,823.
» Là, sont Narâyana, Krishna, Djishnou même, le plus
grand des hommes, et l’éternel Brahma, dans l’hermitage
de la Badari. 3,824.
» Là, sur le flanc de l'Himâlaya, siège continuellement
avec Dourgâ , son épouse, Mahéçwara, l'Homme, envi-
(!) Apastishthanti, composé d'une préposition, qui, comme partie inté-
grante, manque à tous les dictionnaires, même à Weatergaard.
(2 — 3 — 4) Outtdryatuif outtdrana, outtara.
220
LL M AH A-BH AU ATA.
ronné d'une lumière égale au feu de la fin du inonde.
» 11 est invisible aux yeux des troupes d’anachorètes
ou des Siddhas, des Yakshas et des Gandharvas, ou des
Dieux et d’Indra lui-même, excepté aux regards de Nara
et de Nâràvana. 3,825 — 3,820.
» Là, Vishnou aux mille yeux, aux mille pieds, aux mille
têtes, fortuné, impérissable, unique, le voit avec sa.Màyà.
» G' est là que Lunus lut consacré comme souverain
des brahmes : c’est là que Mahâdéva, ô le plus savant
des régénérés, ayant reçu la chûte du Gange, précipité
des deux, l'a donné au monde des hommes : c'est là que
Dévî embrassa, pour obtenir Mahéçvvara, une cruelle pé-
nitence. 3,827 — 3,8z8 — 3,829.
» Là, naquirent ensemble, et l’Amour, et la Colère, et
(laila, et Oumà : là, sur le Kailàsa, fut sacré dans l'em-
pire sur les Rakshasas, les Yakshas et les Gandharvas le
Dieu, Gâlava, qui dispense à son gré les richesses. Là, est
sou délicieux jardin Tcbaitraratha ; là, est l'hermitagc
Vaîkhànasa. 3,830 — 3,831.
» Là, est la Gangâ céleste et le Mandara; c'est là, ver-
tueux brahme, que la forêt des Saâugandikas est sous la
garde des Nairritas eux-mêmes. 3,832.
» Là, sont le Radaliskandhu aux gazons toujours nou-
veaux, et las arbres immortels Santànakas ; là sont, Gâ-
lava, des richesses assorties à tous les désirs; Ui sont les
dignes chars des Siddhas aux répressions continuelles et
de qui rien ne gêne la marche. Là, habitent les sept
grands rishis et la divine Aroundhatî. 3,833 — 3,83â.
« Là, se tient l’Arcture ; là, on vante sa splendeur ; là,
certainement ! viendra aussi l'aïeul suprême des créatures,
si on l'invoque en des sacrifices. 3,835.
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OUDYOGA-PARVA.
221
» Là, et les constellations, et le soleil, et la lune exé-
cutent continuellement leur révolution. Là, ô le plus ver-
tueux des brahmes, les magnanimes anachorètes, organes
purifiés de la vérité, gardent la porte de la Gâyantikà :
on ne connaît d’eux, ni la postérité, ni le corps, ni l’accu-
inulalion des pénitences. 3,830 — 3,837.
» Là sont les richesses désirées, Gàlava; mais elles
ont des milliers d’échappatoires. A chaque fois qu’un
homme franchit cette limite et va plus avant, à chaque
fois il périt, ô le plus excellent des brahmes. Nul autre ne
s'est avancé plus loin, si ce n’est le Dieu Nârâyana, ou
Nara et Djishnou, l'impérissable I Là, est ce qu’on appelle
le Kallâsa et le palais d'Élavilide. 3,838 — 3,839 — 3,840.
» Cest là que vinrent les dix Apsaras, nommées Vi-
dyoutprabhâ : c’est là qu'est aussi la pierre nommée le
Pas-de-Vishnou. Elle est un vestige, qu’y laissa Vishnou
dans sa marche, lorsqu'il passa sur la plage septentrionale
pour mesurer les trois mondes. Là encore , éminent
brahme, est le Lac-d'or au lieu où le roi Maroutta offrit
un sacrifice avec des semences d'oushlra (1). Il s’approcha
respectueusement du magnanime et saint brahme Djï-
mouta. 3,8âl — 3,842 — 3,843.
» 11 fit paraître aux yeux, du sein de l’Himàlaya, une
mine d’or éclatante et pure : il répandit lui-même entière-
ment cette immense richesse entre les deux fois nés.
» Le brahmarshi opta pour les trésors, qui depuis ce mo-
ment furent appelés de son nom Djaîmoûta. Là, Gàlava,
soir et matin, les plus vertueux des brahmes, gardiens
des plages, crient : « Est-il une affaire? Et pour qui de-
(!) etndropogon muricatum.
222
LE M A H A- B H A U A T A .
vons-nous l'accomplir?» Telles sont les qualités et d’autres,
6 le plus excellent des brahmes, qui rendent cette plage
supérieure. 3,844 — 3,845 — 3,846.
» On l’appelle Outtara (1), et elle est, en effet, supé-
rieure en toutes les choses. Je t’ai raconté, mon ami, ces
quatre plages, successivement, avec étendue. Vers quelle
région désires-tu aller? Je suis prêt à te montrer les
plages et la terre entièrement. Monte sur moi, ô le plus
excellent des brahmes. » 3,847—3.848 — 3,849.
« Târkshya, fils de Vinatâ, lui répondit Gâlava, Ga-
rouda aux charmantes ailes, ennemi du monarque des
serpents, conduis-moi d'abord là où sont les deux yeux
du Devoir. 3,850.
»' Va dans cet orient, que tu m’as décrit en premier
lieu, et qui jouit, m’as-tu dit, du voisinage des Immor-
tels. 3,851.
» Là, tu m’as dit convenablement qu’étaient la vérité
et le devoir : je désirerais aller vers tous les plus grands
Dieux. 3,852.
» J’aurais en outre le désir, frère puîné d’Arouna, de
voir aussi les Souras. » 3,853.
» Monte! » dit au brahme le fils de Vinatà ; et l’ana-
chorète Gâlava de monter sur Garouda. 3,854.
« Dans ton vol, dévorateur des serpents, fit Gâlava,
je vois ton corps ressembler à celui du soleil aux mille
rayons, revêtu, au matin, d’un manteau de lumière.
» Je vois, brisé par le vent de tes ailes, les arbres, qui
(1) Les Indiens, chez lesquels il faut chercher l'origine de plusieurs
choses, nomment le septentrion le Haut, Outlara, comme nos paysans
disent le vent du haut pour l'aquilon, le vent du nord.
OUDYOG A-l'ARV A.
223
semblent eux-mêmes s'avancer, oiseau, et me suivre dans
ma course. 3,855 — 3,856.
# Tu semblés, habitant des airs, arracher, pour ainsi
dire, avec la fougue de tes ailes, la terre jointe h ses eaux
et ses mers, unie à ses bois, ses forêts et ses mon-
tagnes. 3,857.
» L'eau monte, avec la multitude des serpents et des
poissons, jusqu’au ciel même, par le vent continuel de tes
ailes, qui parait comme une violente tempête! 3,858.
» Je vois des poissons aux visages de formes pareilles,
des timis, des timingilas, des serpents, des faces-hu-
rnaines, saisis, en quelque sorte, de terreur. 3,859.
» Les bruits, qui viennent de la grande mer, assour-
dissent mes oreilles; je n’entends pas, je ne vois pas, je
ne distingue plus les organes de mon âme. 3,860.
» Que ton excellence s’avance avec lenteur, sans ou-
blier quelles peines sont infligées au meurtre d’un brahine;
je ne vois plus le soleil, cher volatile, ni les points cardi-
naux, ni même le ciel. 3,861.
» Je ne vois plus que ténèbres ; je ne distingue plus
ton corps; tes yeux, être veuu d’un œuf, me semblent
deux nobles perles. 3,862.
» Mais je ne discerne ni ton corps, ni le mien ; à
chaque pas, que tu fais, il me semble que le feu s’échappe
de mes membres. 3,863.
o Donne-moi promptement des yeux ; éteints ensuite
les tiens ! Retiens cette grande impétuosité dans ta marche,
fds de Vinatâ. 3,864.
» Je n'ai, dévorateur des serpents, aucune raison de
faire ce voyage. Retourne, vertueux oiseau, je ne puis
supporter ta vitesse. 3,865.
224
LE MAHA-BHARATA.
» J’ai promis de donner, à mon instituteur spirituel,
huit cents chevaux d’une blancheur éclatante comme la
lune, avec une oreille noire. 3,866.
» Mais je ne vois aucun moyen d'accomplir ce présent;
j’arrête donc mes yeux sur la pensée d’abandonner ma
vie. 3,867.
» Je ne possède aucune richesse; je n’ai pas un ami,
qui soit doué de fortune; et l’on ne peut d’aucune ma-
nière, quelque grand que soit le moyen, ravir ces ma-
gnifiques chevaux. » 3,868.
» Alors, le fils de Vinatâ, sans interrompre son vol,
répondit en riant au malheureux Gàlava, qui jetait ces
nombreuses plaintes : 3,869.
« Tu n’es pas très-savant, brahmarshi, toi, qui veux
renoncer à la vie; le temps n’est pas fait de nos mains ;
le temps est, assurément, un souverain maître et sei-
gneur. 3,870.
» N’est-ce pas ta sainteté, qui m’a poussé ici, dans
cette plage orientale? Mais il est un grand moyen, par
lequel on peut arriver à réaliser ton désir. 3,871.
» Voici le mont Rishabha, qui est voisin delà mer....
Là, après que nous nous serons délassés et que nous
aurons mangé, Gàlava, nous retournerons sur nos pas. »
» Les deux compagnons, le brahme et l'oiseau, des-
cendirent sur la cime du Rishabha, où ils virent une
brahmani, issue de Çandila, qui s’adonnait à la péni-
tence. 3,872 — 3,873.
» Garouda s’inclina devant elle; Gàlava lui rendit ses
hommages; elle accueillit les deux voyageurs par un :
« La bien-venue soit à vous ! » et ils s’assirent sur un lit
dekouças. 3,874.
OUDYOGA-PARVA.
225
» Elle présenta à ses hôtes une nourriture exquise,
offrande enrichie de prières; et, quand ils eurent mangé,
ils s’endormirent, bien repus, sur la terre, où leur âme
s'oublia dans le délire. 3,875.
a Après un instant de repos, le désir de continuer
son voyage réveilla l’oiseau Souparna, qui vit ses plumes
entièrement tombées de son corps. 3,878.
» Le volatile n'était plus qu'une masse de chair, à
laquelle seraient attachés un bec et des pattes. Consterné
à cet aspect, Gàlava de l'interroger : 3,877.
« Quel est, causé par notre voyage ici, ce malheur où
ta grandeur est tombée? Aurons-nous long-temps à faire
séjour en ces lieux? 3,878.
» Aurais-je conçu quelque pensée criminelle, une chose,
d'où serait vicié le devoir? Cette faute ne doit pas être
d'une très-faible importance pour ta grandeur! » 3,879.
<« Voici, répondit au brahmarshi l’oiseau Garouda, une
pensée, qui m’est venue, brahrne : j’ai songé à tuer, je
veux dire à faire passer d'ici cette pieuse dame anacho-
rète aux lieux, où réside l’auteur des créatures. 3,8S0.
o Qu’elle habite, me suis-je dit, là où est le Dieu Mahù-
déva, où est l'éternel Vishnou, où sont le devoir et le
sacrifice. » 3,881.
» J'en demande pardon à la révérende, mais c’était par
le désir de son bien. Voilà quelle pensée j’ai roulé dans
mon âme, certainement! affligée. 3,882.
» Ainsi j’aurais ici même, par une grande estime,
accompli cette action, que tu ne désirais pas. Bonne ou
mauvaise, daigne me la pardonner dans ta magnanimité.»
« Ne crains pas, répondit alors la pénitente satisfaite
à l’éminent brahrne et au roi des oiseaux ; tu es Sou-
15
VI
22(5
LE M \H V-BHAIIATA.
parna : abandonne la crainte, Garouda ! 3,883—3,884.
» Tu m’as méprisée ; et pourtant, mon ami, c’est le
mépris , que je ne pardonne pas ! Puisse tomber des
mondes le pervers, qui aura du mépris pour moi !
» J’ai obtenu d’arriver à cette éminente perfection
parce que je fus méprisée ainsi, quoique dépourvue de
tous les signes malheureux, et que j’aie donné dans
mou cœur l’hospitalité à la probité des mœurs.
3,885—3886.
» Le fruit des bonnes mœurs, c’est le devoir ; le fruit
des bonnes mœurs, c'est la richesse ; on arrive par les
bonnes mœurs it la prospérité ; les bonnes mœurs tuent
l’infortune. 3,887.
a Va d’ici, roi des oiseaux, va où te conduisent tes dé-
sirs : je ne dois pas être méprisée de toi : où sont d'ail-
leurs les femmes, que tu puisses mépriser? 3,888.
a Tu seras doué , comme ci-devant , et de force et
d'énergie. » Elle dit; et à ce volatile renaquirent des
ailes plus vigoureuses. 3,889.
» Ayant reçu congé de la Çandilide, il s’en alla comme
il était venu, et ne trouva pas les chevaux de la forme
exigée. 3,890.
» Viçvâmilra, se rencontrant sur sa route, vit Gâlava
ainsi porti ; et le plus éloquent des hommes lui dit ces
mots en présence du Vinatide. 3,891.
« Voici le moment, brahme, de me faire le don de cette
richesse, que tu m’as promise ; ou c’est ce que pense ta
sainteté. 3,892.
» J'attendrai un autre instant, brahme, aussi long-temps
qu’il te faut pour achever heureusement ce voyage : tu
m'entends? » 3,893.
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OUDYÔGA-PARVA.
227
» Souparna tint ce langage à son ami consterné ,
plongé dans une profonde douleur : « Viens donc, Gà-
lava ! Nous délibérerons plus tard , 0 le meilleur des
brahmes, sur les paroles, qu’a prononcées Vlçvàmitra en
ma présence. Tu ne peux l’asseoir avant que tu n'aies
donné complètement à ton gourou la richesse demandée. »
3,894 — 3,895.
» Le plus excellent des oiseaux, Souparna dit alors à
Gàlava contristé : « Parce que hiranya, l'or, créé dans la
terre par le feu et augmenté par le vent, soutient et sup-
porte tout, on appelle cette richesse hiranmaya , faite d’or.
3,890—3,897.
» La richesse, continuellement sous l’influence des
ProshihapadiU , reste immortelle dans les trois mondes en
Çoukra et Kouvéra. 3,898.
» (’.oukra reçut des enfants de Manou cette richesse
acquise par sa pensée ; elle est conservée par les Roudras,
His, Brahma et le Donateur des richesses. 3,899.
» Ainsi, il est impossible de l’obtenir ; et, sans cette
richesse, qui ne doit pas être obtenue, tu n'as aucun
moyen d’acquérir les chevaux. 3,900.
» J'ai pour ami un certain roi, né dans la race de Lu-
nus : demande là quelque chose à ce monarque, issu de
la famille des ràdjarshis et qui n’est pas le tourment de
ses sujets ; c’est lui, qui nous mettra au comble de nos
vœux. Nous allons chez lui, son autorité s'étend sur toute
la terre. 3,901—3,902.
» 11 se nomme Yavâti, le saint roi , il descend de
Nahousha, son courage est une vérité. Je lui ai déjà parlé,
et, sollicité par ta sainteté, il te donnera volontiers.
» Son opulence est bien vaste comme celle du Dieu des
228
LE MABA-BBARATA.
richesses. Sachant que telle est son immense fortune ,
fais-le se purifier par l’aumône. » 3,903 — 3,904.
» Tout en causant ainsi et pensant, comme ils pou-
vaient, ils arrivèrent dans Pratishthâna chez Yayâti, le
souverain des hommes. 3,905.
» Quand il eut reçu les honneurs de l'hospitalité, un
arghya, de l’eau pour se laver les pieds, une eau plus
saine pour se rincer la bouche, le fils de Vinatâ, inter-
rogé sur la cause de sa venue, tint alors ce langage.
« Gàlava, que tu vois, rejeton de Nahousha, est mon
ami ; c’est un trésor de pénitences ; il fut le disciple de
Viçvâmitra, sire, pendant des myriades d’années.
3,906—3,907.
» Congédié par son maître , ce révérend lui dit :
« Brahme, il est temps que je donne un présent à mon
instituteur spirituel pour obtenir sa protection. 3,908.
» 11 en parla mainte fois, le gourou enfin, connaissant
la faiblesse de ses moyens , lui répondit avec un petit
mouvement de colère : « Donne-moi donc ! 3,909.
u Donne-moi huit cents chevaux blancs, de noble race,
éclatants comme la lune, avec une seule oreille noire.
» Fais ce présent à ton gourou, Gàlava, si tu veux
m’en faire un ! » Viçvâmitra, l'homme riche en péni-
tence, parla ainsi avec colère. 3,910 — 3,911.
» Ne pouvant lui payer ce prix de ses leçons, l'éminent
brahme vient, affligé d’une profonde douleur, implorer
l’assistance de ta majesté. 3,912.
» Quand il aura de toi, tigre des hommes, reçu cette
aumône, l’anachorète aux grandes pénitences s’en ira,
libre d’alarmes, sûr de faire le présent à son gourou.
» 11 transportera sur ta majesté une partie de ses
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OL'DVOG \-l’.VllV A.
229 *
mortifications : déjà rempli par la pénitence des rà-
djarshis, tes aïeux, il te remplira encore de la sienne.
3,913 — 3,914.
» Autant il y a de poils ici-bas sur le corps d’un che-
val, souverain des hommes, autant de mondes seront
donnés, maître de la terre, à ce présent de chevaux.
n 11 est digne de recevoir ce don, et ta majesté est un
ami digne de le donner. Que ces deux choses soient ainsi
l'une à l’autre pareilles, comme l’eau, qui reste attachée
au fond d’une coquille. » 3,915—3,916.
» A ce langage vrai, supérieur, qu’avait tenu Souparna,
l’auguste monarque Yayâti, le souverain de tout Kâçi, le
répartiteur généreux des aumônes, le sacrifiant de mille
sacrifices, réfléchit mainte et mainte fois, arrêta sa réso-
lution et prononça le discours suivant : 3,917 — 3,918.
a Maintenant que je vois mon cher ami Garouda, et
l'éminent brahrne Gàlava, et ce modèle des pénitences, et
cette mendicité glorieuse, que tu m’as racontée ; 3,919.
» Maintenant que j’ai dépassé tous les rois, nés dans
la race du soleil et que je connais la pensée, qui vous a
conduits en ma présence ; 3,920.
» Ma naissance porte aujourd'hui son fruit; je m’élève
aujourd'hui par-dessus cette famille humaine ; tu me fais
aujourd'hui, Tàrkshya, volatile sans péché, franchir toute
celte contrée. 3,921.
» J’ai envie de raconter, mon ami, comment tu ni' as
connu jadis, vje n’avais pas la richesse, que je possède
maintenant ; et mon opulence, mon ami, s’était évanouie.
» Je suis incapable de faire ton voyage sans résultat,
volatile ; et je ne puis rendre vaine l’espérance de de
brahrne. 3,922 — 3,923.
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280
LE MAHA-BHARATA.
» Je loi donnerai un présent, et il accomplira son
affaire; le renvoyer frustré de l'espérance, qui l’a conduit
ici, consumerait ma famille. 8,024.
» Il n'est rien au-dessus de cette chose, fds de Vinatâ;
c’est appelé un grand crime, et rien n’est plus vrai que
cette parole : >■ 11 n'est rien, qui surpasse ru monde la
perte, qu'a faite l'homme, de son espérance. 3.025.
» S'il n’a point accompli son affaire, l'homme, de qui
l’espérance est étouffée, ressemble à nn mort. En ne fai-
sant pas le bien, il tue ses fils et ses petits-fils. 3,926.
» Il est né de moi une vierge, qui est comme la fonda-
trice des quatre classes : elle ressemble à une fille des
Dieux et elle est douée de toutes les vertus. 3,927.
» Reçois de moi, Gàlava, cette jeune enfant, de qui la
beauté alluma toujours les désirs des Asouras, des hommes
et des Dieux. 3,928.
» Les rois à cause d’elle donneraient, c’est assuré, leur
monarchie même en dot ; à plus forte raison donneraient-
ils ces deux fois quatre centaines de chevaux avec une
oreille noire! 3,929.
* » Que ta sainteté reçoive de moi celle fille enivrante ;
que j’aie des petiis-fils nés de ma fille Voilà, seigneur,
quel est mon présent. 3.930.
a Quand vous l’aurez, le volatile et toi, reçue de ma
main, vous verrez ensuite! » Il dit, et Gàlava s'en alla
avec la jeune fille. 3,931.
» Il nous a donné la clé (1) de l’écurie, « fit l'oiseau.
A ces mots, il dit ■ dieu à l' lier mi te, et s’en retourna dans
son palais. > 3,932.
(1} Littéralement: la porte des chevaux.
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OCDYOGA-PARVA.
251
» Après le départ du roi des oiseaux, l'anachorète,
resté avec la jeune fille, pensant A la puissance de l’au-
mône cher, les rois, vint les trouver pour tirer d’eux une
dot. 3,033.
» 11 se transporta par un acte de sa pensée dans
Ayodhyà cher lkshwàkou-Haravaçwa, le plus vertueux
des rois, doué d'une graude vigueur et maître d’une
armée en quatre corps. 3,034.
» Il avait des troupes, des grains et des trésors; il était
aimé des habitants de ses villes, il était l'ami des
brahines et l’amour de ses sujets ; placide, il exerçait une
pénitence supérieure. 3,035.
» Le brahrne Gàlava de s’avancer, et : « Cette vierge
me fut donnée, Indra des rois, dit-il A Haryaçwa, pour
augmenter de ses fils ta famille. 3,936.
» Accepte-la en qualité de ton épouse pour une récom-
pense; je te dirai, Haryaçwa, quelle est cette récompense;
et, quand tu le sauras, penses-y bien 1 » 3,937.
» Le roi Haryaçwa, le plus grand des monarques, réflé-
chit long-temps, poussa de longs et brûlants soupirs, que
lui inspirait son désir d’avoir des fils, et répondit à Gà—
lava : 3,938.
o Cette vierge, qui est grande dans les six choses
grandes, mince dans les sept minces, profonde dans les
trois qualités profondes, et rouge dans les cinq jolis objets
rouges (1), 3,039.
(i) Ces vers rappellent à mon souvenir les neuf distiques de Krauciscus
Corriger De Mulieribut : je n’eu citerai ici, pour cause, que les trois pre-
miers :
Triginta hæc babeat, qute vult formosa vocari,
Fœmina, sic Helenam f&ma fuisse refert.
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232
LE M AH A-BH AR ATA.
» A laquelle sont donnés beaucoup de inondes des
Asouras et des Dieux, qui réjouit la vue de plusieurs
Gandharvas, qui est douée de plusieurs perfections et qui
porte beaucoup de fils à naître -, 3,940.
» Elle est capable de mettre au jour un empereur uni-
versel, mou fils! Promène tes yeux sur ma richesse, et
dis-moi, ô le plus vertueux des brahmes, quel est ce prix,
dont il faut te l'acheter. » 3,941.
« Donne-moi, reprit Gâlava, huit cents chevaux blancs,
éclatants comme la lune, beaux, de noble race, et qui
aient, d’un seul et même côté, une oreille noire. 3,942.
» Ensuite, cette femme charmante aux grands yeux,
sera la mère de tes fils, comme le bois sec de l'acacia porte
les feux dans son sein, u 3,943.
» A ces mots, le roi Haryaçwa, le saint monarque, fou
d’amour, adressa ces paroles avec tristesse à Gâlava, le
rishi des brahmes : 3,944.
u Je n'ai pour le moment que deux cents chevaux de
l’espèce, que tu me désignes ; mais d'autres coursiers,
objets d'envie, se promènent dans mes parcs. 3,945.
• » Je veux engendrer un seul fils dans son sein, Gà-
lava : que ta sainteté ve ille bien m’accorder cette faveur
éminente. » 3,940.
» A ces mots, la jeune vierge adressa ces paroles à Gâ-
lava : « Certaine grâce me fut accordée |>ar un certain
murmurateurdes Védas. 3,947.
Alha tria, et totidem nigra, cl tria rubra puella :
Tre* haheat longag re», totidemque brèves f
Très crassas, totidem gracile* : tria utricta, tôt ainpla,
Sint itidem huic forma*, tint quoque par va tria..
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OUDYAGA-PARVA.
233
« A chaque enfant, que tu mettras au monde, tu resteras
vierge ! » m’a-t-il dit. Donne-moi donc au roi, et reçois
ses magnifiques chevaux. 3,948.
» Ces huit centaines de coursiers seront par moi com-
plétées avec quatre monarques, et quatre fils me seront
ainsi donnés. 3,949.
» Arrange bien vite l'affaire de ton instituteur spirituel,
ô le plus vertueux des brahmes : voilà quelle est mainte-
nant ma science ; ou c'est, brahme, comme tu penses. »
» A ces paroles de la vierge, l’anachorète Gâlava tint
alors ce langage au maître de la terre, Haryaçwa :
3,950—3,951.
« Reçois, Haryaçwa, celte jeune fille (.engendre en son
sein, ô le plus excellent des hommes, un seul fils pour un
quart de la dot. » 3,952.
» Celui-ci reçut la vierge, il salua Gàlava, et, suivant
la convention, dans le temps et le lien, il acquit ce fils,
qu’il desirait obtenir. 3,953.
» Le plus riche de tous ceux, qui possèdent la richesse,
ce souverain était alors surnommé Vasoumanas; il avait
l’éclat de l’opulence, et distribuait la fortune d'une main
généreuse. 3,954.
» Le sage Gâlava s'avança vers le roi dans le moment
des couches; et, quand il fut auprès de lui, il dit à Ha-
ryaçwa, qui avait l’ âme joyeuse : 3,955.
i. Sire, il vient de te naître un fils, jeune enfant, sem-
blable au soleil : il est temps que nous allions, ô le plus
grand des hommes, solliciter une aumône auprès des
autres monarques. » 3,950.
•i Haryaçwa se tint debout à cette parole de vérité, et,
rappelant à lui son courage, il rendit à l’anachorète Mà-
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234
LE MAHA-UHUUTA.
dhavt, pour la difficulté d’obtenir ces chevaux. 3,957.
» Rentrée volontairement dans sa virginité nouvelle,
Màdhavî, abandonnant la prospérité flamboyante du roi,
suivit par-derrière les pas de Gâlava. 3,958.
« Las chevaux, fit l’anachorète, vont maintenant dépen-
dre de toi ! » et il avança, accompagné de la jeune prin-
cesse, vers Divodàsa, le souverain des créatures. 3,959.
« Divodàsa, surnommé Rhatuaaséna, 'est un auguste
monarque des hommes ; il possède une grande vigueur;
il commande aux habitants de K&çi, il est le roi de la
terre. 3,960.
u Nous allons chez lui ; avance lentement , vierge émi-
nente ; ne t’afflige pas; c’est un roi vertueux, il est doué
de la vérité et de la répression des sens. » 3,961.
» S’étant approché de lui, il en reçut les honneurs de
l'hospitalité suivant l’étiquette, et raconta au monarque
ce qui avait rapport à la naissance d’un jeune prince.
« Je l’ai déjà ouï dire, lui répondit Divodàsa; qu'avais-
tu besoin de parler avec ces détails? Le seul récit, ô le
plus excellent des br&hmes, me donne l’envie de cette
affaire, 3,962—3,963.
» Qui est très-estimée de moi ! Car tu as dédaigné beau-
coup de rois pour venir me trouver Cette chose aura
lieu bientôt, sans doute ? 3,964.
n Nous possédons cette richesse de chevaux, Gâlava;
et nous devons engendrer au sein de cette vierge un seul
fils uniquement. » 3,965.
» Quand il eut parlé ainsi , le plus éminent des
brahnies donna la jeune fille au monarque : et celui-ci
reçut la vierge de la manière précédente. 3,966.
» Et le saint roi jouit d’elle comme le soleil de Pra-
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OllDYOGA-PARV A.
235
bhâvati, comme Agni de Swâhâ, comme Indra même de
Çatchl ; 3,967.
» De même que Limus de Rohinl, de même qu’Yama
d’Oûrmilà, de même que Varouna de Gaàurl, de même
que Kouvéra de Riclhi ; 3,968.
' » Comme Nàrâvana de Lakshmi, comme l’Océan de la
Gangà, comme Roudra de Roudraml, comme le Pitàmaha
de Dévî ; 3,969.
» De même que le Vaçishthide jouit d’Adriçyanthl, de
même que Vaçishtha d'Akshamàlâ, de même que Tchya-
vana des jeunes Soukanyas, de même que Poulastva de
Sandhyâ; 3,970.
» Comme Agastya de Vaîdarbhl, comme Satyâval de
Sâvitri, comme Bhrigou de Poulomà, comme Kaçyapa
d’Aditl ; 3,971.
» Comme Ritchika de Rénoukà, comme le Kouçikide
d’Hairnavatî, comme Vrihaspati de Tàrà, comme Çoukra
de Çataparvâ; 3,972.
» De même que Bhoùmipati de Bhoilmi, de même que
Pouroûravas d'Onrvaçl, de même que Ritchîka de Satya-
vatî, de même que Manou de Saraswail; 3,973.
» De même que Dousshwanta de Çakountalâ, de même
que l’immortel Devoir jouit de Dhriti, de même que Nala
de Damayantl, de même que Nàrada de Satyavati ; 3,97â.
Comme Djaratkàrou de Djaratkàrou, comme Poulastya
de Pratitcbyà, comme Ournàyou de Ménakà, comme
Toumbourou de Ramblià; 3,975.
De même que Vâsouki de Çatashlrsha, de même que
Dlianaudjaya de Koumarl, de même que Ràma de Sltâ la
Vidéhaine, de même que Djanârddjaya de Roukmint (1).
(1) Il e»l inutile d’avertir que, depuis le trois mille neuf cent soixante-
•286
LE M iVHA-BHARATA.
» Màdhavl mit au inonde un fils unique, Pratarddana,
pour le monarque, qui s'ébattait ainsi avec elle.
» Ensuite le vénérable Gàlava, quand le temps de la
convention fut expiré, vint trouver Divodâsa et lui tint ce
langage : 3,976 — 3,977 — 3,978.
« Que ta majesté me rende la jeune fille et mette les
chevaux à ma disposition, afin que j'aille ailleurs, souve-
rain de la terre, quêter une autre dot! i 3,979.
» Et, fidèle à la vérité de la convention faite avec l'ana-
chorète, le vertueux roi Divodâsa lui remit la jeune prin-
cesse. 3,980.
» L’illustre Mâdbavl redevint une vierge et, descendant
du trône, elle suivit le brahrne Gàlava, sans s’écarter de
la vérité des conditions promises. 3,981 .
» L’hermite, réfléchissant et l’âme pénétrée de son de-
voir, s’en alla dans la ville de Bliodja voir le monarque ( J)
Ouçtnara. 3,982.
» 11 s’avance et dit au roi, de qui le courage était une
vérité : « Cette jeune vierge mettra au monde deux jeunes
princes, qui seront tes fils. 3,983.
» Quand ta majesté aura engendré en son sein deux
fils, semblables au soleil et à la lune, elle aura accompli -
toute sa destinée, et dans ce monde, et dans l’autre.
» 11 faut me donner pour dot, ô toi, qui connais tous les
devoirs, quatre cents chevaux d'une blancheur éclatante
comme la lune, ayant d’un seul côté une oreille noire.
3,984—3,985.
» Celte entreprise est afin de récompenser mon itisti-
neuvième çloka inclusivement, nous u’avons plus ici que le badinage, d’uu
copiste, qui jouo av c sa mémoire.
(i) Littéralement : fils (f Ouçinara ; mais, dans tout le reste de la
narration, il est appelé Ouf inara même, qui fut le père de Çivi.
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OUDYOG.V-PAKVA.
237
tuteur spirituel : moi, qu’ai-je besoin de chevaux? Si la
chose est possible, grand roi, qu'elle soit faite sans ba-
lancer. 3,986.
“ Tu es sans postérité, roi saint, engendre, sire, deux
fils ; sauve du fleuve infernal et tes aïeux et ton Aine sur
la barque de ces fils ! 3,987.
» Le père, qui mange le fruit d'un fils, n’est pas jeté à
bas du ciel; il ne descend pas dans l'épouvantable Na-
raka, comme y tombent ceux, qui n’ont pas de fils. »
» Dès qu’il eut entendu ce langage et d'autres divers,
qne lui tint Gàlava, le roi Ouçlnara lui rendit cette ré-
ponse : 3,988 — 3,989.
« J’ai entendu le discours, que tu viens de prononcer,
Gàlava : le Destin est puissant, et ma vie est à son dé-
clin. 3,990.
» Mais je n’ai que deux cents chevaux tels que tu les
demandes. Des milliers d'autres, en bien grand nombre,
se promènent dans mes para. 3,991.
» Je vais donc engendrer en son sein un fils seulement,
Gàlava, et j'irai dans la route, brahme, où m’ont précédé
mes devanciers. 3,992.
, » Que je fasse une chose égale à la moitié de la dot,
que tu demande *, <i le plus excellent des brahmes ; ma
politique est de combler les vœux des habitants de uia
cité, non de satisfaire à mon désir de volupté. 3,993.
» Un roi, qui donne aisément les richesses d’autrui,
n’est rangé, comme une personne vertueuse, ni dans la
vertu, ni dans la renommée. 3,994.
» Je recevrai, comme ta sainteté me la donne, cette
jeune fille vierge, enfant des Dieux, pour la naissance
d’un seul fils. » 3,995.
238
LE MAHA-BHARATA.
u Le plus excellent des brahmes, Gâlava rendit, en
échange des siens, les honneurs au roi Ouçinara , qui
avait parlé ainsi de la jeune fille ; 3,996.
» Et, quand il eut embrassé les pieds du monarque, il
partit pour la forêt. Le souveiain, s’étant abouché avec
la vierge, s’ébattit dans sa compagnie : tel, dans les cieux,
un homui aux œuvres saintes jouit de la félicité.
» II s'enivra de plaisir dans les grottes des montagnes,
dans les cataractes des rivières, dans ses pavillons, dans
ses palais et dans les chambres d'intérieur, 3,997-3,998.
» Dans ses jardins admirables, dans les forêts, dans ses
bocages, dans ses délicieux hôtels et sur les plaie-formes
de ses châteaux. 3,999.
» Ensuite, au temps exigé par la nature , lui naquit
un üls, semblable au soleil enfant ; il fut appelé du nom
de Çivi et fut un des plus vertueux rois. 4,090.
o Le brahme Gâlava revint auprès de lui, il reprit sa
jeune princesse; il s’était remis en route, quand il vit,
sire, l oiseau, fds de Vinatâ. A, 001.
» Le volatile en riant tint ce langage au solitaire :
o Quel bonheur de revoir ici ta sainteté, brahme, par-
venue au comble de ses vœux ! » 4,002.
» Ayant ouï ces mois prononcés par le Vinatide, Gâ-
lava se mit à lui raconter son histoire, entrée dans la
quatrième partie. 4,003.
» Souparna , le plus excellent des êtres doués de la
parole , répondit alors à ce Gâlava ; « Epargne-toi cet
effort, car il ne te réussira point. 4,004.
# En effet, Gàdi, le roi du kauyakoubdja répondi
ainsi à Ritchlka, qui avait choisi pour épouse la jeune
Satyavati, sa fille : 4,005.
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OLDVOG A-PARVA.
239
o Révérend, il te faut me donner mille chevaux blancs
comme la lune, mais ayant d'un côté une oreille noire ! o
Ce lurent là ses termes, Gàlava. A, 000.
Soit ! » répondit Ritchlkà, qui s'en alla au séjour de
Varouna ; puis, ayant reçu des chevaux dans Açwattrtha,
il les donna au prince. 4,007.
» De ces coursiers, les uns furent distribués aux
brahuies par le roi Poundarika dans un sacrifice ; deux et
deux centaines vendues tombèrent daus les mains des
princes. 4,00S.
» Les quatre cents autres, éminent brahme, furent en-
levés dans la route (1), pendant qu’on les amenait.
» Ainsi, il est impossible, Gàlava, d'arriver jamais à
ce qui ne peut être atteint. Donne à Viçvâmitra cette
princesse comme une valeur égale à deux cents chevaux ;
et, sage, présente-toi devant lui avec tes six cents cour-
siers. Ainsi, tu ne seras point accusé de folie, ô le plus
excellent des brahmes, et tu auras atteint ton but. »
u Soit! » répondit Gàlava, qui, ayant pris les.chevaux
et la jeune fille, s’en alla, accompagné de Souparna à
l’hermitage de Viçvâmitra. 4,009 — 4,0 10 — 4,011 — 4,012.
« Voilà, dit-il, six cents chevaux, qui sont dans les
conditions désirées. Que la sainteté reçoive cette jeune
fille pour deux centaines. 4,013.
» Les rois saints ont déjà engendré en son sein trois
vertueux fils! Que ta sainteté fasse naître dans elle un
seul fils, qui sera le quatrième et le plus grand des
hommes. 4,014.
(t) Santdra, q'ii manque à loua les millionnaire,; je le traduis par route,
traversée, voyage.
240
LE MAHA-BHARATA.
» Que ta révérence accepte comme complètes les huit
centaines de chevaux; et que, libre de ma dette à ton
égard, je puisse à mon gré cultiver la pénitence. » 4,015.
» Dès que Viçvâmitra vit la jeune vierge et Gâlava,
accompagné du volatile, il tint alors ce langage : 4,016.
« Pourquoi cette jeune fille, Gâlava, ne m’a-t-elle pas
été donnée ici avant ce jour? J’aurais d'elle maintenant
: quatre fils, les supports de ma famille ! 4,017.
» J’accepte ta jeune vierge pour me créer seulement
un fils; et que tes chevaux, entrés dans mon hermitage,
s'y promènent de tous les côtés! » 4,018. -
» Viçvâmitra à la grande splendeur s’ébattit donc avec
elle, et son fils Ashtaka fut engendré au sein de Mâ-
dhavl. 4,019.
» A peine ce fils lui fut-il né, le grand anachorète le
dota des chevaux, des biens et des vertus, dont un homme
puisse être doué. 4,020.
u Ashtaka grandi se dirigea vers la ville, éclatante
comme te cité de Lunus; et le Kouçikide, ayant rendu la
jeune fille à son disciple , se relira dans les forêts.
» Ensuite Gâlava, quand il eut gratifié d'un présent,
avec Souparna, sa quadruple vierge, lui dit avec l'âme
satisfaite : 4,021 — 4,022.
« 11 est ué de toi quatre fils : l’un, qui aime l'aumône,
* l’autre, qui est un héros, il le troisième, qui se complaît
dans le devoir de la vérité ; et le dernier, qui se fait un
plaisir des sacrifices. 4,023.
» Va-l-en maintenant, fille à la taille charmante 1
Ton père est sauvé par tes fils; les quatre rois et moi,
vierge mignonne, nous le sommes également. 4,024.
» line fois qu'il eut congédié l’oiseau, dévorateur des
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OUDYOGA-PARVA.
241
serpents, et rendu la jeune fille à son père, Gâlava de
s’enfoncer dans les forêts. A, 025.
» Ensuite, conduit par le désir de célébrer le Stvayam-
vara de sa fille, le roi s’.'ivançajusqii’àl'hennitage situé au
confluent du Gange et de l’Yamounâ. 4,020.
» 11 fit monter dans un char Màdhavt, qui portait des
guirlandes de fleurs : Pourou et Yadhou couraient dans
l’ henni tage autour de leur charmante sœur. 4,027.
» Là , était une affluence considérable d’hommes
accourus de contrées diverses, d’habitants des forêts, des
arbres, des montagnes, de volatiles, de quadrupèdes et de
Gandharvas, d’enfants de Manou, d’Yakshas et de ser-
pents à figure humaine. Le bois était rempli de souverains
et couvert de rishis, semblables à Brahma. 4,028 — 4,029.
» Au milieu de ces prétendants choisis, la noble vierge,
dédaignant tous les hommages, fit du bois son fiancé.
» Descendue de son char, la fraîche fille d’Yayâti se
prosterna aux pieds de ses parents, s’élança dans la forêt
et s’y livra à la pénitence. 4,030 — 4,031.
» Par des jeûnes, par différents sacrifices, par des pé-
nitences volontaires, elle diminua le poids de sa personne,
et marcha avec le pas d’une gazelle. 4,032.
» Elle errait au milieu des prairies douces, amères,
tendres, grêles, vertes et semblables à des fragments de
lapis-lazuli. 4,033.
» Elle buvait l’onde exquise, limpide, savoureuse,
fraîche et pure des rivières saintes. 4,034.
» Elle égarait ses pas dans ces bois privés de tigres et
de lions, dans ces leurrés solitaires, exempts du feu, qui
dévorait les taillis. 4,035.
» Elle parcourait les forêts avec les antilopes comme
vi 10
LE MAHA-BHARATA.
242
une gazelle ; elle pratiquait ensevelie sous la continence,
le devoir d’une grande macération. 4,036.
» Après qu’il eut suivi la conduite des rois ses devan-
ciers, Yayàti, âgé de plusieurs milliers d’années, obéit à
la loi d’Yama. 4,037.
» Il eut, pour accroissement de sa race, Pourou et
Yadou , le plus grand des hommes ; c’est sur eus que
s'appuyèrent le monde ici-bas et le iils de Nahouaha
dans l’autre vie. 4,038.
a L'auguste monarque Yay&ti s'éleva au ciel, maître de
la terre ; et ce roi, semblable à un maharshi, savoura le
plus beau fruit du Swarga. 4,030.
» 11 s’écoula un temps richement doué de qualités et
supputable par beaucoup de milliers d'années, lin jour que
les saints rois étaient assis avec les plus grands des Ma-
harshis, Yayàti, de qui l’âme était pénétrée d'orgueil et le
discernement offusqué, se mit à mépriser les hommes,
tous les chœurs des saints et les Dieux eux-mêmes.
4,040—4,041.
» Le Dieu, qui détruit les armées, Çakra l’aperçut :
« Fi ! fi donc 1 » lui disaient tous les râdjarsliis. 4,042.
a A l’aspect du fils de Nahousha, ces pensées leur nais-
saient dans l’esprit : a Quel est cet homme ? De quel roi
descend-il ? Comment est-il venu lui-mêmeici ? 4,043.
n Par quelle œuvre a-t-il obtenu la perfection ? Où
s’est-il amassé un trésor de pénitences? Comment est-il
connu dans le Swarga? ou par qui môme y est-il connu? »
n Tout en roulant ces pensées, les habitants du ciel, à
la vue du monarque, ^interrogeaient mutuellement sur
le roi Yayàti. 4,044 — 4,045.
» Les gardes des palais, les préposés aux portes du
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OUDYOGA-PARVA.
243
Swyga et les gardiens dès] trônes par centaines l'inter-
rogent et lui disent : « Nous ne te connaissons pas. »
» Tous, ils avaient dans ce moment le discernement
obscurci, et ne reconnaissaient pas le monarque : en un
instant ce roi avait perdu sa vigueur. 4,046 — 4,047.
» Chassé de son rang et de son trône, il tomba, vaincu
par son âme tremblante et par le feu du chagrin, sa con-
naissance égarée, ses guirlandes flétries, ses bracelets et
ses pendeloques rompus, tons ses membres disloqués, se
roulant de désespoir, sa robe et ses parures enlevées.
4,048-4,049.
» Invisible, voyant les habitants du ciel et ne les voyant
pas, les revoyant après, et ne les revoyant plus, vide en
son âme vide, il jetait des regards répétés sur la face de
la terre. 4,050.
« Quelle mauvaise pensée, soulevée dans mon cœur,
y put corrompre la vertu, songeait le roi, pour qué j’aie
mérité d’être chassé de mon rang? » 4,051.
» Les rois, et les Siddhas, et les Apsaras virent alors
tomber Yayâti sans appui. 4,052.
» Un certain homme, chargé du péché de sa pureté dé-
chue, étant survenu là, dit ces mots à Yayâti, en pré-
sence du souverain des Dieux : 4,053.
<■ Excessivement enivré d'orgueil, il n’était rien que tu
ne méprisàsses : tombé de ton arrogance, fils d’un roi,
tu n’es plus digne du Svvarga. 4,054.
» On ne te connaît plus ! Va! tombe ! » lui dit-il ; et le
fils de Nahousha lui répondit par trois fois : « Puissé-je
tomber au milieu des gens de bien ! » 4,055.
» Le plus fortuné des hommes, qui possèdent une voie,
au moment de tomber, peosa à sa voie, et, dans un temps.
LE MAHA-BHARVTA.
244
qui eut la durée d’un clin-d’œil, il vit quatre rois, les plus
éminents des souverains; c’étaient Putarddana, Vasou-
mânas, Çivi, fils d’Ouçlnara, et Ashtaka. 4,056 — 4,057.
» Ils rassasièrent le monarque des Dieux par un sacri-
fice Vâdjapéya, et la fumée, sortie de leur holocauste, s’é-
leva jusqu’à la porte du Swarga. 4,058.
» Yayàti les baisa et tomba sur la terre. On aurait dit
un fleuve ondoyant de fumée , par lequel ce globe est
uni au Swarga. 4,059.
» C’est ainsi que, dans la chûte du Gange à la terre,
le souverain du monde se mêle à ses flots. Le roi tomba
au milieu de ses quatre fortunés collègues au sommet des
honneurs et semblables aux gardiens du monde. Le mo-
narque Yayâti descendit, une fois arrivée la destruction
de sa pureté, au milieu de ces quatre grands feux des
principaux rois, semblables aux feux du sacrifice ; et tous
ces princes de lui dire, le voyant comme enflammé de
prospérité: 4,060 — 4,061 — 4,062.
« Qui est ta majesté? De qui es-tu le parent ? De quel
pays? De quelle ville es-tu? Es-tu un Yaksha, ou un
Rakshaka, ou un Gandharva, ou un Dieu? 4,063.
» Tu n’as, certes! pas la forme d’un homme I Quelle
chose désires-tu faire ? » 4,064.
« Je suis, répondit-il, Yayâti, le saint roi ! Le mérite
de ma vertu évanoui, je suis tombé du ciel : « Puisse ma
chûte se faire au milieu des gens de bien ! » ai-je pensé,
et je suis tombé entre vos majestés. » 4,065.
« Puisse la chose désirée par toi, ô le plus éminent des
hommes, lui dirent ces princes, devenir une vérité pour
toi ! Reçois de nous tous le mérite de notre devoir accom-
pli et le fruit de nos sacrifices. » 4,066.
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OUDYOGA-PARVA.
2A5
« Je ne suis pas un brahmc, à qui l'on donne la ri*
chesse en présent, reprit Yay&ti ; je suis un kshatrya:
mon esprit n’a pas su garder la modestie dans la perte de
la vertu d'autrui. » A, 067.
» En ce moment, ces rois virent Mâdhavl qui revenait
de suivre les usages des gazelles; ils s’inclinèrent devant
elle et lui dirent : A, 068.
« Quelle est la cause de ta venue ? Quel ordre de toi
nous faut-il exécuter ? Commande-nous, femme riche en
pénitences ; nous sommes tes Qls ! » A, 069.
» Dès quelle eut entendn leurs paroles, Mâdhavl fut
remplie d’une joie suprême ; elle s'approcha de son père
et se prosterna à ses pieds, A, 070.
u Les toucha de son front, et la femme ascète adressa
la parole à ses fils : « Ce sont, Indra des rois, les fils de
ta fille, mes fils, qui ne te sont pas étrangers. A, 071.
» Us te sauveront : cela fut aperçu dès les anciens
temps : moi, je suis ta fille, sire, Mâdhavl, laquelle suit
la vie des gazelles. A, 072.
» J'ai amassé le mérite de la pénitence ; reçois-en donc
la moitié. Tous les hommes désirent, comme toi, monarque
de la terre, obtenir des fils de leur fille, afin de participer
au mérite d'un fils, a Ensuite, ayant incliné leur tète
devant leur mère, tous ces princes rendirent l'hommage à
leur grand-père maternel, et lui adressèrent la parole.
Uemplissant la terre de voix hautes, douces, incompa-
rables, les monarques sauvèrent leur aïeul maternel,
tombé du ciel. Gàlava, de son côté, s’étant approché du
souverain, lui dit : A, 073 — A,07A — A, 075 — A, 076.
« Que ta majesté remonte au ciel, grâce à la huitième
partie de ma pénitence ! » A, 077.
ua
LE MAHA-BHARATA.
» A peine eût-il reçu le congé de ces princes vertueux,
le monarque, élevé au-dessus des hommes, monta vers le
ciel, sans toucher la terre. 4,078.
» Yayâti reprit son rang dans les cieux; ses soucis
furent dissipés; il revêtit sa robe et ses divines guir-
landes; il se para de ses célestes atours. 4,079.
» Doué d’un parfum céleste, il ne loucha pas même la
terre de son pied. Ensuite, Vasoumânas, appelé dans le
monde le Roi-de-l’aumône, s'adressant au roi, qui s éle-
vait dans les airs, prononça le premier ces paroles : « Les
choses irréprochables dans toutes les castes, que j’ai
acquises dans le monde, je t’en fais présent; que ta ma-
jesté soit donc environnée de ce don I Puisse le fruit mérité
par l'aumône et le fruit mérité par la patience, puissent
ces fruits, que j’ai reçus, se reverser sur la tête de ta
majesté ! » Après lui, Pratarddana, le plus excellent des
kshatriyas, articula ces paroles :
4,080—4,081—4,082—4,083.
« Comme il est vrai que je me suis toujours complu
dans la pratique de mon devoir ; comme il est vrai que je
fus toujours adonné à la guerre, puisse la renommée, que
j’ai acquise dans le monde et qui couronne la famille du
kshalrya, 4,084.
o Attacher à ta majesté le fruit de ce qu’on appelle
l’héroïsme ' » Le sage Çivi, lils d’Ouçinara, fit entendre
ces douces paroles : 4,085.
o Comme il est vrai que je n’ai jamais prononcé une
parole fausse, ni avec les enfants, ni avec les femmes, ni
dans mes promenades, ni dans les promesses, ni dans la
colère, ni dans le bonheur ou dans l'infortune, marche
dans les cieux avec la vérité ! Comme je renoncerais aux
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OL’DYOGA-PARVA.
247
plaisirs, à mes oeuvres, à mon royaume, à l’existence,
mais & la vérité jamais, marche, sire, au sein des airs
avec la vérité ! Comme je pratique le devoir avec vérité,
comme j'honore le feu avec vérité, comme j’ai satisfait
Çatakratou, monte dans les cieux sur les ailes de la vé-
rité I » Le roi saint, fils du Kouçikide et de Màdhavi,
4,086 — 4,087 — 4,088 — 4,081».
» Qui connaissait le devoir, s’approcha du fils de Na-
housha, qui avait célébré plusieurs centaines de sacrifices,
et dit : « Seigneur, j'ai des ombrelles par centaines et
j’ai offert maintes fois le sacrifice de la vache, 4,090.
» Et des sacrifices Vàdjapéyas ; que la récompense t’en
soit accordée ! Comme il est vrai qu’il n’est rien, qui ne
doive être employé dans mes sacrifices, ni richesses, ni
joyaux et tout autre accessoire, monte avec cette vérité au
sein du ciel ! « A chaque fois que ses petits-fils adres-
saient la parole au monarque des hommes, à chaque fois
le roi abandonnait la terre et s’élevait dans les cieux.
Ainsi tous ces princes s'empressèrent de sauver ensemble
par leurs bonnes actions Yay&ti, précipité du Swarga. Les
petits-fils, nés dans les quatres dynasties royales pour
l’accroissement de la famille, firent monter au ciel leur
aïeul à la grande science par leurs vertus, leurs exploits,
leur aumône et leurs sacrifices. [De laitance 4,091 à la
ttance 4,096. •
u Nous sommes les fils de ta filée, lui dirent ces rois;
nous sommes doués de toutes les vertus et de toutes les
qualités royales ; nous possédons tous les devoirs en nous-
mêmes; monte au ciel, sire I » 4,096.
» Élevé dans les cieux par ces verlueux princes aux
nombreux présents honorifiques, Yayâti, ayant pris
248
LE MAHA-BHARATA.
congé de ses petits-fils, rentra dans le Swarga. 4,097.
» Arrosé d'une pluie imprégnée du parfum de fleurs
diverses, embrassé d'un vent pur aux senteurs immacu-
lées, arrivé au lieu inébranlable, conquis par les mérites
de scs fils , et comblé de leurs œuvres, il flamboya d’une
félicité suprême. 4,098 — 4,099.
» Il fut accueilli dans le Swarga avec joie, au son des
tambours, aux chants et aux danses des chœurs d’Apsa-
ras et de Gandharvas. 4,100.
» Célébré par les divers Tchâranas, les rois saints et
les Dieux, honoré d’un arghya sublime et félicité par les
Divinités, 4,101. •
» Quand il eut obtenu la jouissance du Swarga, faïeul
suprême des créatures lui dit, portant avec ces paroles la
joie dans son âme placide et contente : 4,102.
« Augmenté par des œuvres humaines, tu as rendu ses
quatre pieds à la vertu. Ce monde est impérissable pour
toi, et ta renommée est indestructible dans le ciel même !
» Mais tu as empêché tous les habitans du Swarga
dans le cours de leurs bonnes actions, roi saint, et leur
âme fut enveloppée d’obscurité. 4,103—4,104.
» Aussi ne te reconnaissaient-ils pas, et, méconnu
d’eux, tu fus précipité du ciel ; mais tes petits-fils ont eu
du plaisir à te sauver; tu es revenu ici. 4,106.
» Tu as reconquis par tes œuvres et tu as obtenu un
rang inébranlable, éterpel, pur, sublime, permanent, im-
périssable. » 4,106.
« Adorable, il est un doute pour moi, reprit Yayàti;
daigne éclairer mon àme. 11 ne me sied pas que jet’ adresse
une autre question, aïeul suprême des mondes. 4,107.
» J’ai acquis, durant plusieurs milliers d’années, une
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OUDYOGA-PARVA.
249
vaste récompense par la multitude de mes aumônes et de
mes nombreux sacrifices, accrue même par la défense des
créatures. 4,108.
» Comment un espace de temps si court a-t-il pu la
détruire et me faire tomber ? Tu sais, Adorable, que les
mondes éternels furent créés pour moi I 4,109.
» Comment ai-je pu voir tout cela s’évanouir, Dieu à
la grande lumière ? » 4,110.
Brahma lui fit cette réponse :
« Ce fruit, que tu as acquis durant plusieurs milliers
d’années, par la multitude de tes aumônes et de tes nom-
breux sacrifices, accru même par la défense des créa-
tures; 4,111.
n 11 fut détruit par cette faute, et c'est elle, qui entraîna
ta chûte : c’est pour ton orgueil, Indra des rois, que tu
fus méprisé par tous les hôtes duSwarga. 4,112.
i Ce monde n’est pas immortel pour l'orgueil, roi saint,
ni pour l'action de nuire, ni pour l'abus de la force, ni
pour la déloyauté, ni pour les supercheries. 4,113.
» 11 ne te faut mépriser, ni les plus grands, sire, ni les
plus petits, ni les moyens : il n’existe nulle part aucun
mortel égal à ceux, qui sont consumés d’orgueil. 4,114.
» Les hommes, qui raconteront comment cet Yaydti
est tombé dans le péché et s’en est relevé, sauveront, il
n’y a point à en douter, ceux, qui sont engagés en de
mauvaises routes. » 4,115.
» Telles furent donc, maître de la terre, cette faute d’or-
gueil, où tomba jadis Yayàti, et cette opiniâtre constance
dans la poursuite de sou but, que fit paraître Gàlava.
» lin homme, qui désire le bien doit écouter ses amis,
qui ont le même désir. 11 ne faut pas mettre d'opiniâtreté,
250
LE MAHA-BHARATA.
car l’opiniâtreté fait se lever l'infortune. 4,116 — A, 117.
» 11 te faut donc, fils de Gândhàrl, abandonner l’or-
gueil et la colère ; réconcilie-toi avec les Pândouides ,
héroïque prince, et mets dejîôté le ressentiment. 4,118.
» Quelque chose, qu’il donne ou qu’il fasse, quelque
pénitence, qu’il pratique, ou sacrifice, qu’il offre, l’au-
teur n’en subit ni diminution ni perte, et ne mange pas
un autre fruit que celui-là. 4,119.
» L’homme des plus instruits entre ceux, qui sont
libres des affections de la colère ; l’homme, qui, dans le
monde, les yeux fixés sur les trois qualités de la nature
morale ou les trois objets de la recherche humaine, ré-
fléchit mainte fois et tient ses regards sur cette grande
narration bonne et sublime, possède entièrement la terre. »
« Adorable Nàrada, cela est ainsi que tu le dis, répon-
dit Dhritaràshtra, et tels même sont mes désirs ; mais, sei-
gneur, je ne suis pas le maître ici ! » 4,120 — 4,121.
Quand il eut parlé ainsi, le Kourouide ensuite adressa
la parole à Krishna : a Ce que tu m’as dit, Kéçava, est
conforme à la raison, à la vertu, digne de ce monde et du
Svvarga. 4,122
» Mais je ne dépends pas de moi ; on ne fait pas, mon
fils, ce qui m’est agréable. Efforce-toi, Krishna, le plus
grand des hommes, d’appaiser l’ignorant Douryodhana,
ce stupide, le transgresseur de mes ordres. 11 refuse d’é-
couter, guerrier aux longs bras, une parole vertueuse, qui
lui est dite. 4,123 — 4,124.
» // repousse, Hrishîkéça, les paroles de Gândhârl, du
sage Vidoura, de Bhlshma et des autres, ses amis, qui
veulent son bien. 4,125.
» Instruis toi-mèmc ce roi Douryodhana à l’âme nié-
OUDYOGA-PARVA.
251
chante, ou plutôt qui n’a point d’âme, ce barbare, à l’in-
telligence criminelle, â la pensée vicieuse. 4,126.
« Tu auras fait une chose bien grande, Djanàrddana,
et rendu un service d’ami. « 4,127.
Ensuite le Vrishnide, qui connaissait la vraie natnre de
toutes les choses du devoir, s’approcha de l’irascible
Douryodhana et lui fit entendre ces douces paroles :
« Douryodhana, le plus grand des Kourouides , écoute
ce mien langage, dirigé surtout vers la paix de ta majesté
et celle des personnes, qui sont attachées à toi, fils de
Bharata. 4,128—4,129.
» Tu es né dans une famille de grande science, veuille
ne pas rendre cet avantage inutile. Tu es doué de l’ins-
truclion, tu es élevé par toutes les qualités. 4,130.
» Tu n'as qu'à parler , mon fils, et ces hommes sans
pudeur, méchants, rejetons de mauvaises familles, ac-
compliront ce que tu désires. 4,131.
» On voit dans ce monde la conduite des gens de bien
associée avec la vertu ; on voit celle des gens vicieux,
éminent Bharatide, dans un sens tout opposé. 4,132.
» Une vie toujours contraire à la vertu se fit souvent
remarquer en loi ; le vice est ici un terrible compagnon ;
c’est un grand destructeur de la vie. 4,138.
b Ayant évité cette infortune, non désirée, sans cause,
impossible, Bharatide, vas-tu chercher, puissant guerrier,
à procurer ton salut, celui de tes frères, de tes officiers,
de tes amis ? T affranchi ras-tu de cette affaire inglorieuse
et criminelle ? 4,134 — 4,135.
b Réconcilie-toi, tigre des hommes, avec les Prithides !
Ce sont des héros doués de science et d’instruction, d’une
grande énergie et maîtres d'eux-uiémes. .4,136.
252 LE MAHA-BHARATA.
a Cela est cher et agréable au sage Dhritarâshtra, à
ton grand-oncle, à Drona, à Vidoura dans sa grande sa-
gesse, 5,187.
» A Kripa, à Somadatta, au prudent Vàhlîka, à Açwa-
thâman, à Vikarna, à Sandjaya, à Vivinçati. A, 138.
» Mets ta joie dans la paix de tes parents surtout, de
tes amis et de ce monde entier, fléau des ennemis! 5,139.
» Tu as de la pudeur, tu es né dans une. noble race,
mon fils, tu as de l’humanité et de l’instruction ; montre-
toi docile, éminent Bharatide, aux ordres de ton père et
de ta mère. A,1A0.
» Ce que ton père t’ordonne est ce que l’on regarde
comme ton salut : tout être, une fois tombé au fond du
malheur, se rappelle en ce moment les ordres de son
père. 5,151.
n Ta réconciliation avec les fils de Pàndou sourit à ton
père; qu'elle le plaise aussi, mon fils, le plus grand des
Kourouides, à toi et à tes ministres. 5,152.
» Un mortel, qui repousse le conseil, que lui ont donné
ses amis, a l estomac brûlé, comme s'il avait mangé un
fruit encore vert, à la fin de la maturité des fruits. 5,153.
» Quiconque dans sa folie rejette un avis, auquel tient
son bonheur, cet homme aux pas tardifs, quand il a vu lui
échapper la fortune, s’attèle au char du repentir. 1,555.
» Mais quiconque, à peine entendu cet avis fortuné,
abandonne le sien aussitôt et s'empresse de l’exécuter,
voit s’augmenter sa prospérité dans le monde. 5,155.
» L’homme, s’il supporte avec impatience d'être con-
trarié par le langage de sesamis, qui désirent ce qui est de
son intérêt, apprend des nouvelles malheureuses et passe
au pouvoir de ses ennemis. 5,156.
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OUDYOGA-PARVA.
253
» Celai, qui, sautant par-dessus l’avis des hommes de
bien, demeure attaché au sentiment des gens vicieux, ses
amis gémissent un moment sur son infortune. A,1A7.
» L’homme, qui, négligeant ses ministres les plus
sages, ne consulte que des gens vils, trouve sur ta roule
un malheur épouvantable et n’arrive point à le revomir.
» L’homme à la conduite légère, qui fréquente le
vicieux et ferme son oreille aux paroles des sages, ses
amis, choisit les ennemis de sou compagnon pour les
siens, fils de Bharata ; la terre le hait et l'abandonne,
» Tu désires que ces héros, devant lesquels tu as semé
les obstacles, 6 le plus grand des enfants de Bharata,
sauvent ces autres guerriers mal élevés, stupides, inca-
pables ! A, là8 — A,1A9 — à, 150.
i> Quel autre homme sur la terre, ayant rejeté des
héros, ses parents, égaux à Çakra, attendrait d'autres
gens son salut ? A, 161.
» Tu as sans cesse depuis l’enfance trompé les fils de
Kounil ; et jamais les Pàndouides à l’âme vertueuse n’en
ont conçu de colère. A, 152.
t Dès leur enfance, tu as faussement servi tes parents ;
mais ces princes renommés, guerrier aux longs bras, ont
répondu à tes services hypocrites par de vrais services.
n C’est ainsi qu'il te faut aussi leur rendre la pareille,
éminent Bharatide ; qu’ils ne suivent pas l’impulsion de
la colère à l’égard de leurs principaux parents I
A, 153— A.15A.
» L’association aux trois qualités de la nature est le
commencement des sciences, ô le plus grand des fils de
Bharata ; les hommes, qui sont unis à ces qualités, aiment
le juste et l’utile. A, 155.
254
LE MAHA-BH VRATA.
» Si l‘on considère à part les hommes entrés dans
ces qualités, le sage aime le devoir ; celui, qui est entre
les deux, se complaît dans l’or et les combats ; le dernier
est attaché à l’amour lui-même. 4,156.
» Le mortel, à qui, vulgaire pour les organes des sens,
la cupidité fait abandonner le devoir, désire, n'en possé-
dant pas les moyens, obtenir l’utile et l'agréable; mais il
périt. 4,157.
» Quiconque veut arriver à l’or et à l'amour, qu’il
commence à tendre d’abord au devoir : en effet, ni l'or,
ni l’amour ne s’écartent jamais du devoir. 4,158.
» On dit que le devoir est lui-même un moyen pour les
trois qualités de la nature. Quiconque veut obtenir, en
s’appuyant sur lui, monarque des hommes, ne tarde pas
à s' accroître, comme le feu dans un pré d’herbes sèches.
» Tu veux obtenir, dépourvu des moyens, mon fds,
éminent Bharatide, l’empire universel, environné de splen-
deur, célèbre au-dessus de tous les rois. 4,159 — 4,160.
» Celui, qui traîne une mauvaise conduite parmi ceux,
qui mènent une bonne vie, se retranche lui-même, sire,
comme une forêt, que la hache a sapée. 4,161.
» Ne désirez pas la destruction de l’homme, que vous ne
pouvez séparer de son intelligence ; car l’intelligence est
portée comme une chose fortunée en celui, de qui la sa-
gesse est entière. 4,162.
» Maître de vous-même, ne méprisez rien autre chose
que le vil dans les trois mondes, fils de Bharata ; à plus
forte raison, ne méprisez pas les éminents Pàndouides.
» Tombé sous le pouvoir de la colère, l’homme ne voit
plus rien. Tout ce qui est étendu est retranché : vois-en
la preuve, fils de Bharata. 4,163 — 4,164.
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OUDYOGA-PAllVA.
255
» Des gens pervers te peignent un combat avec les Pàn-
douides, comme ce qui peut exister de plus heureux pour
toi : mais, conduit par eux au bonheur, tu atteindras au
comble de tous tes désirs, 4,165.
» Et tu jouiras de la terre, ô le plus grand des rois, con-
quise par ces fds de Pândou ! Ou, mettant ces Pândouides
derrière toi, est-ce d'un autre côté que tu espères
venir ta conservation? 4,166.
» Tu as déposé le souverain pouvoir en Douççâsana,
impossible à soutenir, en Karna et dans le (ils de Soubala ;
et tu désires la prospérité, Bharatide ! 4,167. •
» Ils ne te siéent, ni pour l’utile, ui pour le juste, ni
pour la science ; encore moins sont- ils les égaux des Pân-
douides en courage. 4,168.
» Tous ces rois ensemble ne sont pas capables de fixer
dans un combat les yeux sur la face irritée de Bhima-
séna. 4,169.
» Cette armée entière de princes, que voici près d’ici,
ce Bhishma, ce Drona, ce Karna, ce Kripa, et Bhôuri-
çravas, le fils de Somadatta, Açvatthâman et Djayadratha,
tous ensemble ne sont pas capables de soutenir une
bataille contre Dhanandjaya. 4,170 — 4171.
i> Certes ! Arjouna est invincible dans un combat, aux
hommes, aux Gandharvas, aux Asouras et aux Dieux
mêmes ! Si (1) tu es sage , ne lui donne pas satisfaction (2)
dans un combat. 4,172.
» Que l’on montre dans l’armée entière des princes un
(1—2) Ce* deux mots tchét ddhilhâs m’ont embarrassé un instant d’au-
tant plus que le commentateur, la grammaire et les dictionnaires, mémo
celui de BOLblingk et Roth, s'accordent ici dans un mémo silence.
256
LE MARA-BHARATA.
homme quelconque, qui s’en retourne heureux dans sa
maison, après qu’il aura affronté Arjouna dans une ba-
taille ! 4,178.
» Que l’on montre un seul homme , qui , Arjouna
vaincu, t’ assure la victoire, éminent Bharalide, après la
destruction faite de son armée ! 4,174.
» Qui oserait engager un combat avec ce fils de Pândou,
victorieux dans le Khândavaprastha des Dieux réunis aux
Gandharvas, aux Yakshas, aux Asouras et aux serpents?
» On raconte de lui une grande merveille dans la.cité
de Virâta : cette prouesse ne suffit-elle pas à prouver un
seul fait et même un grand nombre ? 4,175—4,176.
» N'a-t-il pas causé du plaisir dans un combat à Çiva
lui-mème, le grand Dieu en personne ? Espères-tu vaincre
ici dans une bataille ce héros vigoureux, l'inaflrontable
Arjouna, l’invincible, l'impérissable Djishnou ? Mais qui
pourrait espérer, fût-il Indra même en personne, une
victoire dans un combat sur le fils de Prithâ, secondé par
moi ? L’être, qui vaincrait Arjouna en bataille, peut lever
la terre à la force des bras, consumer dans sa colère ces
créatures existantes, et précipiter les Dieux mêmes du
Tridiva ! Jette un regard de pitié sur tes fils, sur tes
frères, sur tes parents, sur tous ceux, qui te sont unis
par un lien quelconque. 4,177 — 4,178 — 4,179 — 4,180.
» Que cette élite des Bharatides ne périsse pas à cause
de toi ! Qu’il reste quelque chose des Kourouides ! Que
cette famille ne s’éteigne pas ! 4,181.
» Ne sois pas appelé de ces noms : « La destruction de
sa famille ! Un homme, de qui la gloire est perdue ! o
Les héros te feront asseoir sur le trône du roi de la jeu-
nesse, 4,182.
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OUDYOGA-PARVA.
257
» Et Dhritarâshtra, ton père, le monarque des hommes,
dans celui d’un grand empire. Ne méprise pas, mon (ils,
cette fortune, qui s’élève sur ton horizon et s'avance vers
toi. A, 183.
» Rends aux Pândouides la moi lié du royaume, et jouis
d’une éminente félicité. Quand tu auras opéré ta récon-
ciliation avec les fils de Pàndou, et accompli la parole de
tes amis, goûte long-temps une éclatante prospérité dans
la joie, que te verseront tes amis. » 4,184—4,185.
Aussitôt qu’il eut entendu le discours de Kéçava ,
Bhishma, le fils de Çântanou, adressa, noble Bharatidé,.
ces paroles à l’impatient Douryodhana : 4,186.
« Tu as entendu ce langage, qui te fut dit par Krishua ;
ne suis pas ta pensée, mon lils, ne t’abandonne pas au
pouvoir de la colère. 4,187.
» Si tu n'obéis pas 5 la parole du magnanime Kéçava,
jamais tu n'obtiendras, mon fils, ni le salut, ni le plaisir,
ni le bonheur. 4,188.
» Kéçava t’a dit, mon ami, une chose utile et ver-
tueuse ; accepte-la dans son sens : ne détruis pas les créa-
tures. 4,189.
» Tu renverserais par ta méchanceté, du vivant môme
de Dbritar&shtra, cette prospérité lumineuse de la famille
des Bharalides, au milieu de tous les rois. 4,190.
« Moi I » dis-tu ; mais tu rejeterais de la vie par cette
pensée, et tes ministres, et tes parents, et tes frères, et
tes fils, et toi-même I 4,191.
» Par ton mépris pour le discours de Kéçava, plein de
sens et de vérité, pour les paroles de ton père et celles
du sage Vidoura, ne sois pas, éminent Bharatidé, le des-
tructeur de ta famille, un méchant homme un insensé,
17
VI
268
LE MAHA-BHARATA.
un être, qui marche en de fatales voies ; ne plonge pas
dans un océan de chagrins ton père et ta mère ! »
Après lui, Drona dit ces mots à Douryodhana, tombé
sous le pouvoir de la colère et poussant maint et maint
soupir : à, 192 — 4,193 — 4,194.
« Kéçava t’a adressé un discours joint au juste et à
l’utile : ainsi l’a parlé Bhishma, fils de Çàntanou ;
aies ces paroles pour agréables, monarque des hommes.
» Tous deux instruits, illustres, domptés, pleins d'in-
telligence, inspirés par l’amour de ton bien, ils t’ont pré-
senté une parole utile ; liens-la pour agréable, souverain
des hommes. 4,195 — 4,196.
» Observe, homme à la grande science, les choses, qui
te furent dites par Bhishma et Drona ; ne méprise pas,
fléau des ennemis, le meurtrier de Madhou dans le délire
de ton intelligence. 4,197.
■ Ceux, qui t’excitent à l’action, ne pourront jamais
dénouer dans le combat, l'inimitié des ennemis passée
autour de ton cou. 4,198.
» Ne détruis pas tes frères, tes fils et tes sujets entière-
ment ; sache que là où sont Arjouna et le Vasoudévide, là
est aussi la force. 4,199.
b Cette vérité est même le sentiment de Karna (1) et de
Bhishma, tes amis. Si tu ne rends pas le royaume, Bhara-
tide, mon ami, tu en seras dans la suite, consumé de
douleur. 4,200.
» Cet Arjouna, comme Parasourâma te l’a dit, est un
homme de la plus grande puissance ; et Krishna, le fils
de Dévakt, est insoutenable aux Dieux mêmes. 4,201.
(!) Krishna, dit le texte; mai» ce doit être une faute.
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Ol'DYOGA-PARVA.
25»
» As-tu rien dit, qui ait jamais apporté ici, ou le plaisir,
ou la joie ? Fais tout ce qui t’est dit comme tu le désires ;
je ne puis t’en exprimer davantage, ô le plus grand des
fils de Bharata. » 5,202— A, 203.
Vidoura, le fils de la femme esclave, fixant les yeux sur
l’irascible Douryodhana, dit ces mots au fils de Dhrita-
râshtra au milieu de ces discours : 5,205.
« Je ne déplore pas ton destin, Douryodhana, taureau
des Bharatides ; niais je pleure sur ces deux vieillards,
Gândh&rt et ton père, â,205.
» De qui tu étais le protecteur, ime sans pitié, et qui
vont marcher maintenant sur la terre sans protection,
leurs ministres immolés, leurs amis tués, comme deux
oiseaux, à qui l’on a coupé les ailes (1). 5,206.
» Im main tendue pour demander l’aumône, ils par-
coureront tout ce globe en pleurant d’avoir donné le jour
à un méchant homme, un vicieux, un destructeur aussi
grand de sa famille. » 5,207.
Ensuite le roi Dhritaràshtra dit à Douryodhana assis
au milieu de ses frères et environné des rois : 5,208.
« Douryodhana, écoute ce qui fut dit parle magnanime
Çaâuri ; rends ce trône fortuné, impérissable, et qui n’aura
pas (le fin. 5,200.
u Grâce à l’amitié de ce Krishna aux travaux infatiga-
bles, nous obtiendrons au milieu de tous les rois le cou-
ronnement de tous nos désirs. 5,210.
(I) J’écris ces deux vers à l’abri sous le dernier pont du collège, au
crayon, sur mon calepin Un violent orage de pluie et de tonnerre;...
le ruisseau m’apporte tout le déluge tombé sur le village ; l'eau bat lea
deux murs latéraux de mon asile . .. je m’enfuis; je glisse sur la torre
détrempée ; mes deux jambes sont dans le ruisseau un demi-jour de
perdu! Fiea-vous donc & l’abri des ponts ! (16 juillet.)
200
LE MAHA-BHARATA.
» Va, mon fils, va, accompagné de Kéçava, chez You-
dhishthira : que ce voyage soit heureux complètement et
rcude une parfaite santé àtous les Bbaratides. A, 211.
» Conclus cette paix, mon fils, par l'entremise du Va-
soudévide : voici le temps venu, je pense, Douryodhana ;
ne méprise pas mes vœux ! 4,212.
» Tu ne repousseras point Kéçava, sollicitant cette
paix, quand il en dictera les conditions pour toi. La vic-
toire des autres sera la tienne, » 4,213.
Dès qu’ils eurent entendu ce langage de Dhritarâshtra,
Bhlshmn et Drona, également dans les alarmes , d’a-
dresser à Douryodhana, qui résistait à l'ordre, ces pa-
roles : 4,214.
h Que ta haine s'éteigne pendant que les deux Krishnas
n'ont pas encore endossé leurs armures, pendant que le
Gândîva sommeille en repos, pendant que Dhaàumya n’a
pas encore sanctifié ici l’armée ennemie dans le feu d'un
sacrifice, pendant que le héros Youdhishthira, l'ami de la
pudeur, ne jette pas sur ton armée un regard de colère !
» 11 faut appaiser ta haine avant que le héros, fils de
Kountl, Bhhnaséna ne se montre debout au milieu de ses
armées. 4,215 — 4,210 — 4,217.
» 11 faut appaiser ta haine avant que Bhimaséna victo-
rieux ne se fraye des routes sanglantes au milieu de ton
armée, sa massue à la main! 4,218.
» 11 faut appaiser ta haine avant qu’il n’abatte avec sa
massue, homicide des héros, les têtes des guerriers, mon-
tés sur des éléphants, tels qu’on fait dans la saison tomber
les fruits mûrs d'un arbre! 11 faut appaiser ta haine
avant que Nakoula, Sahadéva et Dhristadyoumna le
Prishatide, Viràta, Çikhandl et le fils de Çiçoupaia, revêtu
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OUDYOGA-PARVA.
261
de sa cuirasse, avant que tous ces guerriers consommés
aux rapides flèches, n'entrent dans nos armées comme
des crocodiles dans le vaste Océan ! 11 faut appaiser ta
haine avant que les terribles dards ne tombent dans les
corps délicats des maîtres de la terre ! 11 faut appaiser ta
haine avant que les flèches de fer lancées rapidement par
des héros illustres, consommés dans les armes, qui attei-
gnent de loin, ne pleuvent et ne s'enfoncent dans les
poitrines des guerriers, oints d'aloës et de sandal, ornés
de nishkas d’or et de colliers. Que Dliarmarâdja-You-
dhishthira, le plus grand des monarques, t’accueille, la
tète inclinée devant lui ; et que ce roi poli accepte de ses
mains ton présent, enrichi d’étendards, de drapeaux et
d’aiguillons à conduire les éléphants ! (De la stance
4,219 à la s lance 4,226.)
» Qu’il jette son bras sur ton épaule en signe de paix,
éminent Bharatidc ! Et que Bhtmaséna, son frère, aux
longs bras, aux épaules de chêne, te caresse tranquille-
ment assis sur un siège, et te purifie le dos avec sa main
aux doigts ornés de pierreries, accompagnées de simples
mêlés 4 des joyaux? 4,227 — 4,228.
» Qu’Arjounaet les deux jumeaux, que ces trois, 6 le
plus grand des Bharatides, répondent avec des flatteries à
tes paroles caressantes pour la paix ! 4,229.
» Dépose un baiser sur leur tète ! Parle, seigneur, à ces
princes avec amour ! Quand ils te verront uni avec tes
frères à ces héros, fils de Pàndou, les souverains des
hommes verseront des larmes de plaisir. Que toute celte
félicité soit proclamée dans les villes capitales des rois!
Jouissez de la terre avec un sentiment fraternel; et vis,
libre de soucis. » 4,230 — 4,231 — 4,232.
262
LE MAHA-BHARATA.
Dès qu’il eut entendu ce langage dans l’assemblée des
Kourouides, Douryodhana répondit à l’illustre Vasoudévide
aux longs bras : à, 233.
« Quand ta majesté aura bien pesé toutes ces choses, il
lui siéra de parler, Kéçava : en effet, si tu parles, c'est
toujours moi que lu blâmes. 4,234.
» Pourquoi ta majesté, quand elle a considéré le fort et
le faible, me blâme-t-elle toujours sans raison, meur-
trier de Madhou, par un langage dévoué aux fils de Pri-
thà? 4,235.
%
» Ta majesté, Kshattn, le roi même, l’Atchârya ou
mon grand-oncle, c'est moi seul, que vous blâmez ; et
jamais quelque prince autre que moi. 4,236.
b Cependant, je ne vois nulle part ici aucune faute de
ma personne ! Mais c’est que vous me haïssez, vous tous,
majestés, avec les rois. 4,237.
b J’ai beau y penser outre mesure, je ne vois pas une
offense si minime soit-elle, que j’aie pu commettre, Ké-
çava. 4,238.
b Dans un jeu survenu entre amis, Çakouni a gagné le
royaume des Pândouides : est-ce une mauvaise action ,
meurtrier de Madhou, dont il faille m’accuser ? 4,239.
b Mais cette richesse, que les fils de Pàndouont perdue
à ce jeu, ne leur fut-elle pas rendue aussitôt à eux-
mêmes. 4,240.
b Si le sort ne les a point favorisés au jeu des dés, il n’y
a rien là qui soit notre faute. Ensuite ces invincibles l’àn-
douides, les plus grands des victorieux, sont allés en exil
au milieu des bois. 4,241.
b Par quelle contradiction ces impuissants Pândouides,
ardents comme des ennemis, Krishna, se joignent -ils
OUDYOGA-PARVA.
203
à nos ennemis pour nous opposer des empêchements ?
n Quelle faute avons-nous commise? Ou contre qui
d'eux avons-nous commis une faute pour que les fils de
Pàndou, secondés par les Srindjayas, veuillent immoler
tes enfants de Dhritarâshtra ? 4,242— 4,243.
» Abattus, soit par des actions cruel les, soit par de
terribles paroles, la crainte ae pourrait nous forcer A
nous courber ici devant Çatakralou lui-même ! 4,244.
» Je ne vois pas, Krishna, que ce meurtrier des
ennemis, qui aurait la puissance de nous vaincre dans
une bataille, ait bien observé le devoir du kshatrya.
» Certes 1 Bhtshma, et Kripa.'et Drona, elKarnamême
avec eux, ô toi, qui as immolé Madhou, ne peuvent être
vaincus dans un combat par les Dieux ; A plus forte raison
par les fils de Pândou. 4,245 — 4,24(5.
» Jetons-nous un regard derrière nous sur nos devoirs
dans la guerre, Mâdhava, la mort par les armes nous
fait obtenir le Swarga dans le trépas lui-même. 4,247.
» Voilà notre devoir éternel de kshatrya. Puissions-
nous, Djanârddana, parvenir dans une bataille à l'honneur
de reposer dans un lit de flèches ! 4,248.
' » Si nous méritons dans un combat la couche des
héros, on ne sera point affligé, Mâdhava, que nous ayons
refusé de nous incliner devant nos ennemis ! 4,249.
» Quel homme, né un jour dans une noble famille , et
qui vit avec le devoir du kshatry a, s’il a considéré ce que
sa condition lui impose, pourrait jamais s’incliner par la
crainte? 4,260.
v Que l’action élève le courage, mais ne le courbe
jamais : que t'hmnmc rompe avant les articulations plutêt
que de jamais s'incliner. » 4,251.
264
LE MAHA-BHARATA.
» Voilà ce qu'à dit Màtanga, et ceux, qui désirent le
bien, veulent conserver sa parole. Un homme tel que
moi s’inclinera devant les brahmes et le devoir ! 4,252.
» C’est ce qu’il fera toute sa vie sans penser à rien autre
chose : voilà ce que j’estimerai toujours le devoir des
kshatryas ! 4,253.
» C’ast mon père, qui jadis m’a lui-même accordé cette
portion du royaume ; mais on ne la reprendra jamais, Ké-
çava, moi vivant! 4,254.
» Tant que vivra le roi Dhrilarâshtra, nous lui obéi-
rons, Djanârddana, nous, Mâdhava, ayant mis bas nos
armes. 4,265.
» Ce royaume, qu’il m’a donné jadis à moi, son sujet,
je ne le rendrai pas sans son ordre ou par crainte, quand
je suis dans la force de l’âge. 4,256.
» I.es lilsde Pàndou ne parviendront pointà me l’arracher
dans ce moment que je vis, rejeton de Vrishni, et que j’ai
la force des bras. 4,257.
» Dût-on me tourmenter avec la pointe d'une aiguille
acérée, Kéçava, je ne rendrai jamais la terre aux Pàn-
douides. b 4,258.
Alors le Dûçârhain se mit à rire, et, les yeux troublés *
par la colère, il adressa ce langage à Douryodhana dans
l'assemblée des enfants de Kourou : 4,259.
« Tu obtiendras la couche des héros : ce vten sera
exaucé ! Sois tranquille avec tes ministres : un grand car-
nage aura lieu! 4,260.
» Voilà ce que tu penses, insensé: <t Les Pândouidcs
ne contrarieront pas mes désirs ! » Ecoutez tout ce que je
vais dire ici, monarques des hommes. 4,201. •
» Ton chagrin à lu vue de la fortune éclatante des
OUDYOGA-PARVA.
265
magnanimes fils de Pândou, t’a fait malheureusement,
Bharatide, délibérer ce jeu avec le fils de Soubala.
» Comment des parents vertueux, bien estimés, qui
marchent droit, pouvaient -ils s’approcher de moyens
déshonnêtes avec un homme aux routes obliques !
A, 262 — 4,268.
» Le jeu des dés est la perte de la sagesse pour les
gens de bien ; il ne manque pas d’engendrer pour les gens
vicieux, prince à la grande science, la division et les mal-
heurs. A, 264.
» Voilà une épouvantable infortune, qui, grâce à toi,
prend sa source dans le jeu des dés, parce que tu n’crv as
pas considéré les suites avec les hommes vertueux, mais
avec des gens attachés aux vices. 4,265.
» Quel autre peut tourmenter l’épouse de tes frères à
l’égal de toi, qui fis amener dans l’assemblée Draâupadl,
exposée à tous les yeux. 4,266.
» Cette épouse royale des (ils de Pândou, elle, d’une
noble naissance, douée d’un caractère élevé, plus chère
que l’existence A tous ces princes , elle fut ainsi vexée par
toi! 4,267.
n Tous les Kourouides savent comment Douçrâsana
dans l’assemblée des enfants de Kourou a parlé aux héros
fils de Kountî, quand ils partaient pour l’exil. 4,26S.
» Quel homme de bien pourrait se comporter d’une
manière aussi inconvenante à l’égard de ses parents, qui
ont toujours marché dans le sentier de la vertu, qui sont
libres de désirs et de qui la conduite est sans reproche.
» Vous avez souvent agi, toi, Douçrâsana et Karna,
suivant la parole d’hommes cruels, indignes de res-
pect. A,20i) — 4,270.
'im
LE MAHA-BH.ARATA.
» Tu as tenté les plus grands efforts, lorsqu'ils étaient
adolescents, pour les brûler avec leur mère dans Vâranâ-
vata, mais cela ne t'a point réussi. A, 271.
» Les Pàndouides alors ont habité un bien long espace
de temps avec leur mère , dans Éltatchakrà, chez un
brabme, où ils vivaient inconnus. A, 272.
» Tu t’étudias ensuite à détruire les Pàndouides par
tous les moyens, soit avec le poison, soit en les enchaî-
nant avec des serpents ; mais cela ne te réussit pas
encore. A, 273.
» Après que ta majesté fut animée d’un tel esprit,
agissant avec une conduite si fausse à l'égard des fils de
Pândou , comment ? il n’y a pas eu une seule oüènse de
toi envers ces magnanimes Pàndouides. A, 27 A.
» Abattu, ta puissance renversée, tu rendras à ces (ils
de Pândou la part de l’héritage paternel, que tu refuses
aujourd'hui, pervers, à leurs justes sollicitations ! A, 275.
b Auteur de plusieurs crimes envers eux, comme un
scélérat, tu es troublé maintenant que tu te reconnais un
homme sans noblesse à la conduite trompeuse. A, 276.
« Calme-toi ! >< te disent mainte et mainte fois ta mère
et ton père, Bhisbma, Drona et Vidoura.... Et tu ne te
calmes pas, seigneur ! A, 277.
» La paix doit être un immense avantage pour toi et le
(ils de Prithà, pour tous les deux ensemble; et cela ne te
sourit pas, sire ; quelle autre chose prouve mieux la légè-
reté de ton esprit? A, 278.
» Tu n’obtiendras point la joie, en mettant sur le
trône la parole de tes amis : tu fais, seigneur, une chose
ignomineuse et criminelle! » A, 279.
Quand le Dàçàrhain eut achevé de parler ainsi, Doiç-
Ditjüîzed t
OUDYOGA-PA1W A.
267
çàsana d’adresser, au millieu de l’assemblée des Kon-
rouides, ces paroles à l’impatient Douryodhana : 4,280.
« Certes! si l’on ne se réconcilie pas, sire, avec les
Pândouides, au gré de leurs désirs, les Kouraviens te
livreront, pieds et mains liés, au fils de Kountl. 4,281.
o Bhtshma, Drona et ton père nous abandonneront,
nous trois, moi, toi-même et le fils du Soleil, aux enfants
de Pândou. » 4,282.
A peine eût-il entendu la parole de son frère, Sonvo-
dhana, le fils de Dhritarâshtra, se leva avec colère et,
poussant des soupire , comme un grand serpent , il
sortit. 4,283.
Le prince sans pudeur, à la folle intelligence, ne fit
nul cas de Vidoura, du puissant monarque Dhritarâshtra,
de Vàhlika, de Kripa, de Somadatta, de Bhishma, ni de
Drona, ni de Djanârddana, ni de ceux-ci et de tous tes
autres réunis dans le conseil : c’était l’orgueilleux, le
mépris lui-même des personnes vénérables, l’homme sans
frein et mal élevé! 4,284 — 4,28b.
Quand ses frères virent ce monarque partir, ils sui-
virent ses pas; et les rois, de tous les côtés, imitèrent cet
exemple, suivis de leurs ministres. 4,286.
Aussitôt que Bhishma, le fils de Çàutanou, vit Dou-
ryodhana se lever en colère et sortir de l'assemblée avec
ses frères, il articula ces paroles : 4,287.
« L'ennemi, bientôt, rira dans le malheur de celui, qui
approuve la colère de cet homme, déserteur du juste et
deTutile. 4,288.
» Ce fils du roi Dhritarâshtra à l’ànie cruelle, il ignore
les moyens; il est épris d’un vain orgueil du royaume;
il suit le pouvoir de l’avarice et de la colère. 4,289.
208
LIi MAHA-BHARATA.
» Toute cette classe de kshatryas , elle a mûri je
pense, Djanârddana, spontanément pour la mort ; car
tous ces princes l'ont suivi, entraînés par le délire, avec
leurs ministres ! » 4,290.
Dès qu'il eut ouï ce langage de Bhtshma, le Dàçàrhain
aux yeux de lotus bleu dit à tous les héros, dont Drona
et Bhtshma étaient les chefs : 4,291.
« Tous les optiinates de Kourou ont commis une grande
faute, en n'usant pas de la force pour comprimer ce prince
dans un sot orgueil de l'empire. 4,292.
» Je pense que l’affaire, dompteur des ennemis, est
parvenue au moment de son exécution : qu’elle soit faite
pour le mieux ! Ecoutez, princes sans péché, tout ce
discours utile, que je vais tenir aux oreilles de vos excel-
lences, s’il plaît à vos grandeurs, Bharatides, de m’en
accorder la faveur. 4,293 — -4,294.
» Kansa, le fils d'Ougraséna, était un prince aux mau-
vaises mœurs, non maître de lui-mème, abandonné de
ses parents, et qui, tombé sous le pouvoir de la mort,
ravit l’empire à son père vivant, le vieux roi de Bhodja.
Il fut tué. par moi dans un grand combat, à cause de
l’amour, que j'avais pour le bien de ses parents !
» Ahouka fut ensuite honoré par nous, sa famille, et
Ougraséna, l'incrément du roi de Bhodja, fut élevé sur
le trône. 4,295—4,296—4,297.
» Tous les Yadouides abandonnent alors Kansa, livré
seul à soi-même; et les Vrishnides, les Andhakas et les
fils de Bharata, réunis ensemble, augmentent le plai-
sir. 4,298.
v Le Pradjâpati, assis au plus haut des cieux, fit en-
tendre sa parole sur ce grand combat. Quand les mondes
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OU DY OGA-PARV A.
209
séparés en deux partis étaient près de succomber au mi-
lieu des armes levées, rejeton de Bharata, le Dieu créa-
teur, l’adorable auteur des mondes, dit alors :
4,299—4,300.
« Les Asouras , enfants de Diti , périront avec les
Dànavas; les habitants du ciel, les Adityas, les Vasous,
les Roudras vivront. 4,301.
» Les llakshasas, les Ouragas, les Gandbarvas, les
hommes, les Asouras et les Dieux, livrés au transport de
la colère, se donneront mutuellement la mort dans cette
terrible guerre. » 4,302.
» 11 dit ; et le Pradjàpati, assis au plus haut des cieux,
ayant réfléchi, donna cet ordre à Yama : « Enchaîne les
Daltyas et les Danavas; puis, donne-les à Vnrouna! »
>. A ces mots, Yama, sur l’ordre du Très-Haut, livra à
Yarouna tous les Daîtyas et les Dànavas enchaînés.
4,303—4,304.
» Attachés des liens de la mort et de ses propres liens,
le souverain des eaux veille dans la mer, avec une pro-
fonde attention, sur les Dànavas. 4,305.
n De même, il faut enchaîner Douryodhana, Douççâ
sana, Karna et Çakouni, le fils de Soubala; qu’ils soient
livrés aux fils de Pàndou! 4,308.
o On doit sacrifier un homme au salut d’une famille,
une famille au salut d'un village, un village au salut
d’une campagne, et la terre au salut de son âme ! 4,307.
» Si tu étouffes ta colère à l’égard des Pàndouides,
sire, et si tu jettes Douryodhana dans les fers, ces deux
actions, ù le plus grand des guerriers, sauveront de la
mort les kshatryas. u 4,308.
» A ce langage de Krishna, Dhritaràshtra, le roi des
270
LE MAHA-BHARATA.
hommes, dit à la hâte ces paroles à Vidoara, qui savait
tous les devoirs : 4,309.
« Rends-toi, mon fils, vers Gândhàrt, celle princesse à
la grande science, à la vue longue, conduis-la ici ; aidé par
elle, j’appaiserai l’insensé. 4,310.
» Si elle réussit à calmer ce méchant à l'âme dépravée,
nous pourrons nous-mêmes rester dans les paroles de
Krishna, notre ami. 4,311.
» Puisse-t-elle faire entendre un langage puissant et
montrer sa route à ce prince d’une grande violence et
d’un esprit vicieux, â cet esclave de la cupidité ! 4,312.
» Puisse-t-elle étouffer pour long-temps cette grande,
cet'c épouvantable infortune, que Douryodhana fait peser
sur nous, de qui l'empire semble indestructible! » 4,313.
A peine eut-il entendu ces mots du roi, Vidoura de
lui amener, suivant son ordre, Gândhârl à la vue pro-
fonde. 4,314.
Dbritaràshtra lui dit alors :
« Gândhârl, l’ambition fera perdre l’empire et la vie
même à ton cruel fils, transgresseur de mes ordres. 4,315.
» Cet insensé, tel qu'un homme mal élevé, à l’âme
méchante, est sorti de l'assemblée avec des gens vicieux,
foulant à ses pieds des paroles amies. » 4,316.
Aussitôt qu'elle eut ouï ces paroles de son époux, Gân-
dhâri, l’illustre princesse, qui aspirait à la plut haute
vertu, lui répondit en ces termes : 4,317.
« Impose promptement tes ordres à ce fils, qui a soif du
royaume et qui est malade d ambition ; car le royaume
est impossible entre les mains d’un prince mal-appris,
qui détruit le juste et l’utile. 4,318.
» Un homme, que l’orgueil ronge de toutes les rna-
Digitized by COogle
OUDYOGA-PARVA.
271
nières, se montre-t-il propre à l'acquérir? Dhritarâshtra
mérite ici les plus violents reproches à cause de sa
tendresse excessive pour son fils ! 4,319.
» 11 t'est impossible, sire, de le détourner par la force
même, lui, qui, versé dans la science du crime et du vice,
en suit les inspirations, et, jouet de l'orgueil et de l’amour,
est à cheval sur la cupidité. Dhritarâshtra goûte le fruit
d’un fils avide, méchant, grossier, d’une extrême violence,
et qui commet la folie de ne pas rendre le royaume à ses
maîtres ! Est-ce qu'un roi pourrait supporter la division
chez ses parents? 4,320 — 4,321 — 4,322.
» Certes ! les ennemis riront de te voir séparé d'avec
ta famille! Hait j'ai le pouvoir, grand roi, de traverser
ce déluge <f infortunes par des cadeaux ou des flatteries.
Qui ferait ici tomber sur les siens le bâton du châtiment? »
4,323—4,324.
D'après l'ordre de Dhritarâshtra et la parole de sa
mère, Kshattri fit rentrer dans la salle du conseil l'iras-
cible Douryodhana. 4,323.
Désireux d'eutendre la voix de sa mère, les yeux tout
rouges de colère, poussant des soupirs comme un serpent
boa, il franchit de nouveau le seuil do la salle. 4,326.
Quand elle vit rentré son fils, placé dans la voie de l'é-
garement, Gândhàrt, le blâmant, loi parla en ces termes
pour la paix : 4,327.
« Douryodhana, écoute cette mienne parole. Mon fils,
ce qui te fut dit par ton père, le plus grand des Bha-
ratides, par Bhtshma, par Drona, par Kripa et Kshattri,
est ce qu'il y a de mieux pour toi et tes adhérents. Exécute
cette parole de tes amis, qui fait naître le plaisir dans
toute son étendue. 4,328 — 4,329.
272
LE MAHA-BHARATA.
» Montre, en éteignant ta colère, le respect, que lu
portes à Bhishma, à ton père, à inoi-même, à tes amis, de
qui le principal est Drona! 4,330.
n Certes! il est impossible, prince à la grande science,
que tu obtiennes, suivant tes désirs, que tu protèges ce
royaume, que tu en jouisses, ô le plus excellent des
Bharatides. 4,331.
» Un roi aux sens indomptables ne jouira pas de l’em-
pire un long espace de temps ; c’est au monarque intelli -
gent et d'une âme subjuguée à défendre long-temps un
empire. 4,332.
» La colère et l’amour entraînent un homme loin des
affaires ; mais un roi victorieux de ces deux ennemis,
triomphe aussi de la terre. 4,333.
» Cette souveraineté d’empereur du monde est grande.
Les princes aux âmes méchantes désirent, il est vrai,
acquérir un royaume, mais il est impossible qu’ils conser-
vent le rang obtenu. 4,334.
» Quiconque désire la grandeur, comprimera ses
organes dans le juste et l’utile : l’intelligence augmente
par les sens comprimés, comme le feu avec le bois.
» Il suffit pour vous tuer de ces organes ingouvernables ;
comme des chevaux fougueux, indomptés, détruisent dans
sa route un mauvais conducteur de chars. 4,335 — 4,336.
» Quiconque, ne s’étant pas vaincu soi-même, désire
vaincre, ou ses ministres, ou les ennemis, voit ses forces
malgré lui s’évanouir, sans qu’il ait vaincu ses minis-
tres. 4,337.
» Le prince, qui commence par employer contre soi-
même les formes de la haine, n’a point ensuite un vain
désir de triompher sur les ministres ou ses ennemis.
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OUDÏOGA-PARVA.
273
» Quand elle a observé outre mesure un prince actif,
aux 9ens dociles, qui a vaincu ses ministres et qui tient le
châtiment levé sur les hommes, qui se dépravent, la for-
tune habite long-temps chez lui. 4,338 — A, 339.
» L’amour et la colère sont deux poissons, cachés l’un
et l’autre comme dans un filet à petites mailles : placés
dans le corps, ils détruisent la science de l’homme.
» Les Dieux ferment l’entrée du Swarga môme à
l'homme, qui s’élève au ciel avec ces deux sentiments.
Mais est-il d'ailleurs sans reproche, la colère et l’amour
tremblent, tout augmentés qu'ils soient (1).
4,340 — 4,341.
» Un souverain qui sait vaincre l’amour, la colère, l’a-
varice, l’hypocrisie et l’orgueil, gouverne justement la
terre, A, 34 2.
» Le monarque, s’il désire le juste, l’utile et la perte de
ses ennemis, doit veiller avec attention sur la guerre dé-
clarée à ses organes des sens. 4,343.
» L’homme, qui s’agite en vain, surmonté par l'amour
ou la colère, ne trouve de compagnons, ni parmi les siens,
ni parmi les autres. 4,344.
» Tu jouiras heureux de la terre, mon fds, associé aux
Pàndouides, ces héros étroitement unisâ la grande science
et qui moissonnent les ennemis. 4,345.
» Krishna et le fds de Pândou, Arjouna, sont invin-
cibles ; c’est une vérité, mon fils, que t’ont dite Bhishma,
le fds de Çântanou, et Drona au grand char. 4,340.
» Incline-toi sous le grand bras de Krishna aux travaux
(1) Le comraenUtcur ne semble pas avoir ici nno idée bien nette du
sens de ces mots.
vi 18
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274
LE MAHA-BH/WRATA.
infatigables : Kéçava en effet sera favorable au bonheur
de l’un et de l'autre parti. 4,347.
» L'homme, qui n’est pas docile aux conseils de ses
amis instruits, consommés dans la science et qui ont l’a-
mour de son bien, ravit de joie ses ennemis. 4,343.
» La félicité, mon fils, n'est pas dans la guerre, ni le
juste et l’utile ; encore moins, le plaisir. On n'obtient
pas toujours 1% victoire : n’attache pas ton esprit 4 la
guerre. 4,340.
b Dans la crainte d’une division, héros à la grande
science, Bhishma, et ton père, et Vâhlika ont donné aux
fils de Pàndou une partie du royaume. 4,350.
o Tu regardes aux conséquences de ce don, parce que
tu jouis avec tes héros, entièrement de la terre, dégagée
de ses épines. 4,351.
n Rends, comme il convient, dompteur des ennemis,
leur part aux fils de Pàndou, si tu veux posséder avec tes
ministres la moitié de cette terre. 4,352.
» Cette moitié de la terre, elle te suffit pour vivre
avec tes ministres ! Si tu ne sors pas de ces paroles de
tes amis, rejeton de Bharata, tu obtiendras la gloire.
b Un combat avec ces Pàndouides fortunés, sages ,
remplis d'intelligence, victorieux des sens, te précipi-
terait, mon fils, du haut de la félicité. 4,353 — 4,354.
» Comprime la colère de tes amis et calme la tienne,
comme il convient; rends aux fils de Pàndou, ô le plus
grard des Bliaralides, leur part du royaume. 4,350.
» Qu’il te suffise, hélas! d’avoir nourri cette haine
treize années : éteins-la , prince à la grande science,
éleins-la, augmentée par l’amour et la colère. 4,350.
b Tu n’auras pas la force d’enlever aux Pàndouides
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OUDYOGA-PARVA.
275
cette richesse, où tu aspires, ni le fils du cocher au
ressentiment inébranlable, ni Douççâsana, ton frère.
» Les créatures cesseront d'exister, pour sûr, dans la
colère de Bhishma, de Drona, de Kripa, de Bhimaséna,
d’Arjouna et de Dhrishtadyoumna ! A, 357 — A, 358.
» Tombé sous le pouvoir de la colère, n’immole pas les
Kourouides, mon fils; que pour toi cette terre n’aille pas
entièrement à la mort 1 A, 359.
» Tu penses, insensé : « Bhishma, Drona, Kripa et les
autres combattront de toutes leurs forces I » Oui /mais
cette lutte ne convient pas. A, 360.
» Égalité dans le royaume et dans la satisfaction, c'est
le poste, que désirent les hommes à l’àme éclairée. Entre
vous et les fils de Pàndou, ce qu’il y a de supérieur, c’est
le Devoir. A, 361.
» Si la crainte de ton pouvoir, sire, force les tiens d’a-
bonner leur vie, ils ne pourront, certes! fixer leurs yeux
sur le visage d’Youdhishthira. A, 362.
*» On voit ordinairement ici-bas, dans les affaires des
hommes, l'infortune arriver par la cupidité : on a donné
suffisamment ici à cette cupidité; calme-toi, ô le plus
grand des Bharatides! » A, 363.
Mais, sans faire cas du discours sensé, que lui avait tenu
sa mère, il sortit de nouveau avec impatience, pour aller
dans la compagnie des méchants. A,36A.
Hors de la salle, le Kourouide délibéra avec le roi
Çakouni, fils de Soubala et savant au jeu des dés. A, 365.
Voici le conseil, qui fut agité entre ces quatre : Dou-
ryodhana, Karna, Çakouni, le Soubalide, et Douççà-
sana : A, 366.
« Avant que Djanârddàna aux rapides exploits ne
276
LE MAHA-BHARATA.
s’empare de nous, avec l’aide du roi Dhritarâshtra et du
fils de Çântanou, A, 367.
» Si nous pouvions, de force,' violemment, nous rendre
maîtres de Hrishîkéça môme, ce tigre des hommes ,
comme jadis Indra s’est emparé du Virotchanide ! A, 368.
» A la nouvelle que le Vrishnide est prisonnier, les
fils de Pàndou, l'âme consternée, verraient toute leur
force s’évanouir, comme des serpents, à, qui l’on a brisé
les dents. A, 369.
» Ce prince aux longs bras est pour tous la voie, qu’ils
suivent, et la joie, qui les enivre. Ce héros magnifique
de tous les Sàttwatides tombé dans les fers, les enfants
de Pàndou, avec les Somakas, perdront toute vigueur.
Il faut donc enchaîner ici ce Kéçava aux rapides exploits,
malgré les plaintes de Dhritarâshtra; et nous combattrons
ensuite les ennemis. » Le poète Sâtyaki, qui devinait la
pensée de l'âme par les gestes du corps , ne tarda point à
connaître le dessein criminel de ces méchants aux idées
scélérates. Il sortit donc, ayant à ses côtés Hàrddikya,*
A, 370— A, 371 — A, 372 — A, 373.
Et tint ce langage à Kritavarman : o Rassemble au
plus vite une armée, et, revêtu de ta cuirasse, avance-toi
vers la porte de l’assemblée, avec de nombreux esca-
drons. A.37A.
» En attendant, je vais faire le rapport de cette chose
à Krishna aux efforts infatigables. » Il dit; et le héros
entra dans la salle, comme un lion dans la caverne d'une
montagne. A, 375.
Il raconta au magnanime Kéçava le dessein, qui se
tramait au dehors; il le rapporta ensuite à Dhritarâshtra
et au sage Vidoura. A, 376.
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C
OUDYOGA-PARVA.
277
Il leur répéta, en souriant, le projet de ces hommes,
œuvre blâmée des gens de bien, en dehors de l'utile, de
l’agréable et du juste : A, 377.
u Les stupides, ils veulent accomplir une chose, qu’ils
ne peuvent jamais obtenir. Jadis, ils ont pu nuire, ces
insensés, ces âmes criminelles, réunis dans une mime
pensée. â,378.
» Mais, surmontés par l’amour et la haine, suivant
le pouvoir de l’avarice et de la colère, ils veulent tuer,
ces hommes à l’intelligence étroite, le prince aux yeux de
lotus bleu ! A, 379.
» N’esl-ce pas " attacher , comme des enfants, comme
des idiots, le feu enflammé dans un pan de leur vête-
ment? » A ces paroles de Sàtyaki, Vidoura à la vue
longue dit au vigoureux Dhrilarâshtra, dans le sein de
l’assemblée : « Sire, tes fils sont tous environnés par le
mort, fléau des ennemis. A, 380 — A, 381.
» Ils s’efforcent de faire une œuvre impossible, igno-
minieuse! Ayant vaincu, par la force, ce Poudarikâ-
ksha, A, 382.
» Ne désirent-ils pas, de compagnie, jeter dans les
fers ce frère puîné du Vasavide ! Mais, à peine auront-ils
fait un pas vers ce tigre des hommes, inaffrontable, inac-
cessible, ils auront cessé d’être, comme des sauterelles,
qui se jettent dans un brasier ! Ce Pjanàrddana, qui a la
désir de les voir tous combattre, va les précipiter dans
les demeures d’Yama, tel que la colère d’un lion sur des
éléphants! Que ton fils, l’impérissable, le plus grand des
hommes, ne commette jamais cette action blâmable, cri-
minelle, et ne s'écarte pas du devoir! » Quand Vidoura
eut achevé de parler, Kéçava tint ce langage.
278
LE MAHA-BHARATA.
Les yeux fixés sur Dhritarâshtra, dans la mutuelle
attention de ses amis : « Sire, fussent-ils même irrités,
la force de ces hommes serait impuissante pour me jeter
dans les fers! 4,383 — à, SSA — 4,385 — à, 380 - 4,387.
» Laisse ces hommes s’emparer de moi, ou laisse-moi,
seigneur, m’emparer d’eux ! J’ai la force de les comprimer
tous, en dépit de leur colère. 4,388.
» Puissè-je ne jamais commettre une action blâmable
et criminelle! Oui! Tes (ils, de qui la richesse des Pàn-
douides enflamment les désirs, seront forcés d’abandonner
leurs biens mêmes ! 4,389.
» Si tel est leur désir, Youdhishthinl est au comble de
ses vœux ! En effet, je vais maintenant les enchaîner et
ceux, qui vieunent après eux, Bharatide, et les donner
aux enfants de Prtthâ! Est-ce un crime? Mais c’est une
action blâmable, née de la colère et fille d'une pensée
criminelle, que je ne dois pas commencer en ta présence,
grand roi! Que ce Douryodhana soit donc ce qu’il veut
ètrel 4,390—4,391—4,392.
» Je t’accorde la grâce, sire , de tous ces malheu-
reux. » A ces mots entendus, Dhritarâshtra dit à Yi-
doura : 4,393.
« Amène promptement ici, Souyodhana, ce criminel,
de qui un royaume a causé l'ambition ; amène-lt avec ses
amis, avec ses ministres, avec ses frères de tout sang,
■avec ses frères puînés. 4,394.
* Si je pouvais le détourner de sa route I » Kshattri
fit ensuite rentrer, malgré lui dans la §alic, Douryodhana,
accompagné de ses frères, environné des rois. Le mo-
narque lui dit au milieu des souverains, qui l’entouraient,
de Karna et de Douççàsana : o Cruel, tout plein de vices,
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oudyoga-parva. .
270
qui n’a pour compagnons que des hommes aux actions
basses, 4,395 — 4,396—4,397.
« Tu veux commettre, associé 4 desamis scélérats, une
œuvre coupable, impossible, infâme, blâmée de tous les
gens de bien! 4,398.
» Il n'y a qu’un insensé pareil à toi, l’opprobre de sa
famille, qui ait pu la résoudre! Tu veux, aidé par des
compagnons scélérats, jeter dans les fers ce Poundarika
inaccessible, inalfrontable; mais c'est une action, que ne
pourrait exécuter, avec toute sa force, Indra lui-même,
appuyé par les Dieux. 4,399 — 4,400.
» Tu désires le prendre, insensé, comme un enfant
veut prendre la lune; tu ne connais donc pas, Kéçava,
que ne sauraient soutenir dans un combat, ni les Ou-
ragas, ni les Asouras, les Gandharvas, les hommes et les
Dieux! La main ne peut saisir le vent, la main ne peut
toucher le soleil ; 4,401 — 4,402.
» On ne peut porter la terre sur la tête; aussi difficile
est-il d'arrêter de force Kéçava ! » Quand Dhritarâshtraeut
fini de parler, Vidoura dit, fixant les yeux sur Douryo-
dhana, l'irascible fils de Dhritarâshtra : 4,403 — 4,404.
« Douryodhana , écoute maintenant cette parole de
moi. A la porte de Saâubha, un roi des singes, qui avait
nom Dwivida, 4,405.
» Désirant s'emparer de Kéçava et déployant contre
lui ses plus grands efforts, ensevelit ce meurtrier de
Madhou sous une averse de pierres. 4,406.
» Il ne put le prendre, et tu veux t'emparer de lui par
la force! Dans Nirmotcbana, six mille grands Asouras,
l’ayant garotté avec des cordes, n’ont pu le prendre, et
tu veux t’emparer de lui par la force ! Un jour que
280
LE MAHA-BHARATA.
Çaàuri était venu au milieu des étoiles de l'orient, Naraka
avec les Dânavas ne put le prendre, et tu veux t’emparer
de lui parla force! C'est lui, qui, dans son enfance, im-
mola Çakount et Poûtanà. 4,407 — 4,408 — 4.409.
» C'est lui, qui porta le Govardhana po r mettre ses
vaches à l'abri ; c’est par lui que furent tués l'invulné-
rable Dhénouka et le robuste Anoûras. 4,410.
» Ce fut lui, qui plongea dans l’infortune Açvarâdja et
Kança, Djaràsandha, Vakra et le robuste Çiçoûpàla.
» Il immola Vâna; il détruisit les souverainseu bataille;
il vainquit le roi Varouna et le Feu à la vigueur immense.
4,411-4,412.
» 11 défit l’époux de Catch! en personne , ce jour
qu’il enleva des deux l’arbre l’âridjâta. Il fait tout, sans
être fait lui-même, il est la cause dans son humanité (1).
» Çaàurl fera, sans aucun effort, tout ce qu’il désire
faire. C’est lui, qui, pendant son sommeil dans la grande
mer, immola Madhou et Raitabha. 4,413 — 4,414.
» C'est lui, qui terrassa Hayagrîva, venu une seconde
fois à la naissance. Ne sais-tu pas qu’il est Govinda,
l’impérissable, à l'épouvantable valeur, 4,415.
» L'Être sans reproche, de qui la colère est semblable
à celle du serpent et qui est une masse de splendeur ?
Si tu affrontes Krishna aux longs bras, aux efforts infati-
gables, tu cesseras d’être aujourd’hui, toi et tes ministres,
comme une sauterelle, qui s’est jetée dans le feu ! »
4,410-4,417.
Après qu’il eut ainsi parlé, le vigoureux Kéçavn, l'im-
(I) Ce sein nom e«t pertonncl ; «loi do courage, qui e»t la «ignifl-
cation ordinairodu mot, padtnvushon, serait ici un non-sens.
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OUDYOGA-PARVA.
281
molatcur des héros ennemis, adressa ces mots à Douryo-
dhana, le fils de Dhritarâshtra : A, A1S.
« Je suis seuil » penses-tu, Souyodhana, et c'est pour
cela que tu me méprises, homme à l’intelligence bien
étroite, et que tu veux t'emparer de moi. A, A 19.
» Ici, sont tous les fils de Pândou avec les Vrishnides
et les Andhakas; ici, sont les Adityas, les Roudras, les
Vasous, accompagnés des sept grands rishis ! » A, A 20.
A ces mots, Kéçava de pousser un bruyant éclat de
rire ; et treize flammes de feu ayant la grandeur du pouce
et semblables aux éclairs, sortirent de la bouche riante du
magnanime Çaàuri. Brahma se tint sur son front ,
Roudra sur sa poitrine. A, 421 — 4,422.
Les gardiens du monde étaient sur ses bras ; Agni s’al-
luma dans sa bouche; là, étaient les Adityas, lesSadhyas,
les Vasous et les deux Açwins, les Maroutes avec Indra,
les Viçvadévas et les formes-unes de Rakshasas, des Gan-
dharvas et des Yakshas. 4,423 — 4,424.
Sankarshanaet Dhanandjaya se manifestèrent sur ses
deux avant-bras : Arjouna à droité, avec son arc, et Bala-
râma à gauche, tenant le soc de charrue, son arme.
Par derrière était Bhlmaséna, Youdhishthira et les
deux fils de Madrl, les Andhakas et les Vrishnides, ayant
à leur tête Pradyoumna. 4,425 — 4,426.
» Au-dessus de lui se tenaient les grandes armes levées :
la conque, le tchakra, la massue, la lance de fer, t arc
Çàrnga, le soc de charrue et son sabre Nandaka. 4,427.
On voyait, partout flamboyantes, toutes ses armes
levées dans les mille bras de Krishna. 4,428.
De ses yeux, de sou nez, de ses oreilles, de tous les
282
LE MAHA-BHARATA.
côtés, s’échappaient, avec la plus sinistre épouvante, des
flammes de feu, mêlé avec la (umée ; 4,429.
Et des pores de sa peau jaillissaient des rayons comme
la lumière du soleil. A peine eurent-ils vu cette personna-
lité effrayante du magnanime Kéçava, tous les rois,
l’âme tremblante, de fermer soudain les yeux, excepté
Drona, Bhlshma, Vidoura à la haute sagesse, le vertueux
Sand aya et les saints aux riches pénitences, à qui l'ado-
rable Djanârddana , pour le contempler , donna un
regard d’une vision céleste. 4,480 — 4,431 — 4,432.
A l’aspect de cette grande merveille, accomplie sur Mâ-
dhava dans la salle de l’assemblée, les tambours des
Dieux battirent des roulements et une pluie de fleurs
tomba du ciel sur la terre. 4,433.
« Ta majesté est bonne pour tout le monde, prince aux
yeux de lotus bleu, lui dit Dbritaràshtra ; ainsi daigne,'
ô le plus excellent des Yadouides, m’accorder ta faveur.
» La lumière est dérobée à mes yeux, Adorable : je te
supplie de les éclairer. Je désire contempler ta divinité ;
je n’ai pas envie de voir ici une autre personne. »
4,434-4,435.
Alors Djanârddana aux longs bras tint ce langage à
Dbritaràshtra : s Que deux autres yeux te soient donnés,
rejeton de Kourou. 4,436.
» On verra donc ce nouveau prodige : Dhritarâshtra avec
des yeux clairvoyants, qu’il a obtenus du Yasoudévide par
le désir de contempler sa forme céleste ! » 4,437.
Saisis d’étonnement, les rois virent Dhritarâshtra assis,
ayant recouvré la vue, et célébrèrent, avec les rishis, le
meurtrier de Madhuu. 4,438.
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OUDYOGA-PARVA.
283
Toute la terre trembla, la mer fut agitée et les princes,
éminent Bharatide, furent jetés au comble de l’admira-
tioTi. A, 439.
Ensuite, ce tigre des hommes diminua son corps ; et
telle fut l'illusion merveilleuse, divine, dont s’était accru
jusqu’au prodige ce dompteur des ennemis. 4,44 0.
11 prit de sa main Sâtyaki, le fils de Hrïddikya ; puis,
ayant reçu congé des rishis, le meurtrier de Madhou sortit
de la salle. 4,441.
Nârada et les autres saints disparurent et s’en allèrent.
Ce fut comme une grande merveille, qui était née au milieu
de ce tumulte. 4,442.
Aussitôt que les enfants de Kourou l’eurent vu partir,
ils suivirent avec les rois ce tigre des hommes, comme les
Dieux suivent les pas de (jatakratou. 4,443.
Sans penser à toute cette couronne de rois, Çaâuri à
l'âme infinie était sorti comme un feu enveloppé de sa
fumée. 4,444.
Puis, apparut Dàrouka sur son grand char, attelé de
Çaîvya et de Sougrîva, enveloppé d’un filet d’or, environné
de clochettes retentissantes, bruyant comme le nuage,
couvert de la dépouille d’un tigi-e, éclatant, léger, riche-
ment orné et muni d'un rebord pour empêcher les chocs.
4,445 — 4,44(5.
Le héros Kritavarman monta sur le char, et le guerrier,
estimé des Vrishnides, Hârddikya, fut exposé à tous les
yeux. 4,447.
Le puissant Dhritarâshtra adressa de nouveau ce
langage au victorieux Çaàuri, assis sur son char et sur le
point de son départ : 4,448.
«Tu m’as vu employer, Djanârddana, tout ce que j’ni
284
LE MAHA-BHARATA.
de force sur mes fils : tout fut exposé devant toi ; il n'y
eut rien de caché à tes yeux, héros formidable. 4,440.
» Voyant que tels sont mes sentiments, que je désir? la
. paix des Kourouides, et que j'y consacre mes efforts, ne
veuille donc pas me soupçonner injustement. 4,450.
» Ce projet criminel à l'égard des Pândouides, Kéçava,
ce n'est pas moi, qui l’ai inspùé. Tu connais aussi le lan-
gage, que j'ai tenu à Souvodhana. 4,451.
» Tous les Kourouides et tons les rois, maîtres de ia
terre, savent, Mâdhava, que j’ai employé tous mes efforts
pour la paix. » 4,452.
Le héros aux longs bras répondit à Dhritarâshtra, le
roi des hommes, à Drona, à Bhtshma, l'aïeul des Kou-
rouides, 4 Kshattri, à Vâhllka et à Kripa : 4,453.
u L’insensé Douryodhana s'est élevé avec colère ,
comme un homme mal appris , dans l'assemblée des
enfants de Kourou ; et ce fait s’est passé en présence de
vos grandeurs. 4,454.
» Dhritarâshtra, le maître de la terre, a parlé lui- même
à cette âme sans frein : je dis adieu à toutes vos excel-
lences, je retourne vers Youdhishthira. » 4,455.
Leurs adieux faits à Krishna, partant, monté sur son
char, il fut suivi par ces héros aux grands arcs, les plus
excellents des Bharatides, Bhtshma, Drona, Kripa, Kshat-
tri, Dhritarâshtra, le Vàhlika, Açwatthâman, Vikarna et
Youyoutsou au grand char. 4,456— 4,457.
Alors, monté sur son char vaste, éclatant, enuronnéde
clochettes, Krishna, sous les yeux des Kourouides, s'en
alla visiter la sœur de son père. 4,458.
Entré dans son palais, il se prosterna à ses pieds ; et,
quand il se fut assis, elle de lui demander ce qui s'était
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OUDYOGA-PARVA.
285
passé dans l'assemblée des enfants de Kourou. A, 459.
« Les rishis et moi, répondit le Vasoudévide, nous
avons tenu des discours de différentes sortes, pleins de
sens, très-acceptables; mais l'insensé ne voulut pas les
recevoir. 4,400.
» Tout ce qui suit le pouvoir de Douryodhana est mûri
spontanément pour la mort; je te fais mes adieux, noble
dame! je vais retourner promptement vers les (ils de
Pàndou. 4,401.
» Que dirai-je, de la part de leur illustre mère, à ces
fils de Pândou? Conte-moi cela, dame à la grande science;
je prête l’oreille à tes paroles! » 4,402.
«Répète, Kéçava, au vertueux roi Youdhishthira : « Le
plus graud des devoirs est abandonné de toi ! n’agis pas
en vain, mon fils. 4,403.
n Ton intelligence, ignorante et vide de la connais-
sance des choses, succombe, sire, faute du support des
Védas, comme celle de l’homme instruit. L’intelligence
ne voit que le devoir seul. 4,404.
» Eh bien I considère le devoir, toi, puisque tu es une
création de l'Être-existant-par-lui-même; il créa de ses
bras le kshatrya, parce qu’il vit de la force des bras.
« Toujours dans la défense des créatures, il est fait
pour des exploits cruels. Écoute ici un exemple, que
m'ont raconté les anciens. 4,405 — 4,400.
» Kouvéra, satisfait de sa conduite, donna jadis cette
terre au saint roi Moutchoukounda ; mais celui-ci ne
voulut point la recevoir. 4,407.
« Puissé-je posséder un royaume, conquis par la force
de mes bras : tel est mon désir ! » Le Viçravanide, joyeux,
sourit et agréa cette demande. 4,408.
280
LE MAHA-BHARATA.
» Le roi Moutchoukounda ensuite de gouverner sage-
ment, adonné au devoir du kshatrya, la terre, qu’il devait
à la force de ses bras. 4,469.
» Car, si les sujets marchent ici-bas dans le sentier du
devoir, les rois savent bien les défendre. Le roi, fils de *
Bharata, doit obtenir la quatrième partie de ce devoir.
» Si un roi suit la vertu, sire, il est semblable à toi;
s’il marche sur les pas du vice, il tombe dans le Naraka
même. 4,4 70 — 4,471.
» Une sévère politique force les quatre classes à rester
dans leurs devoirs; appliquée sagement par le maître, elle
donne ces castes aux vertus. 4,472.
» Quand un roi s’adonne entièrement à une saine poli-
tique, alors ici-bas règne le temps, qui est le meilleur des
âges et qu’on appelle Krita. 4,473.
» Le siècle est la cause du roi ou le roi est la cause du
siècle, dit-on ; mais qu’il n’y ait pas ici pour toi sujet à
un seul doute : le roi est la cause de l’âge. 4,474.
» Un roi est le créateur de l’âge Krita, de la Trétà et
du Dwâpara; un roi est aussi la cause du quatrième
âge. 4,475.
n Un roi, s'il est auteur de l’âge Krita, jouit sans bornes
du Swarga; est-il auteur de l’âge Trétâ, sa jouissance du
Swarga est limitée. 4,476.
» S’il a commencé le Dwâpara, il n’a qu’une part du
ciel ; comme il mange sans borne le fruit du vice, quand
il a donné naissance à l’âge Kali. 4,477.
» Le pervers habite des annéesinfinies dans le Naraka;
le monde est infecté par la contagion du roi, et le roi par
la contagion du monde. 4,478.
» Considère les vertus royales, accoutumées de ton
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OUDYOGA-PARVA.
287
père et de tes aïeux : la route, où tu désires entrer, n’est
pas celle, que suivirent les rois saints. 4,479.
u L’homme, qui reste fidèle aux sentiments d’huma-
nité, n’est pas mêlé aux troubles de l’âme; on goûte un
certain (1) fruit, qui naît de la défense des peuples.
» Ni Pândou, nimoi, ni ton aïeul ne les avons gouvernés
ainsi : ils étaient pourvus de l’intelligence, que jadis tu
possédais toi-même. 4,480 — 4,481.
» J’ai toujours estimé le sacrifice, l’aumône, la péni-
tence, le courage, la science et des enfants, la grandeur
d’âme, la force et l’énergie. 4,482.
» Toujours fortunées Swâhà et Swadhâ, toujours les
hommes et les Dieux, que je me suis rendus pieusement
favorables, m’ont accordé une vie longue, la richesse et
des fils. 4,483.
» Le culte des Dieux, l'aumône, la lecture, le sacrifice,
la défense de leurs sujets : voilà ce que toujours un père
et une mère recommandent à leurs fils. 4,484.
» Tu sais par ta naissance, Krishna, si le discours, que
je prononce, est mauvais ou bon ; mais la faim, mon fils,
a tourmenté les savants Pàndouides nés dans ma fa-
mille. 4,485.
» Oui ! parcourant la terre et souffrant de la famine, ils
arrivèrent chez le héros Dànapati, et, rassasiés de nourri-
ture, ils continuèrent leur voyage. Est-il une vertu supé-
rieure à celle-là? 4,480.
» Un homme vertueux, qui a obtenu un royaume ici-
bas, recevra de tous les côtés une chose par l’aumône,
(!) Au lieu de kintchinna, Nllâkanta écrit kintchana, offaçant avec
raison celte négation, qui fait, dans le texte de Calcutta, un malheureux
contre-sens.
288
LE MAHA-BHARATA.
une autre par la force, une autre par la vérité. 4,487.
» Que le brahme cultive l'aumône, que le kshatrya
veille à la sûreté des sujets, que, le valçya travaille pour
l’acquisition des richesses, que le ç.oûdra les serve tous !
» 11 t’est refusé de mendier, l’agriculture même ne te
sied pas ; tu es kshatrya, tu sauves par tes blessures ; la
vigueur de tes bras compose tes moyens d’existence.
4,488—4,480.
« Soulève ce timon et porte-le, mais souviens-toi qu’il
est fait pour des chevaux de noble sang. Déploie ta
vigueur, montre ta fierté, sache que le courage est ton
lot. 4,490.
» Retire par les caresses, la division, les cadeaux,
l’emploi de la force et la politique, guerrier aux longs
bras, l’héritage paternel de cette mer, où il est plongé.
» Après que je t’ai donné la vie, à toi, le plaisir de mes
amis, être forcée de jeter mes yeux sur la nourriture venue
d'une autre main, est-il pour moi rien de plus douloureux ?
4,491—4,492.
» Combats avec le devoir des rois, ne te plonge pas au
milieu des ancêtres ; et, ta vertu détruite, n’entre pas avec
tes puînés, dans la route des criminels. 4,493.
» Ici, l’on raconte, fléau des ennemis, cet antique
itihâsa : l’objurgation de Vidoulà à son fils (1). »
(1) Nous entrons dans un épisode, marqué des signes * au commencement
et à la fin, dan* un morceau difficile, ardu, obscur, hérissé d'obstacles et
d'épines, où les dictionnaires et les grammaires deviennent inutiles, où l'on
ne marche plus que d'un pas chancelant, embarrassé, circonspect, et d'un
pied craintif, faiblement éclairé par la douteuse lumière du commentateur.
Le style, tant s'en faut ! n'est plus celui des autres parties du poème. A
quel siècle appartient ce langage souvent énigmatique? Dans quelle province
s’est faite cette grave interpolation! grandes questions, qui seront long-
temps débattues après nous !
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OÜDYOGA-PARW.
289
u (*) Cette daine illustre, née dans une noble famille,
mais irritée, voulut bien me raconter dans toute son éten-
due ce qu’il y avait de plus vertueux dans celte histoire.
» Cette Vidoulâ était domptée ; elle avait une vue
longue ; elle se complaisait dans les devoirs du kshatrya;
elle était estimée, instruite, ayant écouté maint discours
dans l'assemblée des rois. 4,494 — 4,495 — à, MHS.
» Elle se nommait, dis-je, Vidoulâ : c'était une princesse
qui avait reçu la consécration sur son front ; elle adressa
des reproches à son propre lils, qui dormait, l’âme abattue,
vaincu par le roi desSindhiens : 4,497.
« Toi, qui n’es pas mon fils, qui n’es pas né de mon
sein, qui augmente la joie de tes ennemis; toi, à qui, ni
ton [>ère, ni moi n'avons donné le jour, où es-tu mainte
nant allé ? 4,498.
» Homme sans nul ressentiment, qui ne mérites pas
d'être compté , eunuque stérile , qui es sans aucune
espérance, porte aussi long-temps que durera ta vie, le
joug d’un heureux vainqueur. 4,499.
» Ne te méprise pas, ne conçois pas de cet homme la
moindre peur ; et, quand tu te seras fait une âme forte,
ne tremble pas et réprime ton effroi. 4,500.
» Lève-toi, homme vil, ne dors pas, quand tu as été
vaincu ; ne verse pas la joie à tous tes ennemis et, sans
orgueil, ne fais pas du chagrin le partage de ta famille.
» Mauvaise rivière bien remplie, ca\ ité toute pleine de
rats, homme bas à l’âme contente, tu es satisfait de bien
peu de chose 1 4,501 — 4,502.
» Ne vas point à la mort, comme un coursier, qui a brisé
les dents d’un serpent : tombé dans le péril de ta vie,
exerce là même ton courage. 4,503.
vi
19
290
LK MAHA-BHARATA.
» Que tes rivaux chantent victoire ou se taisent (1),
imite le faucon, qui, sans crainte clans les cieux, où il
tournoie, épie le côté faible de ses ennemis, 4,504.
» Pourquoi es-tu couché là, comme un mort, comme
une personne, que la foudre a frappée? Lève-toi, homme
lâche , et ne dors pas , quand ton ennemi est victo-
rieux ! 4,505.
» Infortuné, qui es allé à ton couchant, puissent tes
oreilles n’être pas frappées du bruit de ses exploits! Ne
sois, ni parmi les moyens, ni parmi les derniers, ni au
plus bas rang. Vaincu, relève-toi ! 4,506.
» Resplendis, ne (ût-ce qu’un instant, comme une tor-
che d’ébénier; et, semblable au feu sous des cosses de riz,
que le désir de la vie ne te fasse pas jeter une fumée sans
flamme. 4,507.
» 11 vaut mieux flamboyer un instant que jeter long-
temps une raine fumée. Dans le palais d'un roi quel-
conque, n'engendrez pas un mortel violent, mais un esprit
doux. 4,508.
» 11 crée un champ de bataille, il exécute un exploit
digne d’un homme, et il obtient alors un suprême acquit-
tement de sa dette au devoir ; il n’encourt pas de repro-
ches mérités par lui-même. 4,509.
» Qu’il ait acquis ou non, éclairé par la science, il n’en
ressent pas de chagrin : il commence à porter le poids des
affaires en ne se séparant pas des choses, qui font arriver
(1) C’eut le sens du commentateur; mai* je pense qu’il a tort j car ces
mots au uomin&tif peuvent très-bien sc rapporter au sujet du verbe, et
l’on peut dire non moins sénat ment : soit que tu partes, soit que tu gardes
le silence , imite....
Digitized t
OUDYOGA-PAftVA.
204
les existences à la perfection ; il ne désire pas les riches-
ses. A, 510.
» Aie recours à l'énergie, mon fils ; ou, mettant le
devoir devant toi, marche à la mort qui est la route
éternelle des hommes. Pour quelle raison as-tu reçu la
vie? A, 511. #
» Les sacrifices, les actes méritoires, la renommée
entière, tout est mort pour toi; tues retranché de la
racine des jouissances. Pour quelle raison as-tu reçu la
vie? A, 512.
» Ln homme, plongé dans les eaux où il va s’engloutir,
doit saisir l'ennemi par la jauibe : la racine coupée entiè-
rement ne sera jamais pleurée (1). A, 5 1 3.
» Soulève ce timon et porie-le ; mais souviens-toi qu’il
est fait pour des chevaux de noble sang. Déploie ta
vigueur, montre ta fierté : sache que le courage est ton
lot (2). A, 51 A.
» Retire de la mer ta famille, qui est à cause de toi-
même submergée dans les eaux : n’est-il pas très-éton-
nant que les hommes ne racontent point ta vie ? A, 515.
» Ni un homme, ni même une femme, qui n’atteignent
pas seulement à remplir la mesure de la vertu, ne disent
ta gloire, ni dans la charité, ni dans la pénitence, ni dans
la vérité! A, 516.
o Excrément de ta mère, ou dans la science, ou dans
l'acquisition des richesses! Sait-il qu’il est au-dessus des
(1) C'est le sens de Ntl&kantha; mais ne pourrait-on donner à la phrase
celui-ci : la ‘racine, qui n'est pas entièrement coupée , ne périiv pas encore,
par la force négative et séparative de la préposition ci ajoutée à pari-
tchhinnanl
(2) C'est mot pour mot le distique déjà vu et numéroté 4,490.
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292
I.K MAHA-BHARATA.
autres en instruction, en pénitence, en fortune, en cou-
rage, l’homme doit aussi les surpasser par ses actions.
Mais tu n’es pas digne demener la vie austère du religieux
mendiant! 4,517 — 4,518.
» Puissent tes ennemis te reconnaître dans cet homme
maigre, qui traîne une existence pénible, méchante, igno-
minieuse, condition accoutumée du misérable ! 4,51 9.
» Oh ! quelle abjecte vie nécessiteuse, ambition d’un
être vil au siège, aux vêtements ignobles, objet des mé -
pris du monde entier ! 4,520.
» La vue d'un parent, qu’ils rencontrent dans un tel
état, ii'accrolt pas le plaisir des autres parents. Exilés du
royaume, il nous faudra périr, faute de nourriture!
» Tombés de notre rang, privés de satisfaire 4 nos goûts
dans toutes les choses désirées, nous ne serons plus rien !
Honte 5 l'artisan d’actions blâmées, qui détruit sa race et
sa famille! 4,521 — 4,522.
» Honte ù Kali, quand il voulut te donner la vie, pour
le déshonneur des lils, à toi, sans colère, sans énergie,
sans vigueur, qui fais la joie de tes ennemis. 4,523.
» Puisse une femme quelconque ne mettre jamais au
monde un tel lils 1. . . . Ne produis pas de fumée, jette des
flammes sans mesure, marche d'un pied hardi et frappe
de mort tes ennemis! 4,524.
» Brille une heure, ou même un instant, sur la tête de
tes rivaux! Celui, qui a de la colère, qui a de l’impa-
tience, est vraiment un homme. 4,525.
» Est-il patient, est-il sans fureur, ce n’est pas une
femme, combien moins un homme ! La satisfaction et la
pitié sont les poisons de la prospérité ! 4,526.
» L'homme insoucieux dans le danger, ou qui néglige
OliDYOGA-PARVA.
293
de se relever, n’arrive pas, dans l’un et l’autre cas, à la
domination. Délivre-toi par toi-méme de ces défauts et de
ces vilenies. A, 527.
» Fais-toi un cœur de fer; efforce-toi de reprendre ce
qui t’appartient. On appelle un homme pourousha, parce
qu’il porte sur lui toute sa ville (I). 4,528.
» Mais quiconque vit dans ce monde comme une femme,
on le flétrit du nom d'homme insignifiant! Celui, qui
répand dans son royaume le bonheur sur ses sujets, ira
partager la destinée du héros au cœur puissant, qui
marche, hardi comme un liou. Le prince, qui, ayant
renoncé au plaisir et aux choses agréables, recherche la
prospérité, arrive bientôt à saisir la joie pour lui-même
et pour ses ministres. » 4,529 — 4,530 — 4,531,
« Que t’importe la terre, lui répondit son fils, fût-ce
même tout ce globe entier, qui ne me regarde pas? Qu’as-
tu besoin de parures? Qu'as-tu à faire de jouissances et
de la vie même? » 4,532.
« Nos ennemis, reprit sa mère, ont obtenu les mondes
des gens, qui négligent la lecture ; puissent nos amis
obtenir les mondes des hommes, à qui la lecture des Védas
est chère ! 4,533.
» Ne suis point la conduite de ces misérables sansâme,
qui attendent leurs aliments d'une main étrangère et qui
sont privés de serviteurs. 4,534.
» Que les brahmes et tes amis vivent de ta munificence,
comme les créatures vivent des pluies du nuage et comme
les Dieux vivent des largesses de Çatakraiou. 4,535.
» Riche est la vie de cet homme, qui fait vivre toutes les
(i) Pouran
294
LE MAHA-BHARATA.
créatures, Sandjava, comme si elles avaient trouvé un
arbre aux fruits uiûrs. 4,536.
» Ses parents augmentent ici-bas leur plaisir par les
fortes œuvres de ce héros, comme les Tridaças accrois-
sent les douceurs de leur vie par celles de Çakra. 4,537.
» L’homme, qui vit en s'appuyant sur la force de son
bras, obtient dans ce monde la renommée et, dans l’autre
vie, la voie resplendissante. 4,538.
» Les choses étant ainsi, tu veux déserter le courage ;
et, avant qu’un long-temps ne s'écoule, tu iras dans la
route fréquentée des lâches. 4,539.
» Le kshatrya, qui ne fait pas voir de toutes ses
forces son héroïsme par ses exploits, on le caractérise
dans cette locution : a C’est un brigand, qui désire la
vie 1 » 4,540.
» Tu rejettes ces paroles vertueuses, pleines de sens,
propres à la conjoncture, comme un remède est repoussé
par l’homme résolu à mourir. 4,541.
» Les gens du roi de Sindhou ne sont pas de cette ma-
nière satisfaits: les insensés, au contraire, ils restent assis
dans leur faiblesse, attendant une multitude d'inlortunes.
a Prenant la fortune pour alliée et voyant ton manque
de courage, les autres passeront çà et là au parti de l'en-
nemi, suivant leur détermination. 4,542 — 4,543.
» Réunis-toi avec les bons et va demeurer dans les
endroits inaccessibles de la montagne, attendant les
malheurs, qu'amène le temps : ton ennemi n’est pas im-
mortel et impérissable. 4,544.
a Tu es nommé Sandjaya (i) , et je ne vois pas la vérité
’\) La victoire.
OUDÏOGA-PARVA.
205
de ce nom en toi : porte un nom, que l’on comprenne, mon
fils, et ne sois pas revêtu d'un nom, qui est vide de signi-
fication. â, 555.
» Un brahuie a prédit sur toi en ton enfance : « Ce
sera un homme de grande science, il aura le coup d’œil
juste ! Plongé dans un grand revers, il remontera à la
prospérité 1 » 5,556.
» Ses paroles, que je me rappelle, me font espérer
ta victoire : aussi, je te les redis, mon fils, et je ne ces-
serai de le les répéter mainte et mainte fois. 5,557.
# Un homme, de qui le succès dans les choses est bien
lié, voit-il du progrès en ses affaires, les autres en éprou-
vent du contentement ; conduis-les à ta suite dans les
routes de la politique. 5,55S.
» Qu’il y ait abondance ou disette dans les paroles des
ancêtres et de moi, Sandjaya, ces choses considérées, aie
ton cœur au combat, et n’y mets pas de brièveté. 5,55S>.
o 11 n’y a point, a dit Çambara, de condition pire que
celle où l’on ne voit de nourriture, ni pour aujourd’hui, ni
pour demain. » 5, 560.
» La pauvreté, c'est une de ses paroles, est une afflic-
tion plus grande que la mort d’un fils ou d’un époux :
c’est même, a-t-il ajouté, une espèce de mort. 5,551.
u Je suis née dans une illustre famille, telle qu’un lotus
implanté d’un lac dans un autre ; je suis une souveraine,
comblée de toutes les choses heureuses, honorée au plus
haut point de mon époux, à, 552.
» Jadis, chargée de bouquets et de précieux atours,
éclatante de fortune, revêtue des plus riches habits, joyeuse
dans la troupe de mes amies, tu ne me vis point arriver
au milieu de mes compagnes. 5,553.
298
LE MAHA-BHARATA.
» Mais tu me verras, moi et ton épouse, Sandjaya, acca-
blée d'une grande faiblesse; tu n’auras plus alors aucun
souci de ta vie. 4,554.
» Quand tu nous auras vus, tes esclaves, tes domes-
tiques, tes officiers, l'Atchàrya, les ritouidjs, les archi-
brahmes, nous tous enfin, abandonner l'existence, faute
de nourriture, quel souci auras-tu alors de ta vie? 4,556.
» Quand je ne vois plus aujourd'hui, ce que je voyais
autrefois, une seule affaire glorieuse, dont tu puisses
t'enorgueillir, quelle tranquillité saurait-elle exister pour
mon cœur? 4,556.
n 11 n'en est point ! » s’il nie faut dire une parole de
vérité. Que mon cœur soit déchiré ! Ni moi, ni mon époux,
n’a tenu jamaii ce langage véridique : « 11 n’en est point ! »
» Nous devons être des protecteurs, nous ne devons pas
recevoir les ordres d’un ennemi. Si, durant ma vie, je ne
trouve pas en toi de changement, j’abandonnerai l’exis-
tence. 4,557 — 4,558.
» Sois notre rivage ultérieur dans cette mer sans
rivage, sois notre barque au milieu de ce déluge ; faisque
nous nous tenions fermes sur ce terrain glissant; ressuscite-
nous descendus au tombeau. 4,559.
» Si tu ne peux soutenir les ennemis, ne veuille plus
vivre, plutôt que de tomber dans une conduite à telle
point impuissante. 4,580.
» Homme à l’âme dégradée, à la pensée détruite, aban-
donne cette vie abjecte : la mort, donnée à un seul en-
nemi, conduit un héros à la gloire. 4,501.
b Indra devint seulement Mahéndra (1), quand il eut
fl) Le gratul l tuf ta.
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OliDYOGA-PARVA.
297
tué Vritra. Il obtint alors de réunir entre ses mains tout
ce qui fait l’apanage du Mahéndra et fut le maître des
mondes. 4,502.
» C’est en proclamant haut son nom sur un champ de
bataille, en provoquant des ennemis sous les armes, en
dispersant une avant-garde, en immolant un guerrier
distingué, que le héros gagne par ses combats une écla-
tante renommée : c’est par cela seulement que les en-
nemis sont frappés de terreur et courbent la tète.
4,563 — 4,504.
» Les lâches, les hommes vils comblent, malgré eux,
de l’abondance des choses désirées le héros habile, qui,
dans les combats, dédaigne l'existence. 4,565.
» Un roi est-il précipité d’une chûte épouvantable, est-
il en péril de sa vie : les sages politiques ne laissent rien
à l’ennemi tme fois qu’il est vaincu. 4,566.
» Pense qu’un royaume est semblable à la porte du
Swarga, qu'il ressemble même à l’ambroisie, qu'une seule
route y conduit ; et marche comme une torche au milieu
des ennemis. 4,567.
» Immole les ennemis dans le combat ; accomplis ton
devoir, sire ; ne frappe point mes yeux du spectacle de
ton abjection ; augmente la terreur des ennemis!. 4,568.
o Entouré des nôtres gémissants, environné des ennemis
poussant des cris de victoire, puissé-je, malheureuse, ne
pas te voir tombé au fond du malheur I 4,509.
» Jouis du bonheur avec tes épouses, les filles des Saâu-
viras, toi, qu’on dut vanter jadis pour tes richesses : la
mort dans l’âme, ne marche pas, soumis aux caprices des
jeunes princesses du Sindhou. 4,570.
208
LE MAHA-BHARATA.
» 11 me faut comme un taureau indompté, soutient un
furdeau, te supporter ! 4,571.
» Jeune, doué de beauté, de science et d’une noble
famille, un homme (1), tel que toi, illustre et renommé
dans le monde, a pu se dégrader ainsi, et c'est la mort
pour moi ! Si je te voyais suivre les pas de ton ennemi, ou
lui adresser des paroles agréables, quelle paix y aurait-il
pour mon cœur 1 11 n’est jamais né dans cette famille un
homme, qui en ait suivi un autre ! 4,572 — 4,573.
» Ne veuille pas vivre, mon fils, si tu es réduit à suivre
les pas d'un ennemi ; car je sais que tout ce qui a le
coeur d'un kshatrya est emporté dans une révolution
éternelle. 4,574.
» Il fut dit en eiïet à nos devanciers par de plus anciens
devanciers, à ceux, qui étaient avant nous, par d'autres,
qui étaient avant eux, que Brahma avait cçéé les êtres
éternels et impérissables. 4,575.
» Que le kshatrya bien né, instruit des choses du
kshatrya, considère cette marche du monde et que la
crainte ne le force jamais à s’incliner devant le premier
venu. 4,571*.
» Qu'il se redresse même et ne se courbe pas : se rele-
ver, c’est du courage ! Qu'il soit honoré même d’une ma-
nière inattendue, mais qu’il ne s'humilie jamais ici devant
personne. 4,577.
» Que l'homme au grand cœur erre comme un éléphant
en rut ; qu’il s'incline toujours, Sandjaya, devant les
bruhmes et devant le devoir. 4,578.
(1) Yat, écrit le commentateur, au lieu que porte l'édition de
Calcutta.
OUDYOG V-PAHVA.
299
«Qu’il ait ou non des compagnons, il doitsavoir, durant
sa vie, comprimer les autres classes, et mettre à mort tous
les criminels. » A, 579.
n Ma mère, lui répondit son fils, femme irascible, ins-
truite dans l’héroïsme, insensible h la pitié, tu as fermé
ton cœur, qui est, pour ainsi dire, fait tout entier de
fer. A, 680.
« Hélas! la vertu du kshatrya m’excite également à ce
combat, où tu m’engages, comme si j’étais un autre, et
comme si tu étais la mère de mon ennemi. A, 581.
» Trouverait-on sur le globe entier une noble dame,
qui pût tenir un langage pareil au tien, sans considérer
que je suis ton fils unique. A, 582.
» A quoi bon des parures? Qu’as-tu besoin d'une vie
entourée de jouissances, toi, qui as trouvé la mort (t) dans
cette bataillé avec moi et qui aimes ton fils? » A, 583.
« Toutes les entreprises des sages, mon fils, reprit sa
mère, ont pour causes le juste et l’utile; c’est après avoir
considéré ces deux points de déport , que je t’ai excité,
Sandjava. A,5SA.
» Armé de courage, observe que le moment suprême
est arrivé. Si lu n’accomplis pas au temps juste ce qui
doit être fait, A, 585.
» Tu fléchiras sa colère, Sandjaya, dans l’attitude d’un
vaincu, pour ne pas dire que tu seras atteint par le dés-
honneur. A, 586.
« I.a douceur, dit-on, est amère, impuissante et sans
cause ; abandonne nue route blâmée des gens de bien et
fréquentée par les insensés. A, 587.
(!) Uoyt sangarahaté, dit le texte du commentaire.
800
LE MAHA-BHARATA.
» Grande est l’ignorance des êtres, qui s’engagent dans
cette route. Si tu embrasses la conduite des gens de bien,
tu seras agréable à mes yeux. A, 688.
u Élève ton fils et ton petit-fils aux qualités de l’utile
et du juste, non jamais dans une autre; qu'ils aient la
conduite des bons, digne des hommes et des Dieux. En
vain se r£jouit-on d'un fils mal élevé, sans énergie, à l’in-
telligence dépravée : on a fait en lui avorter le fruit d’une
postérité. Les hommes vils, qui»ne s’adonnent pas à des
œuvres saintes et qui font des actions blâmées, n'ob-
tiennent le bonheur, ni dans ce monde, ni dans l'autre
vie. Celui, qui est né kshatrya, .pour la guerre, Sandjaya,
et pour la victoire ici-bas,
A , 589—4 , 590—4 , 59 1 —4 , 592.
» Acquiert, ou vainqueur, ou vaincu, de partager le
monde d'Indra. Le bonheur existe dans le ciel pur, non
dans le palais d'un ennemi. 4,593.
» Le kshatrya, qui a réduit ses ennemis (1) sous sa
puissance, augmente son bonheur. Il faut agir en homme
intelligent, de qui la colère consume et qui accable de
mille dommages par l’envie d'exceller sur les ennemis.
Abandonne l’existence, ou renverse mort ton rival à tes
pieds! 4,594-4,595.
» D’ou la paix te pourrait-elle venir, si ce n’est de
cette manière? L’homme sage désire, ici-bas, une très-
minime portion de malheur. A,59fi.
» Celui, qui a peu de plaisir dans le monde, il est
certain qu’il y a aussi peu de chagrin; La perte des choses
il) Yculi mitrtn loçni krittvâ, dit l'édition de Calcutta; c'e»t une
faute : Yadamitrân , dit plu* correctement l'édition de Bombay.
Oli D YOG A - PAR V A .
301
aimables ne donne pas le bonheur à l’homme; mais il est
sûr qu'il marche au tombeau, comme le Gange se dirige
vers la mer (1). » 4,597 — 4,598.
« Tu ne dois pas exprimer une semblable opinion, ma
mère, lui répondit Sandjaya, surtout quand il s’agit de
ton fils. Je considère ici la tendresse, que je dois à mon
corps, et c’est là ce qui me fait rester, comme un idiot
privé de la parole. >i 4,599.
n Ma joie est extrême, quand je te vois faire cette ré-
flexion, reprit sa mère. Tues surpris de me voir redoubler
mes excitations sur ton cœur. 4,600.
» Je t’honorerai, quand tu auras immolé tous les Sin-
dhiens; car je vois ta victoire entièrement assurée. »
« Sans trésor, sans allié, me dis-je, d’où me viendrait
le succès de ma victoire? lui répondit son fils. Je consi-
dère moi-même au fond de ma pensée cette épouvantable
condition : 4,602.
» Ma situation de roi déchu de son 'trône, comme un
méchant, qui est tombé du ciel. Regarde un peu, noble
dame, les chances de cette position. 4,603.
» Réponds avec convenance à mes questions, ô toi, de
qui la science est mûre; j’accomplirai exactement tout ce
que tu me commanderas. » 4,604.
« On ne doit pas, mon fils, reprit sa mère, te mépriser
en toi-même. On te fait la guerre, parce que tu n'as plus
tes anciennes richesses : quand les biens diminuent, ils
périssent. 4,605.
» Il faut de la colère même pour commencer la gran-
(1) Voilà le se u s littéral; nous n’avons point adopté celui du commen-
taire : c'est uu peu trop faire entrer de m propre pensée dans les paroles
302
LE MAHA-MIARATA.
deur; des esprits stupides n'en peuvent jeter les (onde-
ments. 11 y a toujours, mon lils, dans le fruit de toutes
les choses, une condition transitoire. 4,006.
» Sachant qu’elles sont instables, qu’elles sont et ne
sont plus, ceux, qui n'accomplissent rien, sont toujours
hors de l’existence. 4,607.
• 11 n’y a qu’une seule qualité dans l'inaction : c’est
le non-être ; mais il y a deux qualités dans l'action et son
fruit; celui-ci est ou n’est pas. 4,608.
» Celui, qui a reconnu de bonne heure l’instabilité de
toutes les choses, doit rejeter loin de lui, fils d’un roi,
deux causes d’infortune : la richesse et le pouvoir.
» Dans les actes, qui regardent le salut, il faut être
toujours debout, veiller, penser et se dire : « Ce sera ! »
tenant son âme toujours libre de la douleur.
» La prospérité d’un roi, qui donne le premier rang
aux Dieux, aux brahmes, aux prières, ne tardera point
à venir mon fils. ‘4,609 — 4,610 — 4,611.
» La Déesse de la fortune habite sa demeure, comme
le soleil habite la plage orientale : les exemples, les res-
sources, les excitations se multiplient dans ses mains.
» Tes formes, je le vois, sont admirables; déploie ta
valeur, veuille amener ici la richesse désirée d’un
homme. 4,612 — 4,613.
» Considère avec attention ceux des ministres de l’en-
nemi, qui sont enclins â la colère, à l'avarice, les âmes
perdues, orgueilleuses, déshonorées, et ceux mêmes, qui
sont portés à l’envie. 4,614.
» De cette manière, tu mettras en fuite de puissantes
armées, comme le vent, dont la rapide vitesse s’est accrue,
disperse les nuages. 4,615.
OUDYOGA-PARVA.
SOS
» Fais à ces hommes les plus beaux présents ; fais se
lever sur l’horizon le soleil de leurs affaires, adresse-leur
des paroles aimables; ils exécuteront, pour sûr, ce qui
t’est agréable, et te donneront la prééminence sur leur
maître. 4,016.
» Que ton rival sache que tu es un ennemi, qui ne fait
nul cas de la vie: il tremblera d’eflroi, comme si tu
étais un serpent, qui s’est glissé dans sa maison. 4,617.
» Si une fois reconnu qu’un ennemi est doué de
force, tu ne tâches de le réduire en ta puissance, r'est une
faute : évente ses desseins par des espions habiles ; la
conséquence doit être la soumission de ce rival. 4,618.
» Quand des rapports t'auront appris les affaires de
l’ennemi, il résultera de ce renseignement une augmen-
tation de tes richesses ; et le monarque opulent voit les
amis venir â lui et se réfugier à ses côtés. 4,619.
» Sa prospérité est-elle ébranlée, ses amis et ses pa-
rents mêmes l’abandonnent de nouveau ; ils ne respirent
plus en lui, et ne veillent plus à la défense d’un tel prince.
» Un roi a fait d’un ennemi son compagnon et uiarche
avec confiance : qu’en doit-il résulter ? Crois-tu qu’il
puisse conserver son royaume ? 4,620 — 4,621.
» Un roi dans l’infortune ne doit paraître jamais crain-
dre même qui que ce soit : est-il brisé, qu’il vive comme
s'il ne l’était pas. 4,622.
» L’aspect d’un monarque brisé entraîne sa rupture
complète : mais les ministres, chacun en particulier,
rangent la terre sous l’empire du fort. 4,623.
» Les uns marchent à l’ennemi, les autres négligent
de l'attaquer, ceux-là sans honneur n’ont que le désir
d’emporter ce qui est devant eux. 4,624-
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LE MAHA-llHAItm.
:m
h De même, les amis, qui vous environnent de leurs
nombreux hommages, désirent bien votre bonheur ; niais
ils n’ont aucune puissance, comme une vache, liée à son
veau, ne peut marcher. 4,625.
» Ceux, qui, comblés précédemment de tes bienfaits,
se plaignent, quand tu te plains, ainsi qu'à la mort des
parents, sont regardés comme tes amis. 4,626.
» Ceux, qui pensent : a Ce royaume est à nous ! » ten-
dent à l’infortune du roi ; ne romps pas avec tes amis,
pour qu'il ne t’abandonnent pas rompu. 4,627.
» L’énergie, dis-je, moi, qui veux éprouver ton intel-
ligence, ton courage et ta force, moi, qui t'inspire la
fermeté, est nécessaire à ton accroissement : 4,628.
» Si tu comprends ces idées, si mes paroles sont conve-
nables, fais-toi une âme selon mon plaisir, et, Saudjaya,
relève-toi pour la victoire. 4,629.
» Tu n’as point, que nous sachions, un grand amas de
richesses, mais je te connais du moins celle-ci, et je te la
donne comme je l’ai reçue. 4,630.
» Il te reste encore, Sandjaya, des amis par centaines,
qui supportent la peine et le plaisir, héros, et qui jamais
ne reculent dans un combat (1). 4,631.
» Des hommes tels veulent être les compagnons d’un
héros. Des ministres à l’intelligence bien étroite, puissant
guerrier, quientendent une telle parole de moi, ont nn peu
l’envie de ravir ce qu’ils désirent, car l’obscurité est des-
cendue sur les lettres et les mots au sens bien admirable
de mon langage. » 4,632 — 4,633.
(!) J 'admet a le texte de NilAkantha, qui porte : Ssmgrânuiri-anivart'
fit MU.
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oudyoga-parYa.
305
« 11 me faut retirer des eaux, répondit son fils, ce
royaume submergé de mes pères, ou il me faut mourir
dans ma ruine, moi, à qui cependant tu auras été donnée,
comme un guide , pour signaler à mes yeux la prospé-
rité. 4,634.
» Je désirais entendre ta parole, et je ne fis 4 rien aucune
réponse : je gardai à différentes fois le silence pour ne rien
dire de contraire. 4,635.
» Sans être rassasié d’une ambroisie conquise avec
peine, je vais soulever mes parents pour la compression
des ennemis et pour la victoire. ». 4,636.
« Te voici lancé comme un cheval ardent, reprit sa
mère, tu voles sur les flèches de ma parole ; et c’est véri-
tablement ma pensée, qui a produit cette merveille.
d Laisse ta conseillère (1) t’exprimer cette idée, lin
roi sublime, qui accroît la splendeur, est épouvantable ; il
opprime l'ennemi, qui périt : le poil devant lui se hérisse
de terreur. 4,637 — 4,638.
» La victoire est son nom ; un héros, s’il désire vaincre,
doit écouter son histoire. 11 est le conquérant de la terre :
entend-il parler d’un ennemi, il marche Jt lui aussitôt.
» 11 dogne le jour 4 des fils, il donne naissance 4 des
héros ; une femme enceinte, de qui les oreilles sont frap-
pées souvent par son nom, met pour sûr au monde un
homme de cœur, 4,639 — 4,640.
» Un ascète, un héros par la science, un héros par la
pénitence, un héros par la charité, flamboyant d’une
splendeur brahmique, loué dans les entretiens des hom-
mes vertueux, 4,641.
(1) Le mot wt au m&sculiu ; montré.
VI
20
306
LE IfiAH A- BHARATA.
» Rayonnant, doué de force, pur, conduisant un grand
char, ferme, inaffrontable et vainqueur invincible,
» Le justicier des méchants, le protecteur des bons :
tel est ce héros infaillible dans son courage, à qui une
épouse de caste militaire donne le jour(*). 4,642 — 4,643.
» Kéçava, ajouta Kountî, tu diras à Arjouna : « Le
jour de ta naissance, environnée de femmes, assises au-
dessous de moi, dans mes couches, 4,644.
» Une voix de forme célesto, ravissante, semblable à
celle du Dieu aux mille regards, éclata dans les deux :
« Kountl, disait elle, vbilà ton fils ! 4,645.
» 11 triomphera de tous lesKourouides, qui se présente-
ront 4 lui dans la bataille. Secondé par Bhimaséna, il sou-
mettra le monde. 4,646.
a Ton fils sera le vainqueur de la terre; sa renommée
montera jusqu’au ciel. Quand il immolera les enfants de
Kourou dans un combat, il aura pour compagnon le Va-
soudévidc. 4,64".
« 11 arrachera avec ses frères, aux mains de l’ennemi,
l'héritage enlevé de ses aïeux ; et, favorisé de la fortune,
il doit célébrer trois grands sacrifices. » 4,648.
n 11 est ditl’Homme-qui-est-uni-à-la -vérité, Bibhatsou,
l'Ambidextre et l'impérissable. Tu sais qu’il est vigoureux,
inaffrontable. 4.649.
» Qu’il en soit ainsi, DAçârhain, comme cette voix a
dit! Si le devoir existe, Vrishnide, ce sera la vérité.
» Tout cela sera fait par toi, Krishna; je ne porte pas
haine à ces choses, puisque la voix les a prédites.
4,650—4,651.
u Adoration soit rendue au sublime devoir : c’est le
devoir, qui soutient les créatures. C’est pour cela que
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OUDYOGA-PARVA.
307
Dhanandjaya doit être célébré, c’est pour cela que Vri-
kaudara est toujours prêt, A, 6 52.
» Voici le moment arrivé de9 exploits, pour lesquels
une femme kshatrya leur a donné le jour. Certes ! quand
ils entrent dans une guerre, les hommes de cœur ne
perdent pas le courage. A, 653.
» Tu connais l’âme de Blilma ; elle n’arrive pas au
calme, puissant vainqueur, qu’il n’ait accompli le mas-
sacre des ennemis. A, 65A.
» Dis aussi, Màdhava, à la juste et fortunée Krishnâ,
la bru du magnanime Pândou, la femme, qui sait la dis-
tinction entre tous les devoirs : A, 655.
« 11 sied, dame vertueuse, née dans une famille re-
nommée, que ta conduite soit régulière à l’égard de tous
mes ftls. » A, 656.
n 11 faut lui parler de l’un et l’autre Ois de Màdrl, qui
se complaisent dans les devoirs du kshatrya, et qui pré-
fèrent à leur vie même des jouissances conquises par leur
courage. A, 657.
» Ouil c’est par la vaillance qu’ils sont arrivés aux
richesses. Ils ne cessent d’aimer, 6 le plus grand des
hommes, l’âme du mortel, qui vit d’une manière conforme
aux devoirs du kshatrya. A, 658.
» Qui de vous, accrus de toutes les vertus, oserait par-
donner qu'on ait adressé à Draâupadl S0U3 vos yeux des
paroles injurieuses? 5,669.
» La perle du royaume ne fut pas une douleur pour
moi : la défaite au jeu ou l’exil même de mes 01s ne me
fut pas une cause d'ailliction. A, 660.
» Mais que cette femme grande, azurée, baignée de
pleurs, se soit vue dans une assemblée, où elle entendit
308
LE MAHA-BHARATA.
des paroles blessantes; c’est une vive peine, beaucoup
plus affligeante pour moi ! 4,601.
» Celte dame à la taille charmante, qui réunit toutes
les vertus de la femme et qui met continuellement son
plaisir dans les devoirs du kshatrya, elle ne parvint pas à
trouver alors un protecteur, elle, qui, cependant, ne man-
quait pas de protecteurs. 4,602.
» Parle aussi, guerrier aux longs bras, à Arjouna, le
plus éminent des mortels, le plus excellent de tous ceux,
qui portent les armes, l’homme, qui marche dans le sen-
tier de Draâupadî. 4,663.
•i Car tu sais que Bhimaséna et Arjouna, semblables,
dans l’excès de leur colère, à deux Yamas destructeurs, '
conduiraient les Dieux mêmes dans la voie supérieure.
» Ce fut contre eux un acte de mépris qu’on ait traîné
Krishna dans une assemblée, et que Douççâsana ait pro-
noncé des paroles amères pour Bhimaséna sous les yeux
des Kouronides. Fais que celui-ci en rappelle à soi le
souvenir. Informe-toi auprès des fils de Pàndou, sans
oublier Krishnâ, sur leur santé et sur la santé de leurs
fils. 4,665—4,666.
» Dis-leur encore, Djanârddana, que je suis bien
portante. Va dans une route sans danger et prête ta dé-
fense à mes fils. » 4,667.
S’étant incliné devant elle et réunissant ses mains en
coupe à son front, Krishna aux longs bras sortit avec la
marche dandinante du lion. 4,668.
Ensuite, il congédia Bhtshma et les autres héros des
Kourouides ; il fil monter Karna dans son char , et s’a-
vança avec Sâtyaki. 4,669.*
Quand Kéçava le Dâçârhain fut parti, les enfants de
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OUDYOGA-PAUVA.
809
Konrou dans leurs mutuelles réunions parlaient avec une
merveilleuse liberté dans une douleur suprême : 4,670.
« Ce globe entier jusque dans les parties les plus ca-
chées est tombé sous le lacet de la mort, et c’est par la
folie de Douryodhana! » disaient-ils. A, 071.
Le plus grand des hommes, étant sorti de la ville,
tint alors conseil un bien long-temps avec Kan a. 4,672.
Puis, ce héros, la joie de tous les Yadouides, congédia
le fils adopif de Râdhà, et, poussant rapidement ses che-
vaux, il poursuivit sa route avec une grande vitesse.
Stimulés par Dârouka, les coursiers infiniment agiles,
légers comme le vent ou la pensée, volaient, buvant, pour
ainsi dire, l’atmosphère. 4,073 — 4,074.
Après qu’ils eurent traversé une longue route, rapides,
comme s’ils avaient les ailes du faucon, ils arrivèrent
bientôt par la voie des airs à Oupaplavya, glorieux de
porter le Dieu, qui tient l’arc Çàrnga. 4,075.
Dès qu’ils eurent entendu ce langage de Kounti, les
deux héros Bhishma et Drona adressèrent ce discours à
Douroyodhana, transgresseur de l’ordre paternel : 4,670.
o Tu as entendu, tigre des hommes, ce discours sensé,
vertueux, sublime, que Kounti vient de prononcer en
présence de Krishna. 4,677.
» Les fils de Prithà feront ce qui est dans l’opinion du
Vasoudévide : en effet, jamais les Pândouides né se cal-
meront, à moins qu’on ne leur rende un royaume. 4,678.
» Tu les as tourmentés, liés qu'ils étaient par les
chaînes du devoir, et Draâupadl elle-même fut traînée
dans l’assemblée;... et tu as souffert cette action! 4,679.
b Quand tu te verras en face de lihltna à la résolu-
tion bien arrêtée, d’Arjouna, consommé dans les armes,
810
LE MAHA-BHARATA.
du Gandiva, de ses deux carquois inépuisables, de son
char et de son drapeau, 4,680.
» De Nakoula et de Sahadéva, doués d’énergie et de
courage, du Vasoudévide, son allié, Youdhishthira ne te
fera pas grâce ! 4,681.
» Tu sais comme nous avons été vaincus en bataille
sous tes yeux, guerrier aux longs bras, dans le royaume
de Viràta par le sage fils de Prithà. 4,682.
» Tu sais comment les Nivâtakavatchas, Démons aux
œuvres épouvantables, furent consumés dans la guerre,
quand ils voulurent s’approcher des flèches terribles du
guerrier, qui porte un singe pour son drapeau. 4,683.
b Toi-même, revêtu de ta cuirasse, monté sur ton
char, et ces héros, dont Karna est le chef, ne fûtes-vous
pas délivrés par lui dans la Ghoshayâtrà : cet exemple
doit ici vous suffire! 4,784.
b Appaise ta colère avec tes frères à l’égard des Pân-
douides, ô le plus grand des rejetons de Bharata; et
gouverne ce globe entier tombé entre les dents de la
mort! 4,685.
» Toi, l’atné de tes frères, doué de vertus, bon ami,
poète, à la voix douce, aborde ce tigre des hommes et
repousse d'ici le péché. 4,686.
b Qu’on te voie, environné de la fortune, désarmé de
ton arc par le fils do Pàndou, ayant calmé ce froncement
de tes sourcil^et rendu la paix à notre famille. 4,687.
b Avance avec tes ministres vers ce fils de roi, erabras-
se-le et, comme tu faisais jadis, incline-toi, dompteur des
ennemis, en présence de ce monarque. 4,688.
b Que le fils deKounti, Youdhishthira, né avant Blâma,
te relève affectueusement de sa main, incliné devant lui.
"Digit Google
OUDY OG A-PARV A.
SU
■> Que Bbtma, le plus brave des combattants, aux grands
bras, aux épaules de lion, t’étreigne dans ses bras longs,
vigoureux et ronds ! 4,68$) — 4,690.
»Que Dhanandjaya, le fils de Kountl, qu'on a turnommi
le Prithide, s'incline devant toi avec ses yeux de lotus
bleu, son cou arrondi comme la conque, ses cheveux
pareils au feuillage de l’euphorbe. 4,691.
» Que ces deux héros incomparables en beauté sur la
terre, ces deux tigres des hommes, les Açtvius incarnés,
te décernent comme à leur gourou les hommages de l’a-
mitié et du respect. 4,692.
» Que ces rois, à la tête de qui marche le Dâçàrhain,
versent des pleurs nés de la joie : avance-toi avec tes
frères et dépose, seigneur, ton orgueil. 4,693.
» Règne ensuite avec tes frères sur ce globe entier ; et
que ces rois, s’étant embrassés avec effusion, s’en retour-
nent chacun chez soi. 4,694.
» C’est assez de combats,- Indra des rois 1 écoute les
répugnances de tes amis. Pour sûr, on verra dans cette
guerre la perte de tous les kshatrvas. 4,695.
» Les astres ont des clartés sinistres , les volatiles ot
les quadrupèdes inspirent l’épouvante. Divers présages
annoncent, héros, la mort des kshalry;ts.,4,696.
» Ces augures régnent surtout ici dans nos palais. Ton
armée est tourmentée par des météores ignés flam-
boyants. 4,697.
» Les chevaux, dans la tristesse, semblent verser des
larmes ; les chacals, souverain des hommes, assiègent de
tous les côtés tes armées. 4,698.
» La cité n’est plus, comme avant, l'habitation du roi ;
812
LE MAHA-BHÀRATA.
des chacals aux sinistres glapissements habitent dans la
plage méridionale (1). 4,699.
» Exécute la parole de ton père, de ta mère et de nous
tous, qui désirons ton bien : déploie tes efforts, guerrier
aux longs bras, pour cette difficile affaire et pour la paix
elle-même. 4,700.
» Si tu n’accomplis pas la parole de tes amis, ô toi,
qui traînes les cadavres de tes ennemis, tu en auras du
repentir, quand tu verras ton armée en proie aux flèches
des enfants de Prithâ. 4,701.
» Quand tu entendras sur le champ de bataille le bruit
du (lândîva et les hautes clameurs, proférées par le
vigoureux Bhlma, alors tu te souviendras de mon dis-
cours, si ma parole est contraire à tes sentiments. »
A ces mots, l'esprit dans le doute, le regard oblique,
le visage baissé, rétrécissant l’intervalle, qui séparait ses
sourcils, le prince, qui les entendit, resta sans prononcer
une seule parole. 4,702 — 4,703 — 4,704.
Dès qu’ils eurent vu son âme dans la perplexité, ces
éminents personnages, des lieux opposés où ils étaient,
jetant des regards l’un sur l'autre, de prononcer ces mots
supérieurs : 4,705.
r Nous combattrons le fils de Prithâ, pieux, véridique,
non envieux, docile à son gourou, s’écrie Bhlshma : est -il
rien de plus douloureux? » 4,706.
« Dp même que mes sentiments les plus vifs reposent
en mon fils Açwattliàman.j lit Drona; ainsi, j’ai le plus
profond respect et le culte le plus dévoué pour ce
(i) Littéralement : enflammée, brûlante.
OUDYOGA-PARVA.
313
Dhanandjaya, de qui un siage est le drapeau. 4,707.
» Obéissant au devoir du kshatrya, je combattrai ce
Dhanandjaya, qui m’est plus cher qu’un fils : malheur
soit donc à la vie du kshatrya! 4,708.
» Nul autre archer n’est égal à. celui-ci dans le monde :
ce Btbhatsou est, grâce à moi, le plus habile de tous les
autres archers. 4,709.
» L’homme au mauvais cœur, qui offense ses amis,
est un athée, un pervers, de qui les voies ne sont pas
droites : il ne reçoit pas l'hommage au milieu des gens de
bien ; il vient au sacrifice comme un insensé. 4,710.
» Empêché même des vices, l’homme â l'âme vicieuse
n'en désire pas moins se souiller avec le vice; le mortel à
l’àme vertueuse, est-il excité par un méchant, continue à
désirer la vertu. 4,711.
» Ces Pàndouides, que tu as honorés mensongèrement,
vivront ensuite dans le bonheur : tes fautes, éminent
Bharatide, amèneront des choses funestes. 4,712.
» Malgré les discours du vieux Kourouide, les miens,
ceux de Vidoura et du Vasoudévide, tu n’inclines pas
encore vers le meilleur des partis. 4,713.
« J’ai de la force! » dis- tu, voulant échapper à ces
dangers par ta vigueur : telle l’impétuosité du Gange se
porte vers la mer, habitée par les makaras, les requins et
les crocodiles. 4,714.
» Tu prends dans ta cupidité la fortune éclatante
d’Youdhishthira , comme un bouquet abandonné ou
comme un habit délaissé, dont tu veux maintenant te
couvrir. 4,715.
» Qui, fût-il placé sur un trône et le Pàndouide confiné
dans un bois, pourrait vaincre ce fils de Kountl, accom-
314
LE MAHA-BHARATA.
pagné de Draâupadi et environné de ses frères, les armes
à la main? A, 716.
» Lui, de qui tous les rois attendent les ordres, prêts
à obéir, comme des serviteurs, & sa voix; ce Dharma-
râdja, il brilla, quand il osa affronter Élavilide. A, 71 7.
» Arrivés au palais de Kouvéra, les Pàndouides ont
obtenu de ce Dieu maintes pierreries; et, venus dans ton
opulent royaume, ils désirent maintenant leur part du
trône. A, 718.
» On fit des largesses, on sacrifia, on récita la prière !
les brahmes furent rassasiés de richesses, et une longue
vie nous fut donnée à tous les deux; sache que nous
sommes parvenus au comble de nos vœux (1). A.719.
» Si, ayant abandonné tes plaisirs, ton royaume, tes
amis et tes richesses, tu déclares la guerre aux fils
de Pàndou, tu vas tomber dans une immense infor-
tune. A, 720.
» Comment pourras-tu vaincre ce Pândouide, pour qui
la reine Draâupadi, adonnée à une si cruelle pénitence et
de qui la parole est une vérité, demande avec des vœux la
victoire? A, 721.
b Comment pourras-tu vaincre ce Pândouide, qui a
pour conseiller Djanârddana et pour frère Dhanandjaya,
le plus excellent de tous ceux, qui portent les armes?
a Comment pourras-tu vaincre le Pândouide, ce héros
à la terrible pénitence, qui a pour ses alliés des brahmes
aux vœux constants et qui ont submergé les organes des
sens? A, 722— A, 723.
b Je te dirai ce qui est à faire, ce qui fa déjà été dit
(i) Ceci noos semble un peu décousu ou n'êlro pes bien à sa place.
OUDOYGA-PARVA:
315
au milieu d'amis plongés dans un océan d'infortunes par
un ami, qui désire ta prospérité, à, 724.
» C'est assez de guerre, réconcilie-toi avec ces héros
pour la félicité de Kourou : ne te précipite pas à ta perte
avec ton armée, tes ministres et tes fils 1 » 4,725.
Dhritarâshtra dit alors :
« Environné des fils du roi et des ministres, Sandjaya,
quand le meurtrier de Madhou fut sorti et qu’il fut re-
monté sur son char, 4,726.
» Qu’est-ce qui fut dit à Karna, ce fils adoptif de
Râdhà par cet homicide des héros ennemis, duquel il
est impossible de mesurer l’àrae? Quelles paroles de
conciliation Govinda employa-t-il auprès de ce fils du co-
cher? 4,727.
» Krishna élève la voix et possède à propos le bruit des
nuages : dis-moi, Sandjaya, la parole, soit douce, soit
amère, qu’il adressa à Karna. » 4,728.
« Écoute de ma bouche successivement, rejeton de
Bharata, ces paroles amères et douces, agréables, asso-
ciées au devoir, utiles, vraies, acceptables au cœur, que
le meurtrier de Madhou à l’àme infinie adressa au fils
adoptif de Râdhà. 4,729 — 4,730.
« Des brahmes parvenus à la rive ultérieure des Védas,
siègent autour de toi, fils de Râdhà, lui dit le Vasoudé-
vide; tu les a interrogés, sans envie, avec soumission,
touchant la vérité. 4,731.
» Tu n'ignorés point, Karna, ces étemelles contro-
verses des Védas, toi, qui es .très-versé dans ces Traités
subtiles sur les devoirs. 4,732.
» L’enfant né d’une jeune fille non mariée ou d’une
jeune fille enceinte avant son mariage, est censé le fils de
310
LE MAHA-BHARATA.
l’homme, qu’elle prit ensuite pour son époux (1), ont dit
les personnes instruites dans les ÇAstras. 4,733.
» Telle est ta naissance, Kama ; tu es donc légalement
le fils de Pàndou : va ! tu porteras la couronne suivant
l’autorité des Traités sur le devoir. 4,734.
» Du côté de ton père, tu es un Pândouide ; du côté de
ta mère, tu es un Vrishnide : sache, éminent homme, que
ce sont là tes deux ailes. 4,735.
« Qu’accompagnés par moi, les Pandouides se rendent
auprès de toi, et qu’ils te reconnaissent pour le fils de
Kounti, de qui la naissance a précédé celle d’Youdhish-
thira. 4,736.
» Que tes pieds soient embrassés par les cinq fils de
Pàndou, tes frères, et par les enfants de Draâupadl, et
par l'invincible fils de Soubhadrà. 4,737.
» Que les Andhakas et les Vrishnides, que les rois et
les fils de rois , rassemblés pour la cause des Pandouides,
embrassent tous les pieds de ta grandeur ! 4,738.
» Que des kshatryas et des filles de rois apportent ici
pour ton sacre des vases d’argile, d’argent et d’or, des
simples, toutes les sortes de semence, des pierreries en
toutes les espèces et des plantes grimpantes. Draâupadl
s’unira avec toi dans le sixième jour de la lune.
» Que Daâumya à l’âme parfaite, le plus grand des
régénérés , offre un sacrifice au divin Agni ; que les
brahmes, versés dans les quatre Védas, te sacrent au-
jourd’hui même 1 4,?39 — 4,740 — 4,741.
>• Que le Pourohita des Pàndouides surveille les fonc-
(1) C’est à peu près l'axiome actuel de notre droit : ïs )talcr est, quem
nuptiœ demonsli'ant.
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OUDYOGA-PARVA.
317
lions des brahmes. Alors, les cinq frères, nés de Pândou,
ces hommes éminents, les cinq fils de Draâupadl, les
Pàutchâlas , les Tchédiens et moi , nous te sacrerons
comme un roi, qui doit régner sur la terre, 4,742-4,743.
» Et son altesse Youdhishthira, le fils d'Yama, sera
proclamé le roi de la jeunesse. Que ce fils de Kountl, le
vertueux Youdhishthira aux vœux parfaits, ayant pris en
main l’éventail blanc, monte sur ton char. Le vigoureux
Bhlmaséna, l'autre fil» de Kountl, agitera sur ton front
consacré le chasse-mouche d'une blancheur éclatante.
Couvert d’une peau de tigre, muni d’un rebord et ga-
zouillant avec une centaine de clochettes, ton char, attelé
de chevaux blancs, sera conduit par Arjouna. Tu auras
continuellement Abhimanyou à tes côtés.
4,744-4,745- 4,746—4,747.
» Nakoula, Sahadéva, et les cinq fils de Draâupadl,
et les Pàntchâlains, et le héros Çikhandt formeront ta
suite. 4,748.
» Et moi-même je suivrai tes pas, maître de la terre,
avec tous les Andhakas, les Vrishnides et les Dâç&rhains,
ton cortège. 4,749.
* » Jouis de la terre avec les fils de Pândou, tes frères,
héros aux longs bras, consacré par les prières, l'offrande
de beurre clarifié et toutes les espèces de paroles fortu-
nées. 4,750.
» Que, devant toi, marchent les Dravidas, accompa-
gnés des Kountalas, les Andras, les Tàlatchakaras, les
Tchoukhoupas et les Rénoupas (1). 4,751.
o Que les bardes et les ménestrels t’exaltent par de
(1) Le commentateur écrit ce* deux mots ; Tchoûtchoupas et Vénoupas.
318
LE MAHA-BHARATA.
nombreuses louanges , et que les fils de Pândou pro-
clament les victoires de Vasouséna ! A, 752.
» Environné des fils de Pândou, comme Lunus siège
au milieu des constellations, règne sur la terre, fils de
Kountl, et verse la joie au cœur de ta mère. A, 753.
n Que tes amis se réjouissent, que tes ennemis soient
émus d'épouvante, et que la fraternité s’asseoie entre ta
majesté et les Pândouides, tes frères. » A.75A.
» Ma sûreté, as-tu dit (1), Kéçava, est dans l’affection
et l’amitié, répondit Karna : mon salut vient de la ten-
dresse et même de l'amour. A, 755.
» Je sais toute cette histoire : je suis légalement le
fils de Pândou, comme tu penses, Krishna, suivant l'au-
torité des Traités sur le devoir. A, 756.
» Une vierge m’a conçu, Djanârddana, faible enfant du
Dieu de la lumière : elle m’a donné le jour, né d’une pa-
role du Soleil. A, 757.
» Voilà comme je suis né, Krishna, et je suis léga-
lement le fils de Pândou. Je fus abandonné par Kountl,
qui ne lit point en cela une action vertueuse. A, 768.
» Adhiratha, le cocher, me vit; il me recueillit et
m’emporta dans sa maison. Il me donna affectueuse-
ment, meurtrier de Madhou, à Râdhâ, son épouse. A, 759.
» Par tendresse pour moi, il descendit à l’instant de
l’eau à Râdhâ, qui me lava, Màdhava, et me purifia des
souillures de l’urine et des excréments. A, 700.
» Comment un homme tel que moi, qui se plaît tou-
jours à entendre les personnes instruites sur la vertu
discuter touchant les Traités du devoir, pourrait-il se
(I) Atlhn, mot du texte de Ntlikantba.
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OUDYOGA-PARVA.
319
.retirer des gâteaux funèbres dûs aux mânes de cette
dame? A, 761.
» Par affection, toujours le cocher Adhiratha me re-
connaît pour son fils, et moi, je le reconnais pour mon
père. A, 762.
» 11 fit accomplir sur moi, Djanârddana, avec une
tendresse de père, les cérémonies de la naissance et les
autres, suivant les rites prescrits par les Çàstras. A, 763.
» Il me fit imposer par les brahmes le nom de Vasou-
séna ; et, quand fut arrivé le temps de la jeunesse, je
choisis des épouses avec son assentiment. A.76A.
» D’elles me sont nés des fils et des petits-fils, Dja-
nârddana; en elles est attaché mon cœur, Krishna, avec
les chaînes de l’amour. A, 765.
» Ni par l’offre de toute la terre ou celle de monceaux
d’or, ni par la joie ou par la crainte, Govinda, tu ne peux
faire que j’abjure ces sentiments. A, 766.
» Étant venu chercher un asile auprès de Douryo-
dhana, dans la famille de Dhritarâshtra, j’ai savouré
trdze années un royaume débarrassé de ses ennemis.
» Plus d’une fois j'ai offert, avec les cochers, mainte
espèce de sacrifices; j’ai célébré des mariages avec les
cochers et j’ai rempli avec eux des devoirs de famille.
A, 767— A, 768.
» Douryodhana vint me trouver, Krishna, rejeton de
Vrishni ; il entreprit un grand ouvrage par les armes, et
sa guerre elle-même avec les fils de Pândou. A, 769.
» 11 fit donc que je promis de m’élever, Atchyouta,
dans un duel en char contre l’Ambidextre. La plus
grande hostilité, Krishna, nous 'sépare, Savyasâtchi et
moi. A, 770.
320
LE MAHA-BHARATA.
» Je ne puis rendre fausse ni par cupidité , ni par
crainte, ni à cause de la parenté, ni par la mort, Djanârd -
dans, la parole, que j'ai donnée au sage fils de Dhrita-
ràshtra. 4,771.
» Si je n'aborde pas maintenant ce duel en chars avec
l’Ambidextre, il y aura déshonneur, Hrishlkéça , pour
l’un et l’autre, le fils de Prithà et moi. 4,772.
» Que l’amour du bien inspire tes paroles, meurtrier
de Madhou, c’est une chose indubitable ; et que les Pân-
douides fassent tout à ta voix, parce qu’ils te sont soumis,
on ne peut en douter. 4,773.
» Que tu tiennes ici le voile baissé sur ma naissance,
rejeton d’Yadou, je pense que tout cela est bien. 4,774.
» Si le vertueux roi aux sens comprimés, Y oudhisthira,
savait que je suis le fils premier né de Kountl, il ne vou-
drait pas ceindre la couronne. 4,775.
» Et moi, quand j’aurais obtenu ce grand et riche em-
pire; je le donnerais incontinent, dompteur des ennemis,
à Douryodhana lui-môme. 4,770.
» Que le vertueux Youdhishthira, qui a Hrishlfaéça
pour guide et Dhanandjaya pour combattant, régne à
jamais. 4,777.
» Son royaume, c’est la terre ; ses guerriers, ce sont le
héros Bhima, Nakoula, Sahadéva et les fils de Draâu-
padi, 4,778.
» Dhrishtadyoumna le Pàntchàlain, le vaillant Sâtyaki,
Youdhâmanyou à la vigueur sublime, le Somakide, fidèle
au devoir de la vérité, 4,779.
» Et le. Tchédien, et Tchékitâna, et l’invincible
Çikhandl, et les frères lUikéyains avec les couleurs de la
cochenille, 4,780.
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OUDY OGA-PARV A .
321
» Avec les couleurs de l’arc-en-ciel, et le magnanime
Kountibhodja, oncle maternel de Bhlmaséna, et le héros
Çyénadjit, A, 781.
» Et Çankha, le fils de Viràta, et toi, Djanârddana, ce
trésor inépuisable, qui fait se lever sur l’horizon l’astre
du kshalrya. A, 782.
» Ce royaume éclatant, fameux entre tous les rois, est
échu au lils de Dhritaràshtra. Il va célébrer, rejeton de
Vrishni, le sacrifice des armes. A, 783.
» Tu seras le surveillant de cette cérémonie, et c’est à
toi, Djanârddana, qu’appartiendront, dans ce sacrifice,
les fonctions de l'Adhwaryou. A,78A.
» Blbhatsou, revêtu de sacuirasse, ombragé du singe,
son drapeau, en sera le Hotri ; la cuiller sacrée sera le
Gântliva, et la valeur des guerriers y tiendra lieu de
beurre clarifié. A, 785.
» L’astra d'Indra, le Pâçoupala, le Brahmique, le
Sthaumâkarna y serviront de prières employées par l’Am-
bidextre. A, 786.
» Le fils de Soubhadrâ, qui marche sur les pas de son
père, ou qui le surpasse en courage, y sera l'Oudgdtri,
qui entonne les hymnes de l'éloge. A, 787.
» Bhiuia, ce tigre des hommes, à la vigueur immense,
aux cris terribles, qui met à mort, dans un combat, les
armées d’éléphants, sera un deuxième Oudgâtri pour
chanter les louanges ; A, 788.
» Et le vertueux Youdhishthira, le monarque éternel,
environné des prières et des oblations, fera célébrer la cé-
rémonie de l'identification en Brahma. A,78i).
» Le bruit des conques, marié au son des tambours et
des tambourins, les défis de guerre poussés, tout sera
21
VI
322
LE MAHA-BHARATA.
bien digne d’un fidèle adorateur de Brahma. A, 790.
» Nakoula et Sahadéva, les deux illustres lils de Afâdrt,
à la grande vigueur, accompliront, comme il convient, les
actes du sacrifice. 4,791.
» Les étendards aux différentes couleurs immaculées,
les Oies de chars, Govinda, joueront dans ce sacrifice le
rôle des colonnes victimaires. 4,792.
» Les traits barbelés, les flèches de fer et les dards,
munis d’une armure, qui imite la dent de veau, rempla-
ceront ici les adhwarious ; les leviers en fer seront mis à
la place des urnes de soma, et les arcs figureront les eaux.
» Le beurre clarifié dans ce sacrifice deviendra les
épées, les crânes et les têtes ; et le sang coulera en guise
de havis. 4,793 — 4,794.
» Les lances et les massues, voilà quelles seront les
bois placés autour du feu ; les disciples de Drona et de
Kripa, le Çaradvatide, seront les prêtres assistants.
» Les dards, jetés par l’archer du Gândiva, envoyés de
son grand char, lancés par Drona et son fils, joueront les
vaisseaux de soma et les autres ustensiles du sacrifice.
» Sâtyaki remplira l’office du Pratiprasthâtri : là, sera
initié Douryodhaiia avec la grande armée, son épouse.
» Là, Ghatotkatcha aux longs bras, à la grande vigueur,
célébrera le sacrifice dans cette cérémonie, qui se prolon-
gera jusque passé la nuit. 4,795 — 4,796 — 4,797 — 4,798.
» L’auguste Dhrishladyoumna, qui est né du feu,
Krishna, dans l’œuvre principale de cet acte religeux,
sera les honoraires dus pour ce sacrifice (2). 4,799.
(1*— 2) Depuis cette stance 4,786* jusqu'au 4,799* distique, nous regar-
dons tout ce qui suit comme une fastidieuse intrusion, une vaine redon-
danccrcl un badinage des calligraphes.
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OUDYOGA-PARVA.
323
» Tout ce que j’ai dit aux l’ândouides afin d'être
agréable au fils de Dhritaràshtra, était blessant pour
eux, Krishna, et j'éprouve de cette offense un amer
regret. 4,800.
» Quand tu me verras étendu mort sous les coups de
l’Ambidextre, alors, Krishna, le feu de ce sacrifice bril-
lera, allumé une seconde fois. 4,801.
» Quand le Pàndouide, jetant les plus hauts cris de
victoire, boira le sang de Douççâsana, alors ce sera le
moment du sacrifice, où l’on boit le suc de l'asclépiade
acide. 4,802.
n Quand deux Pàntchâlains abattront et Drona, et
Bhlshma, alors, Djanârddana, commencera la fin de ce
sacrifice. 4,803.
» Quand le vigoureux Bhlmaséna étendra Douryodhana
sur la terre, alors Mâdhava, le sacrifice du fils de Dhrita-
ràshtra sera conduit à sa fin, 4,804.
» Les brus du vieux monarque et les brus de ses brus,
pleureront avec lui, accompagnées de Gândhàrl, au milieu
des aigles, des vautours, des chiens, leurs époux immolés,
leurs fils perdus, leurs soutiens renversés; et ces larmes
seront, Djanârddana, la lustration de l’avabhritha dans ce
sacrifice. 4,805 — 4,800.
» Que les kshatryas avancés en âge, avancés en
science, ne fassent point à cause de toi, 0 le plus éminent
des kshatryas, que la mort soit un vain mot. 4,807.
» Que le cercle entier des kshatryas succombe à la
mort sous la force des armes, Kéçava, dans ce Kou-
roukshétra même, la plus vertueuse contrée des trois
mondes. 4,808.
» Dispose , Vrishnide aux yeux de lotus bleu , les
324
LE MAHA-BHARATA.
choses suivant les désirs, de manière que tous les ksha-
tryas obtiennent de posséder le Swarga. 4,809.
» Aussi long-temps que dureront les fleuves et les mon-
tagnes, Djanàrddana , aussi long-temps subsistera ce
bruit éternel, qui a son origine dans la gloire. 4,810.
» Les brahmes raconteront dans les réunions ces
grands combats des Bharatides, trésor de renommée pour
les kshatryas. 4,811.
» Amène le Prithide Arjouna au combat avec moi,
fléau des ennemis, sans cesser de lui cacher le secret, Ké-
çava, que je suis le fils de Kounti. » 4,812.
» A ces mots de Karna, Alàdhava, l’immolateur des
héros ennemis, lui répondit en riant ces paroles, qu'avait
précédées un sourire : 4,813.
« Quoi ! Tu es insensible au moyen d'obtenir le
royaume (1) ! Je le donne la terre, et tu ne veux pas la
gouverner! 4,814.
» La victoire des Pàndouides est certaine, c’est indu-
bitable : c'est une vérité, que tout le monde connaît ici.
Quand on voit le fils de Pàudou arborer son drapeau
terrible du singe, on dit que c’est l'étendard de lavic -
toire. 4,815.
» Viçvakarma a disposé sur cette enseigne une magie
céleste, élevée, éclatante comme le drapeau d’Indra : on
y voit tous les êtres divins, formidables, qui apportent la
victoire. 4,816.
» Arboré par Dhanandjaya, ce drapeau fortuné s’élève
en haut à la distance d'un vodjana; il ne s’embarrasse pas
(1) Nous donnons le sens du commentateur; ces mots bhôpQftddanan ne
se trouvant daus aucun dictionu&ire, môme dans celui de Bôhüingk et
Roth.
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OUDYOGA-PARVA.
325
dans les arbres de la montagne et sa beauté est semblable
au feu. â,817.
» Quand tu verras dans la bataille le cocher de
Krishna avec ses chevaux blancs déployer l’astra d’Indra
et ces deux en même temps : l’astra d’Agni et celui du
vent; à, 81 8.
» Quand tu entendras le bruit du Gândlva au fracas
de tonnerre, il n’y aura alors, ni Trétà, ni Dwâpara, ni
Krita même pour le défendre'. 4,819.
n Quand tu verras dans la bataille Youdhishthira, le
fds de Kountî, environné des prières et des oblations, brû-
lant de ses feux, comme le soleil, les bataillons des enne-
mis, il n’y aura alors, ni Trétà, ni Dwâpara, ni Krita
même pour te défendre ! 4,820—4,821.
» Quand tu verras dans ce combat le vigoureux Bhi-
maséna boire le sang de Douççâsana et danser de joie
sur le champ de bataille, tel qu'un éléphant, dans la
fièvre du rut, vainqueur d’un autre éléphant, son rival,
il n’y aura alors ni Trétà, ni Dwâpara, ni Krita même
pourte défendre. 4,822 — 4,823.
» Quand tu verras dans ce combat l’Ambidextre ar-
rêter au milieu de leur élan rapide à la bataille Drona, le
Çàntanouide, Kripa, le roi Douryodhana et Iljayadratha,
qui règne sur les champs du Sindhou, il n’y aura alors,
ni Tré.à, ni Dwâpara, ni Krita même pour te défendre.
4,824—4,825.
» Quand tu verras dans ce combat les deux (ils de
Mâdii à la grande vigueur jeter, semblables à deux élé-
phants, l’épouvante dans l’armée des Dhritarâshtrides, et,
sous l’immense averse de leurs (lèches, disperser la mort
dans les chars des héros ennemis, il n’y aura alors, ni
326
LE MAHA-BHARATA.
Trétâ ni Dwàpara, ni Krila môme pour te défendre !
A, 826— A, 827.
n Parti de ces lieux, Karna, dis à Drona, au Çànta-
nouide et il K. ripa : « Voiçi un joli mois, qui s’écoule, paré
de gazon et de prairies humides. A, 828.
» 11 abonde en tous les simples; ses forêts sont feuillues;
il est riche en fruits; ni les mouches, ni la poussière n’y
sont incommodes; il est plein de saveurs, les ondes n’y
sont pas chaudes, il est frais, il est accompagné du plai-
sir, A, 829.
» La conjonction de la lune s’v fera le septième jour :
on le dit consacré au Dieu Çakra. Nous ouvrirons ce jour
le champ de bataille. » A, 830.
» Dis à tous les rois, qui sont venus combattre:
« J’accomplirai entièrement ce qui est dans votre pen-
sée. A, 831.
» Après que les rois et les fils des rois, qui suivent la
volonté de Douryodhana, auront trouvé la mon sous les
armes, ils entreront dans la plus fortunée des voies, n
» A ce discours utile et brillant, Karna rendit ses
hommages A Kéçava, le meurtrier de Madhou, et lui ré-
pondit en ces termes : A, 832 — A, 833.
u Toi, qui me connais, héros aux longs bras, qui es
venu pour être la perte complète de la terre, pourquoi
veux-tu jeter le trouble dans mon cœur? A,83A.
» Les causes de cette guerre furent Çakouni, Douççâ-
sana et moi; Douryodhana ne fut ici qu'un roi, (ils de
Dhritar&shtra. A, 835.
» Sans doute, Krishna, voici le temps arrivé de ces
grands combats, qui doivent arroser la terre des flots
épouvantables du sang de Pàmlou et de Kourou. A, 836.
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OUDYOGA-PARVa.
327
» Consumés dans la bataille par le feu des armes, les
rois et les fils de rois, qui suivent la volonté de Douryo-
dhana, tomberont dans les demeures d'Yama. à, 837.
# L’àme est effrayée, la nuit, par un graud nombre de
songes; les augures soDt tous sinistres et les prodiges
jettent la plus profonde épouvante. 4,838.
» Divers présages, qui font se hérisser le poil de ter-
reur, annoncent la défaite pour Douryodhana et la victoire
4 Youdhishthira. 4,830.
» Le cruel Ràhou à la vaste lumière oppresse l’asté-
risme Prâdjàpatya, et Ç&nalçtchara pèse d’un poids acca-
blant sur les êtres animés. 4,840.
» Angâraka fait une courbe, meurtrier de Madhou, sur
la constellation Djyéshtbà; et, comme s’il portait 4 se
réunir un couple d’amis, il recherche Anourâdda (1).
» Pour sûr, Krishna, un grand danger menace les
enfants de Kourou ; Graha surtout, rejeton de Vrishni,
opprime l’astérisme Tchitrâ. 4,841 — 4,842.
» Râhou s'approche du soleil, où le caractère de Lunus
est effacé : des météores ignés tombent du ciel, accom-
pagnés de vents impétueux, associés 4 des tremblements
de terre. 4,843.
» Les éléphants soupirent, les coursiers versent des
larmes; ni l’eau, ni le fourrage, Màdhava, ne leur font
maintenant de plaisir. 4,844.
» On dit que l’apparition de ces phénomènes, guerrier
aux longs bras, annoncent le danger et une destruction
épouvantable des êtres animés. 4,844.
(1) Ce sens, qui nous est personnel, s’éloigne beaucoup moins de la
lettre que celui du coramcutateur : celui-ci n’y eutre même pas du
tout.
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328
LE MAHA-BHARATA.
» On voit ici sous les chevaux, sous les éléphants,
sous les hommes, Kéçava, beaucoup d'excréments suivre
peu de nourriture. 4,848.
» Les gens à la vue intelligente disent, meurtrier de
Madhou, que c’est le signe de la défaite dans toutes les
armées des fils de Dhritaràshtra. 4,847.
» On raconte que les coursiers des Pàndouides sont
joyeux, Krishna, et que les gazelles marchent à leur
droite : ce qui est pour eux un signe delà victoire. 4,848.
» Toutes les gazelles suivent une direction contraire
4 l’égard des Dhritaràshtridcs ; ils entendent des voix non
articulées par des corps : ce qui est la marque d'une dé-
faite. 4,849.
» Les paons, oiseaux purs, les cygnes, les grues in-
diennes, les tchâtakas et les troupes des faisans vont sur
les pas des fils de Pàndou. 4,850.
» Les vautours, les hérons, les ardées, les faucons, les
esprits malfaisants, les loups et des multitudes de mouches
suivent les enfants de Kourou. 4,851.
» Dans les armées du Dhritaràshtride, on n'entend
pas le son des tambours: mais, chez les Pàndouides, les
patahas résonnent sans être même frappés. 4,852.
» Les puits mugissent, semblables à des taureaux, et
c’est un signe de défaite pour les armées du Dhritarâsh-
tride. 4,853.
» Le Dieu Çntakratou fit tomber du ciel une pluie de
chair et de sang; et la brillante cité des Gandharvas s'est
approchée, 4,854.
» Avec ses remparts, ses fossés, ses retranchements,
ses magnifiques portes arcadées. line noire massue y tient
masquée la lumière du Soleil. 4,855.
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OUDYOGA-PARVA.
329
» Les levers et les couchers du soleil, l’aube et le cré-
puscule prédisent un grand danger. Des êtres avec une
seule aile, un seul œil, un seul pied, spectacle effroyable,
jettent haut des cris. 4,856.
» Des volatiles ont pondu des choses effrayantes : c'est
un signe de défaite. Des chacals glapissent d’une, voix
terrible : c'est l’augure d’un désastre. 4,857.
» Des vautours au cou blanc, aux pieds rouges, oiseaux
effroyables, viennent se présenter à nous dans les prières
du matin et du soir : c’est le présage d'uuedéfaite. 4,858.
» On hait de prime abord les bralimes, ses gourous,
ses domestiques et les dévolieuses personnes, meurtrier
de Madhou : n’est-c point là un signe de défaite? 4,859.
» La plage orientale a les formes du sang, la plage
méridionale porte les couleurs des armes , la plage de
l'occident ressemble à un bassin de fruits avant la maturité.
» Toutes les plages enflammées annoncent dans le dé-
ploiement de ces prodiges un grand danger, Màdhava,
pour le (ils de Dhritarâshthra. 4,880 — 4,801.
n J’ai vu, Impérissable, à la fin d'un songe, Youdhish-
thira, accompagné de ses frères, monter vers un palais aux
mille colonnes. 4,862.
» Ils m’apparurent tous coiffés de turbans blancs et re-
vêtus de riches habits; je vis les sièges resplendissants de
tous ces héros. 4,863.
» J’ai vu, à la lin d’un songe, la terre soumise à toi,
Krishna-Djanârddana, souillée de sang, environnée d’en-
trailles. 4,864.
» Youdhishthira joyeux, à la force sans mesure, était
monté sur un amas d’ossements et buvait dans une coupe
d'or le lait et le beurre clarifié. 4,865.
530
LE MAHA-BHARATA.
» J’ai vu Youdhishthira dévorer celte terre : c’est évi-
dent (1), il mangera tout ce globe, que tu lui donneras.
» Le tigre entre les hommes, Vrikaudara, sa massue à
la main, ayant escaladé une montagne élevée, semblait
aussi dévorer cette terre. 4,806 — 4,807.
» 11 nous détruira tous dans cette grande bataille;
c'est très-manifeste. Je le sais, la victoire se tiendra,
Hrishikéça, du côté où est la vertu. 4,868.
» Monté sur un éléphant blanc, l'archer du Gàndtva,
Dhanandjaya doit nécessairement avec toi resplendir,
Hrishikéça, de la plus haute fortune. 4.809.
» Vous nous immolerez tous ici dans ce combat , je
n’en doute pas, Krishna, nous, les princes de la terre,
qui marchons devant les pas de Douryodhana. 4,870.
» J’ai vu encore ces trois éminents hommes, montés
sur un char sublime, Nakoula, Sahadéva et le héros Sà-
tyaki, portant de vastes colliers, appelés Kanthatrâs (2), et
des bracelets blancs, revêtus de robes et parés de bou-
quets blancs, qui abritaient leurs blancs habits sous de
blanches ombrelles. 4,871 — 4,872.
» Je vis ces trois guerrieis coiffés tous de turbans
blancs : sache qu’ils m'apparurent, Kéçava, au milieu
des armées Dhritarâshtrides. 4,873.
» Açvatthâman , Kripa et Kritavarman le Sâttwatide,
ces princes se montrèrent tous à moi, Màdhava, coiffés de
turbans rouges. 4,874.
» Je vis les deux héros, Bhtshma et Drona, montés
(1) Vyaktan, adverbe, porte l'édition de Bombay.
(2) Le dictionnaire même de Bôlblingk et de Roth n'a point ce root :
kanthatrâs.
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OUDYOGA-PARVA.
331
avec moi et Douryodhana sur un char attelé d'un cha-
jneau, s'avancer vers la plage, où préside Agastya, et
bientôt après nous arrivâmes au séjour d'Yama.
4,875—4,870.
» Moi et ces autres rois , qui forment le cercle des
kshatryas, nous serons tous consumés dans le feu du
Gàndiva; il n’y a pas doute ici pour moi. » 4,877.
b Voici le moment arrivé sans doute pour la ruine de
cette terre, lui répondit Krishna, puisque mes paroles,
Karna, ne vont pas à ton cœur. 4,878.
a Dans ce temps, où la ruine menace tous les êtres, ce
manque de raison, mon fils, qui ressemble à la raison,
ne sort pas de ton cœur. » 4,879.
a Puissions-nous, pleins de vie, te revoir encore, guer-
rier aux longs bras, au sortir de cette grande bataille, re-
prit Karna, où les kshatryas ennemis perdront la vie !
» Quoi qu'il en soit , nous ferons , il est certain ,
Krishna, le voyage du Svvarga : là, nousnousretrouverons
bientôt avec toi, homme sans péché, a 4,880 — 4,881.
a 11 dit : et, quand il eut parlé ainsi à Mùdhava, Karna
de l’embrasser étroitement. Ensuite, congédié par Ké-
çava, il descendit et quitta le siège du char. 4,882.
» Puis, étant remonté dans sa voiture décorée d’or, le
fils adoptif de Râdhà, l’âme en proie à la douleur, s'en re-
vint avec nous. 4,883.
» Kéçava, s’en retourna d’une course accélérée avec
Sâtyaki, et répétant ce mot à son cocher mainte et mainte
fois : « Marche! marche! » 4,884.
Quand Krishna fut revenu vers les Pândouides, sans
qu'il eût réussi dans sa mission, Kshattri s'approcha de
Priihà et lui dit lentement, d'une voix plaintive : 4,885.
332
LE MAHA-BHARATA.
« Tu sais, fille de Djtva , que mes sentiments furent
toujours opposés à la guerre ; mais Souyodhana refuse»
d’entendre ma voix, que je ne cesse de lui crier. A, 886.
» Le roi Youdliisluhira est dans Oupaplavva, réuni
avec les Tchédiens , les Pàntchâlains, les Kaikéyains,
Bhima, Arjouna, les jumeaux, Krishna et Youyoudhâna ;
il est entré dans le devoir. Fort, il désire, comme s’il
était un homme faible, n’avoir que des amis dans ses pa-
rents. A, 887 — A, 888.
» Ce roi Dhritarâshlra, tout vieilli qu'il soit par les
années, n’arrive point à se calmer. Enivré de l’orgueil,
que lui inspire son fils, il s’est engagé dans une voie sé-
parée de la vertu. A, 889.
» Le mauvaisesprit de Djayadratha, Karna.Douççâsana
et du Soubalide va engendrer ici une mutuelle division.
» Un homme vicieux produit une telle plai» du cœur
dans le plus juste des hommes I Qui ne s'affligerait de
voir les Kourouides enlever le devoir par la force à ces
héros, de qui le devoir, avec tout ce qui l’accompagne,
sera un jour le partage ? Kéçava étant revenu, sans leur
apporter d’agréables paroles, les Pândouides feront la
guerre. A, 890 — A, 891 — A, 892.
» Ensuite, se lèvera le mauvais Destin des Kourouides
et la perte des héros. Tourmenté de ces pensées, je ne
puis trouver le sommeil, ni le jour ni la nuit. » A, 893.
# Dès qu'elle eut ouï ce langage, prononcé par le
prince, qui avait l’amour de l’utile, Kounti, soupirant et
tourmentée par le chagrin, l’agita dans sa pensée : A.S9A.
« Malheur soit, s'écria-t-elle, à la fortune de l’homme,
par qui arrive ce grand carnage de parents. Cette guerre
va entraîner la ruine de tout ce qui m’est cher. A, 895.
OUDYOGA-PAIIVA.
333
» Les Tchédiens, les Pântchâlains, les fils de Pàndou
et les Y'adouides réunis combattront avec les enfants de
Bharata! Est-il un chagrin plus grand que cette dou-
leur. 4,896.
» Je vois un crime certain dans la guerre, mais il y a
défaite également à ne point la faire. Mieux vaut la mort
dans l’indigence qu’un triomphe acheté par la vie de
mes parents! 4897.
» Quand je roule ces pensées dans mon esprit, le cha-
grin natt dans mon cœur. Le (ils de Çàntanou, mon
grand-oncle, et l’Atchârya, le seigneur des batailles, et
Karna ajoutent à ma crainte par leur attachement au fils
de Dhritaràshtra. L’amour empêchera toujours Drona, le
guide spirituel, de combattre ses disciples. 4,898 — 4,899.
» Comment notre grand-oncle ne montrerait-il pas
d’affection à l’égard des fils de Pàndou? 11 n’y a que le
stupide Dhritaràshtride, qui voit toutes ces choses de
travers. 4,900.
» Fidèle acolytbe du délire, ce pervers, il hait les
Pândouides, et le vigoureux Karna surtout ne cesse d’u-
ser sa force à la recherche opiniâtre de la grande infor-
tune des Pândouides. Maintenant il brûle mon cœur; mais
j’espère fléchir les dispositions de Karna à l’égard des fils
de Pàndou, en allant auprès de ce héros lui montrer, sui-
vant la vérité, ce jour, où le bienheureux Dourvàsas, sa-
tisfait de mes services, daigna m’accorder une grâce,
# Une évocation, accompagnée de formules mystiques,
tandis que j’habitais dans le palais de mon père. Au mi-
lieu du gynœcée royal, Kounti-Bhodja m’avait donné le
premier rang. 4,901—4,902 — 4,903 — 4,904.
» Je pensai de mainte façon dans mon cœur, agité avec
la légèreté d’un enfant, avec la légèreté d’une femme, sur
334
LE M AHA-BHARATA.
le fort et le faible des invocations et sur la puissance,
qu'il y avait, dans la parole de ce brahme. Environnée de
jeunes personnes, mes amies, et gardée par la confiance,
qu’avait inspirée ma nourrice, cachant ma faute -et con-
servant l’honneur de mon père, je songeai mainte et
mainte fois : « Comment retiendrai- je ici ma vertu?
Comment n’aurai -je pas commis d’offense? » Ayant
roulé ces pensées, je m’inclinai devant le brahme ; j’ac-
ceptai sa grâce par curiosité, et j’en fis l’expérience par
enfantillage. 4,905 — 4,906 — 4,907 — 4,908.
» J’étais vierge, quand je m’approchai du Dieu Soleil,
et je gardai comme mon fils ce fruit d'une jeune fille non
mariée. 4,909.
» Pourquoi n’accomplirait-il point une parole, qui est
convenable et utile à ses frères ? » Tout en formant ces
pensées, Kountt d’arrêter pour scs affaires une résolution
sublime. 4,910.
» Déterminée sur la chose, quelle devait faire, elle se
rendit vers la Bhàgtrathi. Là, sur la rive de la Gangâ, elle
entendit la voix de son fils compàtissant , fidèle à la vé-
rité, qui récitait le Véda. La femme dévote, attendant
pour exécuter son désir la fin de cette prière, se tint der-
rière le héros, qui, les bras levés, avait la face tournée à
l'orient. La Vrishnide, épouse d’un rejeton de Kourou,
accablée par la chaleur du soleil, comme une guirlande
fanée de lotus, était abritée par le vêtement supérieur de
Karna. Quand il eut murmuré sa prière, arrivé l’après
midi (1), l’homme ferme dans son vœu se retourna.
4,911— 4,912— 4,913— A, 914.
(1) Bôthlingk et Roth ne donnent pas ce composé : dprishthatâpât ;
notre explication appartient au commentaire ; mot à mot : jusqu'au temps
oit le soleil , qu’elle avait par devant , fut l'end l’échauffer par derrière.
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OUDYOGA-PARVA.
335
» Il vit Kountt, et, joignant le» mains à son front, il
s’inclina devant elle ; puis, souriant, courbé suivant l’éti-
quette, le lier Vrisbna à la grande force, le fils du Soleil,
le plus excellent des mortels, qui soutiennent la vertu,
adressa ces mots à Kountl : 4,915 — 4,916.
« Je suis Karna, le fils de Ràdhâ et d'Adhiratha, je te
rends mes hommages. Pourquoi es-tu venue ici, noble
dame? Dis ! Que dois-je faire pour toi? » 4,917.
n Tu es le fils de Kountl, lui répondit-elle; tu n’es
pas le fils de Ràdhâ, et ton père n’est point Adhiratha. Tu
n’es pas né dans la famille d'un cocher ; sache, Karna,
cette parole de moi. 4,918.
» Tu es né de mes entrailles avant que je lusse devenue
une épouse; et, le premier né de mes enfants, tu fus porté
dans mon sein : tu as reçu le jour, mon fils, dans le palais
du roi de Kounti. 4,919.
» Le Soleil, ce Dieu splendide, de qui les œuvres sont
évidentes, t’a engendré dans mon sein, toi, Karna, le
plus brave de ceux, qui portent les armes. 4,920.
*i!» Enfant d’un Dieu, tu étais orné de pendeloques, re-
vêtu d’une cuirasse, environné de la prospérité. Inaffron-
table, tu es né de moi, mon fils, dans le palais de mon
père. 4,021.
» Ne connaissant pas tes frères, tu as embrassé, dans
ton égarement, le parti du Dhritaràshtride : cela ne te
sied pas, mon fils, à toi surtout! 4,922.
» Voilà quel est le fruit du dev oir, dans la décision du
devoir, suivant les hommes : c'est de faire la joie de ses
aïeux et de sa mère, qui a une seule vue avec eux. 4,923.
» Romps d’abord avec les Dhritarâsbtrides et savoure
la fortune d'Youdhishlhira, qu'Arjouna lui a conquise et
336
LE MAHA-BHARATA.
qui jadis lui fut enlevée par la cupidité des méchants !
» Que les vicieux rejetons de Rourou voient aujour-
d’hui la réunion de Rarna et d’Arjouna, après qu’ils
auront vu le sentiment fraternel les incliner l’un devant
l’autre, à, 924 — 4,925.
» Puissent Rarna et Arjouna devenir ce que sont Bala-
râma et Djanârddana! Y aura-t-il dans le monde rien
d’impossible à ces deux jeunes héros, quand leurs âmes
seront unies? 4,926.
» Assurément, tu resplendiras, environné de tes cinq
frères, Rarna, tel que Brahma, entouré des Dieux, auprès
de l'autel, dans un grand sacrifice. 4,927.
» Doué de toutes les qualités, tu seras l’aîné à la tête
des frères les plus vertueux. Qu’on ne te dise plus : a Fils
décocher! » car tu es un vigoureux fils dePrithâ. » 4,928.
Rarna entendit alors une voix incomparable, affectueuse
comme la voix d'un père, qui sortait du soleil, articulée
par l'auteur même de la lumière : 4,929.
« La parole, que Prithâ vient de prononcer, est vraie,
Rarna; exécute cette parole de ta uière. Si tu l’accomplis,
il doit en sortir entièrement ton salut. » 4,930.
» A ce langage de sa mère et du soleil, son père, l’âme
de Rarna, fidèle au sentiment de la vérité, ne fut pas
même ébranlée de sa voie. 4,931.
« Le kshatrya ne croit pas, répondit-il, à cette parole,
que tu lui adresses : accomplir tes ordres, voilà quelle est
pour moi la porte du devoir. 4,932.
» Je suis pur de cette faute, noble dame, que tu m’as
présentée comme bien grande, dépassant les bornes, dé-
truisant, ma mère, la renommée et la gloire. 4,933.
» Je suis né kshatrya; mais si je n'ai pas atteint à la
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OUDYOGA PARVA.
337
vertu du kshntrya, n'est- en pas à cause de toi? Le plus
cruel ennemi aurait-il pu me faire autant de mal? 4,1*34.
» Tu m'as rejeté dès le commencement, sans avoir de
pitié pour moi, cet enfant, le tien, privé des cérémonies
de la naissance ! 4,93â.
» Jamais tu ne m’as fait de bien avec la tendresse
d'une mère; c'est maintenant, pour la pieutière fois seu-
lement, que le désir de mon salut t'engage à me donner
cet avis. 4,936.
» Qui ue serait saisi de terreur devant Arjouna, accom-
pagné de Krishna? Saura-t-on que dans cet instant même,
où je marche combattre les Pàndouides, je u’éprouve au-
cune crainte? 4,937.
» On sait que je n'ai pas de frères; je me suis révélé,
jadis, à l'heure des combats. Si je m'avance contre les fils
de Pàndou, qui ne dira pas alors que je suis un Itshalrya?
» Ayant toutes les choses désirées en partage, honoré
à mon plaisir, comment répondrais-je par l'ingratitude à
ces bienfaits des Dhritaràshtrides ? 4,93S — 4,939.
u Eux, qui, déjà armés pour cette guerre, me font
continuellement la cour et m’adressent toujours leurs
hommages, comme les Dieux à Indra? 4,940.
» Comment briserais-je le désir de ces hommes, qui
s'imaginent être capables, si mon souille les anime, de
vaincre leurs ennemis? 4,941.
>i Comment abandonnerais-je ces autres héros, qui,
épris du rivage ultérieur, désirent traverser dans ma
barque cet infranchissable combat? 4,942.
a Voici le moment arrivé pour ceux, de qui l’existence
dépend des Dhritaràshtrides : il me faut combattre ici en
guerrier, qui ne ménage point sa viel 4,943.
tri
22
» Il y a «les pervers, qui, satisfaits, bien nourris, le
moment de la reconnaissance arrivé, ne considèrent pas
les services, et, instables dans leurs sentiments, détruisent
le bienfaiteur. 4,944.
» Il n'existe rien, ni dans ce monde, ni dans l’autre
vie, pour ces hommes «aux œuvres coupables, qui enlè-
vent le pain de leur mattre et partagent les fautes des
rois. 4,945.
» Armé de force et d'énergie, je combattrai contre tes
fils pour les enfants de Dhritarâslitra, non que j’accuse
tes paroles de fausseté ! A, 946.
» J’observe une conduite sage, habituelle aux hommes
de bien, et, par conséquent, je n’exécute point ta parole,
toute avantageuse, qu’elle me soit. A, 947.
» Je ne rendrai pas vaine l'entreprise des Dhr tarâsh-
trides; et, bien qu'ils méritent la mort et qu’on puisse
les vaincre, je ne tuerai pas tes iils : Youdhishthira, Bhl-
rnaséna, les jumeaux, excepté Arjouna ! Un combat égal
entre Arjouna et moi sera livré dans l’armée d’Youdhish-
thira. 4,948 — 4,949.
» Si j’immole Arjouna sur le champ de bataille, j’aurai
conquis maintenant le fruit de cette guerre; mais, si je
tombe sous les coups de l’Ambidextre, la renommée fera
vivre ma gloire! 4,950.
» Jamais, illustre dame, je ne tuerai tes fils ; ou vis
avec Karna sans Arjouna, ou respire avec Arjouna, moi
privé de l’existence. » 4,951.
Il dit : et, quand elle eut entendu ce discours, Kounti,
agitée de sa douleur , embrassa son fils, tremblant de fer-
meté, et tint ce langage à Karna : 4,952.
u Les enfants de Kourou iront à la mort, qu’ils devront
OUDYOGA-PARVA.
339
4 Ion bras. Gomme tu l’as dit, Karna : le destin est plus
fort que l'homme. 4,953.
» Tu me garantis, héros, qui traînes les cadavres de
les ennemis, la vie de mes quatre fils, jure-moi l’exécution
de ta promesse. 4,954.
» Bonne santé et bonne fortune ! » dit Prithâ à son
(ils. « Qu’il en soit ainsi I » répondit Karna; et ils s’en
allèrent chacun de son côté. 4,955.
Quand Kéçava, le dompteur des ennemis, fut revenu
d’Hàstinapoura dans Oupaplavya, il narra tout, suivant
les circonstances, aux fds de Pândou. 4,950.
Après qu'ils eurent causé bien long-temps et délibéré 4
plusieurs fois, Çaàuri contraint par la fatigue, retourna
dans son palais. 4,957.
Dès qu’ils ont congédié tous les rois , 4 la tête desquels
est Virâta, les cinq Pàndouides, le soleil arrivé 4 son cou-
cher, adorent le crépuscule naissant. Ils songent au Dâçà-
rhain et, leur pensée revenant 4 lui, ils le font appeler et
tiennent de nouveau conseil avec Krishna. 4,958 - 4,959.
« Quand tu es allé dans Hâstinapoura 4 l’assemblée des
Kourouides, lui demanda Youdhishthira, quel langage,
Poundarlkâksha, fut celui du fds de Dhritarâshtra? Veuille
bien me conter cela. » 4,960.
« Une fois arrivé dans Hâstinapoura 4 leur assemblée,
répondit le Vasoudévide, l’insensé lils de Dhritarâshtra
ne voulut pas recevoir la parole vraie, convenable, utile,
que je lui adressai. » 4,961.
« Lorsqu'il se fut engagé dans cette méchante voie, re-,
prit Youdhishthira, quel langage, Hrishlkéça , tint 4
l'irascible Üouryodhana mon grand-oncle, le vieux Kou-
rouide ? 4,962.
340
LL MAHA-BH ARATA.
» Que lui dit le vertueux instituteur spirituel, le Rha-
radwàdjide? Que lui dit son père Dhritarâshlra et Y au-
guste Gândhùrl ? 4,963.
» Que dit au fils de Dhritarâshtra notre plus jeune
père, Kshattri, tourmenté de chagrin pour ses fils et le
plus excellent des hommes, qui savent le devoir? 4,964.
» Que dirent tous ces princes réunis de compagnie
dans l’assemblée ? Conte-moi cela, Djanârddana, suivant
la vérité. 4,965.
» Dis-moi entièrement le discours , que Bhagavat
adressa 4 Dhritarâshtra et son fils, ces deux chefs des
enfants de Kourou. Dis-moi le discours de ccs personnes
dans l'assemblée des Kourouides au fils de Dhritarâshtra,
insensé, orgueilleux parmi les savants, surmonté par l’a-
varice et l’amour. L’amertume et la haine, Kéçava, ne
trouvent point à se loger dans mon coeur.
4,966—4,967.
» Je désire écouter le discours de ces princes. Agis
de sorte, noble Govinda, que ce temps ne s’écoule pas
en vain. 4,968.
» Ton excellence est notre voie, Krishna, ton excel-
lence est notre protecteur, ton excellence est notre père
spirituel. » 4,969.
o Écoute, sire, répartit le Vasoudévide, quels discours
furent adressés au roi Douryodhana dans l'assemblée, au
milieu des Kourouides ; écoute-les de ma bouche, Indra
des rois. 4,970.
» Quand j’eus terminé mon discours, le fils de Dhrita-
râshtra partit d'un éclat de rire, et Bhishma, dans la plus
vive colère, lui tint ce langage ; 4,971. •
« Douryodhana, écoute ce que je vais dire dans un in-
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OUDYOGA-PARVA.
341
térêt de race ; et, quand tu l’auras entendu, travaille au
bien de ta famille. 4,972.
» Mon père, bien-aimé sire, futÇântanou, célèbre dans
le monde ; j'étais même, son fils unique, Ô le plus heureux
des pères. 4,973.
» Cette pensée lui vint : « Comment aural-je un se-
cond fils? Les sages disent que n’avoir qu'un seul fils,
c'est n'en point avoir. 4,974.
» Que ma famille n’aille point à sa ruine ! Comment
pourra-t-elle étendre sa renommée? » Aussitôt que je
connus son désir, je lui amenai Kâli, ma mère. 4,975.
» Je me suis engagé, à cause de mon père et de ma
famille, dans une promesse bien difficile à garder. J'ai
vécu sans royaume, vous le savez, dans une étroite con-
tinence. 4,976.
o Fidèle à mon vœu, j’habite parmi vous, observant
ma promesse. Le juste aux longs bras , le fortuné Vitchi-
travlrya, plus jeune que moi, prince, naquit au sein de
cette dame pour l’accroissement de la famille des Kou-
rouides ; et, quand mon père s’en lut allé au Swarga, je
le lis asseoir sur le trône vacant. 4,977 — 4,978.
» Je devins le serviteur du roi Vitchitravlrya, je mar-
chai son inférieur ; et ce fut moi, Indra des rois, qui lui
amenai des épouses, ses égales. 4,979.
» Tu as ouï dire nombre de fois que j’ai vaincu la
foule des rois. Ensuite, je livrai bataille à Ràma dans un
duel aux chars. 4,980.
» Je fus envoyé en exil par les habitants de cette ville
dans la crainte de Ràma ; et son excessif attachement à
ses époases lit tomber le monarque en phthisie. 4,981.
» Alors que le royaume se trouva sans roi, le maître
LK MAHA-HHARATA.
342
des Dieux s’abstint de verser la pluie, et les sujets, en
proie à la famine, accoururent à moi. 4,082.
n Tous les sujets périssent! disaient-ils; sois notre roi
pour nous sauver la vie : éloigne de nous cette sécheresse,
s'il te plaît, incrément de la famille de Çftntanou. 4,083.
» Toutes les créatures sont en proie 4 des maladies
très-épouvantables. Daigne nous sauver, fils de la Gangà,
nous, ce faible nombre, que la mort a laissés vivre.
u Dissipe nos soucis, gouverne les sujets avec justice ;
que ce royaume ne s’incline point à sa ruine, quand ton
altesse est vivante. » 4,084—4,985.
« Dans ce moment que je me rappelle une conduite
vertueuse et que je veux observer ma promesse, répon-
dis-je, mon cœur n'est point ému par les gémissements
des sujets. » 4,980.
» Les citadins, alors, grand roi, Kâlî, mon illustre
mère, les serviteurs, l’archi-brahme, l’instituteur spi-
rituel et les plus savants des brahmes, tous, consumés
par la douleur, ils me dirent : « Sois notre roi ! Si tu
prends ce vaste royaume, défendu contre les ennemis, il
ne périra point (1). 4,087—4,088.
» Règne sur nous pour notre bien, prince à la haute
intelligence. » A ces mots, joignant les mains au front,
vivement affligé et cruellement malade, je leur déclarai
mainte et mainte fois ce vœu de vivre sans royaume, dans
une étroite continence , dont je m’étais lié |>our ma fa-
mille et la gravité de mon père. 4.089 — 4,000.
(1) Pans le silence du commentaire, je n'obtiens ce sens, fpi'cn don*
liant à la préposition séparative ri dans vtnaçishyr/U la force d'uue né-
gation.
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OUDYOGA-PARVA.
343
o Peuple, ne m'impose pas cette charge, surtout à cause
de toi ! u Ensuite, les deux mains réunies au front, je
suppliai ma mère, 4,991.
» Et je lui dis à plusieurs fois : « Je suis né de Çân-
tanou, ma mère ; veuille qu'en accroissant la race de
Kourou, je n’aie pas fait une promesse mensongère.
» Cest 4 cause de toi surtout que j’ai prononcé un tel
vœu ; je suis ton serviteur et ton esclave, mère pleine d’af-
fection pour ton fils ! » 4,992 — 4,993.
» Quand j’eus persuadé ainsi et le peuple et ma mère,
je suppliai le grand anachorète Vyàsa pour les épouses de
mon frère. 4,994.
» Assisté de ma mère, je rendis le saint propice à ma
demande ; il prit l’engagement, puissant roi, de donner
une postérité au monarque défunt. 4,995.
» Il engendra alors trois fils, ô le plus excellent des
Bharatides. Ton père, qui était aveugle, ne fut pas roi,
parce qu’il était privé de la vue. 4,990. ■
» Le magnanime Pàndou, célèbre dans le monde, fut
élevé sur le trône : c’est lui, qui fut le monarque alors et
c’est maintenant ses fils, auxquels fut enlevé l’héritage
paternel. 4,997.
» Ne fais pas d’altercation, mon fils, donne-leur une
moitié du royaume : quel homme peut ici s'arroger la cou-
ronne, quand je vis? 4,998.
» Ne méprise point ma parole, la paix fut toujours mon
désir. 11 n’y a aucune différence à mes yeux, mon fils,
entre eux et loi. 4,999.
■> Ce sentiment est celui de ton père, de Gândhàrl et de
Vidoura. Il faut, assurément ! écouter les vieillards : ne
mets pas en doute ma parole. 5,009.
m
LE M VHA-BHARATA.
» N'entralne pas tout â sa perte, toi -même et la
terre ! » 5,001.
Après ces mots de nhishma, Drona, habile à manier
la parole, tint ce langage (la félicité descende sur toi !)
à llouryodhana au milieu des rois assemblés : 5,00?.
a Pàndou, soumis à la vérité, Pitndou aux organes des
sens vaincus fut un monarque aussi dévoué aux intérêts
de sa famille que Çântanou, le fils de Pratlpa, aussi
dévoué aux intérêts de sa famille que Bhtshma-Déva-
vrata. (le roi vertueux, ferme dans son vœu, rempli d’at-
tention, accroissant la race des Kourouides, donna le
royaume au sage Dhritarâshlra le plus âgé, à Kshattri,
le plus jeune de ses deux frères. 5,003 — 5.00A — 5,005.
» Et, quand il eut fait asseoir l’impérissable sur le trône,
sire, le roi Kourouide se relira dans la forêt, accompagné
de ses épouses. 5,006.
» Vidoura, le plus éminent des hommes, placé dans une
condition inférieure, s’approchait de lui modestement,
comme un serviteur, et faisait jouer sur sa tête le chasse-
mouche et l’ombrelle, 5,007.
» Ensuite, tous les sujets, mon- fils, observant la règle,
suivirent DhritarAshtra, le roi des hommes, comme ils
avaient suivi le roi Pândou. 5,008.
» Après qu’il eut abandonné son royaume à Dhrita-
ràshtra et à Vidoura, Pàndou, le conquérant des cités
ennemies, parcourut toute la terre. 5,000.
» Vidoura, lidèle à la vérité, était chargé de recevoir
ce qui était dft au trésor, de faire les aumônes, d’ins-
pecter les serviteurs et de pourvoir à la subsistance de
. tout. 5,010.
» Préposé â la paix et à la gn< rre, Hhishuia à l’itn-
OUDYOG A-PARVA.
345
mense vigueur, le puissant vainqueur des cités enne-
mies, veillait aux cérémonies pour le transportement du
roi. 5,011.
» Placé dans son trône, le monarque & la grande force,
Dhrilar&shtra, voyait continuellement assis près de lui
Vidoura le magnanime. 5,012.
» Comment pourrais-tu, souverain des peuples, désirer
la division d’une famille, où tu es né, où tu as vécu avec
tes frères et dont tu as savouré les jouissances ? 5,01 3.
» Mes paroles, ce n'est point la peur de la guerre, qui
les inspire, et je ne parlerai jamais par l'envie des richesses.
Je désire, 0 le meilleur des rois, un présent de Bhlshma,
et non de toi. 5,014.
» Je n'attends pas de toi, sire, un moyen de vivre;
Drona est ce qu'est Bhlshma : fais co que Bhlshma t’a
dit. 5,015.
h Donne aux fils de Pândou , puissant vainqueur , la
moitié du royaume : ma qualité d'instituteur est toujours
égale à mes yeux entre eux et toi. 5,010.
» Le héros aux blancs coursiers est pour moi ce qu’est
Açvatthâman lui-méme. A quoi bon tant de paroles? La
victoire se rangera du côté où est le devoir. » 6,017.
» Quand Drona à la vigueur infinie eut parlé de cette
manière, ajouta le Vasoudévide, Vidoura, soumis à la vé-
rité, articula ce discours. 5,018.
» L’homme, qui savait le devoir, s’étant retourné, fixa
les yeux sur le visage de Bhishma , son oncle, et dit :
« Dévavrata, écoute cette parole de ma bouche. La
race de Kourou, que tu avais arrachée de la tombe, y des-
cend de nouveau. 5,019 — 5,020. i
» Est-ce ma parole, que tu méprises dans ma plainte ?
3 âfl
LE MAHA-BHARATA.
Quel est ce nommé Douryodhana, qui est dans cette famille
l’opprobre de sa race ? 5,021 .
» Quoi ! tn suis le sentiment de cet homme vil sur-
monté par l’avarice, de cet ignorant, il qui la cupidité a
ravi l’âme, 5,022.
» Qui transgresse l’ordre émané de son père, dont les
yeux sont fixés sur le juste et l'utile ! Ces Kourouides
périront-ils à cause de Douryodhana? 5,023.
» Agis de telle sorte, grand roi, qu’ils ne soient pas
entraînés à leur perte. Considère la destruction de ta
famille, héros aux grands bras, et ne méprise pas, maître
de la terre, ni moi, ni Dhriiai-âshtra. Tu as posé tout
comme un peintre, qui fait un tableau ; ne sois pas comme
Brahma, qui crée les êtres et les détruit. Mais ton intelli-
gence est perdue en ce moment où la perte de tout est
imminente. 5,024 — 6,025 — 5,026.
» Viens te réfugier dans un bois avec moi et Dhrita-
râshtra lui -même, ou jette dans les fers ce Dhritarâsh-
tride, si insensé, qui a la scieuce du mal. 6,027.
» Hâte-toi de gouverner ce royaume, défendu par le
bras des Pândouides. Pardon, tigre des rois! Une grande
destruction menace les monarques à la vigueur infinie,
issus de Kourou et de Pândou. » Dès qu’il eut prononcé
ce discours, Vidoura se tut; et, l’âme affligée, il demeura
plongé dans ses pensées et poussant alors maint et maint
soupir. 5,028—5,029—5,030.
» Tremblante devant la perte de sa maison, la fille du
roi Soubala adressa avec colère, en présence des rois, ce
langage, rempli de choses utiles et justes, au cruel Dou-
• rvodhana, son fils, à l’intelligence dépravée : 5,031.
« Quu les princes entrés dans cette assemblée de rois,
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OUDYOGA-PARVA.
347
les brahmes saints et les autres, qui sont assistants ici,
m'écoutent! Je vais dire le crime, que tu as commis,
pervers, avec ton cortège de ministres. 5,032.
a C'est 4 l'aîné qu'appartient la couronne héréditaire
des kourouides : c'est la loi de succession, qui régit notre
iamiile. Tu détruis, par ton manque de politique, le
royaume tics kourouides, homme à l'âme vicieuse, aux
œuvres pleines de méchanceté. 5,033.
» I,e sage Tthrilaràshtra est assis sur le trône; Vidoura
à la vue pénétrante est son plus jeune frère. Comment,
au mépris de ces deux ascendants, peux- tu dans ta folie,
Rouryodhana, affecter maintenant le royaume? 5,034.
» Malgré la haute dignité du roi et de kshaltri, il faut
qu'ils restent sujets tant que Bhlshma conservera la vie.
Ce magnanime fiis de la rivière, le plus excellent des
hommes, n'a point le désir d'un royaume, parce qu’il a la
connaissance du devoir. 5,035.
» Ce royaume invincible appartenait à Pândou ; le dtoit
est inhérent aujourd'hui à ses fils, et non à d’autres. Ce
royaume entier est aux Pàndouides : du grand-père, il
passe successivement au lils et an petit-fils. 5,030.
» 11 nous faut accomplir, si nous voulons observer
notre devoir et sauver le royaume, tout ce que dit le ma-
gnanime chef des kourouides, le sage Révavrata, soumis
à la vérité. 5,037.
» Voici le prince Vidoura, qui parlera de cette manière
avec la permission de Mahàvrata (1); il faut que sa parole
(1) Mol, ?ur lequel se luisent les dictionnaire* et les commentaires,
mais qui être un tyuouymo de Dcvavrata , uu des surnoms «le '
Bhlsliiu».
348
I.H MAHA-BHARATA.
soit exécutée par ses amis, qui ont chargé le devoir sur
leurs épaules et lui ont bien long-temps donné le premier
rang. 5,038.
» Qu’exalté par le roi Dhritarâshtra et mis avant tous
par le fils de Çàntanou lui-même, Youdhishthira, issu
d'Yaina, gouverne ce royaume des Kourouides, que la
droite raison a fait tomber dans ses mains! » 5,030.
» Après ces paroles de Gàndhârl, seigneur, continua
le Vasoudévide, Dhritarâshtra, le monarque des hommes,
tint ce langage, au milieu des rois, à Douryodhana :
« Douryodhhana, écoule cette parole, que je vais te
dire, mon fils ; et agis de cette manière, si ton père a
quelque autorité sur toi. 5,040 — 5,041.
» Le Pradjàpati Lunus fut jadis le propagateur de la
race des Kourouides; Yayâti, fils de Nahousha, naquit au
sixième degré de Lunus. 5,042.
» 11 eut cinq lils, les plus excellents des rois saints,
desquels l'auguste Yadou à la grande splendeur naquit
l’alné. 5,043.
» Pourou, le fondateur de notre race, était le plus
jeune ; il fut par Çarmishtlià, sa fille, l'auteur de Vrisha-
parvan. 5,044.
» Yadou, ô le plus grand des Bharatides, était né de
Dévayânl; les lils à la force infinie de cette fille descen-
daient de Çoukra-Kàvi. 5,045.
» Fort, estimé par sa vigueur, mais d’une intelligence
étroite, et rempli d’orgueil, l'auteur de la race des Ya-
douides méprisa l’ordre des kshatl yas. 5,040.
» Égaré par l’orgueil de sa force, il ne garda point les
commandements de sou père, et poussa le mépris jusqu'à
son auteur lui-même et ses invincibles frères. 5,047.
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OllDYOGA-PAUVA.
AA»
» 4 adou était puissant ; il réduisit en son pouvoir les
rois des quatre parties de la terre, et habita la ville, qui
tire son nom des éléphants. 5,048.
» Le fils de Nahousha, Yayâti, son père, maudit ce fils
dans un mouvement de violente colère, fils de Gândhàri,
et le priva du royaume. 5,049.
» Yayâti, irrité, étendit sa malédiction jusque sur ses
fils, parce ÿn’ils suivaient ce frère enivré de sa force.
» Le plus excellent des monarques fit asseoir sur le
trône un fils obéissant, le plus jeune de ses frères, et
soumis à sa volonté. 6,050 — 5,051.
» Ainsi l'alné, tout sacré qu'il fût, n'obtint pas la Cou-
ronne, qui fut transmise au plus jeune pour son obéis-
sance à son vieux père. 5,052.
» De même l'aïeul de mon père, Pratlpa, versé dans
tous les devoirs et célèbre dans les trois mondes , fut
d’une égale façon appelé à gouverner la terre. 5,053.
» Trois fils renommés, semblables aux Dieux, na-
quirent à ce lion des rois pendant qu’il régnait sur la
terre avec justice. 5,054.
» Dévâpi était l’aîné ; sans intervalle après lui, mon
fils , venait Vàhllka ; le troisième fut Çânlanou , mon
aïeul, rempli de fermeté. 5,055.
» Dévapi â la grande splendeur et le plus vertueux des
rois était affligé d’une lèpre, il était juste, véridique; il
mettait sa joie dans l'obéissance à son père. 5,056.
« Estimé des villageois et des citadins , honoré des
gens de bien, il ravissait tous les cœurs, des enfants aux
vieillards. 5,057.
» Il était généreux et soumis à la vérité ; il avait
l’amour du bien pour toutes les créatures, il ne s'écartait
360
J.E MAHA-BHAKATA.
jamais des préceptes, qu’il recevait de son père et des
hralunes. 6,058.
» Vâhllka était un frère aimé du magnanime Çftnta-
nou. Il n’était rien de supérieur à la concorde, qui unis-
sait entre eux ces trois nobles frères. 5,059.
» Dans la révolution du temps, le vieux pire et le plus
excellent des rois ordonna de faire, suivant les Çàstras,
les préparatifs du sacre. 5,060.
e Le seigneur fit accomplir toutes les choses, auxquelles
sont attachés d’heureux auspices; mais les brahmes et les
vieillards, avec les citadins et les villageois s’opposèrent
tous au sacre de Dévâpi. Aussitôt qu’il apprit l’obstacle
mis à la cérémonie, le monarque arrosa de larmes son
cou et gémit sur le sort de son fils. Quoiqu’il fut géné-
reux, fidèle & la vérité, vertueux, ami des créatures, il
n’en était pas moins vicié par l'infirmité d’une lèpre :
« Et les Dieux ne donnent pas leur approbation au choix
d’un monarque, de qui les membres ont un défaut, u
5,061-5,002-0,003—5,064.
» Ils disent ; et les plus saints des brahmes empêchant
l’élection du meilleur des rois. Voyant arrêté l’ascension
de son fils au trône, le souverain, tourmenté par le cha-
grin paternel, eut son corps agité par la douleur, et Dé-
vàpati s'exila dans la forêt. Vâhllka, abandonnant le
royaume (1) , se retira dans la famille de son oncle (2).
5,065—5,066.
v Çântanou, célèbre dans le monde et regoi géant de
richesses, obtint cette couronne de la jeunesse avec l’ngré-
{1 — 2) D'aptes la liaison des idées, explique le commentaire contraire*
nient au texte.
- DigitiztfT^CTtogle
0UDY0GV-PA11VA.
351
ment de Vàhlîlca, qui avait déserté son père et ses
frères. 5,067.
» Une fois que Pratlpa eut cessé de vivre, il prit en
uiain les rênes de l'état avec k consentement unanime. 11
en fut même ainsi de moi, quand le sage Pàndou eut ici
tourné sur moi sa pensée. 5,06§.
» J’étais l'alné, mais je fus privé de la couronne. « 11
manque d’un sens ! » disait-on, Bliaratide. Pàndou monta
donc sur le trône et, quoique plus jeune, il fut roi. 5,069.
» Après sa mort, ce royaume, dompteur des ennemis,
il appartient à ses Qls. Gomment peux-tu prétendre à un
royaume, auquel je n'eus aucune part ? 5,070.
» Fils d'un pr ince, qui n’est pas roi, tu n'es pas le pro-
priétaire, et tu veux dérober le bien d'autrui. 5,071.
a Le magnanime Youdliishlhira est le fils du roi, il est
le chef de cette famille des Kourouides ; rempli d’une
haute majesté, il est le monarque de ce royaume, qui lui
est échu suivant la droite raison. 5,072.
» C’est un prince fidèle à la vérité, et qui est placé
sans négligence dans la morale des Traités, bon pour ses
parents, ami des sujets, tendre avec ceux qui l’aiment,
vainqueur des sens et le maître des gens de bien. 5,073.
» La patience, la tolérance, la répression des sens, la
droiture, l’attachement à la vérité, la vue claire des Vé-
das, la miséricorde pour les êtres, le don du commande-
ment, en un mot , toutes les vertus d’un roi se trouvent
dans Youdhishthira. 5,074.
« Comment, homme mal élevé, toi , à la condition sans
noblesse, à l’esprit vicieux avec tes parents, toujours
affligé par l'avarice et fils d'un prince, qui n'est pas roi,
pourras -tu ravir à d'autres ce royaume, que l'ordre
I.E MAHA-BIURm.
:?52
de surcession a fait tomber dans leurs mains 7 5.075.
» Dissipe ton égarement ! Donne-leur , avec des che-
vaux, avec un cortège, une moitié dp royaume. A cette
condition, tu conserveras, toi et tes frères puînés, Indra
des hommes, ce qui te reste à vivre. » 5,076.
» A ces paroles de BUlshuia, de Drona et de Vidoura,
continua le Vasoudévide , de Gàndhàrl et de Dhrita-
ràshtra, l’insensé ne se réveilla pas. 5,077.
» Les yeux enflammés de colère, le stupide se lève,
sort de leur présence; et les rois, faisant à ce fou le sacri-
fice de leur vie, courent sur ses pas. 5,078.
» A différentes fois, il répéta aces rois, princes à l'âme
perdue , celte injonction : « Allez au Kouroukshétra !
Voici le jour de X astérisme Poushya. » 5,079.
» Alors, c s rois , pleins d’ardeur, acclamant Blilshma
comme leur généralissime et poussés par la mort, se sont
avancés avec leurs bataillons. 5,080.
» Onze armées complètes de Kourouides sont rassem-
blées. Le chef, qui resplendit à leur tête, c'est Bhtshma,
qui a pour son drapeau un palmier flabelliforme. 5,081.
» Dispose ici, monarque des hommes, ce qui est con-
venable et opportun. Je t’ai dit, rejeton de Bharata, les
discours, qui furent prononcés en ma présence par
Bhtshma, Drona , Vidoura, Gàndhâri et Dhritaràshtra.
Je vais te raconter, sire, ce que je fis dans l'assemblée des
Kourouides. 5,082 — 5,083.
» J'employai d’abord l’égalité, sire, par le désir de
voir la fraternité rétablie pour l'accroissement des sujets
et l'union de la famille. 5,084.
» Voyant que les idées, sur lesquelles je parlais, n’é-
taient pas de telle sorte qu' elles étaient acceptées avec
Digi . iW Uy Cflogle
OCIDYOGA-PARVA.
35»
des paroles bienveillantes , je commençai à raconter la sé-
rie de vos actes humains et divins. 5,085.
» Alors que Souyodhana eut méprisé mon discours,
qui débutait par un langage de bienveillance, je semai la
division parmi tous les princes assemblés. 5,086.
» Je montrai à leurs yeux, auguste rejeton de Bharata,
une suite d'œuvres terribles, épouvantables, merveil-
leuses et plus qu’humaines. 5,087.
» Je menaçai tous les rois, je traitai Souyodhana
comme une vite poignée d’herbe ; j’inspirai mainte et
mainte fois la terreur au Soubalide et au (ils adoptif de
Râdbâ. 5,088.
u Quand j’eus déversé le blâme du jeu sur les enfants
de Dhritarâshtra, je tentai plusieurs fois, par mes discours
et mes négociations secrètes, de séparer d’eux tous les
souverains. 5,089.
» De nouveau, je parlai de la cession fondée sur l’égalité,
pour éviter la division de la famille des Kourouides et
pour conserver l’union. 5,090.
« Que les héros de Vidoura, de Bhtshma et de Dhri-
tarâshtra demeurent en paix ; tous les Pàndouides ont
rejeté la fierté, et marchent d’un pas humble. 5,091.
» Qu’on leur donne un état indépendant et qu’ils
n’aient pas de maître, comme ont dit Vidoura etle prince,
fils de la Gangà, ce qui était votre salut. 5,092.
» Abandonne - leur ces cinq villes , et que tout le
royaume t’appartienne ! car, s’il en est autrement, ô le
plus excellent des rois , ils restent les sujets de ton
père. » 5,09».
» Ace langage, le prince à l’âme criminelle ne lâcha
point cette part. Je ne vois avec ces pervers d’autre
vi 23
TTigitized by Google
r»h
LE MAH V-BH \H \TA.
moyen que le quatrième, le châtiment : il n’y en a point
d’autre ! 5,004.
» Les monarques sont allés chercher leur perte dans le
Kouroukshétra ! Je t'ai raconté là, sire, tout ce qui eut
lieu dans l’assemblée des Kourouides. 5,095.
» lis ne le céderont pas le royaume sans combat, rejeton
de Pândou. Ces causes de ruine renferment toutes des
morts imminentes, u 5,096.
— Digi tey-Google
LÀ sortie des armes.
Valçampâyana dit :
Dès qu'ils eut entendu ce discours de Djanârddana, le
vertueux Youdhishthira-Dharinaràdja dit ces paroles àses
frères en présence de Kéçava : 5,007.
« Vous avez entendu tout ce qui s’est passé en pleine
salle du Conseil, dans l’assemblée des Kourouides, et
vous avez compris tout ce discours, qu’a prononcé Ké-
çava. 5,098.
» Faites donc, vous, les plus grands des hommes, le
partage de mon armée. Voilà sept armées complètes, ras-
semblées pour la victoire. 5,099.
» Écoutez les noms des héros, qui sont les chefs de cha-
cune d’elles : Droupada et Viràta, Dhrishtadyoumna et
Çikhandl, Sâtvaki, Tchékitâna et le vigoureux Bhlmaséna.
Tous ces vaillants guerriers, prêts à sacrifier leur vie,
sont les généraux des armées. 5,100 — 5,101.
356
LE MAÏIA-Bll \KATA.
» Tous ccs héros connaissent les Védas, ils observent
bien leur vœu ; ils ont de la pudeur, ils ont de la poli-
tique ; tous, ils sont habiles dans la guerre. 5,102.
» Ils manient adroitement l’arc et la flèche; tous, ils
combattent avec toutes les armes. Dis-moi dans ce moment-
ci, Sahadéva, rejeton de Kourou, quel guerrrier, connais-
sant la division des années et flamboyant par la splendeur
des flèches, peut supporter dans une bataille, Bhlshma,
qui est semblable au feu, et commander en généralissime
aux sept armées. 5,103 — 5,10A.
» Qui, suivant ton opinion, est capable d’être en chef,
le prince de mon armée? » 5,105.
« L’énergique, souverain, vertueux, doué de toutes les
qualités, qui tient pour égaux te plaisir et la peine,
répondit Sahadéva, sous le bras duquel réfugiés, nous
unirons chacun la part de nos communs eflbrts ; 5,106.
» C est Virâta, le roi vigoureux des Matsyas, consom-
més dans les armes. Enivré de la fureur des combats,
il peut supporter dans un combat, et Bhlshma et les
héros ! » 5,107.
A ces mots de son frère, Nakoula, habile à manier la
parole, tint immédiatement après lui ce langage : 5,10$.
« 11 est un prince fortuné par sou âge, sa constance
dans les Çâstras, sa naissance et sa famille ; il a de la
pudeur, il est doué de force, il est habile à manier toutes
les armes. 5,109.
» Il tient la science de Bharadw&dja ; il est inaflron-
table et soumis à la vérité; sans cesse, il rivalise avec
Drona et Bhlshma à la grande vigueur. 5,110.
» 11 peut être loué à la tête de la famille des rois comme
le général d’une armée. Il est environné de fils et de
-■Seigle
OliDYOGA-PARVA.
357
petit-fils, tel qu’un arbre l’est par des centaines de ra-
meaux. 5,111.
» Cet héroïque maître de la terre, qui est beau par les
batailles et qui a pratiqué avec son épouse une épouvan-
table pénitence pourra mort de Drona ; ce prince éminent,
qui nous porta sans cesse comme un père ses enfants,
c’est Droupada notre beau-père. Qu’il conduise en chef
nos armées. 5,112 — 5,113.
» Il supportera, c’est mon sentiment, l’aggression de
Drona et de Bhlshuia. Ce roi connaît les astras divins,
c’est un monarque ami d'Angiras. » 5,114.
Dès que les deux fils de Màdrl eurent énoncé leur opi-
nion, le rejeton de Jiourou, le fils d’Indra, semblable à
Indra lui-même, l’Ambidextre lit entendre cette parole :
u Ce prince aux longs bras, qui a la couleur du feu et
de qui la naissance est divine, grâce à la force de la péni-
tence et à la satisfaction des brahmes, 5,115 — 5,110.
» Qui, de la cavité, où brûle le feu sacré, s'élança,
tenant un cimeterre, muni d’un arc, revêtu de la cuirasse,
tout armé, sur un char, attelé de superbes chevaux cé-
lestes ; 5,117.
» Ce héros vigoureux au corps de lion, semblable à un
lion par sa bravoure, qui remplissait tout du bruit de son
char, comme un grand nuage tonnant; 5,118.
» Ce guerrier à la vaste force, à l'immense lumière, à
la poitrine de lion, aux bras de lion, au cœur de lion, au
rugissement de lion, aux épaules de lion, 6,119.
» Aux beaux sourcils, aux belles dents, à la belle mâ-
choire, aux charmants bras, au beau visage, à la belle
clavicule, aux grands cl beaux jeux, non maigre et soli-
dement appuyé sur de beaux pieds ; 5,1 JO.
358
LE MAHA-BHARATA.
» Ce prince aux sens domptés, aux paroles de vérité,
impénétrable à tous les ennemis, comme un éléphant en
rut, lui, qui est né pour la mort de Drona, 5.121.
» Dhrishtadyoumna enfin est capable, je pense, de
supporter les (lèches de Bhtshma; ce» dards au toucher
semblable au tonnerre de la foudre et tels que des ser-
pents à la gueule enflammée ; 6,122.
» Pareils en rapidité aux messagers d’Yaraa, équi-
pollents au feu pour donner la mort; ce» traits, qui
broient comme la foudre, épouvantables, et que Rârna
seul peut supporter sur le champ de bataille. 5,123.
» Je ne vois pas un homme, sire, qui puisse soutenir
Bhîshma-Mahâvrata, si ce n’est Dhrishtadyoumna : tel est
mon sentiment. 5,124.
» J'estime que ce héros à la main prompte, à la cui-
rasse imbrisable, comme un éléphant, chef d’un troupeau;
que ce guerrier, à qui sourit la fortune, mérite d’étre le
généralissime de nos armées. » 5,125.
Bhtmaséna dit à son tour :
« Il y a Çikhandl, fils de Droupada, qui est né pour
exercer les fonctions de la mort, affirment de concert,
Indra des rois, les Siddhas et les rishis. 5,120.
» Les hommes magnanimes lui verront une forme
semblable à celle de Ràma, quand il décochera, au milieu
du combat, ses astras célestes. 5,127.
» Je ne vois pas d’homme, sire, qui puisse, dans la
guerre, blesser Çikliandl, quand, armé de sa cuirasse, il
sera monté dans son char pour affronter la bataille. 5,128.
» Aucun autre, si ce n’est le héros Çikhandt, n’est
capable de percer de sa flèche Bhishma dans un combatà
deux chars. Motaopinion est qu’il mérite le généralissimat.»
OUDYOGA-PARVA.
359
o Le vertueux Réçava connaît la vigueur et l'atonie,
le fort et le faible du monde entier, répondit Youdhish-
thira, il sait également quelle opinion on doit arrêter sur
chacun de ces princes. 5,129— 5,130.
» Que l'homme choisi par Kéçava le Dâçàrhain com-
mande en chef à mes armées; qu’il soit ou non consommé
dans l’étude des armes, qu’il soit jeune ou vieux ! 5,131,
» Voilà pour nous quelle est, mon (ils, la racine dans
la victoire ou la défaite, le souffle de la vie et le royaume,
l’être et le non-être, ce qui est le plaisir ou ne l’est
pas. 6,132.
» 11 sera pour nous Dhâtri et Vidhâtri; en lui reposera
la perfection. Que l’homme choisi par Kéçava le Dàçâ-
rhain commande en chef à mes armées. 6,133.
» Que le plus éloquent des êtres doués de la voix parle
donc! Voici la nuit, qui s’écoule. Ensuite, quand, soumis
& la parole de Krishna, nous aurons élu un généralissime,
ce qui reste de la nuit arrivé à son terme, nous marche-
rons vers le champ de bataille, les armes parfumées des
senteurs du sacrifice et toutes les chosts de bon augure
accomplies avec empressement. » 5,134 — 6,136. .
Aussitôt qu’il eut ouï ces paroles du sage Dharmarâdja,
le Dieu aux yeux de lotus bleu répondit , fixant ses
regards sur Dhanandjaya : 5,136.
« J’ai moi-même de l’estime, guerrier aux longs bras,
pour ces héros vaillants, généraux de ton armée, qui
viennent d'être nommés par vous. 5,187.
» Qui que ce soit d’eux est, certes! capable de battre
ton ennemi . Ils jèleraient, dans une grande bataille, la
terreur au sein d'Indra lui-même; 5,136.
» Combien plus au cœur de ces cupides enfants de
300
LE MAHA-BHARATA.
Dhritarâshtra â l’âme dépravée! Ce qui te fait du plaisir
dans un grand combat, guerrier aux longs bras, m'en fait
également à moi-même. 6,139.
» Qu’un vaste effort soit exécuté, il aura la paix pour
conséquence! C'est mon sentiment, fils de Bharata. Voici
le moment d’acquitter la dette du devoir : ce ne sont pas
les paroles sans poids d'hommes, que pousse un vain
désir de parler. 5,140.
» L’insensé, le stupide et l'ignorant Dbritarâshtride se
regarde comme accompli dans les armes; et, malade
d'orgueil, il se croit solidement établi dans la puis-
sance. 5,141.
« Rassemble ton armée, vertueux monarque : let en-
nemis, je les estime, certes! mûrs enfin pour la mort. Ces
enfants de Dhritarâshtra ne pourront tenir pied à la vue
du terrible Dhanandjaya, de Khima irrité, des jumeaux,
semblables au Dieu Yatna, du fougueux Dhrishladyomnna,
secondé par Youyoudhâna, d’Abhiinanyou, des Draâupa-
dides, de Virâta, de Droupada même, et des autres mo-
narques, chefs d’armées complètes, au courage épouvan-
table. 5,142 — 5,143 — 5,144.
» Notre puissante armée inaffrontable, invincible, im-
molera dans la bataille, sans aucun doute, l’armée des
Dhritaràshtrides. 5,145.
» Mon avis, dompteur des ennemis, est qu’on élise
Dhrishtadyoumna pour généralissime. » 5.140.
A ce langage de Krishna, les plus grands des hommes
se réjouirent ; et leur âme, pleine de contentement, fit
éclater une immense clameur. 5,147.
« Rassemblons-nous ! » s'écrient-ils. Alors il se fait
partout un tumulte de guerriers, qui se hâtent , qui
OUDYOGA-PARVA. Sel
accourent, un bruit de chevaux et d’éléphants, un fracas
de roues. 5,148.
De tous les côtés s’élève un mélange confus du son des
conques et des tambours. Ce concours terrible , agité des
armées, ressemblait au bruit de, l'océan. 5,14».
C’était un fracas violent de chars, de fantassins, d’élé-
phants, d'hommes, qui couraient, qui s'appelaient, qui
attachaient leurs cuirasses, troublé comme celui des
grands flots dans la templle. 5,150.
De toutes parts on voyait, inaiïrontable, pleine comme
la Gangâ , l’armée des Pàndouides prêts à marcher avec
leurs bataillons. 5,151.
Les généraux étaient Bhimaséna , les deux fils de
Màdrl, la cuirasse endossée, le fds de Soubhadrà, ceux de
Draàupadl et Dhrishtadyoumna le Prishatide. 5,152.
Les fortunés Pàntchàlains s’avançaient, Bbltnaséna
marchant à leur tête. Ensuite, il s’éleva un bruit sem-
blable à celui de la mer dans la pleine lune. 5,153.
Dans leurs pas en avant, les clameurs de ces guerriers
ardents allaient, pour ainsi dire, toucher le ciel. C'étaient
des combattants fougueux, revêtus de la cuirasse, nés
pour enfoncer les armées des ennemis. 5,154.
An milieu de ces braves, marchait le monarque You-
dhishthira, le fils de Kountl. De toutes parts, ce n’était
que voitures, bêtes de somme, barraques, marchés et ma-
chines de guerre, trésors même, chirurgiens et médecins,
tout ce qui était fort ou faible, ce qui était frêle et maigre.
5,155 — 5,150.
Le roi s'avançait avec ses domestiques au milieu de ces
hommes, qu’il avait rassemblés; mais la Pàtitchàlaine
Draàupadl aux paroles de vérité demeura dans Uupapla-
LE MAHA-BHARATA.
SB2
vya, environnée de femmes, entourée de servantes et de
serviteurs, approvisionnée de médicaments et de simples,
divisés en choses immobiles ou animées (1).
6467—5,158.
Les fils de Pàndou s’avançaient, enveloppés d'une nom-
breuse garde royale, distribuant de l’or et des vaches aux
brahmes, qui les environnaient. 5,169.
Sur des chars ornés de pierreries , venaient, sire, les
Kaikéyains au milieu des louanges, Dhrishtakétou, et
l’auguste fils de Kâçya, et le fortuné Vasoudàna, ot l'in-
vincible Çikhandt. Joyeux, satisfaits, revêtus de la cui-
rasse, ceints de leurs armes, richement parés,
5,100—5,101.
Tous les rois suivaient, environnant Youdhishthira. Au
centre de l'arrière-garde, s’avançaient Virâta, et le fils de
Somaka, Y&djnaséni, le vertueux (1) Kountibhodja et
les fils de Dhrishtadyoumna. Quatre myriades de chars,
cinq fois autant de chevaux, dix fois ce nombre de fantas-
sins et six myriades d'éléphants , Tchékitàna , le fils
d’Anàdhrishta, et Dhrishtakétou le Satyakide
5,102 — 5,103 — 6,104. •
Venaient tous, environnant le Vasoudévide et Dha-
nandjaya. Quand ces nombreuses armées de combattants
furent arrivées dans le Kouroukshétra, 5,166.
On vit les fils de Pândou pousser de grands cris,
comme des taureaux ; et ces dompteurs des ennemis, en-
trés dans le champ des Kourouides, remplirent de souffle
leurs conques. 5,160.
(i) Je u'admcts pas le sens très- fantastique, moins naturel, du commen-
tateur.
(1) Soudhanwtn , leçon du commentaire.
©tgtti
OUDYOGA-PARVA.
SUS
Le Vasoudévide et Dhanandjaya sonnèrent de la
conque; et, au bruit entendu de Pàntcbadjanva, semblable
au tonnerre de la foudre, les poils de tous les combattants
Se hérissèrent sur tous les membres ; et le cri de puerre de
ces braves, mêlé an son des tambours et des conques, fit
résonner tous les échos de la terre, du ciel et des mers.
B, 167— 5,168 — 6,169.
Alors le roi Youdhishthira fit camper son arftiée dans
un lieu plane, doux, abondant en bois de chauffage et en
gazons. 6,170.
Et, quand le fils de Kountl l’eut environné de cime-
tière», de temples pour les Dieux, d’heruiitnges pour les
grands saints, de tlrthas et d'autels, Youdhishthira à la
haute intelligence se lit construire un palais sur une terre
saline et dans un endroit charmant, pur et sans aucune
souillure. 5,171 — 5,172.
Puis, le lendemain, s’étant levé tranquillement, envi-
ronné des rois par centaines de mille, il continua sa route
avec ses chevaux délassés. 5,173.
11 mit en fuite par centaines des escadrons de l’armée
’du Dhritaràshtride ; et Kéçava avec le Prithide éclaira
tout à la ronde. 5,174.
Dhrishtadyoumna le Prishatide fit mesurer un espace
pour son camp. Le Salyakide avec son char, avec ses
épouses, et le vigoureux Youyoudhâna s’approchèrent
d’un fleuve pur, aux limpides eaux, exempt de boue, aux
charmants petits bains sacrés et qui roulait un sable mêlé
d’or au milieu du Kouroukshétra. 5,175 — 5,176.
Kéçava fil creuser là un fossé, rejeton de Bharata, où
il embusqua, pour la garde une armée, qui ne pouvait
pas être aperçue. 5,177.
36A
LE MAHA-BHAHATA.
Ce fut la règle du camp des magnanimes (ils de Pàndou.
Kéçava y fit bâtir les résidences des rois. 6,178.
On y apporta, par centaines et par milliers, des vivres,
des aliments, des mets, des breuvages, des bois à brûler
en très-grande abondance et placés à l’abri des enne-
mis. 5,179.
Là, chacun des monarques eut son palais de haut prix ;
c'était, Indra des rois, comme des châteaux construits
dans le sein de la terre. 6, 180.
Là, se trouvaient, par centaines, des ouvriers habiles,
qui travaillaient pour un salaire donné : là, étaient des
médecins pourvus de tous les instruments et versés.dans
les Traités de médecine. 6,181.
Là, étaient des monceaux, semblables à des montagnes,
d'arcs, de cordes d'arcs, de cottes d'armes, de flèches, de
miel ou de lait, de beurre clarifié, de poudres, de résines
et de sucs des shorées. 5,182.
Le roi Youdbishthira, dans chaque résidence royale,
rassembla des provisions de fourrage, des quantités d’eau
fraîche, des amas de riz; et la pourvut d’une masse de
charbons, de grandes machines pour la guerre, de flèches-
en fer, de leviers, de haches, d'arcs, d’un amas de car-
quois , de bâtons , de cuirasses , et cœtera.
5,183 — 6,186.
On voyait là, par centaines et par milliers, des élé-
phants de guerre, semblables à des montagnes, couverts
de superbes armures de fer avec des cuirasses d’épines.
Dès que les rois amis connurent que les Pàndouides
étaient campés en ce lieu, fils de Bharata, ils accoururent
chacun de sa contrée avec sa cavalerie, avec son armée.
5,185 — 5,180.
OCD YOfi A-PA R V A .
365
Ceux, qui boivent le soma et qui observent le vœu de
chasteté, comblés de riches honoraires, et les souverains
de la terre affluèrent de compagnie pour la victoire des
fils de Pàndou. 5,187.
Djananiédjaya dit alors :
« Quand Dourvodhana eut appris qu'Youdhishthira
s'était avancé avec son armée dans le désir de combattre,
qu’il était campé dans le Kouroukshétra et défendu par
le Vasoudévide ; qu’il était soutenu par Virâta et Drou-
pada avec leurs fils , et que les princes Kaîkéyains et
Vrishnides l’environnaient par centaines, comme les héros
Aditvas gardent Mahéndra lui-même, quelle chose le vit-
on faire? 5,188 — 5,180 — 5,190.
» Je désire que tu m'apprennes en détail, anachorète
5 la haute sagesse, ce qui tient à cette grande alarme, ce
qui s'est passé dans le Kouroudjângala. 5,191.
» Ils auraient pu jeter la terreur dans l’àine des Dieux
avec Indra, ces Pândouides unis au Vasoudévide, à Vi-
râta et Droupada, au Pântchàlain Dhrishtadyoumna, au
héros Çikhandl, au vaillant Youdhâmanyou, inaffrontable
aux Dieux mêmes. 5,192 — 5,103.
» Je désire entendre avec étendue, homme riche en
pénitences, chacune des choses, que firent les enfants de
Kourou et de Pàndou. » 5,194.
Valçampàyana lui répondit :
Après le départ du Dâçârhain, le roi Douryodhana tint
alors ce langage à Karna , à Douççâsana et à Çakotmi :
o Adhokshadja s’en est allé sans avoir réussi dans sa
mission pour les Prilhides ; il en est sans doute pénétré
de ressentiment; il nous consumera, c’est assuré 1
5,195—5,196.
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I.F. MAHA-BHAR\TA.
Me
» Le fils de Vasoudéva désire que je livre bataille aux
Pândouides : Bkimaséna et Aijouna partagent le senti-
ment du Dàçârhain. 5,197.
» Adjâtaçatrou suit beaucoup la volonté de Bhirna-
séna, et je lui ai fait du mal, au temps passé, avec tous
mes frères. 5,198.
» Virâta et Droupada sont en hostilité déclarée avec
moi ; ces deux généraux d’armée marchent sous le pouvoir
du Vasoudévide. 5,199.'
» 11 y aura donc une bataille tumultueuse, hérissant
le poil d’épouvante : ainsi, faites préparer en diligence
tout ce qui est du ressort de la guerre. 5,200.
» Que les maîtres de la terre construisent, par cen-
taines et par milliers, dans le Kourouksliétra, des rési-
dences royales, séparées entre elles par des intervalles
bien suflisants, et que les ennemis ne puissent emporter.
Quelles aient sous la main l’eau et le bois de chaulTage,
des routes d’approvisionnement, qu’on ne puisse couper,
et quelles soient cachées par des hauteurs reliées entre
elles. 5,201—5,202.
n Quelles soient remplies d’armes diverses! qu’elles
aient des étendards et des drapeaux ! que leurs chemins
soient nivelés en dehors de la ville! 5,203.
» Que le départ soit proclamé (1) aujourd'hui même
pour demain : ne tardez pas! » Ces magnanimes, auxquels
il s’adressait, répondirent : « Oui ! » et, le lendemain
arrivé, ils firent ainsi, la joie peinte sur toutes les formes,
pour l’habitation des rois. Ensuite, tous les princes, qui
(f) L'édition de Calcutta dit encore avec incorrection : youskyaldn pour
ghoushyatûn.
OUDYOG \-PAHV A.
387
avaient entendu cet ordre du monarque, 5,204—6,205.
Se levèrent, irrités, de leurs sièges précieux, frottant
lentement, lentement leurs bras, semblables 5 des mas-
sues, 5,200.
Enflammés de bracelets d’or, oints d’aloés et de sandal;
rattachant avec des mains, pareilles à des lotus, les tur-
bans, les vêtements inférieur et supérieur, les ornements
de tous les côtés. Les plus excellents maîtres de chars
disposaient les chars, les habiles dresseurs de chevaux
préparaient les coursiers, les experts à élever des élé-
phants équipaient ces vigoureux proboscidiens. De
toutes parts, on s'arma de cottes d'armes nombreuses,
admirables, faites d'or ; on prit toutes les armes diverses.
Les hommes de pied empoignèrent différentes flèches.
5,207-5,208—5,209-5,210.
Plus d’un enveloppa son corps de vêtements admirables
d’or. Couverte d'hommes joyeux, la ville du Dhritarâsh-
tride, bouillonnante comme dans un jour de fête, était
pleine d'uue multitude de peuple, de chevaux, d’éléphants
et de chars, comme un tournoiement d’eau est rempli de
poissons. 5,211 — 5,212.
Environnée d’une guirlande de palais, de marchés et
de routes carossables, elle ressemblait à un grand lac en-
fermé par des montagnes. Résonnante du bruit des tam-
bours et des conques, ses rois de Kourou étaient comme
un immense océan, éclairé par les guerriers aux orne-
ments immaculés et tel qu’au lever de l’astre des nuits;
il avait pour écume ses flèches luisantes, pour ondes ses
cuirasses et ses magnifiques parures . Les trésors accu-
mulés y brillaient en guise de pierreries. 5,213 — 5,214.
368
LF. MAHA-BHABATA.
Ce camp paraissait donc alors, sire, tel que la mer an
lever de la lune. 5,215.
Youdhishthira , s'étant souvenu des paroles, qu’avait
dites le Vasoudévide, interrogea de nouveau ce rejeton de
Vrishni sur la manière, dont l’insensé avait tenu ce lan-
gage : 5,216.
« Voici le moment arrivé, Atchyouta ; quelle est notre
patience? Grâce à quelle conduite ne serons-nous pas jetés
en bas du devoir ? 5,217. •
» Tu connais, Vâsoudéva, l’opinion de Douryodhana,
de Karna, de Çakouni le Soubalide, la mienne et celle de
mes frères. 5,218.
i> Tu as entendu, homme à la grande science, les
paroles de Vidoura, de Bhlshma, de ces deux et de
Kountt : tu as donc entendu la science elle-même avec
plénitude. 5,219.
» Ayant dépassé toutes ces choses et promené mainte
fois ta pensée à travers ces matières, veuille bien me
dire, héros aux longs bras, d’où nous viendra la féli-
cité. n 5,220.
Dès qu’il eut ouï ces mots, accompagnés de l'utile et
du juste, qu'avait prononcés Dharmarâdja, Krishna d’ar-
ticuler ces paroles d’une voix, semblable au tambour des
nuages. 5,221.
o (les pensées, que tu virils d’exprimer, sont bonnes,
fondées sur le juste et l’utile ; mais elles ne trouvent pas
à jeter des racines dans ce rejeton de Kourou, qui n’a de
science que pour la méchanceté. 5,222.
» Quelles que soient les paroles, ou de Bhlshma, ou de
Vidoura, ou de moi-mênie, ce prince à l’intelligence
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OUDYOGA-PARVA. 369
étroite n’y prête pas son oreille : il franchit toutes les bor-
nes. 5,223.
» 11 n’aime pas le devoir, il n’aime point la renommée :
appuyé sur Raina, il croit, cet insensé, avoir déjà tout
vaincu. 5,224.
» Souyodhana avait ordonné de m’arrêter : mais ce stu-
pide aux résolutions criminelles n’a pas atteint à cet objet
de son vœu. 5,225.
» Ni Drona, ni Bhlshraa, n’ont pas dit alors un seul
mot opportun ; tous, à l’exception de Vidoura, ils suivent
le parti de ce pervers. 5,226.
» Çakouni le Soubalide, karna et Douççâsana, ces in-
sensés, ils ont dit à ce prince violent jusqu'à la folie des
paroles inconvenantes à ton égard ! 5,227.
» Qu’est-il besoin que je te répète les paroles, qu'a jetées
ce rejeton de Kourou ? Pour tout dire en un mot, cet
homme à l’âme méchante ne se conduit pas comme il sied
envers toi, ni envers tous ces princes, qui sont tes guerriers.
Tout ce qui est vice, tout ce qui n’est pas vertu, trouve en
lui un support. 5,228—5,229.
» Jamais, dans ton intérêt, nous ne ferons la paix avec
les Kourouides, en leur abandonnant tout le royaume.
Ce que nous désirons ici, c’est une guerre immédiate. »
A peine curent-ils ouï ce discours du Vasoudévide, tous
les princes de lever les yeux sur le visage du roi, sans
prononcer un seul mot. 5,230 — 5,231.
Youdhishthira, ayant vu par ce geste quelle était la
résolution des rois, ordonna aussitôt, avec Bhlmaséna,
Arjouna et les deux jumeaux, le rassemblement de scs
armées. 5,232.
Alors, toute l’armée du fils dePândou poussa des cris
vi 24
370
LK MAHA-BHARATA.
d’allégresse ; et, voyant commandé le rassemblement
des troupes, le poil des guerriers se hérissa de joie
Voyant déjà sous ses yeux la mort des personnes, qui
ne méritaient pas ce destin, Dharmaràdja-Youdhishthira
dit en soupirant ces mots à Bhlmaséna et à Vidjaya :
6,233—6,234.
o Est-ce donc parce que j'ai habité dans les bois et
souffert tant de chagrins que cette infortuue extrême
tombe spécialement sur nous (1) I 5,235.
» Si nous avions tenté un grand effort, il eût été en
particulier sans résultat pour notre bien ; et c’est parce
que cet effort n'a pas été fait que cette vaste guerre a
fondu sur nous (2) ! » 5,236.
A ces mots de Dharmaràdja, le vaillant Ambidextre fit
entendre ces paroles, qu'avait prononcées le Vasoudé-
vide : 5,237.
u Tu n’as pas compris entièrement, sire, ces paroles,
que le fils de Dévaki adressa à Kounti et Vidoura :
a Ces deux personnes n’avanceront jamais, a-t-il dit,
une chose contraire au devoir ! » C’est aussi ma dernière
opinion. 11 ne sied pas à toi, qui ne combats pas, sire,
d’empêcher ceux, qui renient se battre. » 5,238 — 5,239.
o C’est vrai ! » répondit en souriant le Vasoudévide à
ces paroles du Prithide Ambidextre. 5,240.
Les Pàndouides alors, puissant monarque, nourris-
sant avec leurs hommes de guerre une pensée bien réso-
lue pour le combat, de passer tranquillement cette nuit.
Ensuite, les fils de Pândou aux opinions bien arrêtées
(1-2) Ce n'est pas le sens vague du commentaire, mais c'est le sens des
mots et, j'ose dire, de l'esprit, qui inspire cette plainte amère de profond
découragement.
Digitized by
OUDYOGA-PARVA.
371
pour la bataille, passèrent avec leurs armées cette nuit
dans les douceurs du repos. 5,241— 5, 242.
Quand la nuit se fut éclairée, Bbaratide, aux premières
blancheurs de l’aube, le roi Youdhishthira divisa son
année en onze grands corps. 5,243.
Il partagea entre ses troupes le fort, le moyen et le
faible des chevaux, des chars, des éléphants et des hom-
mes : puis, le tout-puissant monarque lit courir ses ordres
dans toutes ces armées. 5,244.
Avec leurs caisses de chars, carquois, leviers, galeries
extérieures (1) , étuis de flèches pour le cavalier, lances
de fer, carquois de fantassins, et sabres, 5,245.
Drapeaux, étendards, arcs, gros dards, cordes diverses,
lacets et tapis ou couvertures pour coucher la nuit,
Art de se prendre aux cheveux, et de se jeter çà et là,
sable, balle, huile de sésame, vases de serpents ; tons
avec les poussières et les résines ; 4,246 — 5,24".
Tous avec leurs boucliers garnis de clochettes, leurs
boules de fer, pierres d'eau bouillante, flèches de fer,
traits à sarbacane, cire d’abeille, maillets d’armes;
Tous avec leurs dards, gros bâtons, socs de charrue
ornés, massues en fer, balles ardentes, tissus d’osier
pour s’en garantir, faucilles, armes à épines de fer (2) ;
Tous munis d’épieux, de cuirasses, de hachettes, de
doloires, couverts d’une peau de tigre, enveloppés dans
le cuir d’un éléphant, 5,248 — 5,249 — 5,250.
Avec leurs épées, cornes, traits barbelés, armes diver-
ses, haches, bêches, huile de sésame, huile de lin, beurre
fondu; 5,251.
(1) Pour garantir du choc les voitures, qui se rencontrent.
(2) Pour arracher du ventre les Mitrailles, dit le commentaire.
372
LE MAHA-BHARATA.
Ces armées diverses, ornées de toutes les espèces de
pierres fines et revêtues de cottes maillées d’or, étaient
flamboyantes comme le feu. 5,252.
Marchaient, la cuirasse endossée, les opinions faites
dans les armes, des héros de noble sang, connaissant la
généalogie des chevaux et versés dans la conduite des
chars. 5,253.
Ils portaient solidement attachés le vêtement inférieur
et la ceinture, les drapeaux et les étendards, les passe-
menteries et les parures, le pattiça et l'épée. 5,254.
Tous les chars étaient munis de quatre couples ; tous,
ils étaient attelés des plus grands chevaux ; tous avaient
des sabres et des traits barbelés ; tous avaient des arcs
solides. 5,255.
L’un de ces couples est de deux chevaux de somme ; les
deux autres obéissent à des cochers de l’arrière-garde,
les meilleurs des maîtres de chars ; le guerrier, qui conduit
le quatrième, connaît les chevaux. 5,256.
11 y avait mille chars environnés partout de guirlandes
d’or, bien défendus comme des villes, insurmontables aux
ennemis. 5,257.
Les éléphants étaient, comme les chars, bien parés, la
ceinture solidement attachée; et, tels que des montagnes,
remplies de pierreries, ils étaient gardés par sept hommes.
Deux cornacs, le croc à la main, deux archers portant
les plus excellents des arcs, deux étaient armés des plus
fortes épées ; un seul, majesté, tenait un trident et une
lance. 5,268 — 5,259.
Toute cette armée du magnanime fils de Kourou ,
sire, était pleine de pelotons d’hommes aux éléphants eni-
vrés. 5,260.
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OUDYOGA-PARVA.
37 S
Les chevaux parmyriades portaient des cavaliers, riche-
ment ornés, ombragés d'étendards, munis de leurs cui-
rasses endossées. 5,261.
Il y avait une suite de plusieurs centaines de mille hom-
mes, bien dressés à tenter des coups périlleux, ayant des
ornements d'or ; tous étaient sous la volonté d’un capitaine
Achevai. 6,262.
Là, étaient des gens de pied avec des guirlandes d'or,
ceints d’armes et de cuirasses en toutes les sortes, offrant
une grande variété de formes dans l’exposition des senti-
ments (1). 5,263.
On voyait de toutes parts dix éléphants pour un char, dix
chevaux pour un éléphant, dix fantassins pour un cheval.
Cinquante éléphants valaient un char, cent chevaux va-
laient un éléphant; sept hommes de pied combattant eu
compagnie rompue valaient un cheval. 5,26â — 5,265.
Cinq cents éléphants avec un égal nombre de chars
composaient une sénà; dix tinâs équipollaient à une
pritanâ, et dix pritânas formaient une vâhini. 5,266.
line sénà, une pritanà et une vâhini composaient une
tchamoû aux étendards flottants ; armée, que l'agrégation
des forces a fait appeler encore une Akshaàuhiui. 5,267.
Ainsi nombreuses étaient les grandes divisions formées
par le prudent fils de Kourou : elles s’élevaient à onze
armées complètes, et l'on en comptait seulement sept dans
le parti adverse. 5,268.
L’armée des Pàndouides ne montait qu’à sept akshaâu-
hinis, et l’armée des Kourouides embrassait onze de ces
vastes agglomérations. 5,269.
(1) Ce n’est pas le secs du commentaire ; mais c'est le sens du texte.
374
LE MAHA-BHARAT.4.
L'n peleton de cinquante-cinq hommes est compté pour
l'origine d'une sénà ; trois pelotons sont appelés un
goulma. 5,270.
Le gana comprend trois goulmas : que les ganas soient
par myriades. Ceux , qui devaient combattre dans les
armées de Douryodliana, étaient de rrat* guerriers.
Ce monarque aux longs bras, ayant reconnu les
hommes, qui joignaient l'intelligence au courage, choisit
alors ses généraux. 5,271 — 5,272.
D’abord, il manda, suivant la règle, les plus hauts pla-
cés des guerriers , généraux des armées complètes , et
parla à chacun de ces princes, 5,273.
A Rripa, Drona et Çalya, au Sindhien, à Djayadratha,
au roi de Kâuibodje Soudakshina et même à Kritavarman,
Au fils de Drona, à Karna, à Bhoûriçravas, à Çakouni,
le (ils de Soubala, et au puissant Vâhlika. 5,274-5,275.
Chaque jour, mainte et mainte fois, suivant l'occasion,
Bharatide, il rendait à ces héros différents honneurs à la
vue de ses armées. 5,270.
Et tous les guerriers subordonnés, qui suivaient leurs
pas, furent alors, sire, pleins du désir de faire une chose
agréable au roi. 5,277.
Ensuite, le fils de Dhritaràshtra, joignant au fi ont les
paumes de ses mains, dit avec tous les rois ces paroles à
Bhlshma, le fils de Çântanou : 5,278.
o line armée, quelque nombreuse soit -elle , si elle
manque d’un général, quand elle entre eu bataille, est
facilement rompue, comme un monticule de fourmis.
» Jamais doux hommes ne pensent de même; le cou-
rage et la force des généraux luttent sans cesse, l'un avec
l'autre. 5,270 — 5,280.
- — — ^
OUDYOGA-PARVA.
875
» La tradition nous apprend ce qui arriva chez tes
Kalyaains à la force sans mesure. Les brahmes, arborant
le kouça pour drapeau, se soulevèrent; les valçyas et les
çoûdras embrassèrent leur parti : d’un côté, vénérable
oncle, étaient ces trois castes : de l'autre, il y avait les
plus excellents kshatryas. 5,281 — 5,282.
» Les trois classes furent mainte fois rompues dans les
combats ; les kshatryas vainquirent l’armée nombreuse du
parti contraire. 5,283.
» Alors, les plus éminents des brahmes interrogèrent
les kshatryas ; et ces hommes vertueux, mon aïeul, répon-
dirent, suivant la vérité : 5,284.
« Nous écoulons dans la bataillela grande pensée d’un
seul chef, tandis que vous, c’est individuellement que
vous suivez la volonté de chacun de vous. » 5,285.
<i Enfin , les deux fois nés élurent pour général un
brahme, héros habile dans les choses politiques, et ils
vainquirent les kshatryas. 5,286.
» Ainsi les guerriers, qui triomphent des ennemis dans
les combats, choisissent un général habile, irréprochable,
qui a le désir de leur bien. 5,287.
» Que ton altesse, égale à Ouçanas, qui est insurmon-
table dans la vertu et qui a toujours désiré mon bien, soit
donc notre général, 5,288.
» Comme le soleil commande h. la nuit, la lune aux
herbes de la terre , Kouvéra aux Yakshas , Indra aux
Dieux ; 5,289.
» Comme le Mérou est le roi des montagnes, Garouda
celui des volatiles, comme Karttikéya règne sur les Bhoù-
tas et le Feu sur les Vasous. 5,290.
» Défendus par ton excellence, tels que les Dieux sout
876
LE MAHA-BHARATA.
défendus par Indra, nous serons certainement insurmon-
tables aux Tridaças eux-mêmes. 5,291.
u Que ton altesse marche à notre tête, comme Kartti-
kéya devant les Dieux : nous te suivrons, tels que des
génisses suivent le taureau. » 5,292.
« 11 en est ainsi que tu le dis, héros aux longs bras, lui
répondit Bhlshma; les fils de Pândou sont pour moi ce
que me sont vos grandeurs elles-mêmes. 5,293.
» Je devrais leur dire ce qui peut être le salut pour
eux ; mais il me faut combattre dans ton intérêt, puisque
c’est la loi, que tu m’imposes. 5,29â.
» Je ne vois pas sur la terre un combattant égal à moi,
si ce n’est ce tigre des hommes, Dhanandjava, fils de
Kountl. 5,295.
» Ce guerrier à la haute intelligence sait maints astras
célestes : puisse ce Pândouide ne jamais combattre à dé-
couvert en bataille contre moi ! 5,296.
» Dans un seul instant, moi, par la force de mes armes,
je dépeuplerais ce monde d’hommes, de Rakshasas,
d'Asouras et de Dieux mêmes ! 5,297.
» Mais les fils de Pândou ne peuvent être détruits par
moi, monarque des hommes; en échange, je peux tou-
jours immoler une myriade de combattants ! 5,298.
» Je leur donnerai ainsi la mort, rejeton de Kourou, si
avant ils ne me tuent moi-même dans le combat. 5,299.
» Je serai le général en chel de tes armées, sire, à une
autre condition. Daigne écouter ce qui est dans mon désir.
» Laisse combattre Karoa avant moi, ou laisse-moi
combattre avant lui, souverain de la terre ; car le fils du
cocher rivalise toujours plus qu’il ne convient avec moi
dans les combats. » 5,300 — 6,801.
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OUDYOGA-PARVA.
377
« Je ne combattrai jamais, sire, tant que vivra le fils
de la Gangâ! répondit Rama; mais, une fois Bhtsbma
tué, je combattrai avec l’archer du Gândiva ! » 5,302,
Le fils de Dhritarâslitra ensuite de proclamer généra-
lissime Bhishma, comblé de riches présents, suivant la
coutume; et, sacré, le vieux héros de resplendir. 5,303.
Par l’ordre du roi, les tambours et les conques, par
centaines et par milliers, jetèrent dans les airs des sons
terribles. 5,30â.
Différents cris de guerre se mêlent au hennissement
des coursiers ; une pluie fangeuse de sang se manifeste
au sein du ciel. 5,305.
Les vents impétueux, les tremblements de terre, le
bruit du barrit des éléphauts chargeaient comme d’un
poids les âmes de tous les combattants. 5,306.
Des voix, qui n’étaient pas articulées d’un corps, des
météores de feu tombaient du ciel ; des chacals, augures
d’alarmes, glapissaient, beaucoup plus enflammés qu’il
n était de leur nature. 6,307.
Alors que le roi eut sacré le fils de la Gangâ dan# la di-
gnité de généralissime, ces prodiges aux formes terribles,
sire, apparurent par centaines. 5,308.
Après qu’il eut nommé général en chef Bhishma, l’op-
presseur des armées ennemies, et qu’il eut fait prononcer
les paroles fortunées aux plus éminents des brahmes, ré-
compensés avec un grand nombre de vacbes et de nishkas
d’or, 5,300.
Chargé de bénédictions pour la victoire, il sortit, ac-
compagné de ses frères, entouré de ses guerriers, et le
fils de la rivière marchant à la tête. 5,310.
I.e kourouide sc rendit avec une nombreuse armée dans
378
LE MAHA-BHA11ATA.
le Kouroultshétra ; il en lit le tour dans la compagnie de
Kama. 5,311.
Il ordonna de mesurer sa résidence royale, monarque
des hommes, dans un endroit uni, dans une terre saline,
dans un lieu charmant, bien pourvu de fourrages et de bois
à brûler, 6,312.
En sorte que ce camp du roi paraissait être un nouvel
Hàstinapoura. 5,313.
Djamamédjaya dit :
a Quand Youdhishthira eut appris que le magnanime
fils de la rivière, le grand-oncle des Bharatides, le plus
excellent des hommes, qui manient les armes, et le dra-
peau de tous les rois, Bhishma, égal à Vrihaspati pour
l'intelligence, k la terre pour la capacité de porter, sem-
blable en profondeur à la mer, inébranlable comme l’Hi-
mâlaya, pareil à Brahma en grandeur, équipollent au
soleil par la splendeur, la destruction en personne des
ennemis, comme Mahéndra, sous des pluies de flèches,
initié pendant long-temps pour le sacrifice des combats,
cérémonie longue, très-horrible, faisant dresser le poil
d’épouvante, était campé dans la pjaine des Kourouides,
5,314 — 5,315 — 5,310 — 5,317.
» Que dit ce héros aux longs bras, le meilleur de tous
ceux, qui portent les armes ? Ou que dirent Bhirna et
Arjouna ? Ou bien encore que dit Krishna lui-même ? »
Vaiçampayana lui répondit :
Youdhishthira aux longs bras, habile dans le juste et
l’utile ; sage dans l’infortune, ayant rassemblé tous ses
frères et l’immortel Vasoudévide, 5,318 — 5,319.
11 dit, lui, le plus éloquent des hommes, ces mots, que
précédait une parole caressante : « Parcourez les années !
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OUDYOGA-PARVA.
S79
Veillez k ce que les Boldats s'y tiennent revêtus de leurs
cuirasses. 5,320.
« Vous aurez, dès le point du jour, à combattre votre
grand-oncle : voyez donc mes généraux, pendant que les
armées sont ensevelies dans le sommeil. » 5,321.
« Il en est ainsi , reprit le bien-heureux Krishna, que
ta majesté a daigné le dire dans ce moment suprême
arrivé : tu viens de prononcer, éminent Bharatide, une
parole sensée. 5,322.
» Je suis d’avis, guerrier aux longs bras, qu’on l’exé-
cute à l’iiistant même : il faut avertir dans ce moment-ci
les sept généraux de ton armée. a 5,323.
Youdhishthira fit appeler Droupada, Viràta, le héros
Çini et Dhrishtakétou le Prishatide, Sahadéva le Màga-
dhain, Dbrishtadycumna et Çikhandi, l’un et l'autre du
Pântchâla ; il lit inaugurer, suivant la règle, comme géné-
raux des armées, ces sept héros excellents, qui respiraient
les combats. 11 élut dans ce moment comme généralissime
Dbrishtadyoumna, 5,324 — 5,325 — 5,320.
Qui était né du feu allumé sur l'autel pour la mort de
Drona. 11 choisit GoudÂkéça-Dhanandjaya pour comman-
der souverainement à ces magnanimes généraux, tous
ensemble, et nomma pour guider Arjouna même et con-
duire ses chevaux Djanârddana à la vaste pensée, le favori
de la fortune et le frère puîné de Sankarshana. Quand il vit
arrivé et près d’éclater ce combat rempli de mort,
5,327—5,328—5,329.
Le prince Halàyoudha entra dans le palais du lils de
P&ndou. Tels que les vents gardent Indra, les fils d'A-
houka et de lloukmini, à la tête desquels marchaient Tchà-
roudéshna et les principaux des Vrishnides, ivres decom
380
LE MAHA-BHARATA.
bats, veillaient, comme des tigres rassemblés, à la garde
du héros aux longs bras et l’avertissaient (1) avec des
paroles et des manières aimables. A la vue du guerrier,
les yeux enflammés d’ivresse, la démarche dandinante
du lion, revêtu d'une robe de soie noire, cl semblable au
sommet du Kailâsa, Dharmarâdja et Kéçava à la grande
lumière de se lever aussitôt. Le fils de Prithà, Yrikaudara
aux actions épouvantables, l’archer du Gàndlva et tous
les rois quelconques réunis là de rendre hommage à Ba-
laràuta, qui s’avançait. Le roi Pàndouide lui toucha dans
la main avec sa main. (De la stance à, 330 à la stance
5,333.)
Tous, le Vasoudévide à leur tête, ils s’inclinèrent
devant lui-même : Halâyoudha à son tour s’inclina devant
les deux vieillards, Viràta et Droupada. 5,33(3.
11 s’assit, accompagné d’Youdhishthira ; et, au milieu
des princes assis de tous les côtés, 5,337.
Le fils de Rohini tint ce langage, fixant les yeux sur le
Vasoudévide : « 11 se prépare une boucherie d’hommes,
qui sera épouvantable, horriblement effrayante. 5,338.
» On ne peut assurément, je pense, échapper à ce destin.
Puissé-je vous revoir en bonne santé, vous et vos amis,
sortis de cette grande bataille avec des corps sans bles-
sure ! Voilà ma pensée. Tous ces princes kshatryas, sans
nul doute, ont mûri pour la mort. 5,339 — 5,3è0.
» 11 y aura un grand carnage sur une terre détrempée
de sang et de chair. J'ai dit maintes fois en particulier au
Vasoudévide : » o,3âl.
(t) Je ne sais trop si je traduis bien ici te mot sAmbotltiha, sur lequel
se taisent le commentateur, tes dictionnaire* et l'Amara-kustia.
- — DigrtizefT
OCDVOGA-PARVA.
381
« Observe une conduite égale, meurtrier de Madhou, à
l’égard de tes parents ; car ce que les fils de Pàndou
sont pour nous, prince, Douryodhana l’est également.
» Fais avec lui une alliance, accompagnée de pros-
ternements. » Je répétai souvent ce langage ; mais le
Vasoudévide ne dit jamais un mot en faveur de lui (1).
» Puisqu'il est entré dans rotre cause et qu’il regarde
Dhanandjaya de tout son cœur, la victoire est certaine-
ment assurée aux Pàndouides : ainsi mon opinion est-elle
fermement établie. 5,342 — 5,343 — 5,344.
» Voilà donc ce que poursuit le meurtrier de Madhou
avec une volonté bien déterminée ; et moi, je ne puis sans
Krishna lever mes yeux sur le monde. 5,345.
» J'observe ce que désire faire Kéçava. Ces deux héros
sont mes disciples, adroits l'un et l'autre dans les combats
de la massue. 5,346.
» Je porte un amour égal à Bhlma et à Douryodhana ;
j'irai donc habiter les tlrthas de la Saraswatl. 5,347.
n Je ne pourrais pas voir les Kourouides s’entredé-
truire. » A ces mots, congédié par les fils de Pàndou, le
héros aux longs bras, Balaràma. se sépara du meurtrier
de Madhou et partit à l’instant pour son voyage aux tlrthas.
Dans ce même temps, en présence de Bhlma aux
exploits épouvantables et du roi Hiranyaroman , l’ami
d’Indra, vint s'offrir le monarque des Ahoukas etle fils du
souverain méridional , Bhodja à l’immense renommée ,
connu dàns toutes les contrées sous le nom de Roukmi ;
5,348—5,349—5,350—5,361.
Lui, qui, disciple du plus éminent desKimpouroushas,
(1) Toi porta l'édition; je penee qoe c'eat une faute.
382
LE MAHA-BHARATA.
hôte du Gandbam&dana, obtint de ses leçons le Dhanour-
véda entier dans les quatre parties de sa division ; 5,352.
Ce guerrier auxlongs bras, qui reçut l’arc de Mahéndra,
estimé, empreint de caractères célestes, égal en force au
Gàndlva et à l’arc Çàrnga. 5,353.
11 y a ces trois arcs divins des êtres, qui marchent dans
les routes du ciel : le Varounide, le Gàndlva, qui est ici-
bas aux mains d'un homme , et l’arc de Mahéndra, qui
est nommé la Victoire. 5,354.
Le Çârnga, arc de Vishnou, est, dit-on, composé de
splendeur : Krishna fut armé de cet arc, qui porte la
terreur dans l'armée des ennemis. 5,355.
Le fils d'Indra obtint du Feu le Gàndlva dans la forêt
Khândava : Roukini à la grande vigueur reçut de Kou-
véra (1) l’arc Vidjaya ou la Victoire. 5,356.
11 coupa avec ses flèches les cordes faites de la maàurvt ;
il fit succomber sous sa force Moura lui-même, il immola
l’infernal Naraka et enleva ses girandoles de pierreries.
Hrishikéça reçut treize mille femmes, divers joyaux et
Çàrnga, l'arc sublime. 5,357 — 5,358.
Roukmi obtint l'arc Vidjaya au son pareil à celui des
nuages; et, quand il eut, pour ainsi dire, semé la terreur
au sein du monde, il tourna sa route vers les Pândouides.
Ce héros, qui jadis, fier de la force de ses bras, ne put
supporter que le sage Vasoudévide eut enlevé Roukmini.
Il jura cette promesse : « Je ne reviendrai pas que je
n'aie tué Djanàrddana ! » Puis, il courut sur les traces du
Vrishnide, le plus excellent de tous ceux, qui portent les
armes. 5,359 — 5,360 — 5,361.
(i) Dans le texte : Droutna, un surnom de Koutéra.
OLDYOGA-PARVA.
883
Il était environné d’une nombreuse armée en quatre
corps , couverte de cuirasses et cf armes différentes ,
s'avançant dans un très grand espace, exubérante comme
la Gangâ débordée. 5,302.
Quand il se fut approché du souverain des Yogis, sire,
de l'auguste Vrishnide, son orgueil brisé, devenu mo-
deste, il fléchit sa route vers la cité de Koundina ;
Où le Vasoudévide livra une bataille victorieuse à ce
monarque exterminateur des héros ennemis, secondé par
une grande armée, faite d’un nombre infini de chevaux et
d’éléphants. On construisit là, sire, une ville considé-
rable, qui est nommée sur la terre Bhodjakata (1).
6,363—5,364—5,366,
Le roi de Bhodja à la grande vigueur, environné de sa
puissante armée en quatre corps, arriva bientôt vers les
fils de Pàndou. 5,366.
Revêtu d’une cuirasse, armé d’un arc, le bras gauche
muni d’un gantelet, ceint d’un cimeterre, ombragé d’un
drapeau, couleur du soleil, il entra, son arc à la mata,
dans l’innombrable armée. 5,367.
Son approche annoncée aux Pàndouides, le roi You-
dhishthira, voulant faire uue chose agréable au Vasou-
dévide, alla à sa rencontre et l'honora. 5,368.
Traité avec honneur et loué suivant les convenances,
quand il se fut reposé avec son armée, il reçut tous les fils
de Pàndou, 5,809.
Et dit au fils de Kountl, Dhanandjaya, au milieu des
(I) ün peut noter ici l'intrusion pléonastique d’un vers ou demi-stance :
nous avons fondu l’une dans l’autre.
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385
LE MÀHA-BHARATA.
héros : « Je suis ton compagnon (1) , si tu as peur, fils de
Pàndou, engagé dans cette guerre. 5,370.
» J'accomplirai dans le combat avec tes ennemis le
possible et l’impossible. 11 n’existe pas un homme, quel
qu’il soit, de qui la valeur soit égale à la mienne. 5,371.
» J'immolerai dans la bataille, fils de Pàndou, la part,
que tu me donneras, fût-ce même Drona et Kripa, ces
deux héros aux exploits épouvantables. 5,372.
» Ou que tous les maîtres de la terre me fassent tête I
Je te donnerai ce globe vide de tes ennemis, qui tombe-
ront sous mes coups dans la bataille. » 5,373.
Il dit, en présence de Dharmaràdja et de Kéçava, aux
oreilles de tous les autres Indras des princes, qui l’écou-
taient de tous les côtés. 5,37â.
Le sage fils de Kountl, fixant les yeux sur le Vasoudé-
vide, répliqua, en souriant au lils de Pàndou, Dharmaràdja,
ces roots, devant lesquels marchaient des paroles amies :
a Né dans dans la famille de Kourou, dis surtout de
Pàndou, disciple, qui peux invoquer le nom de Drona et
compagnon du Vasoudévide, 5,375 — 5,376.
» J’ai peur ! dit-il. Que dirai-je maintenant, moi, qui porte
l’arc Gàndiva? Quel allié, héros, quel ami avais-je dans la
Ghoshayâtrâ, quand j’y combattis contre les Gandharvas
à la vigueur immense? Quel compagnon avais-je alors
que je combattis dans cet affreux Khàndava, tout rempli
de Démons et de Dieux ? Qui était mon frère d'armes en
•cette bataille, que je soutins contre les Nivàlakavatchas
(1) L’édition du commentateur dit plus correctement que celle de Cal-
cutta : sa/tdya asmi.
OUDYOGA-PARVA.
385
et les Démons Kâlÿcéyas ? Quel compagnon avais-je dans
ce combat, que je livrai aux innombrables Kouronides,
lorsque j’habitais la cité de Viràta? Je me rends favo-
rables dans les batailles Roudra, Çakra, Kouvéra, Yama,
(De la stance 5,377 à la stance 5,381.)
Varouna, le Feu, Kripa, Drona et le meurtrier de Ma-
dhou. Je porte le Gàndiva, arc solide, céleste et composé
de splendeur. 5,382.
» Armé de traits indesftuctibles , fortifié par des
flèches divines, comment un homme semblable à moi
pourrait-il dire :« J'ai peurl » ces mots, qui enlèveraient
la renommée, tigre des hommes , au Dieu mime , qui a la
foudre pour arme ? Je n’ai pas de crainte, guerrier aux
longs bras, et cependant je n’ai pas de compagnon.
5,383—5,384.
» Va-t-en où il te plaît, où tu as intérêt d’aller ; reste,
si tu veux autrement ! » Alors Roukmi se retire, éminent
Bharatide, et se rend chez Douryodhana, de qui l’armée
ressemblait à la mer. Le souverain de la terre s’abouche
avec lui et raconte cet incident. 5,385 — 5,380.
C’est ainsi qu’il fut rejeté par cet Arjouna, qui avait la
fierté d’un héros. Deux guerriers s’abstinrent donc ,
grand roi, de prendre une part dans celte bataille :
Le fils de Roliint le Vrishnide et Roukmi, le monarque
de la terre. Après que Balaréma, le fils de Bhlshmaka,
fut parti pour son voyage des tlrthas, 5,387 — 5,388.
Les Pàndouides s’assirent de nouveau pour délibérer.
Cette assemblée de Dharmarâdja , toute remplie de
princes, resplendissait, Bharatide, comme un ciel émaillé
par la lune et l’armée des étoiles. 5,389 — 5,390.
Djanamédjaya dit :
vi
25
386
LE MAHA-RHARATA.
« Tandis que ces nombreuses arméçs étaient ainsi ras-
semblés dans le Kouroukshétra, qu’est-ce que firent les
Kourouides sous l’impulsion de la mort ? n 5,301.
Valçampâvana répondit :
Voici le langage, éminent et puissant Bharatide, que
Dhritaràshtra adressa à Sandjaya touchant ces années si
nombreuses : 5,302.
« Va, Sandjaya, dans le camp des armées, et raconte-
moi exactement tout ce qift se passe dans les deux ar-
mées de Kourou et de PAndou. 5,303.
» Je pense que le Destin est supérieur à l’homme et
que l’infortune est le partage de celui-ci ; car je vois que
les fautes de la guerre sont les causes de la destruction.
» Et je ne puis, ou arrêter mon fils, qui a la science
du mal et qui est un joueur de jeux perfides, ou faire ce
qui est le bien de moi-même. 5,304 — 5,305.
» Mon esprit est de voir les fautes et d en prévoir leu
résultats ; mais si je m’approche de Douryodhana, il est
aussitôt bouleversé encore une fois. 6,306.
» Les choses étant ainsi, Sandjaya, il arrivera néces-
sairement ce qui doit arriver. Honore-t-on dans un
kshatrya, ce qui est son devoir , le renoncement à son
corps? » 5,307.
« Cette question, qui est exprimée par toi , puissant
monarque, lui répondit Sandjaya , est résolue dans le
sens, que tu désires ; mais il faut rejeter dans cette occa-
sion la faute sur Douryodhana lui-même. 5,308.
» Écoute entièrement , sire , ce que je vais dire.
L’homme, qui attire' l'infortune sur lui par sa mauvaise
conduite, 6,300.
« Qui ne fait au milieu des hommes que des actions
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OUDYOGA-PARV \.
387
déshonnêtes, et qui mérite la mort, parce qu’il commet des
choses blâmées de tout le monde, ne peut accuser ici,
grand roi, ni le temps, ni le destin. Les Pàndouides ont
supporté, par considération pour toi, de ces hommes per-
vers et de leurs ministres un traitement inique dans ce
jeu cruel. Écoute entièrement de ma bouche quelle des-
truction de chevaux , d’éléphants, de rois à la vigueur
infinie, doit être accomplie dans cette guerre. Sois ferme,
prince à la vaste science ; concentre-toi dans ton âme,
quand tu auras appris comment cette ruine du monde
entier se lèvera sur l'horizon de cette grande guerre.
L’homme n’est pas auteur par lui-même de ses bonnes ou
mauvaises actions . [De la stance 5,400 à la stance
5,404.) .
» L’homme n’est pas libre : on le met en œuvre comme
une machine de bois. Les uns sont déterminés dans leurs
actions par la volonté d’un maître, les autres agissent de
leur propre mouvement. 5,405.
» Ceux-là sont influencés par des actes précédents. La
cause des œuvres offre ces trois aspects. Tombé dans l'in-
fortune aujourd’hui, sois donc ferme ; réfléchis ! » 5,400.
OULOUKA ENVOYÉ EN MESSAGE.
Tandis que les magnanimes fils de Pândou campaient
dans Hiranvati, grand roi, les Kourouides, suivant la règle,
y mirent aussi leur camp. 5,407.
LA, Douryodhana, sire, ayant fait asseoir la multitude
de ses armées, honoré les souverains, distribué ses batail-
lons , établi un ordre pour la garde de ses guerriers ,
manda auprès de lui Karna, Douççâsana, son frère, Ça-
kouni le Soubalide, et délibéra avec eux, fils de Bharata.
Là, quand il eut parlé et consulté (1).
5,408-6,409—5,410—5,411.
« Ces héros, convoqués en particulier, il tint, sire, à
Ouloûka ce langage: * Va, Ouloûka, fils de Kitava,
au camp, qui réunit les Pàndouides et les Somakas.
» Parvenu là, repète de ma part ce discours aux oreilles
(1) Ici est une couple de yer» redondant?, dont nous essayons de cacher
le vido et la stérilité.
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OU D YOG A-P AU V A .
389
mêmes du Vasoudévide : « Le voici donc arrivé le jour de
ce combat, que Sandjaya nous a dit grand dans une allo-
cution de jactance, cette bataille des enfants de Pàndou
et de Kourou, à laquelle il sera pensé une multitude d’an-
nées et qui va semer l’épouvante au sein du monde.
5,412—5,413—5,414.
» Voici le moment arrivé pour toi, fils de Kountl, et
pour ton frère atné, toi, qui as le Vasoudévide pour com-
pagnon, de remplir ces menaces, que tu jettes au milieu
des Kourouides. 5,415.
j Accomplissez donc toutes ces promesses, que vous
nous avez faites ! » Tu répéteras ainsi ces paroles de moi
à l’atné des Kountides, 5,410.
» Accompagné de tous ses frères, des Kékayas et des
Saumakas. Ou tu lui diras : « Comment toi, qui es juste,
as-tu placé ton âme dans l’injustice? 5,417.
» Comment toi, qui as donné la sécurité à tous les êtres,
désires-tu voir le monde entier périr ? Voilà mon senti-
ment. 5,418. >
» Tu ns entendu jadis ce çloka, éminent Bharatide,
chanté par le roi Prahlàda, — Brahma t'assiste ! — quand
les Dieux lui enlevèrent son royaume: 5,419.
« L’homme, qui, dissimulant ses vices, tientle drapeau
du devoir continuellement arboré devant lui , comme
l’enseigne d’une taverne, fait profession du vœu, qu’on
appelle du chat, » 5,420.
» A ce sujet je te raconterai cette fable, souverain des
hommes , que Nârada lui-même conta jadis à mon
père : 5.421.
» Autrefois, un chat, qui menait la vie ascétique, sire,
mais de qui l'âuie était méchante, sans énergie dans
390
LE MAHA-BHARATA.
toutes ses actions, vivait sur les bords de la Gangâ,
n 11 avait pris les apparences de la pureté, afin d’ins-
pirer la confiance aux êtres vivants : « Je pratique le
devoir! » disait-il à tous les animaux. 5,422 — 5,428.
» Les volatiles, après un long temps, en vinrent à se
fier aux mines du fin matois ; et, s’étant rassemblés, sire,
ls donnaient des éloges au rusé compère. 5,424.
» Tous les oiseaux honoraient le saint, croqueur d'oi-
seaux. 11 pensa qu’il avait terminé son affaire, et qu’il
n’avait plus qu’à recueillir le fruit de sa conduite. 6,425.
» Un autre long espace de temps s’écoule, et les rats
viennent en ce lieu : ils voient là ce vertueux observateur
de son vœu, 6,420.
» Qu'une assez vaste durée de temps unissait, Bhara-
tide, à la pratique de l’hypocrisie; et leur avis, sire,
fut que l'on pouvait s'y fier. 5,427.
» Nous avons tous un grand nombre d'ennemis, se di-
rent-ils : et ce chat, l'un d'eux, est pour nous. Qu’il veille
sans cesse de tous les côtés sur les plus jeunes et les plus
vieux des rats. 5,428.
» Tous, alors, ils s’approchent du chat et lui tiennent
ce langage : « Nous désirons, avec la faveur de ta sain-
teté, passer heureusement une saison. 5,429.
» Que ta grandeur soit pour nous une route sans
trouble : que ta grandeur soit notre meilleur ami! C'est
pour cela que nous sommes venus tous de concert solli-
citer ta protection. 5,430.
» Ton excellence se tient continuellement dans le
devoir; ton excellence est un second devoir. Défends-
nous, anachorète à la grande science, comme le Dieu, qui
porte la foudre, défend les Tridaças. b 5,231.
Digitized
OUDYOCA'l’AHVA.
391
» C’est ainsi que lui parla tout le peuple des rongeurs ;
et lui, seigneur, la destruction des rats, il répondit à tous
les rats en ces termes : 5,432.
o Je ne vois pas quel rapport il y a entre ces deux
choses : la pénitence et votre conservation. Néanmoins, il
me' faut accomplir votre utile parole. 5,433.
» Vous devez toujours, de votre côté, exécuter la
mienne. J'ai embrassé un grand vœu, et je suis très*
fatigué de ma pénitence. 5,434.
» J'ai beau penser à cela, je ne me sens pas la moindre
force pour marcher : j’ai toujours besoin qu’une personne
me conduise d’ici au bord du fleuve. » 5,435.
« Nous le ferons! » lui promirent les rats, et l’armée
des vieillards assura le rusé chat qu’on tiendrait cet enga-
gement. 5,430.
» Ensuite, le scélérat à l'âme méchante sc mit à manger
les rats ; il devint gras, do belle couleur, ayant ses articu-
lations bien nouées. 5,437.
» A mesure que périt la troupe des rats, le cbat aug-
mente d’embonpoint ; il est doué de force et do splen-
deur. 5,438.
u A cetrc vue, tous les rats se rassemblent et se disent
l’un à l’autre : a Le chat engraisse tous les jours, et nous,
nous périssons affreusement. » 5,439.
» Un rat, plus savant que les autres et noinmé Din-
dika, tint alors ce langage, sire, â la grande armée des
rats : 5,440.
« Je suivrai le chat par derrière, surtout quand vous
irez de compagnie avec lui sur les bords du fleuve. »
« Bien! bien! » s’écrient tous les rats, qui honorent
leur compagnon. Et la parole sensée du Dindika fut
592
LE MAHA-BHARATA.
alors exécutée suivant la droite raison. 5,441 — 5,442.
» Le chat dévora l’espion même, victime de son igno-
rance. Tous les rats se réunissent et délibèrent aus-
sitôt. 5,443.
» Là, un certain rat bien vieux, nommé Kokila, dit
cette parole juste, sire, au milieu de ses parents : 5,444.
u Ce chat n’aime pas le devoir ; il en revêt seulement
les couleurs pour nous tromper. Ses excréments sont
couverts de poils et ne sont pas d’un être, qui ne vit que
de fruits et de racines. 5,445.
» Ses membres augmentent de volume, et nos troupes
diminuent de nombre. Il y a aujourd’hui sept ou huit
jours qu’on n’a pas vu même Dindika. « 5,44 0.
» Ces mots à peine entendus, tous les rats de s’enfuir ;
et le chat à l’âme scélérate s’en alla comme il était
venu. 5,447.
» lien est ainsi de toi, âme vicieuse ; tu suis le vœu
du chat : ta conduite envers tes parents est celle du chat
à l’égard des rats. 5,448.
» On voit tes actions autrement qu’on ne voit tes
paroles. Ta tranquillité et ces Védas, que tu cites, ne sont
que pour tromper (1) le monde, 5,449.
» Abandonne cette |>eau mensongère , embrasse la
vertu du kshatrya, et accomplis-en toutes les choses,
li la vertu est dans ton cœur, 0 le plus éminent des
hommes. 5,450.
' » Soumets la terre par la force de tes bras, et donne
ce que tu leur dois aux brahuies et à tes aïeux, comme il
est accoutumé, ô le plus grand des Bharatides. 5,451.
(!) DambanàrtMya , dit le commentaire, que nous adoptons.
OUDYOGA-PAKVA.
303
» Place-toi dans les intérêts de tes frères et de ta mère,
affligée de douleur depuis un grand nombre d’années :
essuie ses pleurs, remporte la victoire d’une bataille, et
rends-lui tes plus grands hommages. 5,452.
» Nous refusons de te céder les cinq villages, que tu
as sollicités avec instance ; nous combattrons. Comment
exciterons-nous la colère des Pândouides dans la bataille?
» C’est toi, âme méchante, qui as causé la désertion de
Vidoura ! Sans oublier que tu es une torche incendiaire au
milieu de tes parents et dans ta maison, sois un homme
de cœur; 5,453 — 5,454.
» Puisque tu as dit à Krishna, venant dans l’assemblée
des Kourouides : « Je suis également disposé, seigneur,
pour la paix ou pour la guerre. » 5,455.
» Voici le moment arrivé de cette grande bataille, mo-
narque des hommes ; et c’est pour elle, Youdhishthira, que
je fais tout cela. 5,456.
» Est-ce que le kshatrya n’estime fias du plus haut prix
l’acquisition, qui lui vient de la guerre ? C'est à ta naissance
dans une famille de kshatryas que tu dois la renommée,
dont tu jouis sur la terre. 5,457.
» Tu as obtenu de Drona même et de Kripa la science
des armes ; égal par ta naissance, égal par ton armée, tu
es l’allié dn Vasoudévide. » 5,458.
» Parle ainsi â ce Vasoudévide en présence des fils de
Pândou : « Combats avec ardeur contre moi, et pour ta
renommée et dans l’intérêt des Pândouides. 5,459.
«Produis ainsi par ta magie ces formes illusoires, que tu
as créées naguère au milieu de l’assemblée, et fonds avec
Arjouna sur moi. 5,460.
» Un guerrier, qui a revêtu ses armes, répondre aux
394
LE MAHA-BHARATA.
menaces dans la guerre par la déception, la magie et une
fantasmagorie menaçante 1 6,461.
» Faut- il que la magie nous donne les moyens de vio-
lenter le ciel, de marcher dans les aire, de pénétrer
dans les enfers et d’aller même à la cité d’Indra 1 6,462.
» Ce n’est pas en faisant voir mille formes diverses dans_
son corps qu’on établit sa perfection ; elle ne se dérobe
point à l’intelligence humaine. 5,463.
» Brahma a mis dans sa dépendance toutes les créatures
par l’intelligence. « Quand j'aurai fait tueries Dhritarâsh-
trides dans le combat, — Sandjaya m’a dit entièrement
cette parole, que tu as prononcée , fils de Vrishni , — je
donnerai aux enfants de Prithft un royaume sublime.
6,464—6,465.
» Vous êtes en guerre avec l’Ambidextre , qui est
secondé par moi Le Vasoudévide est fidèle à la vérité ;
il est rempli de valeur dans la cause des Pândouides, et
autres choses semblables. » 6,466.
u Combats donc avec ardeur dans la bataille. Voyons !
sois un homme de cœur ! Maintenant que tu connais ton
ennemi, embrasse le côté pur du courage. 5,467.
» Quiconque mène une vie bien-heureuse, cause lecba-
grin de ses ennemis. Une vaste renommée, Krishna, pro-
clame à présent ton nom dans le monde sans nulle raison.
Noussavonsaujourd'hui que ce sont des eunuques, des cas-
trats. Aucun monarque, semblable à moi, ne m'a jamais
affronté dans les combats. 5,468 — 5,469.
» Jamais, surtout dans les esclaves de Kansa, on n'osa
endosser la cuirasse pour une bataille avec moi. Répète,
Ouloûka, cette parole de moi 4 Bhlmaséna plus d’une fois,
à cet eunuque, cet enfant, ce glouton, cet ignorant :
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OllDYOGA-PAllVA.
395
« Toi, fils de Prllhâ, qui fus jadis un cuisinier dans le
palais de Virâta, 6,470 — 5,471.
» Où l'on t’appelait du nom de Ballava, ce courage, que
tu m’as promis autrefois au milieu de l'assemblée, ne fut
sans doute pas une vaine promesse. 6,472.
» Bois, si tu peux, le sang de DouççAsanal Le voici
arrivé ce temps, dans l’attente duquel tu t'écriais, fils de
Kounti : « J'aurai tué bientôt les Dhritarâshtrides dans le
combat! » Certes, rejeton de Bharata, tu mérites la pre-
mière place pour manger et boire. 5,473 — 5,474.
» Mais quelle différence il y a entre combattre et man-
ger ! Combats, sois un homme de cœur ! Je vais étreindre
ma massue et te coucher mort sur la terre, fils de Bharata.
» Ta parole n'a point bondi en vain au milieu de l’as-
semblée, Vrikaudara! » Dis, Ouloùka, cette parole de
moi à Nakoula : « Fils de Bharata, 5,475 — 5,476.
» Combats de pied ferme ; que nous voyions ton cou-
rage! Rappelle-toi maintenant, de quelle que manière que
ce soit, ton amour pour Youdhishthira, la haine, que lu
me portes, enfant de Bharata, et les vexations subies par
Krishna. » Tu diras 4 Sahadéva au milieu des rois ces
paroles de moi : 5,477 — 5,478.
« Soutiens le combat avec ardeur contre moi, Bhara-
tide, souviens-toi à cette heure de tes infortunes ! » Dis
ces mots en mon nom à Droupada et Virâta. 5,479.
« Les hommes nés pour servir, quelque remplis de
grandes qualités qu'ils fussent, n'avaient pas encore vu de
maîtres. Ainsi les sujets furent créés pour qu’ils reçussent
la nourriture de ceux, qui, possèdent les richesses (1).-
(1) Nous sommes bieu près de la lettre, mais bien loin du commen-
tateur !
396
LE MAHA-BHARATA.
« Un tel monarque ne mérite pas vos éloges. Voilà ce
qui est ! Réunissez donc vos efforts, et combattez avec moi
pour vous-mêmes, pour les fils de Pândou et pour me
donner la mort ! » Tu diras en mon nom à Dhrishta-
dyouinna le Pàntchâlain : 5,480—6,481—5,482.
« Le voici arrivé ce temps, où tu dois obtenir ta récom-
pense. Approche-toi de Drona dans le combat, et lu
connaîtras le bien suprême ! 5,483.
» Combats avec tes amis ; accomplis ton exploit si diffi-
cile, mais qui n’aura pas d’utilité. » Tu diras aussi de ma
part, Ouloûka, à Çikhand! : 5,484.
« Pensant que tu es une femme , nul Kourouide aux
longs bras ne te donnera la mort. Le fils de la Gangà est
le plus excellent des archers : combats maintenant tout
à fait libre de crainte 1 5,485.
» Exécute avec ardeur ta prouesse dans la bataille ,
voyons ta vaillance! » A ces mots, le roi fit en riant à
Ouloûka : 5,486.
« Enfin, dis à Dhanandjaya, aux oreilles du Vasoudé-
vide : « Ou gouverne cette terre , après nous avoir
vaincus ; 5,487.
» Ou dors sur le champ de bataille, héros, vaincu par
nous. Et sans oublier, lils de Pândou , les malheurs de
votre exil du royaume, votre habitation dans les bois et
les infortunes de Krishnà, montre-toi un homme de cœur.
C’est pour cela que tout ce que tu vois es né kshatrya.
5,488—5,489.
n Montre-nous ta force, ton énergie, ton courage, ta
légèreté à lancer la flèche, ta virilité ! Donne satisfaction
à ta colère dans un combat. 5,490.
» De quel homme, le cœur n’éclaterait-il pas, s’il était
OUDYOGA-PARVA.
307
infortuné comme toi, contristé, exilé un si long espace de
temps et renversé du trône? 5,491.
De qui la colère ne s’allumerait-elle pas, s’il était un
héros, né dans une illustre famille , convoiteux des ri-
chesses d'autrui et parvenu à un royaume, qui n’a pas
été mutilé? » 5,492.
» II faut prouver par un fait la grand» parole, que
l’on a dite. Les sages appellent un homme vil quiconque
n’a point d’actions et n’a que de la jactance. 5,493.
» Retire de la mer des ennemis, où ils sont ensevelis,
ta condition et ton royaume. Désire-t-on le combat, c’est
par l’un ou l’autre de ces deux motifs : fais donc voir ton
courage. 5,494.
» Tu fus vaincu au jeu et Krishnâ fut traînée en pleine
assemblée; n’est-ce point assez pour qu’on fasse éclater
sa colère, quand on a la fierté d’un homme ? 5,495.
» Tu as habité douze années au milieu des forêts et tu
as vécu un an hors de ta maison, chez Virâta, de qui tu
acceptas la domesticité. 5,490.
» Rappelle-toi les ennuis de ton exil hors du royaume,
ton habitation au sein des bois, les vexations, qu’a subies
Krishnâ, et sois un homme de cœur. 5,497.
» Montre ta colère à ces gens, qui te répètent mainte
et mainte fois des paroles fâcheuses, car la colère est elle-
même du courage. 5,498.
» Fais voir ici, fils de Prithà, ta colère, ta vigueur, ton
courage, ta familiarité avec la science, ta vitesse à déco-
cher la flèche, combats et sois un homme de cœur. 5,699.
■ Revêtu de la cuirasse, te voilà entré dan3 le Kou-
roukshétra aux plaints sans limon. Gras sont tes che-
398
LE MAHA-BHARATA.
vaux, tes serviteurs et tes guerriers. Demnin, engage le
combat, secondé par Kéça va. 5,500.
» Quand tu n’as pas affronté Bhtshma, pourquoi te glo-
rifier, comme un sot, qui se vanterait de pouvoir monter
sur la ctine du Gandhamàdana ? 5,501.
» C’est ainsi que tu te glorifies, enfant de Kountil
Sois un homme de cœur sans jactance ! Quand tu n’as pas
vaincu dans une bataille le fils inaffrontable du cocher, ni
Çalya, le plus fort des forts, ni Drona, le plus éminent
des hommes vigoureux, égtl dans la guerre 5 l’époux de
Çatçbt, comment fils de Prithâ, peux-tu désirer ici un
royaume 1 6,502 — 3,503.
» En vain désires-tu vaincre Drona à la grande lu-
mière, l'instructeur dans l'arc de Brahma, lui, qui est,
comme un cheval de somme, sans repos dans la bataille,
un guerrier inébranlable ! Nous n’avons pas ouï dire que
le vent ait emporté le mont Mérou ; 6,504 — 5,505.
» Que Maroute soutienne sur ses ailes ce Mérou, ou
queleciel soit tombé sur la terre, ou que l’youga soitbou-
leversé : ce qui serait, s’il en était ainsi que tu me le dis.
» Quel homme, désirant la vie, soit le Prithide, soit un
autre, frappé par celui-ci ou celui-là de ces deux (i) avec
une flèche terrassant l'ennemi, s’en retournerait heureu-
sement dans sa maison ? 5,506 — 5,507.
» Pensant qu’il doit périr sous les coups de ces deux
héros, qui donc, atteint (2) par l'eHrayante multitude de
leurs traits, s'échapperait vivant du combat, touchant la
terre de son pied ? 5,508.
(1) Drona et Bhlahma, suivant le commentateur.
(2) Sansprishta, leçon du commentaire.
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OUDYOGA-PARVA.
» Semblable à une grenouille, hâte d’un puits solitaire,
ne' t’aperçois-tu pas que tu as, réunie devant toi, une
armée royale, inaffrontable, pareille à l’armée des Dieux
et défendue, comme les Tridaças veillent sur le ciel, par
les Indras des hommes , rassemblés du levant et du cou-
chant , du septentrion et du midi , les Kàinbodjes, les
Çakas, les Khaças, les Çalvas et les Matsyas, les Kou-
rous du milieu, les Mlétchhas, lesPoulindas, lesDravidas,
les Andras et les Kântchyas ? 5,509 — 5,510.
» Homme stupide à l’intelligence étroite, tu veux li-
vrer bataille à ce fleuve de peuples divers, débordé comme
la Gangâ, de laquelle on ne peut traverser la vitesse, et
A moi, qui me tiens au milieu d’une armée d’éléphants!
» Nous savons, Bharatide, fils de Pritbâ, que le Feu
t’a donné dans la bataille deux carquois indestructibles,
un char et un drapeau céleste. 6,511 — 5,512.
» Combats sans jactance : pourquoi te vanter à tel point,
Arjouna ? Les bonnes dispositions dans une bataille
donnent le succès, mais il est indépendant de la jactance.
« Si, pour réussir, Dhanandjaya, il suffisait de se van-
ter, toutes les affaires seraient heureuses ; car est-il un
homme pauvre en jactance ? 5,613 — 5,515. “
» Je sais que leVasoudévide est ton allié ; je sais que
tu portes l’arc Gândlva, de qui la grandeur est à l’instar
d’un palmier; mais il n’existe pas, je le sais encore, un
guerrier semblable à toi ; et c’est parce que je ne l’ignore
pas, que je t’enlève ce royaume I 6,515.
» L’homme n’obtient pas le succès par l’exercice de la
magie : Brahma par l’intelligence a mis toutes les choses
heureuses dans sa dépendance. 6,616.
» J’ai pu jouir treize ans du royaume en dépit de tes
400
Lli MAHA-BHARATA.
plaintes ; je le gouvernerai encore, quand je t'aurai fait
mordre la poussière avec ta famille 1 5,517.
» Où était l'arc Gândtva, quand tu fus vaincu dans
cette partie, dont l'esclavage était l'enjeu? Où était alors,
Phâlgouna, la vigueur de Bhtmaséna? 5,518.
» Votre délivrance, vous ne l'avez pas due alors, sans
le secours de l'irréprochable Krishnâ, ni à Bhimaséna
armé de sa massue, ni & Ph&lgouna, le Gândtva à sa
main 1 5,519.
» Vous étiez tombés dans notre domesticité, livrés à
des travaux indignes de l’homme, occupés des œuvres de
l'esclave, et ce fut Pârshatî (1) seule, qui vous en délivra 1
» Ce que je vous dis à vous, oints du sésame des eu-
nuques, est une vérité. Le fils de Prithâ n'a-t-il pas, dans
la ville de Virâta, porté scs cheveux tressés comme ceux
d’une femme! 6,520 — 5,521.
» Bhtmaséna s’est fatigué dans l’office de Virâta par les
fonctions d'un cuisinier : eh bien ! fils de Kountl, était-ce
là montrer du courage ! 5,522.
» Tes cheveux nattés comme ceux d’une femme, traî-
nant la robe d'un eunuque, tu fis danser une jeune fille.
Est-ce pour cela que toujours les kshatryas portent,
comme l'insigne du militaire, ce bâton, qui défend la
vierge, l'épouse et la veuve ? Non I jamais la crainte du
Vasoudévide ne me fera te rendre ce royaume. Combats
donc, Phàlgouna, assisté de Kéçava ! Ni la magie, ni l’il-
lusion, ni la plus effrayante fantasmagorie ne trouvent pa3
d’échos sur un champ de bataille devant un guerrier, qui
a revêtu sa cuirasse. Un millier de Vasoudévides et une
(l) Un de» noms patronymique», que portait Draàupadl.
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OUDYOGA-PARV A.
401
centaine de Phâlgounas, s'ils m'approchent, s’enfuieront
aussitôt par les dix points de l'espace sous mes coups in-
faillibles. Viens au combat ; ou brise la montagne avec ta
tête, saisie d’effroi ; ( De la stance 6,523 /! la stance
5,527.)*
» Ou traverse à la force des bras ce large océan
d'hommes à l’immense profondeur, qui a le Çaradvatide
pour grand poisson, Vivinçati pour long serpent, 5,528.
» Bhlshma pour sa vitesse infinie et Drona pour son re-
quin inabordable, Karna et Çalya pour ses tourbillons
remplis de poissons et Kâmbodja pour la gueule de son
volcan sous -marin, 5,529.
» Vrihadbala pour ses hautes falaises (1) et le fils de
Somadatta pour son énorme baleine ; 5,530.
» Qui a Youyoutsou pour eau, Bhagadatta pour vent,
Çroutayou et Hârddikya pour grande mer , Douççâsana
pour flot, Çala et Çalya pour hôtes de ses ondes, Soushéna
et Tchitrâyouda pour crocodile et serpent, 5,531.
» Djayadratha pour colline, Pouroumitra pour gué,
Dourmarshana pour ses vagues et Çakouni pour sa rive.
Aussitôt que, l’esprit épuisé de fatigue, lu te seras plongé
au milieu de ce courant de flèches débordantes”, impéris-
sables ; 5,532.
» Aussitôt que tu auras vu tout ce qui a des liens avec
toi couché dans la poussière, ton âme tombera dans le
désespoir ; ton âme alors sera chassée du gouvernement
de la terre, comme l’impureté est bannie du ciel ; 5,533.
(1) Je ne trouve dans aucun dictionnaire, ni dana l'Amara-lcoaba, ni
dans Bôthlingk et Rotb le root uichtchhâla de l’édition de Calcutta ; j’ai
donc recoure au texte de Bombay, qui porte correctement imprimé udieia.
TI 26
LE MAH.A-BHARATA.
402
» Et tn auras commandé à ce royaume, qu’il est pour
toi si difficile d’acquérir, comme un impie désire en vain
que le paradis lui soit ouvert. « 5,534.
Arrivé dans le camp de l'armée du fds de Pàndou, le
rejeton de Kitava, s’étant abouché avec les PânTlotiides,
parla en ces termes à Youdhishthira : 5,535.
« Tu sais quels égards on doit à la parole des envoyés.
Veuille bien ne pas t’irriter, en recevant de ma bouche
les instructions de Douryodhana, telles qu’il me les a
données. » 5,536.
« Ouloûka, n’aie pas de crainte, lui répondit You-
dhishthira ; parle et rejette le souci, quelle que soit l'opi-
nion du cupide fds de Dhrilar&slura à la vue étroite. «
Alors, au milieu des Pândouides resplendissants, des
magnanimes Srindjayas et des Matsyas, en présence de
l’illustre Krishna, de Vira ta, de Ilroupada et de son fds,
au milieu de tous les rois de la terre, il articula ce dis-
cours : 5,537—5,538—5,539.
« Voici quel langage t'adresse, aux oreilles des héros de
Kourou, ce magnanime roi, fils de Dhrilarâshtra ; écoute
cela, Youdhishthira. 5,540.
» Tu fus vaincu au jeu, eiKrislmâ fut traînée en pleine
assemblée : n’est-ce point assez pour qu’on fasse éclater
sa colère, quand on a la fierté d’un homme? 5,541.
a Tu as habité douze années au milieu des forêts, et tu
as vécu un an hors de ta maison, chez Viràta, de qui tu
acceptas la domesticité. 5,542.
» Rappelle-toi quelle fut ta colère, quand on enleva
ton royaume, ton habitation au sein des bois, les
vexations, qu’a subies Krishnà, et sois un homme de
coeur I 5,543,
-••Digitieecfby Google
oudyoga-parva.
405
» Que Bhlmaséna, s’il le peut, accomplisse le ser-
ment, qu'il a juré dans sa colère impuissante ; qu'il boive
aujourd hui le sang de Douççàsana ! 5 , 54 A .
» Revêtu de la cuirasse, te voilà entré dans le Kourou-
ksbétra aux plaines sans limon ; ses routes sont unies, tes
chevaux bien repus : demain, engage le combat, secondé
parKéçaval 5,545.
» Quand tu n’as pas affronté Bhishma, pourquoi te
glorifier comme un sot, qui se vanterait de pouvoir mon-
ter sur la ciine du Gandhamâdana ! 5,540.
» C’est ainsi que tu te glorifies, enfant de Kountî. Sois
un homme de cœur, sans jactance ! Quand tu n'as pas
vaincu dans une bataille le fils inaffrontable du cocher,
ni Çalya, le plus fort des forts, 5,547.
» Ni Drona, le plus éminent des hommes vigoureux,
égal dans la guerre à l'époux de Catch!, comment, fils de
Pritliâ, peux-tu désirerici un royaume? 5,548.
» En vain, désires-tu vaincre Dronaàla grande lumière,
l’instructeur dans l'arc de Brahma, lui, qui est, comme un
cheval de somme, sans repos dans la bataille, un guerrier
inébranlable ! Nous n’avons pas ouï dire que le vent ait
emporté le mont Mérou ; 5,549 — 5,550.
» Que Maroute soutienne ce Mérou sur ses ailes, ouquele
ciel soit tombé sur la terre, ou que l’youga soit boule-
versé : ce qui serait, s’il en était ainsi que tu me le dis.
» Quel guerrier, désirant la vie, monté sur un coursier,
un éléphant ou un char, atteint par eux d'une flèche ter-
rassant l’ennemi, s’cn retournerait heureusement dans sa
maison? 5,551 — 5,552.
» Pensant qu’il doit périr sous leurs (1) coups, quel
(1) Le duel AbhyAm , comme précédemment, au lieu du pluriel.
LE MAHA-BHARATA.
404
héros, touché par l’effrayante multitude de leurs traits,
s’échapperait vivant du combat, frappant la terre de son
pied? 6,553.
» Semblable à une grenouille, hôte d’un puits solitaire,
ne t'apperçois-tu pas que tu as, réunie devant toi, une
armée royale, inaffrontable, pareille à l’armée des Dieux,
et défendue, comme les Tridaças veillent sur le ciel, par
les Indras des hommes, rassemblés du levant et du cou-
chant, du septentrion et du midi, les Kàmbodjes, les
Çakas, les Khaças, les Çalvas et les Matsyas, les Kourous-
méditerranéens, les Mlétchhas, les Poulindas, les Dravi-
das, les Andras et les Kàntchyas? 5,554 — 5,555.
» Homme stupide ii l’intelligence étroite, tu veux livrer
bataille A ce fleuve de peuples divers, débordé comme la
Gangà, duquel on ne peut traverser la vitesse, et
à moi, qui me tiens au milieu d’une armée d’éléphants ! d
» Après qu’il eut parlé de cette manière au lilsd’Yama,
le roi Youdhishthira, il s’avança vers Djishnou et lui
adressa de nouveau ces paroles : 5,556 — 5,557.
o Combats sans jactance ; pourquoi le vanter à tel point,
Arjouna ? Les bonnes dispositions dans une bataille
donnent le succès ; mais il est indépendant de la jac-
tance. 5,558.
» Si pour réussir, Dhanandjaya, ilsuflisait dese vanter,
toutes les affaires seraient heureuses ; car est-il un homme
pauvre en jactance ? 5,559.
j Je sais que le Vasoudévide est ton allié; je sais que tu
portes l’arc Gàndiva, de qui la grandeur est à l’instar d’un
palmier ; mais il n’existe pas, je le sais encore, un guerrier
semblable à toi, et c’est parce que je ne l’ignore pas que
je t’enlève ce royaume. 5,560.
» Mais l’homme n’obtient pas le succès par l’exercice de
Ol’DYOG A-PARVA.
505
la magie. Brahma, par l’intelligence, a mis toutes les choses
heureuses dans sa dépendance, 5,5(51.
» J’ai pu jouir treize ans du royaume en dépit de
tes plaintes ; je le gouvernerai encore, quand je t’aurai
fait mordre la poussière avec ta famille. 5,5(52.
» Où était l'arc Gândtva, quand tu fus vaincu dans
cette partie, dont l'esclavage était l’enjeu ?Ou était alors,
Phàlgouna, la vigueur de Bhimaséna? 5,543.
» Votre délivrance, vous ne l’avez pas due alors, sans
le secours de l’irréprochable Krishna, ni à Bhimaséna,
armé de sa massue , ni à Phàlgouna , son arc à la
main ! 5,5(55.
» Vous êtes tombés dans notre domesticité, livrés 5
des travaux indignes de l'homme, occupés des œuvres
de l'esclavage ; et ce fut Pàrshatl seule, qui vous en déli-
vra ! 5,505.
» Ce que je vous dis à vous, oints du sésame des eunu-
ques, est une vérité. Le fils de Pritlià n’a-t-il pas, dans la
ville de Virâta, porté ses cheveux nattés, comme ceux
d'une femme? 5,56(5.
Bhimaséna s'est fatigué dans l’tflice de Virâta par les
fonctions d'un cuisinier : eh bien 1 fils d Kountl, était-ce
là montrer du courage ? 5,567.
» Les cheveux nattés comme ceux d'une femme, avec
la robe do l’eunuque, tu enseignas la danse à une jeune
fille : est-ce pour cela que les kshatryas ont toujours
mis le bâton dans la main du kshatrya? 5,568.
» Non! jamais la crainte du Vasoudévide ne uie fera
te rendre ce royaume. Combats donc, Phàlgouna, assisté
de Kéçava. 5,569.
» Ni la magie, ni l’illusion, ni la plus effrayante fautas-
m
LE MAHA-BHARATA.
magorie ne trouvent pas d'échos devant moi sur un
champ de bataille, quand j’ai revêtu ma cuirasse. 5,570.
» Un millier de Vasoudévides et une centaine de Phâl-
gounas, s'ils m’approchent, s'enfuieront aussitôt par les
dix points de l'espace sous mes coups infaillibles. 5,571.
» Viens au’combat, ou brise la montagne avec ta tête
saisie d'effroi, ou traverse à la force des bras ce large
océan d’hommes, à l'immense profondeur, 5,572.
» Qui a le Çaradvatide pour grand poisson, Yivinçati
pour ses lieux abondants en squamilères, Vrishadbala
pour ses hautes falaises, et le fils de Somadatta pour sa
baleine, 5,573.
» Bhlshma pour sa vitesse infinie, et Drona pour son
requin inabordable, Karna et Çalya pour ses tourbillons
d’eau remplis de poissons, et Kàuibodja pour la gueule
de son volcan sous-marin, 5,575.
n Djayadratha pour colline, Pouroumitra pour gué,
Dourmarshana pour ses vagues, et Çakouni pour sa rive.
Aussitôt que , l’esprit épuisé de fatigue , tu te seras
plongé au milieu de ce courant de flèches débordantes,
impérissables ; 5,575.
» Aussitôt que tu auras vu tout ce qui a des liens avec
toi, couché dans la poussière, ton âme tombera dans le
désespoir. Ton âme, alors, sera chassée du gouvernement
de la terre, comme l’impureté est bannie du ciel; 5,576.
n Et tu auras commandé à ce royaume, qu’il est pour
toi si difficile d’acquérir, comme un impie désire en vain
que le paradis lui soit ouvert. » 5,577.
Ouloûka de répéter ce discours au vaillant Arjouna,
tel qu’il l'avait entendu; blessant par les dards de telles
paroles son cœur irrité comme un serpent. 5,578.
OUDYOGA-PARVA.
407
Les fiers Pàndouides, déjà fort en courroux, entendirent
avec un redoublement de colère ce langago du Kita-
vide. 5,579.
Ils se lèvent de leurs sièges, ils jettent leurs bras eu
avant et, courroucés comme des reptiles, ils fixent leurs
yeux l’un sur l’autre. 5,580.
Bhlinaséna, la tète basse et poussant des soupirs comme
un serpent, glissait en haut sur le visage de Kéçava les
regards de ses yeux aux extrémités rouges de sang. 5,581.
Dès que le DàrçArhain vit, accablé de sa douleur, ce
fils du Vent sous l’oppression de la colère, il dit en sou-
riant au Kitavidè : 5,5S2.
« Retourne promptement, fils de Kitava, et répète ces
mots à Souvodhana : « Ou a entendu mon discours, on
en a saisi le sens. Qu'il en soit, comme tu penses! »
Quand il eut dit ces paroles, ô le plus excellent des
rois, Kéçava aux longs bras laissa de nouveau tomber
ses regards sur Youdhislilhira à la grande science.
5,583 — 5,584.
En présence de tous les Srindjayas, de l'illustre Krishna,
de Virâta, de Droupada et de son fils, au milieu de tous
les rois de la terre, Ouloùka de nouveau adressa à
Arjouna la parole, suivant qu'il l’avait entendue lui-même.
5,585—5,586.
Il excitait sa colère, comme celle d’un serpent, avec la
flèche de la parole; il répéta donc mot pour mol à
Krishna et à tous les autres ce qu'avait dit le Dhrita-
râshtride. 5,587.
A peine eut-il entendu ce discours méchant, horrible,
d’Ouloûka, le 111s de Prilhà en fut agité; il essuya la
sueur de son front. 5,588.
A 08
LE MAHA-BHARATA.
Toute l’assemblée le vit alors dans un tel état, puissant
roi , et les héros des Pândouides ne purent le sup-
porter. 5,589.
Quand ils entendent ravaler ainsi le magnanime
Krishna, ces immortels guerriers s’enflamment de co-
lère. 5,590.
Dhristadyoumna, Çikhandl, le héros Sâtyaki, les cinq
frères Kaikéyains et Ghatotkatcha le Rakshasa, les fils de
Draàupadi, Abhimanyou, et le prince Dhristakétou, et le
vaillant Bhimaséna, et les héroïques jumeaux ;
5,591—5,592.
Tous, ils s’élancent de leurs sièges, les yeux enflammés
décoléré; ils allongent devant eux leurs bras éclatants,
ornés de sandal rouge. 5,593.
Parés de bracelets, d’armilles, de carcans, et grinçant
les dents contre les dents, ils lèchent les coins de leur
bouche. 5,5QA.
Connaissant quels étaient leurs sentiments d'après ces
formes du corps, Ventre-de-loup, le fils de Kountl, se leva
soudain et comme flamboyant de colère, 5,595.
Ayant haussé tout à coup les yeux, montré ses longues
dents, et broyant l'une de ses mains avec l'autre tnain, il
adressa à Ouloùka ces paroles : 5,596.
« Nous avons entendu de ta bouche, insensé, la parole,
que Douryodbana t’envoie nous dire pour nous exciter,
comme si nous étions impuissants. 5,597.
» Ecoute de la mienne, au milieu de tous les kshatryas,
lâche, ces mots terribles, que tu répéteras à Souyo-
dhana. 5,598.
» Dis-les aux oreilles de Karnu, le fils du cocher, et du
pervers Çakouni. Ce langage est celui de nous tous, qui
OUDYOGA-PARVA.
400
avons continuellement à cœur la joie de notre frère atné :
« Tu n’estimes pas beaucoup la vérité, que tu supportes
mec peine, homme engagé dans une mauvaise route !
Hrishlkéça, qui désirait la paix, fut envoyé aux Kou-
rouides par le sage Dharinaràdja, qu’inspirait l’amour du
bien de sa fam lie. Mais, toi, poussé par la mort, lu as
sans doute envie de visiter le palais d’Yama !
6,699—5,000—5,601,
» Viens au combat avec nous; ce sera demain, sans
doute ; je promets que je t’y donnerai la mort, à toi et à
tes frères. 5,602.
» Il en sera ainsi, méchant ; n'aie pas de doute à ce
sujet I Que la mer, séjour de Varouna, franchisse aujour-
d'hui ses rivages, que les montagnes se fendent; mais la
parole, que j’ai dite, ne l’aura pas été en vain, eusses-tu
pour compagnon Yama, Kouvéra ou lloudra lui-même.
5,603-5,604.
» Les fils de Pàndou feront ce qu’ils ont promis, âme
vicieuse ; et je boirai le sang île Douççâsana, comme j’en
ai le désir. 5,605.
» Que le kshatrya irrité craigne de s’avancer vers moi
dans ce moment! Je plongerai Bhishtna lui-même,
l'ayant honoré d’abord, dans le séjour d’Yama ! 5,606.
» Cette parole, que j'ai prononcée dans l’assemblée des
kshatryas, elle s’accomplira ! Je touche ma personne en
garantie de la vérité qu’elle sera exécutée I » 5,607.
» A ces mots de Bhtmaséna, Sahadéva irrité, les yeux
rougis par lacolère, tint à son tour, au milieu de la foule
réunie des armées, ce langage, digne d’un héros superbe :
« Écoute, méchant, cette parole, qu’il te faut répéter à
mon père : 5,698 — 5,609.
«10
LE MAHA-BHARATA.
« 11 n'y aurait jamais de schisme entre nous et les Kou-
rouides, si ia parenté n'unissait point Dhritaràshtra avec
toi 1 5,610.
» Mais tu es né pour la ruine du monde, homme de
haine, destructeur de ta famille, artisan de mauvaises
actions, dans la race du roi Dhritaràshtra 1 5,611.
» Dès notre naissance, ton père fut pour nous une per-
sonnification de tous les [léchés, lui, qui n'a jamais désiré
pour nous autre chose que des crimes et des méchance-
tés. 5,612. »
» Tu marches à la fin terrible de cet homme, qui a des
tendresses pour la guerre ; je le tuerai d'abord, sous les
yeux de Çakouni. 5,613.
» Ensuite, je tuerai (jakouni lui-même, en dépit de
tous les archers. » Quand il eut entendu les paroles de
Bhimaséna et de Sahadéva, ces deux /«Vos, 5,61 à.
» Phâlgouua dit en souriant ces mots à Vrikaudara.:
« Les hommes, qui eurent une guerre avec toi, n'existent
plus. Bhimaséna. 5,615.
n Les sots, ils jouissaient du bonheur dans leurs palais,
et ils sont allés sous le pouvoir du lacet de la mort. Tu
ne dois pas dire, ô le plus grand des hommes, une parole
amère à Ouloûka. 5,616.
v Est-ce que les héraults commettent des offenses? Ils
ne font que répéter les choses, qu'on leur à dites. » De
cette manière à Bhimaséna aux exploits épouvantables ré-
pondit le guerrier aux longs bras. 5,617.
11 dit à tous les héros, ses amis, qui avaient à leur tète
Dbrishtadyoumna : « Vous avez entendu ce qu'a dit ce
vicieux fils de Dhritaràshtra. 5,618.
u Quand vous avez entendu taire méptis du Vasoudé-
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OUDYOGA-PARVA.
411
vide et de moi, l’amour, que vous portez à notre bien,
irrita votre colère. 5,019.
» Par la puissance du Vasoudévide et grâce aux efforts
de vos excellences, je ne liens nul compte de tout l’ordre
entier des princes kshatrvas. 5,020.
» Si vous le permettez, je dirai une parole, qui soit une
réponse à Ouloûka et qu'il puisse reporter à Souyodhana :
« Demain arrivé, je donnerai 5 celui, qui a parlé, une
réponse à la tête des armées avec l’arc Gàndiva ; car les
paroles en réponse ne doivent pas ressembler à celles d’un
eunuque. » 5,021 — 5,022.
Alors tous les princes, lesplus excellents des monarques,
souriant pour la fermeté de ces paroles, en félicitèrent
à l’envi Dbanandjaya. 5,023.
Dès qu’il eut remercié tous ces princes, suivant l'âge,
suivant la convenance, il tint à Dhannaràdja ce langage
approprié à la circonstance : 5,024.
« Le plus grand des rois ne concevra pas de mépris à
mon égard. Faisant mon plaisir de l’obéissance envers
toi, je dirai ici quelques mots de réponse (1) 5,025.
A peine eut-il ouï, ô le plus vertueux des Bharatides, le
discours de Douryodhana, langage vigoureux et que pré-
cédaient les paroles de bienveillance, Ouloûka..... (2).
Souillant, comme un serpent, avec des yeux fortement
injectés de sang, léchant les deux angles de sa bouche et
souriant de colère, pour ainsi dire, (3). 5,020 — 5,027. _
Jetant les yeux sur Djanârddana et ses frères, il dit ces
(l-S-3) Évidemment, U y » ici une lacune. Le sens est interrompu; il
n’y a plus continuation dan» les idées. Voilà un discours, qui commence
et qui n'est pas suit!. Outoiîkam , ce nom est à l’accusatif et rien ne
l’exige. Où est, soit le vers, soit la stance, renfermant le mot, qui n pour
LE MAHA-BHARATA.
412
mots, qu’il adressa au Kitavide, en allongeant devant lui
ses grands bras : 5,628.
« Va, Ouloùka, fils de Kitava, et dis, mon ami, à Souyo-
dhana, l’ingrat, le haineux, le stupide, l’opprobre de sa
famille: 5,629.
« Tu as toujours suivi une ligne tortueuse à l’égard
des fils de Pàndou, toi, scélérat, qui provoque des enne-
mis, Je surpassant par leur propre vigueur! 5,630.
» L’homme, qui remplit sans crainte sa parole, est
un kshatrya ; mais toi, qui nous défies au combat, tu n’es
qu’un méchant, bien que tu sois né kshatrya. 5,631.
» Ne marche pas à la guerre, parce que tu as mis des
hommes vénérables ou non, ô le plus vil de ta famille, dans
le premier rang de tes armées. Appuyé sur la vigueur de
toi-même et sur la force de tes serviteurs, fils de Kourou,
provoque au combat les enfants de Prithà ; sois de toutes
les manières un kshatrya. Quiconque, se fiant à la force
des autres, défie les ennemis, est un eunuque, qui ne peut
de lui-même produire l’effet de ses paroles. Toi, qui
estimes beaucoup ta personne d’après la vigueur d’autrui,
comment, avec une telle faiblesse, oses-tu nous menacer ? »
5,632—5,633—5,634—5,635.
» 11 te faut dire encore à Souyodhana cette parole de
moi, reprit le fortuné Krishna : « Quand tu auras obtenu,
insensé, que demain soit aujourd’hui, montre- toi homme
dacœur! 5,036.
» Tu penses, guerrier stupide : « Djanârddana ne
régime un accusatif? Où est ce discours, si mordant qu'il soulève une
violente colère dans Youdbishthira, qui n'est pas même nommé, ni indi-
qué, et qu'il fait venir le saug même à ses yeux ?
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OliDYOGA-PAUVA.
Al 3
combattra point, car les Prithides l’ont choisi pour con-
duire leurs chars ; » et cette réflexion écarte de toi la
crainte. 5,637.
» Puisse ce temps ne pas être le dernier ! Je consumerai
tous Tes princes dans ma colère, comme le feu consume
les herbes !. 5,638.
u D'après l’ordre d’ Youdhishthira, je conduirai le char
du magnanime Phàlgouna, tandis ([u’il combattra, ce héros,
qui a vaincu son âme. 5,639.
» Envole-toi dans les trois mondes, entre dans le sein
de la terre, en chaque lieu, le char d’Arjouna te reverra
au point du jour! 5,640.
» Quant à cette parole même, que Bhlmaséna, crois-tu,
a dite eu vain, pense dès cet instant qu'il adéjà bu le sang
de Douççàsana ! 5,641.
« Puisse Arjounn , le fils de Prithâ, ni le roi Youdhish-
thira, ni Bhlmaséna, ni les jumeaux, ne te voir jamais
prononcer des paroles si ennemies ! » 5,642.
Sandjaya dit :
« A peine eut-il entendu ce langage de Douryodhana,
Goudàkéça h la haute renomm in jeta les regards de ses
yeux enflammés d'une vive rougeur sur Ouloûka, et,
tournant sa vue sur Kéçava, il dit au Kitavide, en allon-
geant devant lui ses grands bras : 5,643 — 5,644.
o Quiconque, appuyé sur sa propre vigueur, défie ses
adversaires et combat sans crainte les ennemis, est appelé
un homme de cœur. 5,645.
» Mais quiconque défie les autres, appuyé sur la force
d'autrui, est dans le monde le plus vil des hommes, par
son impuissance, quoique apparenté & des kshatryas.
o Tu estimes ta valeur d’après la valeur des autres, et
LE MAHA-BHARATA.
414
lu veux toi-même, insensé, terrasser les ennemis, tout
lâche que tu sois ! 5,646 — 5,647.
» Toi, qui as célébré ton initiation pour la mort, tu in-
juries ce roi à la grande science, aux organes des sens
vaincus, qui a l’esprit du bien et qui est le plus vieux de
tous les rois. 5,648.
» Ton opinion, âme méchante, nous est connue, oppro-
bre de ta race ; la compassion arrêtera, penses-tu , la main,
du Pânduuide, et il ne tuera point le fils de la Gangà! 5,649.
» J'immolerai d’abord, malgré la résistance de tous les
archers, ce Bhlsltma, sous le courage duquel tu t’abrites,
quand tu nous fais entendre cette tienne jactance ! 5,650.
» Va, fils de Kitava, et de retour chez les Bharatides,
dis à Souyodhana, le fils de Phritarâshtra : « Voici comme
a parlé Arjouna, l’Ambidextre : « Aussitôt que la nuit sera
dissipée, nous engagerons le combat. 5,651.
» Que Salyasandha (1) accomplisse celte parole, pro-
noncée d’une âme fière au milieu des Kourouides, quand
il a dit, environné d’eux : « Je tuerai l’armée des Srin-
djayas et les Çàlvévas ! c’est la charge, que je prends sur
mes épaules. 5,65?.
» Il faut que j’immole ce monde, sans le secours de
Drotia ! Tu n'as rien à craindre des fils de Pàndou ! Ces
gens tombés dans l'infortune, leur royaume arrivera dans
tes mains ! »
» II était rempli d’orgueil et tu n’as pas vu que l'infor-
tune était liée à ta personne. Je commencerai donc par
tuer sous vos yeux dans la mêlée ce vieillard des Kou-
rouides. 6,663 — 5,654.
(1) BMshma.
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OUDYOG A-PAR V A .
â 15
» Au lever du soleil, que l’armée, rassemblée dans l'at-
tente, ombragée de ses drapeaux, flanquée de ses chars,
veille sur Satyasandha ! Moi, je renverserai de son char,
sous vos regards mêmes, Bhishma , cette ancre (1) de
salut brisée de mes flèches. 5,655.
» Souyodhana, une fois né le jour de demain, recon-
naîtra que son discours n’est que de la jactance, quand
il m'aura vu couvrir notre aïeul avec la multitude de mes
traits. 5,656.
n Douçcâsana, ton frère, cet homme à courte vue,
haineux, à l’ànie méchante, expert dans le vice et qui
semble un coupable, il saura ta valeur de ce que lui dit, au
milieu de l’assemblée, Bhlmaséna dans sa colère ; et tu
verras bientôt, Souyodhana, que cette promesse était une
vérité ! 5,657—5,658.
» Tu recueilleras bientôt le fruit amer, Souyodhana,
de ton arrogance, de ton orgueil, de ta colère, de ta
violence, de ta méchanceté, de ta présomption, de la trop
haute idée en toi-même, de ton penchant à la cruauté, de
ton âme mordante, de ta haine pour la vertu, de tes vices,
de ton opposition à nos vues, de ton mépris des vieillards,
de tes yeux trop fixés sur ton armée (2) , et de ton atten-
tion â repousser loin de nous toutes les «flaires.
5,659—5,660—5,661.
» Sur quelle raison s’appuyait, insensé, ton espérance
du royaume ou de la vie, quand tu as excité ma colère et
que j’ai pour second le Vasoudévide? 5,662.
(t) Littéralement: cette Ue.
(2) Nllàkantha explique ainsi le mot daiçakasya : des assurances de
victoires , que te donnent Karna et les autres ; n'est-ce pas tirer un peu trop
loin de la lettre la lignification du terme employé t
I.E MAHA-BH YRATA.
A 10
» Dès que Bhtshma aura succombé, dès que le fils du
coclier et Drona serout couchés sur la terre, il ne te res-
tera plus d’espérance, ni en tes fils, ni pour le royaume,
ni en ta vie 1 5,603.
» Abattu sous les coups de Bhimaséna et connaissant
la mort de tes fils et de tes frères, lu te rappelleras alors
tes méfaits envers lui. 5,664.
» Je ne te ferai pas, fils de Kitava, une seconde pro-
messe : je te dis la vérité; certes ! toutes ces choses seront
accomplies! » 5,665.
Youdhishthira lui-même tint ce langage à Ouloûka le
Kitavide : « Va-t-en , mon cher Ouloûka, vers Souyo-
dhana, et- dis-lui de ma part : 5,666.
« Ne veuille pas, avec ton héritage, usurper ma légi-
time : je sais quelle différence il y aentre ces deux choses:
le vrai et le faux. 5,667.
a Je n’aiuie pas faire de mal à l'insecte et à la fourmi ;
combien plus n'aimerai-je pas donner jamais la mort à
mes parents? 5,668.
» C’est pourcelaque jadis j’avais arrêté mon choix sur
cinq villages. Comment ne vois-tu pas, homme à l'intel-
ligence bien dure, ce grand malheur, qui est là, devant
toi? 5,669.
» Ame enveloppée de voluptés, tu te vantes d’après ta
nature insensée; aussi, n’as-tu pas reçu la parole utile du
Vasoudévide. 5,670.
o A quoi bon maintenant de longues paroles? Com-
bats avec tes parents 1 » Dis cela, fils de Kitava, au Kou-
rouide, auteur de mes ennuis! 5,671.
d Tu as entendu mon discours, tu en as saisi le sens :
que ton opinion soit ainsi 1 » Ensuite, Bhimaséna, le frère
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OUDYOGA-PARYÀ.
417
da monarque, adressa au tnessagtr ce langage : 5,672
« Ouloûka, dis cette parole de moi à Souyodhana, cet
homme méchant, ce mauvais esprit, ce pervers, ce vicieux,
ce criminel malfaiteur : 5,673.
« J’ai fait cette promesse au milieu de l’assemblée,
0 le plus vil des hommes : « Nous habiterons dans Hàsti-
napoura ou dans le ventre d'un vautour. » 5,674.
» Je donnerai à cette parole son accomplissement : je
te le jure sur la vérité. Je tuerai Douççàsana dans la ba-
taille et je boirai son sang ! 5,675.
» Je briserai tes cuisses, j’immolerai tes frères ger-
mains, et je serai la mort elle-même, Souyodhana, de tous
les enfants de Dhritarâshtra. 5,676.
d Abhimanyou est sans contredit le premier des fils de
rois ; je le réjouirai par mes exploits. Écoute encore cette
parole : 5,577.
« Quand je t’aurai tué avec tous te9 frères, Souyo-
dhana, je foulerai ta tète de mon pied, sous les yeux de
Dharmarâdja. » 6,678.
Nakoula dit après lui, sire, ces paroles : » Parle ainsi,
Ouloûka, au Kourouide Douryodhana, le fils de Dhrita-
râshtra : 5,679.
« J’ai entendu tout ce discours assorti à la vérité,
que tu as exprimé : je fais, rejeton de Kourou, comme tu
m’as dit. » 5,680.
Sahadéva lui-même, sire, tint ce langage sensé : « Ton
opinion, Souyodhana, sera vaincue et sans fpuit (1).
» Tu gémiras, grand roi, avec tes conjoints, tes parents
(i} Le commentaire porte : vrùhâ, au lieu de tathd, qu'écrit l'édition
de Calcutta.
VI
27
418 LE MAHA-BHARATA.
et tes fils de cette infortune, où nous lûmes plongés, et
qui excite les injures de ton cœur triomphant. »
5,681—5,682.
Les deux vieillards, Virâta et Droupada, dirent ces
mots à Ouloûka : « Puissions-nous obtenir la qualité de
serviteurs auprès de l'homme vertueux : ce fut toujours
notre sentiment. 5,683.
» Nous sommes et ne sommes pas les tiens, puisque
tel est ton caractère ! » Ensuite, Çikhandi adressa ces
paroles à Ouloûka : 5,684.
« Ton excellence dort parler ainsi à ce roi, qui trouve
continuellement sou plaisir dans les vices : « Regarde-
moi, sire, dans le combat, exécutant des exploits épou-
vantables. 5,685.
» Je renverserai de son char ton grand-oncle, sur la
force duquel appuyé, tu comptes sur la victoire dans la
bataille. 6,686.
» Le magnanime Brahma, san3 doute, m'a créé ponr
donner la mort 5 Bhîshma; je tuerai Bhlshma en dépit de
tous les archers. » 5,687.
Dhrishtadyoumna lui-même dit ces mots à Ouloûka, fils
de Kitava : « Rapporte ces motsdemapartàSouyodhana,
le fils du monarque. 5,688.
« J’immolerai Drona avec son armée, avec son cortège 1
Et cette prouesse, je l’exécuterai de la manière qu’un autre
ne l’accomplirait pas. » 5,689.
Youdhishthiralui dit cette grande parole, empfeintede
compassion : a Puissé-je ne jamais me complaire dans la
mort de mes parents ! 5,690.
» Mais tout cela, prince à l’intelligence étroite, arrive
évidemment par ta faute ! C’est malgré ma volonté que
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OUDYOGA-PARVA.
Si#
je prends snr moi cette grande œuvre de tous (i) ! 5,691.
n Va-t-en, Ouloûka, mon fils, sans tarder, situ lejuges
à propos; ou bien, s'il te plaît, reste ici ; en effet, ne som-
mes-nous pas tes parents ? » 5,692.
Alors Ouloûka, ayant fait ses adieux à Youdhishthira,
le fils d’Yama, s'avança vers le lieu où l’attendait le roi
Souyodhana. 5,693.
(2). .' 6,691.
11 s'approcha de l’irascible prince, et lui rendit toute
la commission d’Arjouna, comme il l’avait entendue.
Il dit le courage du Vasoudévide, de Bhlma, de Dhar-
maràdja, de Nakoula, de Virâta et de Droupada.
5,695—5,696.
Il raconta fidèlement les discours de Sahadéva, de
Dhrishtadyoumna et de Çikhandt ; il n’omit rien de ce que
lui avaient confié Réçava et Arjouna. 5,697.
Quand l'éminent Bharatide eut ouï ces paroles du Kita-
vide, il commanda A Douççâsana, à Karna, au fils même
de Sonbala, à l’armée du roi et à la foule de ses amis que
toutes les armées se tinssent rassemblées au lever du jour.
A la voix de Karna, hâtant leur course sur des chars
et sur des camelles, d’autres sur des chevaux généreux, à
la grande vitesse, des messagers portent rapidement à
toute l’armée cette instruction expresse de Valkartana :
« D'après l’ordre du roi, au point du jour, le rassemble-
ment des armées ! » 5,698—5,699 — 5,700 — 5,701.
(1) Ce vers manque à l’édition de Bombay.
(2) Ici eut un çloka de redondance, qui ne m trouve pas dana l’édition
de Bombay, et que nous rejetons, comme intrus, dans cette note : « Dès
quit eut reçu ces paroles , le Kitavide , les ayant retournées avec soin
dans sa pensée, s’en retourna comme il était venu.
420
LE MAHA-BH ARATA.
Aussitôt qu’il eut entendu le discours d'Ouloûka, pour-
suivit Sandjava, le fils de Kountl, Youdhishthira, de
sortir vers ses troupes et de mettre sous les ordres du
général Dhrishtadyoumna l’armée effrayante, inébran-
lable comme la terre, et divisée en ses quatre corps d'in-
fanterie, d’éléphants, de chars et d’une multitude de
chevaux, 6,702 — 5,703.
Défendue par Bhtmaséna, par Arjouna et les autres
héros, marchant sous l'empire de Dhrishtadyoumna, inac-
cessible et semblable aux vagues ondoyantes de la mer.
A la tète de cette armée, le héros Pàntchâlain, Dhrish-
tadyoumna, ivre de batailles, nourrissant le désir d’en
venir aux mains avec Drona, entraînait les troupes sur ses
pas. 5,704 — 6,705.
» 11 donnait ses ordres, suivant la force, suivant l’ar-
deur, aux maîtres de chars : il commanda Arjouna pour le
fils du cocher, Bhtma pour Douryodhana ; 5,700.
Dhrishtakétou à la vigueur infinie pour Çalya, Na-
koula pour Açwatthâman, Çaivya pour Kritavarman.
11 enjoignit son commandement au Vrishnide Youyou-
dhâna pour Salndhava, il disposa Çikhandl contre le géné-
ral Bhtshma. 5,707 — 5,708.
Il établit Sahadéva contre Çakouni, Tchékitâna contre
Çala et les cinq fils de Dra&upadt contre les Trigar-
tains. 5,700.
Il commanda le fils de Soubhadrà contre Vrishaséna;
il l’estima plus capable que le reste des rois, et supé-
rieur dans les batailles au fils de Prilhâ lui-même. 5,710.
Quand il eut ainsi partagé ses troupes individuellement
et par masses, il leur distribua la portion mesurée par le
drona (?) 6,711.
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OUDYOGA-PARVA.
421
Ensuite l'habile généralissime Dhrishtadyoumna, au
grand arc, à l'esprit ferme, rangea, suivant la règle, les
armées en bataille. 5,712.
11 disposa les troupes des P&ndouides suivant les ordres,
quelles avaient reçus, et se tint, enflammé d'ardeur,
sur le champ de bataille, pour la victoire des fils de
Pândou. 5,715.
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ÉNUMÉRATION DES C1ÏARS ET DE LEURS
COMBATTANTS .
Dhritarâshtra dit :
« Dans le combat, que Phâlgouna avait promis pour la
mort de Bbishma, que firent mes stupides fils, Douryo-
dhana et les autres ? 5,714.
» Je vois déjà tué dans le combat le fils de la Gangâ,
mon aïeul, par le fils de PrtlfiA, le solide archer, secondé
par le Vasoudévide. 5,715.
» Que dit à ces paroles du Prilhide, l'héroïque Bhtebma
à la science infinie, et le plus grand des combattants ?
» Que fit celui, qui porte le timon de la chose des Kou-
rouides, le fils de la Gângâ, à l'intelligence, au courage
sans mesure, une fois qu'il eut obtenu le généralat? »
6,716—5,717.
Vaiçampâyana répondit :
Ensuite, Sandjaya de lui raconter tout de la manière,
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OCDYOGA-PARVA. 428
que l’avait dit le vieillard de Kourou, Bhtshma à la force
sans mesure. 6,718.
« Quand Bhtshma, sire, le fils de Ç&ntanou, reprit le
cocher du roi, eut reçu le généralat, il prononça les mots
suivants, qui réjouirent ton fils: 5,719.
# Après que j’aurai adressé l’adoration à Koumàra, le
général de l'armée céleste , qui tient une lance à sa main,
je deviendrai aujourd'hui, sans nul doute, le général de
ton armée. 5,720.
» Je suis versé dans les choses des armées nombreuses
et diverses ; je sais faire exécuter ce qu'ils doivent
faire aux guerriers sans solde et aux guerriers sala-
riés. 6,721.
» Je connais parfaitement , aussi bien que Yrihaspati
lui-même, puissant roi, les marches, l’arrivée des troupes,
les batailles et les haltes. 5,722.
o Je sais les commencements humains, Gandharviques
et divins de toutes les dispositions d’armées : par elles,
je répandrai le délire parmi les Pàndouides ; que l’inquié-
tude s’en aille de ton cœur 1 5,723.
» Je combattrai donc ; je défendrai véritablement ton
armée, suivant les Traités; que le souci s’en aille de ton
cœur! » 5,724.
« Les Asouras et les Dieux réunis, puissant fils de la
Gangâ, ne m'inspirent aucun efiroi, lui répondit Douryo-
dhana ; je te dis cette vérité. 5,725.
» A plus forte raison, n’en éprouvé-je pas, quand tu
es l'inabordable général de mon armée, quand Drona, le
tigre des hommes, se réjouit des combats à venir! 5,72<!.
» La victoire est à moi, éminents hommes, puisque
vous êtes de mon parti. Certes 1 avec vous, il ne serait
LE MAHA-BHARATA.
m
pas difficile d'acquérir, ô le plus vertueux des Rourouides,
l’empire même sur les Dieux ! 5,727.
» Je désire entièrement, fils de Kourou, connaître le
nombre des chars de l’ennemi et celui des miens ; dis-
moi aussi le nombre des guerriers, qui combattent sur les
cbars. 5,728.
» Mon aïeul n'ignore pas la force des ennemis et la
mienne ; je désire la connaître en même temps que tous
les maîtres de la terre. » 6,729.
« Écoute, Indra des rois, l’énumération des chars, qui
sont dans ton armée, reprit Bhlshma ; sache donc, sire,
fils de Gândh&rl, quels sont ces chars, et quels guerriers
combattent sur les chars. 5,730.
» Tu possèdes un nombre de chars, qui forme plusieurs
milliers, millions et centaines de millions : écoute de ma
bouche quelle est cette force dans ton armée. 5,731.
» A la tête s’avance ta majesté, portée sur un char ma-
gnifique, environnée de tous ses frères germains, Douççâ-
sana et les autres : chacun d’eux est estimé valoir cent
guerriers. 5,732.
» Tous, ils sont consommés dans les armes, ils sont
habiles à pourfendre et à couper ; ils se tiennent sur le
plancher de leur char avec des épaules d’éléphant, des
boucliers, des épées, des traits barbelés et des massues.
» Adroits à conduire les chevaux, à terrasser l'ennemi,
experts dans le maniement des armes, ils ont la force de
porter leur charge ; ils sont habitués à l'arc et à la flèche-,
ils sont les disciples de Drona et de Kripa le Çaradvatide.
5,733— 6, 73â.
» Ces Dhritarâshtrides, qui ont du cœur, exaltés par
l'ivresse des batailles, et coupables d'une faute à l'égard
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OUDYOGA-PARVA. 425
des Pàndouides , immoleront les Pàntch&lains dans le
combat. 5,735,
» Et moi, le général de toutes tes armées, ô le plus
grand des Rharatides, je paralyserai le fils de PAndou et
je renvcrsei'ai les ennemis. 5,730.
» Je ne puis dire les qualités de ma personne, je suis
connu de toi. Bhodja, le plus grand de tous ceux, qui por-
tent les armes, monté sur un char, revêtu de sa cuirasse;
conduira, il n’y aucun doute, tes affaires dans le combat
à la perfection. Inaffrontable à ceux, qui connaissent les
armes, maniant lui-même des armes solides, envoyant au
loin ses flèches, il immolera l’armée de ccsprinccs, comme
Mahéndra immola celle des Dânavas eux-mêmes. J’es-
time que Çalya, le roi de Madra, est un héros combattant
sur un char. 5,737 — 5,738 — 6,739.
» Sans cesse, il rivalise dans tous les combats avec le
Vasoudévide. Çalya, le plus excellent des monarques,
abandonne ses neveux à ta colire. 5,740.
» Il combattra les héros Pàndouides dans la guerre,
inondant les ennemis de ses flèches, semblables aux vagues
de la mer. 5,741.
» Le fils de Somadatta, Bhoûriçravas au grand arc,
consommé dans les armes et ton cher ami, est le chef des
chefs de chars. 6,742.
» 11 accomplira un très-vaste carnage de l’armée des
ennemis. J’esiime que le roi du Sindhou, puissant mo-
narque, est un héros, dequi le char en vaut deux. 5,743.
» Ce char, le plus excellent des chars, combattra vail-
lamment dans la guerre. 11 fut très-maltraité, sire, parles
fils de Pàndou, dans le rapt de Draâupadi. 5,744.
» Cet immolateur des héros ennemis combattra, se
426
LE MAHA-BHARATÀ.
rappelant ses outrages : c’est dans l’intention de ce com-
bat, sire, qu’il s’est livré à une effrayante pénitence.
» Une grâce bien difficile à obtenir lui fut donnée pour
combattre les Pândouides. Cet éminent maître de chars,
se rappelant ses griefs, combattra les Pândouides, mon
(ils, sans ménager son existence, à laquelle il est si difficile
de renoncer. 5,745—5,746 — 5,747.
» J'estime que le char du Rambodjain est unique,
très-adroit. Son maître désire le succès de ton affaire ; il
agira de tout coeur dans le combat avec les ennemis.
» Les Kourouides verront dans la bataille éclater,
comme celui d'Indra, le courage de cet excellent maître
de char pour le service de ta majesté, 6 le plus grand
des rois. 5,748 — 5,749.
» Dans la foule des chars de ce combattant à la fougue
impétueuse, la multitude des Kambodjains sera pareille,
grand roi, à une nuée de sauterelles. 6,750.
» Accompagné d'une foule de chars, ton char noir â la
noire enveloppe de mailles, habitant de Mâhishmatl, fera
une vaste destruction des ennemis. 5,751.
» A cause d’une hostilité déclarée jadis à Sahadéva, il
combattra toujours, auguste roi, la joie de Kourou, pour
le service de ta majesté. 5,752.
» Agissant de concert, Vinda et Anouvinda, les rois
d’ Avant!, excellents maîtres de chars, à la vigueur cons-
tante, au courage ferme, habiles dans les batailles, ces
deux tigres des hommes, mon fils, consumeront l'armée
des ennemis avec les leviers de fer, les nârâkas, les épées,
les traits barbelés et les massues lancées de leurs mains.
5,753—5,754.
» Désireux de combats, ces deux monarques, semblables
OUDYOGA-PARVA. 427
à la mort elle-même, se promèneront, puissant roi,
comme en sé jouant au milieu des bataillons. 5,755.
» J’estime que les cinq frères Trigarttas possèdent
cinq chars magnifiques ; une inimitié les pousse contre
les fils de Prithft, depuis leur séjour dans la cité de
Viràta. 5,750.
» Ils soulèveront dans la bataille l’armée des Prithides
comme lesmakaras, Indra des rois, troublent la Gangà aux
vagues émues. 5,757.
» Ces cinq chars, dont le principal est Satyaratha,
combattront au champ d’honneur, Indra des rois, se
souvenant de leurs anciens griefs, desquels se rendirent
coupables envers eux, sire, le Pàndouide Bhtmaséna, le
puîné d’ Y oudhUhthira, et le guerrier aux blancs cour-
siers, victorieux des plages de l’espace. 5,758 — 5,759.
» Ces braves, en étant venus aux mains avec lés héros
aux grands arcs, qui portent le timon de la guerre, immo-
leront chacun des plus vaillants kshatryas, attachés aux
Prithidis. 5,760.
» Ton fils, prince, et celui de Douççàsana, ces deux
tigres des hommes, qui ne savent pas reculer dans les
combats, 5,761.
» Jeunes, légers, bien délicats, issus de rois, instruits
dans les différents genres de batailles et surtout versés
dans l'art de mener des troupes ; 5,762.
n Ces deux héroïques chars, de qui le devoir du
kshatrya fait la joie, les plus éminents des Kourouides et
que j'estime les plus excellents des chars, accompli-
ront un grand exploit. 5,763.
» Dandadhâra est compté pour un char, puissant roi ;
défendu par son armée, il combattra le jour de la bataille.
428
LE MAHA-BHARATA.
» Le roi de Koçala, Vrihadbala, est le plus grand des
chars; je le compte, mon fils, pour un char à la grande
vaillance, à la grande rapidité. 5,764 — 5,765.
» Ce héros aux armes terribles, qui trouve son plaisir
dans le bien du Dhritarâshtride, combattra dans cette
journée et remplira de joie le cœur de ses parents. 5,766.
d Kripa, le chef des chefs d'une multitude de chars,
ayant fait le sacrifice de sa vie bien aimée, sire, consu-
mera les ennemis de ta majesté, qui semble se défier
d’elle-même. 5,767.
» Invincible comme Kârttikéya, il est (1) le fils du
maharshi Gotamide, l'instituteur spirituel, et d’une touffe
de çaras ; d'où lui vint son nom de Çaradvatide. 5,768.
» Il se promènera dans la bataille, incendiant comme
le feu, mon fils, ces armées si nombreuses, aux arcs dif-
férents, aux armes diverses. 5,769.
» Çakouni est ton oncle ; c’est un char , sonverain des
hommes; il a engagé une hostilité avec les Pàndouides;
il combattra, il n'y a là aucun doute. 5,770.
» L’armée inaffronlable de ce héros, qui marche dans
la bataille à la rencontre de l'ennemi, est très-formidable
par ses armes diverses ; elle est égale par sa vitesse à la
rapidité du vent. 5,771.
» Le fils de Drona au grand arc, au grand char, aux
flèches solides, est dans le combat un héros supérieur à
tous les archers. 5,772.
» Les traits lancés par son arc, volent, enchaînés l’un
à l’autre, puissant roi, comme ceux de l’archer, qui tient
le Gàndlva. 5,77S.
(1) U était, dit la lettre ; c'est un vers, qui de la glose s’est peut-être
glissé dans le texte.
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OUDYOGA-PARVA.
42»
n Le nombre en échappe à ma science ! Ce vaillant
héros, le plus excellent des chars, pourrait même, s’il
voulait, incendier les trois mondes. 5,774.
» line pénitence, habitante de l’hermitage, soutient sa
colère et sa splendeur ; Drona lui-même a favorisé des
astras célestes ce mortel à la noble intelligence. 5,775.
» Mais un défaut grand, unique, m’empêche, ô le plus
éminent des Bharatides, de regarder ce char et le guer-
rier, qui combat sur le char, comme le plus excellent des
rois. 5,776.
» La vie est aimée à l’excès par ce bralmie ; l’existence
lui fut toujours chère : qui que ce soit n’est, assurément,
pas son égal dans les deux armées! 5,777.
» Sans autre appui que son char, ce beau guerrier
tuerait l’armée des Dieux mêmes ; il fendrait les mon-
tagnes au bruit éclos à la surlace de sa corde. 5,778.
u C’est un héros de qualités incalculables ; c’est un
destructeur à l'insoutenable lumière. Il se promènera
dans tes armées ennemies , comme la Mortelle-même, sa
massue à la main. 6,779.
» Sinliagrtva à la grande lumière, égal dans sa colère
au feu, qui éclate à la fin d’un youga, sera le pacificateur
de la fin du combat. 5,780.
» Environné de splendeur, son vieux père, meilleur
que les jeunes, accomplira dans la bataille un admirable
exploit : il n’y a point là de doute pour moi. 5,781.
i Ferme dans le combat, il consumera l’armée du fils
de Pàndou par la vitesse de ses flèches, qui, telles que le
vent de la tempête, renversera ses troupes, comme le feu
allumé dévore les bois d’une forêt incendiée. 5,782.
» Ce mortel éminent, ce général, qui commande à des
à 30
LE MAHA-BHARATA.
foules de généraux, ce fils de Bharadwàdja, il exécutera
un grand exploit, utile pour ta majesté. 5,783.
» L’Atchârya, ce vieux gourou, ira donner la mort à
tous les Srindjavas au front consacré ; mais Dhanandjaya
est son ami. 5,784.
» Jamais l' Atchàrya ne tuera le Prithide aux travaux
infatigables et jamais celui-ci n’immolera l’ Atchàrya
flamboyant, se rappelant qu’il est une création des ver-
tus. 5,785.
» Car le Bharadwàdjide se glorifie sans cesse des nom-
breuses qualités du fils de Prithà, et le considère même
comme supérieur à son fils. 6,786.
» Sans autre aide que son char, cette auguste personne
détruirait même avec ses astras célestes l’armée des
hommes, des Gandharvaset des Dieux, rassemblés contre
lui dans un seul corps. 5,787.
» J’estime que Paâurava au grand char, le tigre des
rois, sire, est pour toi un noble char, le fléau des chars
des héros ennemis. 5,788.
» Incendiant les divisions rivales par sa grande armée,
il consumera les Pàntchàlains, comme le feu dévore une
forêt. 5,789.
# Le fils de roi, Satyaçravas à la grande force est en-
core un char : il se promènera comme la mort, sire, au
milieu de tes ennemis. 5,790.
» Ses guerriers, Indra des rois, ont des armes variées
et des cuirasses diverses ; ils circuleront sur le champ de
bataille, immolant tes ennemis. 5,791.
» Le héros Vrishaséna, le fils de Karna, est pour toi
un principal char ; le plus fort des hommes forts, il con-
sumera l’armée de tes rivaux. 5,792.
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OU DYOGA-PAU V A.
431
» Djarasandha à la grande splendeur est pour toi le
plus excellent des chars ; cet autre Màdhava, immolateur
des chars ennemis, combattra sans ménager sa vie.
» Guerrier habile aux longs bras , il fera la guerre,
monté sur les épaules d’un éléphant ou sur un char, abat-
tant sur le champ du combat les armées rivales.
5,793—5,704.
n Je l'estime un char, mahàrâdja, ô toi, le plus grand
des rois ; il fera, lui et son armée, le sacrifice de sa vie
pour toi dans cette vaste bataille. 5,795.
» Vaillant héros , habitué à des armes variées , il
combattra sans crainte, sire, avec les ennemis. 5,796.
» Vâhllka, qui, monté sur un char, ne sait pas reculer
dans les combats, est estimé par moi , sire , un héros
égal à Yarna dans les batailles. 5,797.
» l’ne fois entré sur un champ de bataille, il est
comme le vent et ne revient jamais sur ses pas ; il immo-
lera, sire, les ennemis dans le combat. 5,798.
» Le général au grand char, Satvavat, est dans ton
parti, grand roi, un maître de char aux actions merveil-
leuses dans les batailles, et la mort des chars de l'en-
nemi. 5,799.
» Quand on a vu ses combats, on ne sent plus jamais
le trouble de l'esprit : il s’élance, en souriant, sur les
ennemis, qui se tiennent dans la route de son char.
» G' est lui, ce héros, le plus grand des mortels, qui
pour toi dans la mêlée exécutera sur les ennemis un bien
vaste exploit, accoutumé des hommes de cœur.
5,800—5,801.
» Le héros Alambousha est un Indra des mortels aux
œuvres épouvantables i et gardant le souvenir de ses an-
LE MAH.4-BHARATA.
4
432
demies inimitiés, sire, il immolera les ennemis. 5,802.
» C'est un inagiden, le plus excellent char de toutes
les armées des Rakshasas ; il promènera dans la bataille
sa bouillante haine. 5,803.
n L’auguste Uhagadatta, le vaillant souverain du
Prâgdjyotisha et le plus habile de ceux, qui tiennent l’ai-
guillon 4 conduire un éléphant, possède la science des
chars. 5,804.
« Jadis il y eut, sire , entre lui et l’archer du Gândiva
une bataille, qui dura plusieurs jours dans un mutuel désir
de la victoire. 5,805.
■> Ensuite, fils de Gândhâri, honorant Pâkaçàsana, son
ami, il conclut un traité avec le magnanime enfant de
Prithâ. 5,806.
» Habile à se tenir sur les épaules d'un éléphant, il
combattra dans la guerre, tel qu’ Indra, le roi des Dieux
monté sur Airâvala. 5,807.
» Atchala et Vrishaka, deux frères, chars invincibles
dans ta cause, réunis pour battre les ennemis ! 5,808.
» Ce sont deux tigres des hommes à la grande force,
jeunes, admirables à voir, les principaux des Gûndhâ-
rains, livrés à une colère violente et remplis de vigueur.
» Ce héros, ton ami bien-aimé, sire, âpre dans les
combats, et qui t'exhorte continuellement à cette guerre
avec les Pàndouides; 5,809 — 5,810.
» Cet homme, qui se vante sans cesse, ce vil Karna, le
fils du Soleil, ton conseiller, ton guide, ton ami, cet or-
gueilleux, qui s’élève à l’excès, 5,811.
» Cet Être sans âme, Karna, dis-je, privé de sa cui-
rasse naturelle, n'est pas un char, ni même un guerrier,
qui combat sur un char. 5,812.
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OUDYOGA-PARVA.
43 3
» Privé de ses divines pendeloques, son cœur incline
toujours ù la pitié, suivant la malédiction de Râma et la
parole du brahme. 5,813.
» Je l'estime donc un demi char à cause de ces avan-
tages, dont il est séparé. Une fois qu'il aura abordé Phâl-
gouna, il ne sortira pas vivant de ses mains. » 5,814.
Le meilleur de tous ceux , qui portent les armes ,
I)rona lui répondit : « 11 en est ainsi que tu l’as dit, car
la parole n’est jamais en vain. 5,815.
» On voit dans toutes les batailles Karna orgueilleux
et tournant le dos. 11 est tendre et négligent; je l’estime
à cause de cela une moitié de char ! » 5,81(1.
A ces mots, le fils adoptif de Râdhâ ouvrit tout grands
ses yeux de colère ; et, blessant Bhlshma de ses paroles,
comme avec un aiguillon, il dit : 5,817.
« Ta me déchires ainsi, mon aïeul, à tout propos, hai-
neusement, avec les flèches de tes paroles, moi, de qui la
vie fut toujours innocente. 5,818.
» Je supporte tout cela à cause de Douryodhana ; mais
tu parles de moi comme d’un lâche et tel qu’on parlerait
d’un homme abject. 5,819.
» Que ton altesse elle-même soit estimée par moi la
moitié d'un char, il n’y a ici nul doute, et le fils de la
Gangâ, en C affirmant , ne dira point un mensonge aux
yeux de tout l'univers (1). 5,820.
» Tu ne cesses jamais d’être l’ennemi des Kourouides,
et le roi ne s’en aperçoit pas. Qui certes ! parmi les rois
aux généreuses actions, nos égaux, 5,821.
(1) Après une assez longue réflexion, j'ose me décider, pour ce distique
et les deux suivants, en faveur de mon sens contre celui du commenta-
teur.
VI
28
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LE MAHA-BHARATA.
434
n S’il voulait jeter la division dans le combat, détrui-
rait ainsi la gloire , comme toi, qui veux produire mon
déshonneur par la haine , que tu portes à mes qualités.
» On ue peut exprimer l’héroïsme du kshatrya, ni par
les années, rejeton de Kourou, ni^par les cheveux blancs,
ni par les richesses, ni par les parents, fi, 822 — 5,823.
u On dit que les kshatryas ont la prédominance de la
force ; les brahmes ont la prédominance de la sagesse, les
valçyas sont dits posséder la prédominance des richesses,
les ço&dras excellent par la vie seulement. 5,824.
» Que ton excellence raconte d’elle-même, à son gré,
les chars et les guerriers, qui monleut sur les chars : elle
établit sîtus raison les différences sur l’amour et la haine,
dont elle est prévenue. 6,825.
» Considère ici le bien comme il sied, Douryodhana
aux longs bras : abandonne ce Bhishma 4 la nature mé-
chante, artisan de péchés contre toi. 5,828.
» En effet, sire, les armées divisées ne sont pas faciles
à réunir. A peine sorties de la racine, beaucoup déjà sont
difficiles; combien plus, tigre des hommes, quand elles
se sont accrues. 5,827.
» La séparation de ces guerriers en deux parties ar-
rive-t-elle dans la bataille, fils de Bharata, c’en est fait
alors de notre force surtout, sous nos yeux mêmes.
» Combien il y a de différence entre la science des
chars et Bhishma à l’étroite intelligence! Moi, j’aurai la
force d'arrêter l’armée des Pândouides. 5,828 — 5,829.
» S'ils m'approchent, les fils de Pândou, accompagnés
des Pàntchâlains, s’enfuiront aux dix points de l'espace,
sous des coups certains, comme des taureaux devant la
colère du tigre. 5,830.
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OUDYOGA-PARVA.
435
» Quelle différence il existe entre Bhîshma à l'âme
pusillanime, poussé par la tnort, lui, de qui déjà la vie
est expirée, et un conseil, une bataille, un carnage bien
prononcés! 6,831.
» Seul, il rivalise sans cesse avec tout le monde ; et cet
homme à la vue stérile n’en estime pas un autre que lui,
n'importe quel qu'il soit. 5,832.
» Il faut sans doute écouter les vieillards , — c'est un
précepte des Traités de morale, — mais non ceux, qui sont
tombés dans la décrépitude : ce que j’estime un retour â
l’enfance. 5,833.
» Moi seul, j'exterminerai l'armée des 01s de Pàndou;
et la renommée viendra couronner Bhîshma dans sa belle
paix. 5,834.
» Tu as fait Bhîshma le général de tes armées, sou-
verain des hommes; mais, tant qu’il exercera ce comman-
dement, la gloire ne viendra jamais à ses combattants.
» Jamais, sire, je ne combattrai, tant que le fils de la
Gangà respirera l'air du ciel; mais, Bhîshma une fois
abattu, je combattrai avec tous les héros. » 5,835-5,830.
Bhîshma de lui répondre :
u La guerre du Dhritaràshtride lève pour moi une bien
lourde charge , semblable à la mer et qui occupe ma
pensée depuis un grand nombre d'années. 5,837.
» Voici le temps arrivé de cette guerre épouvantable,
où je ne dois pas causer de stériles divisions : c’est pour
cela que tu vis, enfant du cocher. 5,838.
» Oui, tout vieillard que je suis , et tout jeune homme
que tu es, déployant aujourd’hui ma valeur, je ne briserai
pas, fils du cocher, l'espérance de ta vie, si pleine de foi
dans le combat. 5,839.
LE MAHA-BHARATA.
A 36
» Les grandes flèches, que lançait Ràma, le fils de Dja-
madagni, ne [lurent jeler en moi la moindre peur ; que
pourras-tu donc me faire, toi? 5,840.
» La jactance de sa force est une chose, que les gens de
bien ne louent pas. volontiers. Consumé de chagrin, je
vais te parler suivant la vérité, homme vil, opprobre de ta
race. 5,841.
» J'ai vaincu avec un seul char tuus les princes ksha-
tryas rassemblés pour le swayamvara du roi deKâçi, et j’ai
rapidement enlevé la jeune vierge. 5,842.
n Moi, sans compagnon, je couchai morts par milliers,
sur le champ de bataille, ces guerrière de telle sorte émi-
nents, accompagnés de leurs armées. 5,843.
» Quand les Kouruuides s’allièrent avec toi, homme de
haine, ils firent un acte d’une profonde impolitique!
Déploie tes efforts pour la perte des ennemis; sois un
homme de coeur. 5,844.
» Combats ce Prithide, avec lequel tu rivalises! Te
verrai-je, insensé, sortir vivant de cette bataille ? »
Ensuite, Tauguste roi, fils de Dhriiarâshtra, dit ces
mots : « Regarde-moi, fils de laGangâ; car il s’agit d’exé-
cuter une immense entreprise ! 5,845 — 5,846.
» Qu’yn y pense attentivement : c’est mon plus grand
bonheur. Vos deux excellences accompliront ma grande
affaire. 5,847.
» Je désire encore savoir quels sont les plus excellents
chars des autres , les guerriers, qui combattent sur les
chars, et ceux, qui commandent 4 des foules de chars.
» Je veux apprendre, fils de Kourou, le fort et le faible
de l'ennemi ; car. aussitôt que la lumière aura succédé 4
la nuit, cette bataille sera livrée. » 5,848 — 5,849.
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OUDYOGA-PARVA.
A 37
o Je t'ai raconté, sire, quels sont tes chars et les guer-
riers, qui combattent sur les chars, lui répondit Bhlshma;
écoute maintenant quels sont les demi-chars des Pàn-
douides. 5,860.
» Écoute le nombre de leurs chars avec les noms de ces
monarques de la terre, si ta curiosité, sire, est maintenant
sur l’armée des fils de Pàndou. 5,851.
» Le roi même, fils de Pàndou et de Kounti, se promè-
nera sur son noble char au milieu du combat, mon fils,
tel que le feu ; il n’y a pas de doute. 5,852.
» Mais Bhtmaséna est réputé un char semblable S huit
fois un autre, Indra des rois. 11 n’existe pas un guerrier,
qui lui soit égal dans le combat, soit avec la massue, soit
même avec les (lèches. 5,853.
» Superbe, il possède la force d'une myriade de ser-
pents boas ; ce n’est pas un homme pour la vigueur.
Les jumeaux fils de Màdrl sont deux maîtres de chars.
■ » Doués d’énergie, semblables aux Açwins en beauté,
ces guerriers, placés à la tête des armées, n'ont pas
oublié qu’ils ont traîné la plus lourde infortune.
5,854—5,855.
» Ils se promèneront au milieu des tiens comme Rou-
dra : il n'y pas de doute ici pour moi. Tous ces magna-
nimes ont grandi comme des troncs de shorées. 5,856.
» Ces vigoureux fils de Pàndou ont des corps de lions,
et leur taille est supérieure d'un empan à celle des antres
hommes. 5,857.
» Tous, ils sont des pénitents, mon fils ; ils observent
le vœu de chasteté ; ces tigres des hommes, pleins de
pudeur, sont remplis de force comme des tigres. 5,858.
» Tous, ils sont plus que des hommes pour la rapidité.
438
Llî MAHA-BHARATA.
la force des coups et le combat ; tous, ils ont vaincu les
rois de la terre, éminent Bharatide, dans leur victoire sur
le monde. 5,859.
» Quels que soient les hommes, ils ne peuvent sup-
porter leurs armes, fils de Kourou, ni les massues, ni
les flèches, ni de leur faire mettre jamais des cordes à
leurs arcs, 5,860.
» Ni de les voir lever les pesantes massues, disperser
des flèches sur le champ de bataille, ou courir avec rapi-
dité, ou frapper des coups sur un but, ou lancer un trait
oblique, ou traîner un ennemi dans la poussière. 5,661.
» Toutes vos grandeurs furent déjà vaincues par eux, à
peine dans l'enfance. Une fois la bataille engagée, tous,
pleins de force, ils se battront dans le combat. Qu'une
rencontre ne te mêle jamais avec eux ! Individuellement,
chacun d’eux pourrait écraser tous les rois en bataille.
5,862—5,863.
» Sans perdre le souvenir des paroles outrageantes,
qu’on leur adressa pendant le jeu, ni des infortunes, qui
ont environné Draàupadt, comme il est arrivé dans le
râdjasoûva, que tu fis célébrer en ta présence, ils se pro-
mèneront dans le combat, semblables au Dieu del’extermi-
nalion. Goudàkéça aux yeux de sang a pour compagnon
le Vasoudévide. 6,864 — 5,865.
» 11 n’existe pas dans les deux armées un vaillant chat-
égal à lui. Je n’ai pas ouï dire avant qu’il ait existé ou
qu’il existera jamais un char quelconque pareil, soit cher
les Dieux, soit chez les enfants de Manou, soit parmi les
Rakshasas ou les Yakshas, encore moins parmi les hom-
mes. 5,866 — 5,867.
» Le char des sages fils de Prithà est muni de toutes les
OUDYOGA-PARVA.
430
armes j il a pourcocher le Vasoudévide et pour combattant
Dhanandjaya. 5,868.
» Il possède le Gândlva, arc céleste, des chevaux ra-
pides comme le vent, une cuirasse divine, imbrisable, et
deux grands carquois indestructibles, 5,860.
a Des multitudes d'astras, celui de Mahéndra, celui de
itoudra, de Kouvéra, d'Yama et de Varouna même, des
massues, qui vous font voir des choses terribles, 5,870.
» Des foudres et le reste, beaucoup de traits capitaux,
avec lesquels, monté sur uu seul char, il tua des milliers
de Dànavas, habitants la Ville-d’ür. Quel char est son
égal ? Cet homme fier, vigoureux, aux longs bras, de qui
la vaillance est une vérité, pourrait immoler ton armée !
L’Atchàrya et moi, veillant à la défense de tes divisions,
nous affronterons ce terrible Dhanandjaya.
5,871—5,872—5,878.
» Mais il D’est pas, fût-ce même dans les deux armées,
un troisième maître de char, India des rois, qui ose bra-
ver ce héros, versant des pluies de flèches. 5,874.
» Il ressemble au nuage, qu’uu vent orageux précipite
à la fin de l'été. Secondé par le Vasoudévide et muni de
toutes les armes, le fils de Kountl est jeune, adroit, et
nous deux, Drona et moi, nous sommes vieux ! »
5,876—6,876.
A ce discours de Bhishma, les bras jaunes, ornés de
sandal, parés de bracelets d’or, tombèrent à tous les
rois ; 5,877.
Et leur âme se rappela soudain l'ancienne vigueur des
Pâudouides, comme s'ils la voyaient présente devant leurs
yeux. 5,878.
< Tous les cinq époux de Dra&upadi sont de grands
440
LE MAHA-BHARATA.
chars, auguste roi, poursuivit Bhlshma, et j'estime
qu'Outtara, fils de Virâta, est un généreux char. 5,879.
» Abhiinanvou aux longs bras, l’iiumolateur des en-
nemis, le général des généraux, est égal dans le combat
au fils de Prithà et au Vasoudévide. 5,880.
» Héros aux flèches légères, sage aux vœux inébran-
lables, il s'avancera avec audace, se rappelant de quelles
infortunes son père fut abreuvé. 5,881.
» Le brave Sàtyaki, le compagnon de Mâdhava, le chef
des chefs de chars, a vaincu la crainte en lui-même; c’est
le plus impétueux des héros Vrishnides. 5,882.
» Ce héros d'une force supérieure est estimé par moi,
sire, un généreux char; j’estime aussi un généreux char,
le vaillant Youdàmanyou. 5,883.
» Ils ont plusieurs milliers de chars, de chevaux et
d’éléphants. Ils combattront, sans ménager leur vie, par
le désir de faire une chose agréable au fils de Kounlt,
s’adressant, Indra des rois, comme le feu et le vent, de
mutuelles provocations au combat de tes armées, Bhara-
tide, avec les fils de Pàndou. 5,884 — 5,885.
» Deux vieillards invincibles dans les combats, hommes
éminents aux vastes forces, Droupada et Virâta, sont esti-
més par moi de grands chars. 5,880.
s Tous deux, vieillards par l’âge, adonnés au devoir
du kshatrya, ils déploieront au plus haut point les plus
grands efforts, placés dans la route suivie par le héros.
» Ces princes aux nobles vœux, chez qui la force est
nouée à l'amour, tignaleront leur vait/anre avec leur fa-
mille, parce que la lorce est la mère du courage.
5,887—5,888.
» Car tous les hommes, quelque forts soient-ils, une
OUDYOGA-PARVA.
441
fois qu'ils sont tombés sous l’influence d'une cause, de-
viennent, taureau des Kourouides, ou héros ou lâches.
» Ces deux princes aux arcs solides, réunis dans une
pensée attentive, faisant le sacrifice de leur vie, jèteront
ensuite de toutes leurs forces, vexateur des enneuiis, le
trouble au milieu de tes années. 5,889 — 5,890.
» A la tête chacun d'une armée complète, ces deux
héros, terribles dans la bataille, observateurs des senti »
meuts de la famille, accompliront une œuvre immense.
» Oui ! Bharatide, ils exécuteront une chose immense,
ces héros du monde, ces guerriers aux grands arcs, qui,
ayant abandonné la vie, se montreront dignes de la con-
fiance! 5,891 — 5,892.
» Le fils du roi des Pàntchâlaius, Çikhandi, le vain-
queur des cités ennemies, est estimé par moi, sire, un des
principaux char3 du fils de Prithâ. 5,893.
» 11 livrera bataille, ne montrant plus son état de
femme précédent, et multipliant sa vaste gloire au milieu
de tes armées. 5,894.
» Ses troupes sont nombreuses ; ses nobles Pàntchà-
lains sont en grand nombre; il accomplira une œuvre im-
mense avec une multitude de chars. 5,895.
» J’estime un grand char au milieu de toutes les ar-
mées, Bharatide, l’élève de Drona, le général Dhrishta-
dyoumna, qui fait la guerre sur un char. 5,89<3.
» Il combattra, immolant ses ennemis sur le champ de
bataille, comme l'adorable Dieu à l'arc Pinâka dans sa
colère à la fin d’un youga. 5,897.
» Ceux, qui aiment les combats, racontent son armée
de chars, que la multitude rend semblable aux vagues de
la mer, comme dans la guerre des Dieux. 6, $98.
LE M AH A- BHARATA.
442
» Kshattradharman, le fils de Dhrishtadyoumna, est
réputé par moi, sire, Indra, des rois, un demi-char ; car
l’enfance n’a pu encore lui enseigner à bien supporter la
fatigue. 5,890.
» Le vaillant roi de Tchédi, fils de Çiçoupâla, est un
grand char : c’est Dhrishtakétou au grand arc, le parent
du fils de Prithâ. 5,900.
* » Ce héros, le souverain de Tchédi, combattra avec
son fils, Bharatide ; il accomplira l’œuvre immense, bien
difficile des grands chars. 5,901.
» J'estime, Indra des rois, que Kshattradiva, le vain-
queur des cités ennemies, le guerrier, qui aime les de-
voirs du kshatrva, est un char supérieur chez les Pàu-
douides. 5,902.
» Djayama, Amitaàudja et Satyadjit sont de grands
chars ; tous ces magnanimes , les plus excellents des
Pântchâlains, sont d’éminents chars. 5,903.
u Ils se montreront dans la bataille, furieux comme
des éléphants. Adja et Bhodja, pleins de vaillance dans
l’intérêt des Pândouides, sont aussi deux grands chars.
» Adroits , remplis d’un courage solide , livrant des
combats divers avec de légères flèches, ces vigoureux
guerriers combattront de toutes leurs forces pour le
mieux. 5,904 — 5,905.
« Les cinq frères Katkéyains, tous dans l’ivresse des
batailles, Indra des rois, tous, arborant un drapeau rouge,
sont des chars généreux. 6,906.
» Soukoumâra de Kàçi, un autre, qui est Nlla, sire,
Soûryadatta , Çankha et celui , qu'on appelle Madi-
râçwa; 5,907.
» Tous ces guerriers, qui portent les cicatrices de la
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OUDYOGA-PARVA. 553
guerre, qui tous connaissent tous les astras, tous ces ma-
gnanimes sont estimés par moi des chars généreux.
» J’estime que Vârddhakshémi , puissant roi, est un
grand char ; le prince Tchitràyoudha est encore à mes
yeux un char excellent. 5,908 — 5,909.
» Sàmgrâmaçobhl et Tchékitàna, ferme dans la vérité,
le suivant de Kirtti , sont deux grands chars des Pân-
douidcs. 5,910.
» Ces deux tigres des hommes , Vyâghradatta et
Tchandraséna, Indra des rois, sont estimés par moi deux
chars généreux. 5,911.
» J'estime encore deux chars généreux des PAndouidcs,
c’est indubitable, (ils de Bharata, Sénavindou et le guer-
rier, qu’on nomme Rrodhahantri. 6,912.
» Égal au Vasoudévide ou A Bhiuiaséna , déployant
son courage, sire, il combattra sur le champ de bataille
avec tes guerriers mêmes. 5,913.
» Ce héros, qui peut se glorifier dans ses batailles, doit
être estimé le plus excellent des chars, comme ta ma-
jesté pense que sont Druua, Kripa et moi. 5,915.
» Le roi de Kâçi, dont il faut se glorifier, est un
homme supérieur aux flèches de la plus grande vitesse; je
dois reconnaître que c’est un char avec une qualité prin-
cipale, victorieux des cités ennemies. 5,915.
» Le fils de Droupada, le jeune Saiyadjit, brave dans
la guerre et qui se vante de ses batailles, doit être estimé
un char ocluple ou à huit qualités. 5,910.
>> 11 est parvenu à égaler Dhrishtakétou par son adresse
à combattre sur un char (1) ; il accomplira une œuvre
(1) Faute dans l'édition de Calcutta : atiralha ttvam, au lieu d'écrire eu
4A4 LE MAHA-BHARATA.
suprême par le désir d’assurer la gloire des Pàndouides.
» Cet autre, Mahâvlrya, le roi du Pândya, qui porte
l'arc pour les fi s de Pândou, est dévoué ; c’est un héros :
c’est aussi un grand char. 5,017 — 5,018.
» Les Pàndouides ont encore un grand char dans le
prince Vasoudâna et dans Çrénimat, le plus excellent des
Kourouides à l’arc solide, aux longues flèches. 5,010.
• » J’estime, vainqueur des cités ennemies, que ces deux
guerriers sont des chars supérieurs. 5,020.
» Rotchamâna, puissant roi, est un grand char des ■
Pàndouides; il combattra, semblable à un Immortel, dans
le combat avec les armées des ennemis. 5,021.
» Le héros à la grande force, aux grandes flèches, le
vainqueur des ennemis, Kountibhobja, l’oncle maternel
de Bhlmaséna, je l’estime un char supérieur. 5,922.
» Ce guerrier vaillant, adroit, habile, puissant, propre
à des combats divers, je l'estime le plus excellent des
chars. 5,923.
» Déployant sa valeur, il combattra comme Maghavat
avec les Dànavas; ceux, qu’on appelle ses guerriers, sont
tous instruits dans les choses des combats. 5,924.
» Ferme, trouvant sa joie dans le bien et le plaisir des
Pàndouides, ce héros accomplira dans la bataille une
œuvre immense pour les fils de sa sœur. 5,92.).
» Le souverain des Rakshasas, fils de Bhlmaséna et
d'Hidimbâ, ce grand magicien est estimé par moi le chef
des chefs de chars. 5,920.
> Ami des combats, cet enchanteur, il combattra dans
un seul mot : nliralhatu'am. La première leçon embarrasse ; c'est
pourquoi nous l'avons notée ici : l'édition de Bombay oc sépare aucun de*
mots du texte.
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OUDYOGA-PARVA.
445
la bataille, mon fils, accompagné des héros Rakshasas,
qui, ses conseillers, marchent sous sa volonté. 5,927.
» Ces monarques et d'autres en grand nombre, maîtres
de contrées diverses, rassemblés pour la cause des Pàn-
douides, ont à leur tête le fils de Vasoudéva. 5,928.
» Ces chars, ces guerriers, qui combattent sur des
chars, et d’autres, sire, qui sont demi-chars seulement,
reconnaissent lasuprématie du magnanime fils de Pàndou.
» Ils conduiront dans la bataille, prince, l'épouvan-
table armée d' Youdhishthira, défendue par le héros Ki-
rîti, comme par un autre Mahéndra. 5,929 — 5,930.
» Cherchant dans la bataille la victoire ou la mort, je
combattrai, vaillant prince, dans la plaine du combat
avec ces enchanteurs, qu’enflamme le désir de la vic-
toire. 5,931.
» Je combattrai le Vasoudévide et le fils de Kountî,
armés, celui-ci du Gândiva, celui-là du tchakra! Ces
deux excellents chars, ils combattront, tels que le soleil et
la lune, parvenus à l’heure du crépuscule. 5,932.
» Ces guerriers du fils de Pàndou en sont les généreux
chars : je marcherai, au front de la bataille, contre eux,
environnés de leurs armées. 5,933.
» Voilà que je t’ai raconté, suivant leur éminence,
Indra des Kourouides, quels sont les chars, les guerriers,
qui combattent sur les chars, et ceux, quels qu’ils soient,
prince, qui sont des moitiés de chars seulement. 5,934,
» J’empêi herai, tant que mes yeux verront la lumière
du jour, Bharatide, Arjouna, le Vasoudévide et tous les
autres souverains, qui sont dans leur armée. 5,935.
» Mais je ne tuerai pas, guerrier aux longs bras, Çi-
kandt le Pàntchâlain , si je le vois sur le champ de
446 LE MAHA-BHARATA.
bataille combattre, la flèche levée contre nous. 5,936.
» 11 est connu de l’univers; on sait que je suis obser-
vateur du vœu de continence, et que j’abandonnai , par
le désir de faire une chose agréable à mon père, le royaume,
que l'héritage m’avait apporté. 5,937.
» Je fis inaugurer Tchitrângada sur le trône des Kou-
rouides, et Vitchitravirya, son frère plus jeune, fut, par
mes soins, sacré comme le roi de la jeunesse. 5,933.
» J’avais annoncé sur la terre, au milieu de tous les
rois, ce vœu, dont je m’étais lié avec les Dieux. Je ne
tuerai jamais une femme ; jamais, je ne tuerai un homme,
qui a commencé par être une femme. 5,939.
» Ce Çikhandî fut d’abord une femme, si la renommée,
sire, a porté cette histoire à tes oreilles; jeune fille au
commencement de la vie , il devint un homme; je ne com-
battrai-pas contre lui, fils de Bharata. 5,940.
» J'immolerai tous les autres souverains, qui oseront
m’aborder, éminent Bharatide, au milieu du combat, à
l’exception, sire, des fils de Kounti. 5,941.
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L’ÉPISODE D’AMBA.
« Pourquoi, ô le plus vertueux des Bharatides, reprit
Douryodhana, ne tuerais-tu pas ('.ikhandî, surtout quand
tu vois ce scélérat lever sa flèche dans les combats ?
» Est-ce que jadis tu n'as pas dit : « Je tuerai 1 » aux
Pàntchèlains, accompagnés des Somakas ? Explique-moi
cette contradiction, fils de la Gangâ, mon aïeul. »
6,942—5,943.
«Écoute cette narration, Douryodhana, avec ces
maîtres de la terre, lui répondit Bhlshma ; et tu sauras
pourquoi dans une bataille, où il serait devant mes yeux,
je ne donnerais pas la mort à Çikandt. 6,944.
» Mon père Çàntanou fut un puissant monarque, cé-
lèbre dans le monde : quand il eut rempli son temps, ô
le plus grand des Bharatides, ce prince vertueux suc-
comba à la mort. 6,946.
448
LE MAHA-BHARATA.
» Moi alors, je respectai ma promesse et je sacrai sur
le trône de ce vaste empire mon frère Tchiirângada. ‘
» Quand celui-ci fut descendu dans la tombe, je restai
fidèle à cette promesse, qu'avait reçue Satyavatl ; et je
sacrai, suivant la règle, Tchitravîrya comme souverain.
5,940—5,947.
» Élevé snr le trône par moi conformément à la loi, je
fus toujours, Indra des rois, vu avec respect par ce ver-
tueux prince, plus jeune que son frire. 5,948.
» Je désirai célébrer la cérémonie de son mariage et
j’attachai mon esprit sur la naissance de princesses, qui
fussent en quelque sorte convenables à son rang. 5,949.
n Ce fut alors, guerrier aux longs bras, que m’arriva
la nouvelle du swayamvara de trois jeunes princesses,
toutes incomparables en beauté et les filles du roi de
Kâçi. 5,950.
» Elles se nommaient : Ambâ, Ambikâ et Ambalikà.
Tous les rois furent invités sur la terre à cette cérémo-
nie. 5,951.
» Ambâ était l'alnée ; sa naissance plaçait Ambikâ au
milieu des trois sœurs; la plus jeune des princesses, In-
dra des rois, était Ambalikâ. 5,952.
» Je me rendis avec un seul char à la ville du souve-
rain de Kâçi, et je vis les trois jeunes altesses, magnifi-
quement parées, et les rois, qui avaient reçu les invita-
tions du monarque. Je provoquai au combat, roi de la
terre, tous les souverains, présents à l'assemblée.
5,953—5,954.
» Je fis monter ces princesses dans mon char, éminent
Bharatide, et, connaissant quelles étaient le prix dn cou-
rage, j'y rnoutai après elles 1 5,955.
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OUDYOGA-PARVA.
m
» Je répétai mainte fois pour tous les rois, qui étaient
là rassemblés : « C'est Bhishma, le fils de Çântanou, qui
enlève ces jeunes princesses ! 5,956.
» Tentez de tout votre pouvoir les plus grands efforts,
pour les arracher de mes mains : je les ravis de force, en
dépit de vous, princes, les taureaux du troupeau des
hommes!» 5,957.
» A ces mots, les rois de la terre s'élancent, les armes
levées, et, excitant chacun son cocher, ils crient avec
colère : « Attèle ! attèle ! » 5,958.
» Ces souverains de fondre sur moi, les armes hautes,
les uns avec des chars, les combattants sur des éléphants
avec des proboscidiens, semblables à des élévations de
terre, les autres sur des chevaux vigoureux. 5,959.
» Tous, ils m'enferment de tous les côtés, roi des
hommes, a ec une grande multitude de chars. 6,960.
» Je les écartai de toutes parts avec une pluie de
flèches; et je triomphai même de tous ces rois, comme le
monarque des Dieux vainquit les Dànavas. 5,961.
» Je fis tomber, en me riant, sous des flèches enflam-
mées, éminent Bharatide, les drapeaux divers, aux orne-
ments d’or, de ces rois fondant à f envi sur moi. 5,962.
» Dans ce combat, j'abattis un à un sous mes flèches
sur la terre leurs chevaux, leurs éléphants, les conduc-
teurs de chars. 5,963.
» Rompus, mis en fuite, ils virent cette légèreté de ma
main ; et moi, victorieux des rois de la terre, je revins à
Hâstinapoura. 5,964.
» J'avais enlevé ces nobles vierges pour le bénéfice de
mon frère, Bharatide aux longs bras, et je fis part de mon
exploit à Satyavatl. 5,965.
vx
29
LE MAHA-BHAHATA.
460
» Je m'approchai de ma mère, 6 le plus excellent des
Bharatides, la mère des héros ; je lui embrassai les pieds,
et je dis ces mots à C illuetre pêcheuse : 5,960.
« Ces vierges sont les tilles du souverain de Kâçi ; j'ai
vaincu les rois, leur e prétendante , et je les ai enlevées,
comme le prix de ma valeur, à cause de Vitchitravîrya. »
» Elle me baisa sur la tête, sire, et, les yeux noyés de
larmes, Satyavail joyeuse me dit : « Je suis heureuse,
mon (ils, que tu aies remporté cette victoire. »
» Avec le consentement de Satyavatl, le mariage est fixé
à un jour prochain, et la fille aînée du monarque de Kâçi
me dit ces paroles avec pudeur : 5,967 — 5,968 — 5,969.
« Bhtshma, tu es un homme juste, versé dans tous les
Traités de morale, écoute ma parole vertueuse et daigne
l’exécuter. 5,970.
» Le roi Çàlva est l’époux, que j’avais déjà choisi dans
nia pensée ; et lui-même, il m'avait jadis en secret choi-
sie pour son épouse à l’insu de mon père. 5,971.
» Comment ton altesse, Bhlshma, trangressant le
devoir, me fera-t-elle habiter dans ton palais, toi surtout,
qui es un Kourouide, et moi, qui suis l’objet de l’amour
d’un autre. 5,97*2.
» Ayant roulé cette chose dans ta pensée mentalement,
veuille bien faire ici, éminent Bharatide aux longs bras,
ce qui est convenable à ta vertu. 5,973.
» Le roi Çàlva m’attend évidemment, sire, 6 le plus
vertueux des Kourouides, veuille donc me renvoyer.
o Étends sur moi ta pitié , 6 le plus vertueux des
hommes, qui soutiennent le devoir. En effet, nous a dit
la renommée, tu es sur la terre, héros aux longs bras,
l’homme fidèle à la vérité, » 5,974—5,975.
OUDYOGA-PARVA.
451
n Alors, je demandai la permission de renvoyer la
noble vierge A l'odorante Kâli, aux ministres, aux ritouidjs,
à l'archi-brahmc; 6,976.
» Et je congédiai , souverain des hommes , la jeune
Arnlxi, l’ aînée des trois soeurs. Elle profita de sa mise en
liberté pour s’en aller à la ville de Çàlvapati. 5,977.
» De vieux brahmes veillaient autour d'elle et sa nour-
rice suivait ses pas. Elle franchit la route et arriva enfin
chez le roi. 5,978.
» Entrée dans son palais, elle tint ce langage au prince
Çàlva : » Tu es le but de mon voyage, guerrier à la haute
sagesse et aux longs bras. » 5,979.
» Celui-ci répondit en riant, sire : « Je ne veux pas de
toi, noble dame, pour mon épouse, puisque tu fus aupa-
ravant celle d’un autre. 5,980.
» Retourne-t-en, illustre femme, en la présence du fils
de la Gangâ ; je n’ai aucun désir pour toi, qui as supporté
si patiemment d'être enlevée par Bhlshma. 5,981.
» 11 te fit la douce violence de t’emmener comme une
conquête ; il t’a souillée, dame à la haute intelligence, ce
Bhlshma, qui a vaincu les rois de la terre. 6,982.
» Je ne veux pas de toi, noble dame, pour mon épouse,
puisque tu fus déjà celle d’un autre. Comment un roi de
ma sorte pourrait-il faire entrer dans son palais une
femme, qui appartint à autrui? 5,983.
» Je connais le devoir, j’ai commandé le respect envers
la femme des autres. Va-t-en, illustre dame, à ta volonté :
ne laisse pas ce temps s'écouler en vain. » 5,984.
» Ambà, sire, blessée par une flèche de l’Amour, lui
fit cette réponse : « Ne parle, pas ainsi, roi de la terre ; ja-
mais, les choses ne furent de cette manière. 5,985.
462
LE MAHA-BHARATA.
» Je ne ine laissai pas emmener complaisamment par
Blitshma, ô toi, qui traînes les cadavres de tes enne-
mis. 11 m’enleva de force, toute éplorée, après qu’il eut
mis en fuite les monarques de la terre. 5,986.
•) Aime-moi, qui t’aime, Çâlvapati, une irréprochable
adolescente. Certes! L’abandon des personnes aimées
n’est pas loué entre les vertus. 5,987.
» J'ai dit adieu au fils de la Gaugâ, qui ne sait pas re-
culer dans les batailles ; et, congédiée par lui, je suis
promptement venue ici. 5,988.
ii Rhisltma aux longs bras n'a porté sur moi aucun
désir, monarque des hommes; son enlreprise n’avait pour
objet que les intérêts de son frère: c’est ce que j'ai ouï
dire. 5,989.
■» Mes deux sœurs, Ambikà et Ambalikâ, furent emnie
nées avec moi ; le fils de la Gangà les a données au plus
jeune de ses frères. 5,990.
>» Jamais, je n’ai pensé à un autre fiancé que toi, Çâlva-
pati ; je louche ma tête, tigre des hommes, en garantie de
cette vérité. 5,991.
» Quand je suis venue vers toi, Indra des rois, je n'ap-
partenais pas à un autre époux; c’est une vérité, que je
te dis, Çalva, et je touche ma personne en garantie de
cette vérité. 5,992.
o Aime-moi, prince aux grands yeux, moi, vierge, qui
suis venue de ma volonté, seule ici, qui n’ai pas un autre
époux et qui aspire , Indra des rois , à ta bienveil-
lance. » 5,993.
« Mais (’.àlva d’abandonner la fille du souverain dekàçi,
qui tenait ce langage, 6 le plus grand des Bharatides :
tel un serpent abandonne sa vieille peau. 5,994.
"Digilizëb by Gbogle
Ol'DYOGA-PARVA.
453
» Et, supplié ainsi par de nombreux et différents dis-
cours, le prince n'ajouta pas foi aux paroles de la jeune
fille. 5,995.
u La fille aînée du roi de Kâçi, pénétrée de colère,
dit alors, ses yeux remplis de larmes et d'une voix mêlée
à ses pleurs : 5,99(5.
« Rejetée par toi, souverain des hommes, je m'en irai
où il me plaira. Puissent là mes pas être aussi heureux
que la vérité est immortelle. » 5,997.
» Çâlvapati abandonna la vierge, qui parlait ainsi, fils
de Kourou, exhalant ses plaintes d’une manière lamen-
table. 5,5)98.
s Va-t-en ! va-t-en ! » lui dit- il à plusieurs fois; je
crains Bhtshma, dame charmante, et tu es l'épouse de
Bhishma! » 5,999.
» A ces mots de Çàlva à la courte vue, elle sortit, cons-
ternée, et gémissant, comme une pigargue. 0,000.
» En sortant de la ville, elle roulait, affligée, ces pen-
sées dans elle-même : « 11 n’est pas sur la terre une jeune
fille malheureuse comme je le suis. 6,001.
» Abandonnée par mes parents, rejetée par Çàlva, il
est impossible que je retourne dans la ville, qui tire son
nom de ses éléphants. 0,002.
» Congédiée par Bhishma sur le motif allégué de
Çàlva, ai-je à blâmer, ou moi-mème, ou l’inaffron table
Bhtshma, 0,003.
u Ou mon père insensé, qui célébra mon swayam-
vara? Suis-je moi-même coupable de cette faute, parce
que je ne suis pas venue ici d’abord, à la descente du char
de Bhishma, donnant lieu à une guerre effroyable au sujet
de Çàlva? Le fruit de son œuvre eut cette tin, comme
LE MAHA-BHARATA.
kik
celle d’un insensé, c'est que je suis tombée dans l’infor-
tune! 6,00â — 6,005.
» Honte à Bhishma! Honte à mon lâche père à l’âme
stupide, par qui je fus proposée, comme une courtisane,
pour être le prix du courage ! 6,006.
» Honte à moi! Honte au roi Çàlva ! Honte à Brahma
lui-même ! Honte à ceux, par la nature malapprise des-
quels je suis tombée dans cette profonde infortune! 6,007.
» L’homme obtient de toutes les manières ses des-
tinées; mais Bhishma, le fils de Çântanou, est le principe
de mon infortune! 6,008.
» Je vois maintenant de quelle façon il faut me venger
de Bhishma : c'ett, ou par la pénitence, ou par la guerre.
J’estiuie que la cause de mon affliction est en lui. 6,009.
» Quel souverain de la terre pourra vaincre Bhishma
dans un combat? » En roulant ces pensées dans elle-
même, la vierge sortit de la ville. 6,010.
n Elle se rendit à l'hêrmitage des magnanimes ascètes,
adonnés â la vertu. Elle y demeura une nuit, environnée
des pénitents. 6,011.
» La jeune fille au candide sourire de raconter cireons-
tanciellement, Bharatide aux longs bras, avec étendue,
dans la plénitude, toute son histoire : son enlèvement, sa
délivrance, le refus de (lâlva. 11 y avait lâ un brahme
d’un rang élevé, aux vœux parfaits. 6,012 — 6,013.
» (le solitaire aux grandes mortifications, nommé Çai-
khâvatva, maître dans les Traités des forêts, dit à l’ado-
lescente affligée, gémissante, toute livrée â sa douleur et
au chagrin : « Les choses étant ainsi, noble et vertueuse
dame, que peuvent y faire de magnanimes pénitents,
confines dans leurs hermitages, où ils se livrent aux raacé-
OCDYOGA-PARVA. 455
rations? » Elle de lui répondre, sire : « Étends sur moi
ta bienveillance. 6,014 — 6,015 — 6,016.
» Mon désir est de mener la vie d'une religieuse
errante pour mendier sa vie; je subirai une cruelle péni-
tence. Insensée, j'ai commis sans doute des actions cou-
pables dans un corps précédent, et ceci en est le fruit
certain. 11 m’est impassible, dignes ascètes, de retourner
chez mes parents, ainsi rejetée, sans joie, méprisée même
par Çàlva. Je désire, hommes ^qui avez couvert en vous
les vices par la masse des vertus , que la vie ascétique me
soit enseignée ici 6,017 — 6,018 — 6,019.
» Par vous, qui êtes semblables à des Dieux : envi-
ronnez-moi de votre compassion. » Le brahme de ras-
surer la vierge par des raisons tirées des livres saints et
des Traités, de la flatter et de lui promettre, avec les deux
fois nés, l’accomplissement de son désir. 6,020 — 6,021.
» Alors, tous les ascètes de s’engager dans cette affaire;
et ces pieux anachorètes, pensant à la jeune fille, de se
demander : « Que devons-nous faire? » 6,022.
» Les uns dirent : « Il faut la ramener dans le palais
de son père! » Les autres mirent leur idée sur les re-
proches, que nous pouvions leur adresser. 6,023.
» Ceux-ci pensèrent : « 11 faut nous rendre vers Çàl-
vapati et le pousser <> ce mariage! » — « Non ! opinèrent
ceux-là ; car il l’a rejetée ! » 6,024.
» Tous les ascètes aux vœux parfaits lui répondirent :
« La chose étant ainsi, noble dame, que peuvent y faire
les doctes brahmes? 6,025.
» Il suffit que tu sois venue ici; écoute, illustre vierge,
notre parole utile. Retourne d'ici au palais de ton père,
et que la félicité te conduise ! 6,026.
A 56
LE MAHA-BHARATA.
» Le roi est ton père, il te recevra : aussitôt après, tu
habiteras là tranquille, heureuse et douée de toutes les
vertus. 6,027.
» Une femme n'a pas d’autre chemin à suivre, noble
dame, que celui de son père : la route de la femme, émi-
nente dame, est celle de son père ou de son époux.
» Un mari, c’est la voie de la femme tombée dans l’in-
fortune; ou son père est cette voie! La vie errante du
religieux mendiant est bien pénible, surtout pour une très-
délicate jeune fille. 6,028 — 6,029.
» De nombreux inconvénients, qui n’existent pas dans
le palais de ton père, brillante et noble dame, accompa-
gneraient ton séjour dans un herraitage, fille de roi, que
tu es, et que la nature a faite si délicate ! b Les autres
pénitents tinrent de semblables discours à la dévote jeune
fille. 6,030—6,031.
» Les rois, qui la voyaient solitaire dans cette forêt
épaisse et sans hôte, la prenaient comme l’objet de leurs
désirs, et lui disaient : « Ne tourne pas ainsi ton es-
prit. b 6,032.
« Il m'est impossible, répondait-elle, de revenir dans
la ville de Kâçi aux palais de mon père : j’v serais mé-
prisée de mes parents : il n’y a là aucun doute. 6,033.
b J’ai habité dans mon enfance, ascètes, le palais de
mon père. Je n'irai pas, s’il vous plaît, là où est mon
père. 6, OSA.
b Défendue par les anachorètes, je désire cultiver lapé-
nilence, afin que, de cette manière, un grand châtiment
ne me soit pas réservé dans l’autre monde. L’infortune
est dans celui-ci mon partage, ô les plus vertueux des so-
litaires : je pratiquerai donc la pénitence, b 6,035 — 6036.
OUDYOGA-PARVA.
457
» Elle dit; et, tandis que ces brahmes roulaient ainsi
des pensées convenables, le saint roi Hotravâhana vint
dans ce bois, conduit par sa dévotion. 6,037.
i Tous les ascètes d'honorcr ce prince de leurs hom-
mages, en lui souhaitant : « La bien venue ! » en lui of-
frant un siège, de l’eau et les autres politesses. 6,038.
» Pendant qu’il était .assis et qu'il se délassait, en prê-
tant l’oreille à leurs discours, les habitants du bois se li-
vrèrent de nouveau à des récits sur la jeune fille. 6,039.
» Quand il eut, Bharatide, entendu ces nouvelles sur
Ambâ et sur le roi de Kâçi, le saint roi à la grande éner-
gie demeura l’ànie troublée. 6,040.
» Dès qu’il eut ouï parler et qu’il eut vu sa personne,
le magnanime Hotravâhana aux vastes pénitences fut
saisi decompassion. 6,041.
» Alors, ce roi saint, l’aïeul maternel de la jeune vierge,
se lève en tremblant ; il fait monter, sire, l’adolescente
dans son sein et rassure son âme. 6,042.
» 11 interrogea totalement la jeune fille sur l’origine de
ses malheurs dès le principe ; et Cinnorente de 'ui racon-
ter son histoire avec étendue. 6,043.
» Le saint roi fut pénétré de douleur et de chagrin ;
l'affaire toucha l’àme de cet homme aux bien grandes
pénitences. 6,044.
» Il dit, en tremblant, à la jeune fille malheureuse et
profondément affligée : n Ne vas pas dans le palais de ton
père, noble dame ; car je suis le père de ta mère, 6,045.
» Laisse-moi retrancher en toi ce membre, qui souffre,
ma fille ; habite chez moi. Ton âme est digne de ton rang ,
puisque tu sèches de cette douleur. 6,046.
» Va trouver de ma part l’ascète ltâma, fils de Djama-
468
LE MAHA-BHARATA.
dagni ; il t’enlèvera ce chagrin et cette douleur infinie.
» Je tuerai Bhlshma en bataille, s'il n'accomplit point
ma parole. Va donc vers le plus vertueux des enfants de
Bhrigou, lpi, de qui la splendeur est égale à celle du feu
de la mort elle-même. 6,047—6,048.
» Cet ascète aux grandes pénitences te fera entrer dans
une roule unie! » Elle, d'une voix charmante et versant
un torrent de larmes, 6,049.
» Elle honora ses pieds en les touchant de la tête et dit
au père de sa mère : « J’irai d'après ton ordre. 6,050.
» Puissé-je donc aujourd’hui voir ce vénérable, en re-
nommée dans le monde I Comment un descendant de
Bhrigou n'étoufïerait-il pas ma douleur amère ? 6,051.
» Je désire connaître ce personnage : ainsi j'irai chez
lui. » 6,052.
» Hotravàhana lui répondit :
« Tu verras (que la félicité te conduise !) le fils de Dja-
madagni, Raina à la grande puissance, fidèle à la vérité,
dans la grande forêt, où il se tient, livré à une terrible
pénitence. 6,053.
» Ce rishi, versé dans les Védas, est assis continuelle-
ment sur le Mahéndra, la plus haute des montagnes,
habitation de l’Apsara et du Gandharva. 6,054.
n Bcnds-toi dans ces lieux, s’il te platt ; et, quand tu
auras honoré, par le prosternement de tou front, cet ana-
chorète aux voeux solides, grandi par la pénitence, répète-
lui ce que je t’ai dit. 6,055.
» Dis-lui à plusieurs fois, noble dame, la chose, objet de
tes pensées. Rima ne manquera point de la faire entière-
ment, dès qu’il t'aura, entendu prononcer mon éloge. 6,056.
« Rima est mon ami, il est plein d’affection pour mai;
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OU DY OG A-PARV A.
45»
son cœur, ma fille, est pour moi rempli de bienveillance.
Ce héros, fils de Djamadagni, est le plus excellent de tous
ceux, qui portent les armes. » (>,057.
« Tandis que le prince Hotravàhana parlait ainsi à la
jeune fille, Akritavrana, le disciple, chéri de Rima, se
manifesta aux yeux. 0,058.
» A sa vue, tous les anachorètes de se lever par mil-
liers et, avec eux, Hotravàhana de la famille des Srin-
djayas, chargé d’années. 6,059.
» A peine eurent-ils vu que chacun d’eux avait rem-
pli à son égard les devoirs de l'hospitalité, les habitants
des bois, ô le plus vertueux des Bharatides, l'environ-
nèrent de compagnie et s'assirent. 0,000.
» Ils se mirent ensuite à raconter des narrations déli-
cieuses, fortunées, célestes, Indra des rois, où le plaisir
et la joie se mêlaient à l'affection. 0,061.
» A la fin de ces récits, le saint roi, le magnanime Ho-
travàhana, interrogea Akritavrana sur le plus grand des
saints, Ràma le Ojamadagnide : 6,062.
« Où est maintenant, Akritavrana, l’auguste fils de
Djamadagni aux longs bras ? Est-il possible de le voir, Ô
le plus grand des hommes versés dans les Védas? »
« Ràma, sire, parle continuellement de ta majesté,
répondit Akritavrana : « Le Srindjava, ce saint roi, est
mon cher ami 1 » répète-t-il sans cesse, prince.
6,065—6,064.
« 11 sera ici demain au point du jour : c’est mon opi-
nion ; tu le verras venir, conduit par- le désir de te voir.
» Pourquoi cette jeune vierge, ràdjarshi, est-elle ve-
nue au bois? A qui est celte jeune fille? Est-elle à toi ?
Qui est-elle ? je désire le savoir. » 6,065 — 6,066.
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460
LE MAHA-BHARATA.
« C'est ma petite fille, seigneur, reprit Botravâhana, la
fille chérie du roi de Kâçi. L’ aînée de ses sœurs, elle fut
avecelles, mortel sans péché, offerte dans un swayamvara.
» Cette fille aînée du roi de Kâçi est nommée
Ambâ, homme riche en pénitences; Ambikâ et Amba-
likà sont les noms de ses deux cadettes. 6,007 — 0,068.
» line réunion de princes kshatryas eut lieu dans la
ville, et une grande fête de saints brahuies fut célébrée à
l’occasion des jeunes filles. 6,069.
» Le fils de Çântanou, Bhishma à la grande force, à la
grande énergie, méprisa les princes et ravit ces char-
mantes vierges. 6,070.
» Quand il eut vaincu les rois de la terre, fils de Bha-
rata (1), Bhishma à l'àme pure s'en alla avec sa conquête
k la ville, qui prend son nom des éléphants. 6,071.
» L'auguste fit connaître son exploit à Satyavatt et,
sans délai, il ordonnale mariage de son frère Vitchitra-
vîrya. 6,072.
» Aussitôt qne cette vierge, ô le plus vertueux des
brahmes, eut vu les apprêts du mariage dû aux fatigues
fin vaillant prince, elle dit ces mots au fils de la Gangâ,
environné de ses ministres : 6,073.
« J'ai choisi dans ma pensée Çàlvapati pour inon époux ;
tu ne peux, vertueux héros, donner à ton frère une
femme, de qui le cœur est à un autre. » 6,074.
» A ces mots, Bhishma en délibéra avec ses conseillers
et, fidèle au sentiment de Satvavatl, il arrêta une résolu-
tion et la congédia. 6,075.
» Renvoyée par Bhishma, la jeune fille joyeuse dit en
(1) Il oublie qu'il adrcaee la parole au brahrac Akritavraoa.
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OUDYOGA-PARVA.
461
ce temps les paroles suivantes à Çàlva, le souverain de
Saâubhà : 6,076.
« Bhishma m'a congédiée . Observe le devoir à mon
égard ; car c'est toi, excellent prince, que j'ai choisi jadis
pour mon époux dans ma pensée. » 6,077.
n Çàlva la répudia, craignant de se faire un ennemi ;
et cette jeune fille alors se retira dans le bois des péni-
tences, où elle se plait beaucoup dans la vie ascétique.
» Elle fut reconnue par moi dans le récit, quelle fit de
sa famille ; et, remontant à l'origine de sa douleur, elle
pense toujours ici môme à Bhishma. » 6,078 — 6,079.
« Vénérable, reprit Ambà, il eu est ainsi que te l’a dit
ce monarque ici même. Hotravâhama le Srindjaya est le
père de ma mère. 6,080.
» 11 m’est impossible de retourner dans ma ville, grand
anachorète, opulent de pénitences, et par pudeur et dans
la crainte du mépris. 6,081.
» Mais ce que le vénérable Kàma voudra bien me dire,
6 le plus vertueux des brahmes, c’est la principale chose,
que j’aie à faire : voilà, révérend, quelle est mon opi-
nion. n -6,082.
» 11 y a ici deux souffrances, noble dame, répondit
Akritavrana. De laquelle désires-tu faire une vengeance?
Dis-moi cela, femme chérie. 6,083.
» Est-ce du souverain de Saàubhà?ll faut réprimer ton
sentiment, noble dame. Le magnanime Ràma te l’ordon-
nera dans le désir de ton bien. 6,084.
n Désires-tu que le sage Ràma châtie Bhishma , le fils
du fleuve? Le rejeton de Bhrigou alors te le fera voir
lui-mème vaincu dan, un combat, 6,085.
» Aussitôt qu'il aura entendu les paroles du Srindjaya
LE HAHA-BHARATÀ.
4*2
« les tiennes, femme au candide sourire. Que ce que tu
dois faire soit donc ici profondément réfléchi ! » 0,086.
« Je fus emmenée par Bhlshma sans discernement, re-
prit Arnbâ ; Bhishma, révérend brahrne, ne savait pas que
mon cœur s’était donné à Çàlva. 0,087.
» Que ta sainteté, ayant roulé cela dans sa pensée,
cherche, suivant la droite raison, un moyen de résoudre
cette difficulté, et inets-le en exécution. 6,088.
u Frappe, soit Bhlshma, le tigre des enfants de Kou-
rou, soit, au contraire, le roi Çàlva, ou même tous les
deux ; fais, brahme, ce qui est convenable. 6,089.
» Je sais quelle est dans la vérité la racine de ma dou-
leur : veuille bien faire ici de la déduction des principes,
révérend, la règle de ta conduite. » 6 090.
« Elle sied, noble dame, repartit Akritavrana, cette
parole, que tu as dite ici d'une manière si conforme au
devoir ! Écoute aussi, illustre femme, cette parole de moi.
» Si le fils du fleuve ne t’eût pas emmenée à la ville,
qui prend son nom des éléphants, Çàlva, excité par le
Djamadagnide, t’aurait, vierge timide, reçue, inclinant sa
tète. 6,091 -6,092.
» Mais, parce qu’il t’a conquise et emmenée, c’est de là
sans doute, noble dame à la taille élégante, qu’est venu
ce soupçon, que le roi Çàlva a mis sur toi ? 6,093.
» Blitshma est orgueilleux comme un homme et la
vierge de Kâçi fut sa conquête ; c’est donc sur Bhlshma,
qu’il te convient de faire tomber ta vengeance. » 6,09â.
« Ce désir, brahme, répondit-elle, s’agite continuelle-
ment dans mon cœur : « Si je pouvais faire tuer Bhishma
dans un combat ! » me dis-je incessamment. 6,095.
» Ou Bhlshma, ou le roi Çàlva, ou celui, de qui tu
OUDYOGA-PAMA.
sas
pense» que c'e*t la fante ! Fais-moi donc connaître,
anachorète à la grande puissance, quel homme m'a rendue
Si malheureuse ! » 6,096.
» Tandis qu'ils s'entretenaient ainsi, le jour s'écoula, ô
le plus grand des Bharalides ; et la nuit arriva, avec ses
vents délicieusement attiédis. 6,097.
» Râma de se manifester alors, sire, flamboyant, pour
ainsi dire, de splendeur, anachorète portant l'habit d'é-
corce et le djatâ, environné de ses disciples. 6,098.
» L'âme fière, tenant un arc dans sa main, ceint d’un
cimeterre, armé d’une hache, non souillé de la poussière,
il s'avança, tigre des rois, vers le roi Srindjayain. 6,099.
» A sa vue, les ascètes, et le monarque aux grandes
pénitences, et la dévote jeune fille se tinrent devant lui,
sire, les mains jointes élevées au front (1). 6,100.
» Eux, sans trouble, d'honorer le rejeton de Bhrigou,
en lui offrant un bassin de caillebotte, de beurre clarifié
et de miel ; puis l’anachorète, accueilli suivant l’étiquette,
de s'asseoir environné par eux. 7,00-1.
» Ensuite le Djamatlagnide et le Srindjaya demeurèrent
assis, racontant l'un et l’antre, lils de Bharata, les his-
toires des âges passés. 7,002.
u A la fin de ces récits, le saint roi tint â propos au
puissant Ràma, le plus vertueux des fils de Bhrigou, ce
langage doux et sensé : 7,003.
« Auguste Râma, cette vierge, de qui je suis l'aïeul,
est la fille du souverain de Kâçi; écoute son histoire sui-
(t) Ici, reparaît ce que nous avons déjà vu dans le deuxième voluthe de
celte traduction ; te texte de Calcutta franchit d’un saut neuf cents chiffres
et numérote ce çlnka 7, OOP. Est-ce par inadvertance 7 Est-ce de dessein
préconçu. Mais rku ici n autorise cette coujecture.
464
LE MAHA-BHARATA.
vant la vérité, 6 toi, qui es habile dans les choses à
faire. » 7,004.
u Parle d'abord! » lit llâuia à la jeune fille. Elle
s'approcha de l’anachorète, qui ressemblait au feu en-
flammé. 7,005.
» Elle honora les deux pieds du saint par le proslerne-
tnent de sa tête, les toucha de ses mains, pareilles aux
pétales du lotus, et resta debout devant lui. 7,000.
» Elle pleura, accablée de tristesse, les yeux noyés de
larmes , implorant le secours du secourable fils de
Bhrigou. 7,007.
« Tu es pour moi, fille de roi, lui dit Raina, ce que
tu es pour le Srindjaya lui-même. Parle ! je ferai ta pa-
role, affligeante pour l’âme. » 7,008.
« Révérend, je m’incline maintenant sous la protection
de ton grand vœu, répondit Ambâ. Plongée dans une mer
à la vase de chagrins , retire-moi, seigneur, de ce nau-
frage épouvantable ! » 7,009.
» A l’aspect de sa beauté, de sa personne encore ado-
lescente, et de sa délicatesse supérieure, le pénitent s’ab-
sorba dans ses pensées. 7,010.
« Que va-t-elle me dire ? » songeait le rejeton de
Bhrigou. 11 rêva ainsi long-temps, enseveli dans la com-
passion. 7,011.
« llaconte ! » fit de nouveau Râma à la vierge au can-
dide sourire; et celle-ci narra tout au Bbrigouide, suivant
la vérité. 7,012.
» Quand le Djamadagnide eut entendu «e récit de la
jeune princesse, il arrêta une résolution pltroe de sens,
et dit à la vierge d’une taille charmante : 7,013.
« J’enverrai un message â Bhishma, le plus vertueux
OPDYOG A-PARV A.
465
des Rourouides. A peine entendue, noble dame, ce prince
exécutera ma parole. 7,014.
» S'il n’accomplit pas ce que je lui ferai dire, illustre
femme, je le consumerai dans un combat, lui et ses
conseillers, par la splendeur de mes flèches. 7,015.
» Cependant, abstiens-toi de manifester ici ton opinion
jusqu’au moment où j’aurai mis cette affaire sur les
épaules du héros ÇAlvapati.» 7,016.
« Je fus congédiée par Bhlshma, répondit Ambà, dès
qu'il m’eut entendu lui dire que les sentiments de mon
cœur s’étaient fixés déjà sur le roi Ç&lva. 7,017.
» J’allai trouver ce monarque de Saàubha, et je lui dis
cette parole, qui fut désagréable; il refusa de me recevoir
parce que ma conduite lui inspirait des soupçons. 7,018.
» Ayant retourné tout cela dans ta pensée, rejeton de
Bhrigou, veuille bien faire la chose, qui se présente ici
accompagnée d'un moyen. 7,019.
» Bhlshma au grand cœur est cause de l'infortune, où
je fus précipitée, lui, qui m’entraîna de force, et les
cheveux épars, sous sa volonté. 7,020.
» Tue, brahme aux longs bras, tue Bhlshma, l’auteur
d’une telle infortune; lui, par qui précipitée, tigre des
Bhrigouides, j’erre au milieu de ces profondes peines.
» Il te sied donc, Bhrigouide sans péché, de tirer une
vengeance de cet homme cupide, vil, et qui a vaincu le
souverain de Kàçi. 7,021 — 7,022. •
» Déshonorée, excellence, par le fils de Bharata, je
mis alors cette pensée dans mon cœur : « Puissé-je im-
moler ce Mahàvrata (1) ! » 7,023.
(1) Un surnom, donné à Bblshma, tiré de son vœu de continence.
vi 30
4 m
LE MAHA-BHARATA.
» Accompli» donc maintenant mon désir , irrépro-
chable Rânia : tue Bhlshma, puissant anachorète, comme
Pourandara jadis abattit Vritra! » 7,024.
u A cette parole : « Tue Bhlshma ! » l’auguste soli-
taire dit à la vierge éplorée, en relevant mainte et mainte
fois son courage : 7,025.
« Je ne prendrai pas volontiers une arme, fille deKfiçi,
à cause des sages, qui connaissent les Védas. Quelle autre
chose dois-je exécuter pour toi, femme distinguée?
» Bhlshma et Çàlva seront dociles à mon désir, prin-
cesse aux membres sans défaut : je ferai ce que je te pro-
mets. Ne te désole pas ! 7,026 — 7,027.
» Mais, d'aucune manière, je ne prendrai une arme,
noble dame-, sans un ordre des brahmes : c'est la loi, qui
m'a-été imposée. » 7,028.
« Pour que j'éloigne de mon cœur, grâce à ta sainteté,
reprit-elle, cette douleur, qu’y fit naître Bhlshma, tue-le,
seigneur, sans plus tarder ! « 7,020.
« Fille du roi de Kàçi, parle encore 1 dit l’anachorète,
Bhlshma est digne d'éloges; il embrassera, à ma voix, tes
deux pieds, en prosternant sa tête. » 7,030.
« Tue Bhlshma dans une bataille, répéta-t-elle, en
dépit de ses menaces, comme un Asoura! Défie-le au
combat, Djamadagnide, si tu veux faire une chose, qui me
soit agréable. 7,031.
» Daigne accomplir cette vérité, que tu m’as pro-
mise! » 7,032.
» Tandis qu’Ambâ et Rima conversaient ainsi, le saint
roi & l’âme remplie de la plus haute vertu articula ces
paroles : 7,033.
« Tu ne dois pas abandonner, puissant anachorète.
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OÜDYOGA-PAHV A.
aov
une vierge, qui implore ton secoure. Si, défié au combat
par toi, sur le champ de bataille, Bhishma, 7,034.
» Ou s’écrie : « Je suis vaincu! » on exécute ta pa-
role, l’affaire de cette jeune fille, rejeton de Bhrigou, sera
entièrement accomplie. 7.035.
» Ta parole, héroïque ascète, recevra alors sa vérité ;
elle aura également sa vérité cette promesse, que tu juras
d’observer, grand anachorète, auguste Râma, au milieu
des brahmes, après ta victoire sur tous les kshntryas :
« Si tin brahme, un kshatrya, un valçya ou un çoùdra se
montre, sur le champ de bataille, ennemi des brahmes,
je le tuerai : — c’est ainsi que tu parlas, fils de Bhrigou.
— Je ne puis jamais consentir, tant que j’aurai la vie, à
l’abandon de gens, que le besoin de secours amène vers
moi, qui sont effrayés et qui implorent mon appui ! Je
Uiêrai le guerrier à Tante enflammée de colère, qui triom-
phera de l’ordre entier des kshatryas, rassemblé sur un
champ de bataille! » Ce fut là ton langage, fils de
Bhrigou. C'est ainsi qu’il remporte, ce Bhishma , le
propagateur de la race des kourouides, la victoire dans
une plaine de carnage. Affronie-le dope en bataille,
Ràrna, la joie de Bhrigou, et livre-lui combft. » (De la
stance 7,03(5 <1 la stance 7,041.)
« Je me souviens d'une ancienne promesse, que j’ai
faite jadis, lui répondit Ràma, et j’exécuterai de la même
manière quelle est vue, grand brahme, avec bienveil-
lance, cette chose, que la fille du roi de Kâçi a fortement
à cœur. J'irai moi-même eu ces lieux, où il enleva cette
vierge. 7,042—7,043.
» Si Bhishma, qui se glorifie de ses batailles, refuse
d’accomplir ma parole, je le tuerai, malgré sa préémi-
nence : c’est mon sentiment bien arrêté. 7,044.
468
LE MAHA-BHAKATA.
>> Décochées de ma main, les flèches ne restent pas
dans les corps des mortels ; tu l’as appris dans mon pré-
cédent combat avec les kshatryas! » 7,045.
» A peine eut-il articulé ces mots, le solitaire aux
vastes pénitences, lïâma, suivi des brahmes, explicateurs
des Védas, se lève, parce qu'il a mis son esprit dans la
résolution dn voyage. 7,046.
» Ensuite les pénitents, ayant demeuré là une nuit, se
mirent en route, avec le désir de me donner la mort, après
qu’ils eurent sacrifié au feu et murmuré la prière. 7,047.
» Kàma de s’avancer, puissant fils de Bharata, dans le
Kouroukshétra, accompagné des brahmes et de la jeune
vierge. 7,048.
» Les magnanimes anachorètes, conduisant avec eux
l’illustre femme, campèrent dans ce lieu, où le premier
rang fut donné au plus vertueux des Bhrigouides. 7,049.
» Dans le troisième jour, le grand pénitent, de ce pays,
où il était, me fit parvenir cet avis : « Fais une chose, qui
m'est agréable, sire, me voici arrivé ! » 7,050.
» Dès que j’eus reçu la nouvelle que cette auguste per-
sonne à la vaste puissance, était venue aux confins de mes
états, j’accqurus vite, conduit par l'affection, vers ce tré-
sor de splendeurs. 7,051.
» Environné de brahmes, de ritouidjs, semblables aux
Dieux, etd’archi-brahmes, dès qu’il me vit arrivé, la terre
mise au premier rang de mes offrandes, l’éminent Djama-
dagnide reçut mon hommage, et m’adressa ces paroles :
o Bhtshma, quelle pensée avais-tu, lorsque tu enlevas
de force (1) la fille du souverain de Kâçi et que tu l’as
renvoyée ensuite î 7,052 — 7,053 — 7,064.
(l) Aludmaina, à l'instrumental, pria adverbialement, vi, invita, et non
comme un attributif, s'accordant avec twoyd.
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OC DYOG A-PARV A .
m
» Cette illustre femme, tu l’as renversée du devoir : qui
peut vouloir ici que cette jeune filles’en aille, déshonorée
par toi ? 7,055.
« Tu m’as enlevée, dit-elle, et Çàlva m'a répudiée ! »
Reçois-la donc, fdsde Bharata, sur mon ordre. 7,056.
» Que cette princesse, 6 le plus éminent des hommes,
obtienne de rentrer par toi dans son devoir. Il ne sied
pas, altesse sans péché, que lu fasses d'elle ce mé-
pris. » 7,057.
» Ayant vu l’anachorète dans la perplexité, je lui dis
alors : o Jamais, brahme, je ne rendrai cette jeune fille it
mon frère. 7,058.
« J’appartiens à Çâlva! » m’a-t-elle dit jadis. Sur cela,
je la congédiai, et elle s’en alla vers la ville. 7,059.
» Jamais on ne me verra déserter le devoir du kshatrya
ni par crainte, ni par amour, ni par commisération, ni
p ir le désir des richesses: tcl3 sont les termes du vœu,
qui me fut imposé. » 7,060.
» A ces mots, Ràma, les yeux tout remplis de colère,
me répondit: « Si tu n'exécutes point ma parole, ô le
plus éminent des hommes, .7,061.
.» Je t'immolerai soudain, toi et tes ministres! » Râma,
les regards enflammés de fureur, me répéta mainte et
mainte fois ce langage avec colère. 7,062.
» Je réitérai les paroles aimées, dompteur des ennemis,
pour supplier le plus excellent des Bhrigouides; mais il
ne se calma point. 7,063.
» J’inclinai à deux lois ma tète devant le plus saint des
brahmes : » Quel motif, lui dis-je, te poussc’à désirer un
combat avec moi ? 7,06.1.
» C’est ta sainteté, qui m’a enseigné, dans mon en-
LE MAHA-BHARATA.
A70
fance, les quatre sections de l’arc et de la flèche : je suis
ton disciple, vigoureux fils-de Bhrigou. » 7,065.
» Alors, il me dit, les yeux rouges de colère : « Tu
sais que je suis ton instituteur, Bhlshma, et tu refuses de
recevoir cette vierge, 7,066.
» La fille du roi de Kàçi, Rourouido à lahaute sagesse,
pour faire une chose, qui m'est agréable. 11 n'y a pas de
paix autrement pour moi, fils de Kourou. 7,067.
» Accepte- la, guerrier aux longs bras, et sauve ta
race; car cette jeune fille, renversée par toi, ne trouve pas
d’époux. » 7,068.
» Je répondis au brahme, le vainqueur des cités enne-
mies, qui parlait de cette manière : « Cela ne sera point
ainsi! Pourquoi te fatiguer, saint brahme? 7,069.
.> Témoin de ton antique honorabilité, je te supplie,
bienheureux Djauiadagnide : elle fut naguère abandonnée
par moi. 7,070.
n En effet, qui placerait jamais dans sa maison, comme
un serpent, une femme, de qui le cœur s’est donné â un
autre, sachant que les fautes des femmes entraînent d’im-
menses infortunes? 7,071.
» La crainte d’Indra lui-mème ne me ferait pas renoncer
au devoir, anachorète au grand vœu. Ou pardonne-moi,
ou, sans balancer, accomplis ton affaire. 7,072.
» lin Pourâna, excellence à la vaste pensée, nous
apprend qu’un tel homme est une âme pure.’ Voici un
çloka, qui fut chanté par le magnanime Maroutc : 7,075.
« Il nous est ordonné d'abandonner un gourou, qui
est hautain', qui ne sait pas ce qui est à faire ou non, qui
est engagé dans une mauvaise route. » 7,07â.
» Tu es mon gourou, dis-tu? Aussi, t’ai-je traité révé-
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OUDYOGA-PARVA.
â 71
rencieusement, avec le plus grand amour; mais tu ignores
quelle doit être la conduite d’un gourou : je combattrai
donc avec toi. 7,075.
» Je ne tuerai jamais un gourou dans le combat,
surtout s’il est bralmie, surtout s’il a vieilli, comme toi,
dans la pénitence. Je dois te supporter. 7,076.
» Quiconque nierait dans le combat, comme le parent
du kshatrya, un brahme irrité, qu'il voit, la flèche levée
dans la bataille, combattre à corps perdu, cette action ne
lui serait pas imputée à brahmanicide. Tel est le juge-
ment porté sur les vertus. Je suis un kshatrya placé
dans le devoir du kshatrya, homme riche en pénitences.
7,077—7,078.
» Quiconque produit en son prochain ton testes vertus ,
qui sont dans sa vie, ne tombe pas dans les abîmes du
vice et n'est jamais précipité dans l’infortune. 7,079.
» L’homme, qui, connaissant le temps et le lieu d’une
affaire, est également capable de l’atile et du juste, s'il
tombe dans l’incertitude de l’utile, ne peut tomber dans
le doute de la vertu. 7,080.
» Parce que tu es dans le doute de ce qui est utile,
suivant la droite raison, je combattrai avec toi, Ràma,
dans une grande bataille. 7,081.
» Vois la force de mon bras et ma vigueur plus qtl’bu-
mainc! Puisque les choses sont ainsi, vois, rejeton de
Rhrigou, tout ce qui m’est possible. 7,082.
» J’accomplirai cet exploit dans le Kouroukshétra! J'v
combattrai en duel avec toi, brahme, s’il té plaît : tiens-
toi prêt, anachorète à la grande lumière. 7,083.
v Quand je t’aurai couché mort, accablé sous des cen-
taines de flèches, tu obtiendras dans ce terrible combat,
472
LE MAHA-BHARATA.
Ràma, purifié par les armes, ces mondes, qui sont la
conquête de la victoire. 7,084.
« Va ! rends-toi dans le Kouroukshétra, ce champ
aimé des batailles 1 J’irai là, vigoureux solitaire, opulent
de pénitences, chercher un combat avec toi. 7,085.
» Une fois tombé sous mes coups, je ferai ma purifi-
cation, fils de Bhrigou, dans ce lieu même, où jadis tu fis
la tienne, après la mort de ton père. 7,080.
» Hàte-toi de t’y rendre, homme enivré de la fureur
des combats : je t’enlèverai ton antique orgueil, brahme,
à qui ne siéent pas les devoirs de ta caste. 7,087.
» Moi seul, dans le seul cours d’une année, puisque tu
te glorifies tant de ta victoire sur les kshatryas, je les ai
vaincus dans le monde : sache-le, llâma ! 7,088.
» Bhishma n’était pas né, quand tu les vainquis, ou bien
il n’existait pas un kshatrya, qui fût mon égal. Depuis,
naquirent tes splendeurs, et tu brillas parmi ces roseaux I
» Enfin me voici né, moi, Bhishma aux longs bras,
le conquérant des cités ennemies, pour mettre à néant
ton désir et ton orgueil, tissu de combats 1 7,089 — 7,090.
» Je vais détruire ta fierté dans cette bataille, Ràma 1
11 n'y a pas de doute ! •< 7,091.
» Alors, il me répondit en riant, fils de Bharata :
« Quel bonheur, Bhishma, que tu désires engager un
combat avec moi ! 7,092.
» Me voici prêt à me rendre avec toi au Kouroukshé-
tra! J’exécuterai ta parole, enfant de Kourou. Viens-y,
fléau des ennemis. 7,093.
» Que là, en te voyant tombé sous mes coups, percé de
cent flèches, la Gangà te pleure, sous les yeux des vau-
tours , des ardées , des bêtes carnassières ; que cette
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0UDY0GA-PA11VA.
478
Déesse, de qui j’adore les pieds éternels, déplore lamen-
tablement ta fin, prince, que je vais aujourd'hui immoler
sous mon bras ! 7,094 — 7,095.
» Cette vertueuse rivière, indigne d’une telle infortune,
cette fille de Bhaglratha, qui te donna le jour, à loi, in-
sensé, malade, affecté de la manie des combats!
» Viens! arrive, Bhlshma, homme ivre d’un fol or-
gueil, qui veux combattre avec moi ! Prends, fils de Kou-
rou, éminent Bharatide, ton char et les autres armes ! »
7,096—7,097.
» A ces mots de Râma, le conquérant des cités enne-
mies, je répondis, inclinant ma tôle à ses pieds : « Qu’il
en soit ainsi ! » 7,098.
» Après que j’eus parlé de cette manière au Djamada-
gnide, il se rendit au Konroukshélra, conduit par le désir
de combattre ; et moi, rentré dans cette ville, je fis part
'de cet événement à Satyavati. 7,099.
» Les choses pour attirer les faveurs de la fortune
achevées, prince à la grande splendeur, salué par ma
mère , ayant fait prononcer aux brahmes les saintes
prières et le sivasti, je montai sur mon char éclatant, fait
d’argent, attelé de chevaux blancs, orné de maint objet
d’art, flanqué de belles roues, environné d’une peau de
tigre, 7,100 — 7,101.
u Muni de grandes flèches, pourvu de tous les instru-
ments de guerre et gouverné dans les combats par un co-
cher vaillant, de noble famille, versé dans les Traités hip-
piques, obéissant, et qui avait souventes fois montré ce
qu’il savait faire, moi revêtu d’une cuirasse blanche, un
arc à la main. 7,102—7,108.
» Je m’avançai, ô le plus grand des Bharatides, louant
474
LE M4HA-BHARATA.
un arc blanc, abrité sous une blanche ombrelle, soutenue
sur ma tâte; 7,10 b.
» Éventé par un chasse-mouche blanc, sire, et portant
une robe blanche, un turban blanc et toutes mes parures
blanches. 7,105.
» Exalté par des bénédictions de victoire, je sortis de
la ville, qui prend son nom des éléphants, et je fis route
vers le Kouroukshétra, où se trouvait le champ du com-
bat. 7,106.
» Mes chevaux, excités par lç cocher, m’emportaient
rapidement, sire, à cette grande bataille, avec une vitesse
égale à celle du vent ou de la pensée. 7,107.
» L’auguste Râmaetmoi, promptement arrivés dans
le Kouroukshétra pour le combat, nous nous avançâmes
hardiment l’un contre l’autre. 7,108.
» Je me tins, exposé devant les yeux de ce Rama, qui
surpassait tous les ascètes en pénitence; et, saisissant ma
conque, je remplis de vent cet instrument sublime, la plus
excellent des conques. 7,109.
» Ensuite les braluncs, les pénitents, habitants des
forêts, et les Dieux, dont les chœurs étaient précédés
d'indra, ailluèrent pour contempler cette immense ba-
taille. 7,110.
» Les célestes guirlandes, les instruments de musique
divins et même les troupeaux des nuages de se manifester
çà et là. 7,111.
« Tous les ascètes, suivants du fils de Bhrigou, envi-
ronnant le champ de bataille, en devinrent les spectateurs.
h Alors la Déesse, ma mère, belle de sa beauté natu-
relle, sire, et qui désirait le bien de tous les êtres, me
dit; « Que désires-tu faire î > 7,112—7,113.
0D0Y0GA-1MRVA.
475
» Se m’approchai du Djamadagnide et Je le suppliai
mainte et mainte fois, rejeton de Kourou, lui disant :
« Ne livre pas un combat à Bhishma, ton disciple ! »
n Ne fais pas, seigneur, ne fais pas ainsi, mon fils;
poursuis avec opiniâtreté la pensée de livrer un combat
au brahme le Djamadagnide! me dit la Gangâ , en m’ef-
frayant de ses menaces. 7,114 — 7,115.
» Tu sais que ce Kârna, de qui la vaillance égale
celle de Çiva, est le meurtrier des kshatryas, et c’est
pour cela que tu veux, sans doute, un combat avec
lui ? » 7,116.
» Portant au front mes deux mains réunies en coupe,
je m’inclinai devant la Déesse et je lui narrai tout, comme
Ü m’était arrivé dans le swayamvara ; 7,117,
» Comme j’avais précédemment, Indra des rois, excité
Ràma, et comme cette .affaire, déjà vieille, était celle du
souveraiu de Kàçi. 7,118.
» La Déesse, ma mère, la vaste rivière, s’étant doue
approchée de Kàina, demanda pardon pour moi au saint,
le lils de Brighou. 7,119.
« Ne veuille pas combattre, dit-elle, Bhishma, qui fut
ton disciple! » Et lui de répondre ces mots à la sup-
pliante : « Fais retourner Bhishma sur ses pas. 7,120.
» 11 n’obéit pas à mon désir, ai-je dit, et je suis venu
le combattre. » 7,121.
Vaiçampàyaua, prenant la place du narrateur :
Conduite par l'amour de son lils, la Gângà revint vers
Bhishma ; mais, les yeux baignés de larmes , celui-ci re-
fusa d'accomplir sa parole. 7,122.
Dans ce moment, le vertueux anachorète aux grandes
pénitences vint se présenter; et le plus excellent des
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476
LE MAHA-BHARATA.
brahmes, le plus éminent des Bhrigouides de provoquer
son rival au cuinbat. 7,1-3.
» Alors , souriant à l’instant de la bataille , reprit
Bhlshma, je dis à l'ascète debout en face de moi : « Je ne
puis, moi, qui me tiens sur un char, te combattre, toi,
qui es à pied sur la terre. 7,124.
» Monte sur un char, héros aux longs bras, endosse une
cuirasse dans ce combat, Kàma, si lu désires qu'il te soit
livré. » 7,125.
» Il me répondit avec un sourire sur le champ de ba-
taille : « La terre est mon char, Bhlshma, les Védas sont
mes coursiers, chevaux de bonne race. 7,126.
U Mon cocher, c'est le vent ; les prières mystiques sont
ma cuirasse ! Bien couvert de cette armure, fils de Kourou,
je combattrai dans ce combat singulier, u 7,127.
» Tout en parlant ainsi, fils de Gândhàrl, Kàma, de
qui le courage était une vérité, fit pleuvoir sur moi de
tous les côtés une grande multitude de flèches. 7,128.
• n Et je vis le Djamàdagnide debout au milieu d'un char
magnifique, dont la vue ressemblait à une merveille, et
portant les plus belles de toutes les armes. 7,129.
» Saint, étendu, pareil à une ville, orné d'or, créé par
la pensée, il était protégé d’une cuirasse et attelé d’une
paire de coursiers divins. 7,1 30.
' » Son maître était revêtu d’une cuirasse, guerrier aux
longs bras ; ses yeux étaient formés du soleil et de la
lune; il tenait un aie ; il portait un carquois; la manique,
défense de ses doigts, était liée autour de sa gauche.
» Akritavrana, versé dans les Védas, auii infiniment
aimé du Bhrigouidc, qui désirait combattre, exerçait sur
le char les fonctions de cocher. 7,131 — 7,132.
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OlIDY OG A-PA RV A .
477
» Devant ses provocations au combat, mon cœur fut
rempli d'une profonde joie : « Avance ! » me cria mainte
et mainte fois le rejeton de Bhrigou. 7,133.
» Je m’approchai seul de Raina seul, ce guerrier in-
domptable à la grande force, le destructeur des ksha-
tryas, semblable au soleil, en pleine marche au milieu du
ciel. 7,134.
» J’arrêtai ses chevaux par trois décharges de flèches ;
puis, déposant mon arc, je descendis du char et m’avançai
à pièd vers le plus grand des saints. 7,135.
» Je m'approchai de lui pour l’honorer, je m’inclinai
aux pieds de ce brahtne le plus éminent, et lui adressai,
suivant l’étiquette, de nobles paroles : 7,136.
« Je vais combattre avec toi, Ràma, soit comme avec
mon égal, soit plutôt comme avec un supérieur, mon ver-
tueux gourou : demande aux Dieux, seigneur, la victoire
pour moi! » 7,137.
« C’est ainsi que doit faire, guerrier aux longs bras, 6
le plus vertueux des Kourouides, tout homme, qui désire
le succès? me répondit-il. Voilà quel est le devoir de
ceux, qui ont à combattre avec des personnes illustres.
» Je devrais te maudire, souverain des hommes, si tu
n’étais venu avec cette intention. Appuie-toi sur la fer-
meté, Kourouide, et déploie dans ce combat ton ardeur.
7,138—7,139.
» Mais tu ne désires pas remporter la victoire , et
me voici disposé ici pour te vaincre. Viens ! fais ton
devoir dans ce combat ; je suis satisfait de ta con-
duite. » 7,140.
» Moi ensuite, après que je me fus acquitté de l’ado-
ration envers lui et que je fus à la hâte remonté dans mon
478
LE MAHA-BHARATA.
char, je saisis ma conque faite d’or et la lis résonner de
nouveau pour annoncer ce combat. 7,141.
» Alors fut livré entre lui et moi, sire, fds de Bharata,
co duel, qui dura plusieurs jours avec le désir mutuel de
nous vaincre. 7,142.
» D'abord, il nie frappa dans ce combat avec des cen-
taines de Hèches nouvelles aux plumes de héron, aux
nœuds inclinés, envoyées par soixante à la fois. 7,143.
» 11 blessa mes quatre chevaux et mon cocher, souve- '
rain des hommes; il me contint moi-môme dans la bataille,
debout en face de lui et revêtu de ma cuirasse. 7,1 44.
» Quand j’eus adoré les Dieux et surtout honoré les
brahmes, je dis ces mots en souriant à mon rival ferme au
milieu du combat : 7,145.
« .l'estime que le talent du maître atteint à l’infini en
toi-mème. Écoute encore de ma bouche quelle est ta per-
fection, brahme, dans l’assemblage de tes vertus. 7,146.
n Les Védas, que tu possèdes, ont un corps ; ton brah-
manah est grand, et tu pratiques la pénitence avec une
grande vertu : je ne fais pas la guerre à ces qualités.
» Le titre de kshatrya procède de la pratique des ar-
mes, sur laquelle tu prends ta base, quand fu engages,
brahme, que tu es, Ràma, ce combat, où va se déployer
la vertu du kshatrya. 7,147 — 7,148.
» Vois la force de mon arc ! Vois la vigueur de mon
bras ! Cèst moi, qui vais couper, héros, tou arc, avec une
flèche aiguë, b 7,149.
» A ces mots, je lançai un bhalla acéré, vigoureux Bha-
ratide; et je fis tomber à terre, grâce à ce trait, l’extrémité
coupée de son arc. 7,150.
» Je décochai sur le char du Djamadagnide, par ci n-
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OlIDYOGA-PARVA.
479
tain es, des flèches aux nœuds inclinés, aux plumes de
héron. 7,151.
» Alors, mes projectiles envoyésallaient dans son corps,
séparés par le vent, et, tels que des serpents, ils en fai-
saient couler le sang. 7,152.
» Tous les membres humides de sang, Ràma versait
alors ce liquide rouge dans le combat, et, semblait, sire,
le Mérou, qui dévoile aux yeux l’or de ses métaux. 7,163.
» Orné de guirlandes rouges comme un açoka sur les
confins de l’Himàlaya, llâma semblait alors, sire, un kin-
çouka en fleurs; 7,154.
» Enflammé de colère, il saisit un autre arc, et répand
une pluie de flèches bien acérées à l'empennure d’or.
» Ces dards terribles, nombreux, fendant les articula-
tions, pleins d'une grande vitesse etsemblables au (toison
de feu des serpents, me faisaient vaciller en m’atteignant.
» Quand j’eus raffermi mon àme dans le combat, j’i-
nondai Ràma dans macolère avec des flèches, qui n'étaient
snpputables que par des centaines : 7, 155-7,159-7,157.
» Tourmenté par des centaines de traits aigus, pareils 4
des serpents, semblables au soleil et au feu, Ràma avait
l'âme comme égarée. 7,158.
» Pénétré de compassion et m’étant rassuré moi-même,
fils de Bharata, par moi-même. « ilonte, m'écriai -je, honte
soit à ce combat et à la vertu du kshatrya 1 » 7,159.
», Enseveli sous les flots impétueux du chagrin, je dis
mainte fois : Hélas ! c’est pourtant la vertu du kshatrya,
qui m’a fait commettre ce crime, 7,160.
» Qui m’â fait accabler sous mes flèches ce vertueux
brahtuc, mon précepteur I » Et je ne décochai plus aucun
trait, fils de Bharata, au Djamadagnide. 7,161.
480
LE MAHA-BHARATA.
» Ensuite, au coucher du jour, le soleil aux raille
rayons, ayant cessé d’échauffer la terre (1), descendit au
mont Asta, et le combat fut suspendu. 7,102.
» Alors, souverain des hommes, mon cocher, de qui
l’ou estimait l’habileté, retira les flèches enfoncées dans
mon corps et dans celui des chevaux. 7,103.
u 11 lava les coursiers, leur donna de l'eau et calma chez
eux l’agitation. Au point du jour, quand le soleil se lut
levé, il revint au combat. 7,164.
» Dès qu’il me vit accourir précipitamment, revêtu de
ma cuirasse et monté sur mon char, l’auguste Rânia fit les
apprêts extraordinaires du sien. 7,165.
» Aussitôt que je le vis arriver avec le désir de la ba-
taille, j'abandonnai le plus excellent des arcs et descendis
4 la hâte de mon char. 7,166.
i/ Après que je me fus prosterné devant lui, et que je
fus remonté dans mon char, je me tins debout, sans
crainte, aspirant au combat, en face du Djamadagnide.
» Je l’inondai avec une grande pluie de flèches, et lui
de riposter en me submergeant dans une averse de ses
dards. 7,167 — 7,168.
» Le Djamadagnide irrité m’envoya un second orage de
traits épouvantables, bien acérés, comme des serpents à
la gueule flamboyante ; 7,109.
» Et moi, avec des bhallas aigus, par centaines et par
milliers, je les tranchai soudain, sire, mainte et mainte
fois, dans l’asmosphère : 7,170.
(1) Je signale ici un mot aux dictionnaires : avatâpya. La signification
est évidente. La préposition conjointe enlève au composé le sens propre du
simple : ou il manque chez eux, ou ils oublient, Bûthlingk et Roth em-
ménies, cette signification notable.
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OUDYOGA-PARVa.
m
» [/auguste Djamadagnide d’employer contre moi des
astras célestes, et moi de les neutraliser. 7,171.
L’hermite aux longs bras voulut tirer de ses astras un
acte supérieur; alors il éclata de tous les côtés dans le
ciel un bruit immense. 7,172.
» Je mis en œuvre, contre le Djamadagnide, l'astra
du vent; mais Ràma de le paralyser avec l'astra des
Gouhyakas. 7,173,
» Je charmai l’astra du Feu et je le décochai; mais le
maître l’arrêta avec celui de Varouna. 7,171.
» Ainsi, je contrecarrais les astras célestes de Râma ;
et celui-ci, resplendissant dompteur des ennemis et versé
dans les astras divins, contrecarrait les miens. 7,175.
» Enflammé de colère, l'auguste et sublime brahme,
Raina le Djamadagnide, me mit à sa gauche et me frappa
en pleine poitrine. 7,17(1.
» Je m'affaissai dans mon char magnifique, ô le plus
excellent des Bharatides; et, dès qu’il me vit-tombé dans
l'évanouissement , mon cocher m'entraîna rapidement
hors du combat. 7,177.
» Quand ils me virent, accablé de douleur, en [>roie
aux tortures de la flèche, ne pouvant marcher et l ame
profondément blessée, la fille du souverain de Kàçi et
tous les suivants de Ràma, Akritavrana et les autres,
poussèrent à l'envi des cris de joie. 7,178 — 7,179.
» Aussitôt que j’eus recouvré le sentiment et icconnu
mon cocher : « l'a, lui dis-je, cocher, au lieu où se tient
Râma en armes ; la connaissance m'est revenue I » 7, ISO.
» 11 m’y eut bientôt conduit avec ses chevaux d'une
beauté supérieure, qui paraissaient danser, fdsdeKourou,
et ressemblaient dan3 leur marche à des vents. 7,181.
31
Tl
482
(.F, MAHA-BHARATA.
» Je m’avançai vers Râma, et, bouillant de colère, ma
main, désireuse de la victoire, répandit une pluie de
flèches sur ce héros, bouillant d’une colère égale. 7,182.
» Râma de voler à la rencontre de ces flèches au vol
direct, et de les trancher vite dans le combat, l'une après
l’autre, avec trois des siennes. 7,18î.
• Tous mes traits, bien aiguisés (1), furent ainsi dé-
truits (2), et les flèches de Râma les coupèrent en deux
par centaines et par milliers. 7,184.
» J’envoyai ensuite à Râma le Djamadagnide, avec le
désir de lui ôter la vie, un dard enflammé, très-excellent,
estimé de la mort. 7,185.
» Profondément blessé de ce trait, tombé sous le pou-
voir delà flèche impétueuse, il perdit l’espritsurle champ
de bataille, et tomba sur la terre. 7,186.
» Dans cette chute de Râma sur le sol de la terre, tous
alors de s'écrier: « Hélas ! hélas ! » et le monde, Bharatide,
fut troublé comme il serait dans la chute du soleil. 7,187.
» Tous, et les ascètes, et la vierge de Kàçi, rejeton
de Kourou, ils accourent à la hâte auprès de lui. 7,188.
» L’ayant embrassé, ils rappelèrent peu â peu sa
connaissance évanouie, en le frottant de leurs mains,
en l'arrosant d’eau fraîche, en le comblant de vœux pour
la victoire. 7,189.
» Râma, se relevant alors, dit ces paroles troublées :
« Arrête, Bhtshma! Tu es mort. » Et il encocha un trait
à son arc. 7,190.
« Lancée dans ce grand combat, cette flèche se plongea
(1 — 2) L'édition de Calcutta porte ici deux fautes d’impression, qui
ndent ce passage inexplicable : moüditâs et sotulançilâs ; celle do
Bombay écrit plut correctement : soùditiU et sousançitâs.
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OUDYOGAPARVA.
463
avec vitesse dans mon flanc gauche; j’en fus profon-
dément ébranlé, comme un arbre vacillant. 7,101.
» Quand il eut tué tncs chevaux d'une flèche rapide
en cette ardente bataille, il m’inonda hardiment de traits
empennés de poils. 7,192.
» Je ripostai, guerrier aux longs bras, avec ûn dard
léger, qui arrêtait l'ennemi dans le combat : les flèches
de Ràma et de moi suspendaient leur vol entre nous. Le
ciel en fut bientôt couvert de tous les côtés; et le soleil,
enveloppé par une multitude de traits, cessa d’échauffer.
7,193—7,194.
» Dans ce combat, le vent était comme arrêté par le
nuage des flèches; les secousses du vent, les rayons du
soleil et la puissance d’un contact mutuel donnaient la
naissance au feu, et les dards s’enflammaient à ce foyer,
qui éclatait dans les airs. 7,196 — 7,190.
» Toutes, elles tombaient, réduites en cendres, sur la
terre, par centaines, par milliers, par millions et par cen-
taines de millions. 7,197.
» Ràma irrité, fils de Kourou, précipita rapidement
sur moi des myriades de kharvas (1) et des milliards de
flèches. 7,198.
» Je les tranchai dans ce combat, sire, avec des traits
semblables à des serpents, et les fis tomber sur la terre,
comme des arbres. 7,-199.
» Ainsi flamboyait alors ce combat, ô le plus grand
des Bharalides ; l’heure du crépuscule vint à s’écouler, et
mon gourou se retira. 7,200.
» Le jour suivant, m’étant affronté avec Ràma, fut
(!) Un kkarva fait dix million» de millions.
LE MAHA-BHARATA.
484
livré un nouveau combat tumultueux et des plus épou-
vantables. 7,201.
» L'auguste et vaillant seigneur, qui connaissait les
astras, m'envoyait, chaque jour, une foule d'astras cé-
lestes. 7,202.
» Et moi, faisant le sacrifice de ma vie, bien difficile à
abandonner, j’écartais ses astras. Bharatide, en cette ba-
taille confuse, avec des astras contraires. 7,203.
» Quand il vit nombre de fois mes astras détruire les
siens, Thermite h la grande splendeur combattit dans
cette guerre en homme, qui a fait l’abandon de sa vie.
» Ce magnanime Djamadagnidc, son astra étant para-
lysé, de m’envoyer une lance de fer à la force épouvan-
table, à la pointe enflammée, comme un météore flam-
boyant. Elle était jetée pour la mort et remplissait le
monde de sa lumière. 7,204 — 7,205.
» Je tranchai dans son vol en trois morceaux avec mes
flèches ce projectile embrasé, ardent comme le soleil de
la mort ; je l'abattis sur la terre, et le vent souilla d’une
haleine pure, embaumée. 7,200.
» Enflammé de colère pour cette lance coupée, Ràma
de me lancer douze autres horribles épieux : il est impos-
sible d’en exprimer la forme, Bharatide, 4 cause de la ra-
pidité et de l'éclat fulgurant. 7,207.
h Moi-même, agité par la fureur , je lui fis voir dans
les plages du ciel, comme de grands météores de feu ou
tels que des soleils pour la ruine du monde, douze épieux,
tous avec des formes différentes, enflammés d'une lumière
épouvantable. 7,208.
» A peine avais-je aperçu un nuage fait par une multi-
tude de flèches, soudain il était refoulé, sire, mis en piè.
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OUiyY OGA-P ARV A.
185
ces, par la multitude de mes flèches. Je lançai douze
flèches dans le combat, et je repoussai avec elles ses douze
épieux d’une forme inspirant l’ épouvante. 7,20$).
» Ensuite, le magnanime Djamadagnide dirigea sur moi
des lances formidables à la hampe d’or, admirables, au
fer enveloppé dans une bandelette d’or, et flamboyantes
comme de grands météores ignés. 7,210.
» J’arrêtai ces armes terribles avec mon bouclier, Indra
des hommes ; je les fis tomber sur le champ de bataille
avec mon cimeterre, et je versai une pluie de flèches cé-
lestes sur les chevaux divins du Djamadagnide et son
cocher. 7,211.
» Dès qu’il vit tranchées ses lances admirables d’or,
semblables à des serpents déchaînés, le magnanime, pé-
nétré de colère, le vainqueur du roi des Halhayains, mani-
festa un astra divin. 7,212.
n Des lignes enflammées de flèches, comme des nuées
horribles de sauterelles, s’abattirent devant moi et couvri-
rent de leur couche épaisse mon corps, mes chevaux, mon
cocher et mon char. 7,213.
■i De tous les côtés, mon cocher, mas coursiers et mon
char disparaissaient, ensevelis sous les traits. De cette ma-
nière, la flèche dérobait aux yeux le joug de mon char ;
et ses roues, que les dards avaient coupées, étaient rom-
pues. 7,21 à.
n Quand cette pluie de traits se fut écoulée, je répondis
à mon gourou par un débordement de flèches. Elles
blessèrent le brahme, océan de Védas ; et le sang ne
cessa pas un instant de s’échapper à torrent de son corps.
» Comme lUnia était accablé sous la multitude de mes
flèches, et que j’étais moi-même grièvement blessé de
m
LE MAHA-BHARATA.
toutes paru, le combat cessa, le soleil dans la soirée étant
descendu au mont Asta. 7,215 — 7,210.
» Dès le point du jour suivant, à l’heure où le soleil a
repris sa limpide lumière, la bataille du fils de Bhrigou
recommença avec moi. 7,217.
» Râma, le plus vaillant des combattants, se tint, son
char arrêté devant moi; et, tel qu’un uuage verse la
pluie sur une montagne, il répandit sur moi des grêles de
flèches. 7,218.
# Percé d’une multitude de traits, Souhrit, mon co-
cher, vidant le siège du char, remplit mon âme de dou-
leur. 7,219.
» Un grand, un profond évanouissement saisit mon
cocher ; et, privé de connaissance, il tomba sur la terre
sous l’oppression des flèches. 7,220.
» Accablé par le trait de Râma, quand mon cocher eut
déserté la vie, je fus un instant, Indra des rois, en proie à
la terreur. 7,221.
a Mon cocher mort, l’âme indifférente aux dards, que
je lui décochais, Râma m’adressa des flèches pareilles au
trépas. 7,222.
» Le fils de Bhrigou, tirant fortement la corde de son
arc vigoureux, me frappa d’une flèche, tandis que j’é-
tais confondu par la mort, accablé du malheur de mon
cocher. 7,223.
» Le trait, buveur de sang, se plongea, sire, au milieu
de ma poitrine, et il tomba avec moi, Indra des rois, sur
la surface de la terre. 7,22â.
» S’imaginant qu’il m'avait tué, Râma de pousser un
grand cri, aussi fort que le tonnerre des nuages, et des' en
réjouir mainte et mainte fois. 7,225.
OUDYOGA-PARVA.
487
n Quand je fus tombé, Ràma, plein de joie, sire, jeta
une vaste clameur avec le» brahmes , ses suivants. 7,226.
o Mais les Kourouides, qui se tenaient à mes côtés, et
les gens mêmes, que la curiosité avait conduits là pour
voir cette bataille, 7,227.
» Tombèrent dans la douleur la plus profonde, aussitôt
que je fus étendu tan » mouvement sur la terre. 7,228.
» Couché sur le sol, je vis huit brahmes, semblables au
feu ou au soleil, qui, m’ayant environné de tous côtés,
lion des rois, me prirent dans leurs bras au milieu du
champ de bataille. 7,229.
» Sauvé par ces brahmes, je ne touchai plus la terre et
je fus porté par eux au sein des airs, comme sur les bras
de mes parents. 7,230.
» Je respirai au milieu d’une atmosphère pure, et je
fus arrosé de fraîches gouttes d’eau. Ensuite ces brahmes,
sire, de m’embrasser et de me dire : 7,231.
« Ne crains pas 1 Que la félicité descende sur toi 1 v
Ils me répétèrent ces mots plus d'une fois ; et, ranimé
par leurs paroles, je me levai bientôt, et je vis ma mère,
la plus sainte des rivières, placée dans mon char. 7,232.
o Elle retenait, (ils de Kourou, cette grande rivière, les
rênes de mes coursiers dans la bataille. J’embrassai les
pieds de ma mère, et je remontai sur le char de mes
aïeux. 7,233.
# Elle me sauva avec mes coursiers, mou char et les
instruments de guerre ; et, quand je lui eus fait l’andjali,
je recommençai à décocher mes traits ; 7,234.
» Puis, quand j’eus repris la conduite de mes chevaux
à la rapidité du vent, je combattis avec le Djamadagnide
jusqu’à la lin du jour. 7,235.
à 88
LE MAHA-BHARATA.
» J'envoyai dans ce coml>at à Uàma, ô le plus vertueux
des Rharatides, une flèche à la grande force, à la vitesse
impétueuse, et qui fendait le cœur. 7,230.
» Accablé par mon trait, RAma laisseéchappersonarc ;
et, tombé sous la puissance du délire, il fléchit ses genoux
sur la terre. 7,237.
» Quand cet homme, de qui la main prodiguait ses lar-
gesses par milliers, fut tombé, les nuages de tonner, le
ciel de verser une pluie de sang. 7,238.
» l,es météores ignés tombèrent par centaines; il y eut
des vents orageux, il y eut des tremblements de terre;
et Ràhou masqua tout à coup le soleil enflammé. 7,239.
» Des vents âpres soufflèrent, la terre fut ébranlée ; les
vautours, les corneilles et les ardées de promener à la
ronde leur vol ivre de joie. 7,240.
» Le chacal poussa dans la plage brûlante ses glapisse-
ments épouvantables ; les tambours, sans être frappés,
retentirent d’un sinistre son. 7,241.
» Tous ces funestes augures, au moment où Ràma le
magnanime s'affaissait sur la terre, semblable à un être,
qui a perdu l'âme, inspiraient l’épouvante. 7,242.
» 11 se leva soudain, ému, rempli de colère, et s'appro-
cha de moi pour recommencer le combat. 7,243.
» Ce guerrier aux longs bras saisit un arc, imprégné de
myrrhe ; mais j’arrêtai Ràma au moment qu'il prenait une
flèche. 7,244.
» Les grands rishis étaient pénétrés de compassion, et
le fils de Blirigou brûlait de colère ; il arrêta dans mes
mtiins un trait semblable au feu de la mûri. 7,24ô.
» Enveloppé d'un amas de poussière, le soleil au disque
du rayons languissants descendit au mont Asta. La nuit
OUDYOGA-PAU'A.
489
survint avec ses rayons frais et doux ; nous mîmes alors
fin au combat. 7,246.
» Ainsi, une trêve eut lieu, sire ; mais une nouvelle au-
rore se leva bien épouvantable au milieu d’une atmosphère
sereine ; telles furent les aurores pendant vingt jours de
combat et trois autres à la suite. 7,247.
» Ensuite, ayant prosterné ma tête dans la nuit, Indra
des rois, devant 1 s brahmes, les Mânes et les Dieux entiè-
rement, devant les Démons nocturnes, les Bhoûtas et
l’ordre des kshatryas, quand j’eus regagné ma couche,
je roulai ces pensées dans mon esprit : 7,248 — 7,249.
« Il y a maintenant plusieurs jours que j’ai à supporter
avec le Djamadagnide ce combat très-destructeur et rem-
pli de la plus grande épouvante. 7,250.
» Je ne puis vaincre les armes à‘ la main sur un champ
de bataille Ruina le Djamadagnide, ce brahme aux vastes
forces, à l’extrême vaillance. 7,251.
» S’il est possible que je sorte vainqueur d’un combat
avec l’auguste Djamadagnide , veuillent les Dieux favo-
rables m’en donner des signes dans la nuit. » 7,252.
» Endormi dans les ténèbres, Indra des rois, malgré
les blessures des (lèches, je vis 14, à mon côté droit, a
l’heure du point du jour, 7,253.
n Ces principaux brahmes, par qui, tombé de mon
char, je fus relevé, porté dans les airs et caressé de. ces
paroles : a Ne crains pas I » 7,254.
» Us se présentèrent à ma vue en songe, puissant roi,
et, m’ayant environné, ils me dirent ces mots; écoute-les,
fils de Kourou : 7,255.
a Lève-toi, fils de la Gangâ ! Ne crains pas; il n’y a
pour toi nul sujet de crainte. Nous te sauverons , desceu-
490 LE MAHA-BHARATA.
dant de Kourou; que ton altesse soit notre corps! 7,256.
» Ràma le Djnmadagnide ne sera jamais ton vainqueur
dans le combat; et toi, éminent Bharatide, tu vaincras en
bataille ce Râma ! 7,257.
» lin astra bien-aimé pour le vaincre se présentera au
souvenir de ta grandeur, car tu l’as su dans une précé-
dente existence. 7,258.
» Certes ! ni Ràma, ni aucun homme sur la terre, ne
connaît cette arme, Bharatide, nommée le Sommeil-du-
Créateur et faite par les Viçvadévas. 7,259.
» Souviens-toi d’elle, guerrier aux longs bras, emploie-
la puissamment ; elle viendra d’elle-même à toi, irrépro-
chable Indra des rois. 7,260.
» Par elle, Lu régneras sur tous les hommes à la grande
vigueur ; mais Ràma ne doit pas mourir, auguste (ils de
Kourou, sous les coups de cet astra. 7,261.
» Tu n'obtiendras jamais, ô toi, qui donnes l’honneur,
d’être uni au péché ; et le Djamadagnide, accablé par la
puissance de ta flèche , sera plongé dans le sommeil.
» Quand tu l’auras vaincu avec cette arme chérie,
obéissante à l’appel de Bhishma, tu le réveilleras de nou-
veau sur le champ de bataille. 7,262 — 7,263.
» Remonté sur ton char au point du jour, fils de Kou-
rou, observe cette conduite; qu’il soit enseveli dans le
sommeil ou daDS la mort, la chose nous parait égale.
» Jamais, prince, Ràma ne doit mourir ; emploie donc
avec lui ce profond sommeil. » 7,264 — 7,265.
» A ces mots disparurent tous ces plus grands des
brahmes, sire ; tdus les huit étaient d'une beauté sem-
blable et ils avaieut des formes resplendissantes. 7,266.
» La nuit s'étant écoulée, je sortis du sommeil, fils de
OUDYOGA-PARVA. 491
Bharata ; et la pensée de mon rêve m'éleva au comble de
la joie. 7,207.
» Ensuite recommença entre lui et moi un combat mer-
veilleux, confus , causant l’horripilation à tous les êtres.
» Le fils de Bhrigou fit tomber sur moi une pluie
formée de flèches, et je la refoulai avec une multitude de
projectiles. 7,268 — 7,269.
» Enflammé de la plus ardente colère, l'homme aux
grandes pénitences décocha sur moi dans sa fureur, l’a-
vant-dernier jour, une lance de feu. 7,270.
» I)'un contact égal à celui de la foudre , elle res-
semblait pour la splendeur au bâton d’Yama, flamboyait
comme le feu et léchait de toutes parts dans le combat.
» Ce projectile, comme un feu, marchant au milieu des
airs, tigre des Bharalides, vint me frapper impétueuse-
ment à la clavicule. 7,271 — 7,272.
» Semblable au métal d'or, que révèle une montagne,
mon sang coula d'une manière effrayante, prince aux
yeux de sang, à la force infinie, de la blessure, qud m'a-
vait imprimée Ràma. 7,273.
» Je fus alors enflammé d’une bouillante colère contre
le Djamadagnide ; et je lui décochai un trait pareil au poi-
son des serpents et semblable à la mort. 7,274.
» Frappé au front par uia flèche, ce héros , le plus
excellent des brahmes, semblait alors, puissant roi, une
montagne accrue d'un piton. 7,27 5.
» Il choisit une flèche, pareille à la mort, qui détruit
tout, l'encocha et tira fortement ce trait épouvantable,
exterminateur des ennemis. 5,276.
n La cruelle sagette s'abattit sur ma poitrine, en sif-
flant comme un serpent; et, souillé de sang, je tombai,
sire, sur la terre. 7,277.
492
LE MAHA-BHARATA.
» Quand j’eus repris connaissance, j'envoyai au sage
Bjamadagnide une lance immaculée, flamboyante comme
la foudre. 7,278.
» Elle fondit sur la poitrine du grand brahme ; il en
fut troublé, sire, et soudain le tremblement le saisit.
» Son ami, le brahme aux vastes pénitences, Akrita-
vrana le prit dans ses bras et le ranima, non une seule
fois, avec des paroles affectueuses. 7,279 — 7,280.
» Alors, revenu i lui, pénétré de ressentiment et de
colère , Râma tira de son carquois un trait de la plus
haute puissance , l'astra Bralunique , consacré par un
grand vœu. 7,281.
» Aussitôt, pour l’arrêter, une flèche sublime, décochée
par moi, nouvel astra brahmique, flamboya dans l’es-
pace et fit voir aux yeux comme la fin de l'youga. 7,282.
» La rencontre de ces deux astras brahmiques arriva
au milieu de la distance intermédiaire, ô le plus excellent
des Bharatides, sans toucher, ni Râma, ni moi. 7,283.
» Leur éclat radieux éclaira tout le ciel entièrement; et
toutes les créatures, seigneur des hommes, furent plongées
dans les tourments. 7,284.
» En proie au feu de ces flèches, les rishis, les Gan-
dharvas et les Dieux tombèrent dans les plus grandes
souffrances. 7,285.
» La terre trembla avec ses arbres, ses forêts, ses
montagnes : et tous les êtres, consumés par les flammes,
de s’ensevelir dans une terreur profonde. 7,286.
» Le ciel flamboya , les dix points de l’espace vo-
mirent de la fumée ; il fut impossible aux hôtes de la ré-
gion aérienne, siée, de continuer leur vol dans l’atmos-
phère. 7,287.
» Le monde avec les Rakshasas, les Asouras et les
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OUDY OGA-PARV A.
593
Dieux poussait des gémissements, et je tins ce langage,
Bharatide : « J’ai le désir de sauver ce qui reste. »
» Et, tandis que je me hâtais, se présenta soudain à
mon esprit, suivant la parole des brahmes, cet astra mer-
veilleux, nommé l’Astra-du-sommeil. 7,288 — 7,289.
» Ensuite, un grand bruit de : « Hélas ! hélas ! »
éclata dans le ciel, et j'entendis alors, fils de Kourou, ces
mots : « Ne décoche pas, Bhishma, la flèche du som-
meil ! » 7,290.
» J’envoyais, malgré ces paroles, mon trait au rejeton
de Bhrigou ; mais N'àrada me dit, sur le point de lancer le
sommeil : 7,291.
« Ces chœurs des Dieux, rassemblés dans le ciel, au
sein des airs, te le défendent; ne décoche pas maintenant
le sommeil ! 7,292.
» Rama, ce pieux ascète, est un brahme et ton gourou.
Ne fais jamais de lui, fils de Kourou, aucun mépris! »
» Je vis au même instant les huit brahmes, qui se te-
naient dans le ciel, et qui me dirent avec lenteur, Indra
des rois, en souriant, ces paroles : 7,293 — 7.29â.
« Fais comme te l’a dit Nârada, 6 le plus excellent des
Bharatides ; c'est en effet le plus sûr moyen de salut pour
les mondes. » 7,295.
» Alors, je retins l'astra brahmique; mais il jetait des
flammes dans le combat, suivant les règles de sa
nature. 7,296.
» A peine eut-il vu, lion des rois, cet astra arrêté, Râma
soudain articula ces mots, en dépit de sa colère ; b Je
suis vaincu, Bhtshma ! J'étais un esprit bien insensé ! »
» Le Djnmadagnide vit alors son père et son vénérable
aïeul ; ils se tinrent à l'entour de lui et, commençant par
J.K MAHA-BHA11ATA.
m
des paroles bienveillantes, lui adressèrent ce discours
7,287 — 7,208.
« Ne te livre plus désormais A ces actes de violence,
mon fils, surtout pour aller en guerre avec un kshatrya
tel que Bhlshma. 7,299.
» Si le combat est le devoir du kshatrya, la lecture et
l'accomplissement de son vœu, fils de Brighou, est la
première richesse des brahmes. 7,300.
» Ce qui fut déjà dit pour vous dans un sujet quelcon-
que ; mais, ce nonobstant, la prise d’armes, que tu ne de-
vais pas faire, tu l'as faite cependant. 7,301.
» Cela te sied-il, mon (ils? Tu as été vaincu dans ce
combat avec Bhlshma : ainsi, retire-toi de cette bataille,
b r ah me aux longs bras ! 7,302.
» Cela te sied-il, si tu nous permets de le dire? Aban-
donne cet arc, que tu portes, fils de Bhrigou.et livre-toi à
ton austère pénitence. 7,303.
» Tous les Dieux couvrent de leur protection ce
Bhlshma, le fils de Çàntanou : abstiens-toi de ce com-
bat. » C’est ainsi qu’il fut supplié. 7,30 4.
a Ne fais pas la guerre, me dirent-ils mainte et mainte
fois, à Ràma, qui est ton gourou ; car il ne convient pas,
fils de Kourou, que Râma soit vaincu par toi dans un
combat. 7,305. ,
» Rends l'honneur au brahme sur le champ de ba-
taille, fils delà Gangâ.... Mais nous sommes à tes yeux
des gourous, c’est pour cela que nous sommes venus t’ar-
rêter dans cette bataille. 7,300.
» Bhlshma est l'un des Vasous. Vis heureux, mon fils!
Ce héros, à qui Çàntanou et la Gangâ ont donné la nais-
sance, est un Vasou à la vaste renommée. 7,307.
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OUDYOGA-PARVA.
496
» Comment pourrait-il être vaincu par toi? Reviens
ici, rejeton de Bhrigou I Arjouna, le plus excellent des
Pàndouides, le vigoureux fils de Pourandara, 7,30S.
» Est la mort de Bhlshina : c'est pour accomplir cette
tâche, quand l'heure en sera venue, qu’il a été créé par
rÊtre-existant-de-lui-mèiue. » 7,809.
» A ces paroles de ses pères, Ràina de répondre en ces
mots : « Je ne reculerai pas dans ce combat ; ma résolu-
tion est ainsi bien arrêtée. 7,310.
» Je n'ai jamais avant reculé sur le front d’un champ
de bataille. Que le fils de la Gangâ, mes pères, se retire
du combat, s'il veut. 7,311.
» Mais je ne ferai jamais un pas, moi, hors de cette ba-
taille. » Alors, sire, les solitaires, qui avaient à leur tête
Rikhtka, s’étant réunis à Nàrada lui-même, s'approchent
de moi, et 1 « Retire-toi, mon fils, de ce combat, me
disent-ils ; respecte le plus sublime des brahmes. »
7,312—7,313.
» Ainsi me parlèrent ces grands ascètes; et moi, par
mon union au devoir du kshatrya : « Voici le vœu, que
j’ai prononcé dans le monde : « Je ne dois jamais tn’en-
* fuir d’un combat, détournant ma face et présentant le
dos à la blessure des (lèches ; je ne dois jamais abandon-
ner le devoir immortel, ni par cupidité, ni par commisé-
ration, ni par crainte, ni pour une raison d'intérêt. » Tel
est mon sentiment bien arrêté. » Ensuite, tous les soli-
taires, Nârada à leur tête, sire, 7,314 — 7,315 -7,316.
» Et Bhaglratht, ma mère, de s'avancer au milieu du
champ de bataille. Alors, ayant pris ma (lèche, muni de
mon arc, et la résolution ferme, inébranlablement dé-
terminé à combattre dans ce duel, je m’approchai de lui
LE MABA-BHARATA.
490
une seconde fois, en la compagnie de res saintes per-
sonnes; et je dis à Râma, la joie de Bhrigou :
7,317—7,318.
o Le cœur des brahuies, qui ne s’épanche jamais, fils
d<- Bhrigou, s’est calmé. Ràma! Râma! retire-toi de ce
cotnhai, ô le plus grand des brahmes. 7,319.
» Bhishma ne doit pas être immolé par loi ; et toi, tu
ne dois pas être immolé par Bhishma. » Tandis que je
parlais ainsi, tous, ils me fermèrent le champ de ba-
taille. 7,320.
» Ses pères firent déposer la flèche au rejeton de
Bhrigou; et je vis de nouveau, en ce moment, les huit
resplendissants brahmes, semblables à huit planètes,
montées sur l’horizon. Debout dans la plaine du combat,
je reçus un affectueux salut d'eux, qui m’adressèrent ces
paroles : 7,321—7,322.
« Avance , guerrier aux longs bras : obtiens de l’au-
guste Ràma le bien du monde! » A ce langage ami, ayant
vu reculer le Djamadagnide, je répondis : « Moi, je ferai
le bien des mondes! » Ensuite, profondément blessé, je
m’approchai de Râma, et je m’incliuai devant lui (1).
7,323—7,324.
» Et Râma aux grandes pénitences me dit, avec un
sourire affectueux ; « 11 n’existe point en ce monde, sur
la surface de la terre, un kshatrya égal â toi. 7,325.-
» Va-t-en, Bhishma! Tu m’as satisfait dans ce combat. »
Le fils de Bhrigou, appelant alors devant moi la vierge,
lui dit ces mots d'une voix triste, en présence de ces ma-
guanimes : 7,326 — 7,327.
(I) Si je ne me trompe, il me semble qu'on sent ici uue lacune.
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OUDYOGA-PARVA.
407
a J’ai soutenu de toutes mes forces, à la vue de tous
les mondes, noble dame, ce combat du plus haut cou-
rage ; 7,328.
» Et, bien que j’aie fait voir, sans mesure, des astras
supérieurs, je n'ai pu vaincre Bhlshma, le plus excellent
des hommes, qui portent les armes. 7,329.
» Cependant, cette mienne lance est suprême; suprême
est aussi ma force. Va, illustre femme, à ton gré; ou
quelle autre chose veux-tu que je fasse? 7,330.
» Approche-toi de Bhlshma ; nulle autre route n’existe
pour toi. En effet, Bhlshma, qui lance des astras mer-
veilleux, m’a vaincu ! » 7,331.
» Quand Ràma à la grande âme eut parlé ainsi, et
poussé des soupirs, la jeune fille resta d’abord en silence;
puis, elle dit ces mots au rejeton de Bhrigou : 7,332.
« Révérend, c’est comme l’a dit ta révérence. Grâce
aux Dieux, invincible est ce Bhlshma à la noble intelli-
gence. 7,333.
» Tu as employé à mon affaire tous tes efforts, toute ta
vigueur; maison ne peut arrêter son énergie dans un
combat, et ses astras sont variés. 7,334.
» Enfin, il est impossible de le vaincre dans une ba-
taille. Quant à moi , je ne retournerai jamais avec
Bhlshma. 7,335.
b J’irai là, Bhrigouide, riche en pénitences, où l’on _
peut me donner la force à moi-même de coucher mort ce
Bhlshma dans une bataille ! » 7,336.
» A ces mots, la jeune fille s’en alla, ses yeux troublés
par la colère, pensant à me donner la mort, et l’âme fer-
mement résolue à tourmenter son corps dans la péni-
tence. 7,337.
VI
32
498
LU MAHA-BHAHATA.
» Puis, m' ayant dit adieu, Bharatide, le plus grand
des Bhrigouides, accompagné des anachorètes, s’en alla,
comme il était venu, au mont Mahéndra. 8,388.
» Remonté dans mon char, je rentrai dans la ville au
milieu des louanges, chantées par les brahmes, et j’an-
nonçai à SatyavaU, nia mère, ce qui était arrivé. 7,339.
u Elle me félicita sur l’évènement, puissant roi, et je
donnai mes instructions à des hommes, instruits dans les
détails sur l'histoire de cette jeune fille. 7,340.
» Chaque jour, des gens capables, é esprit toujours
placé dans ce qui m'était agréable ou utile, m’informaient
de la route, gagnée par ses prières. 7,341.
» En apprenant que la vierge déterminée s’était exilée
dans les bois, pour vaquer à sa pénitence, je fus agité
par la crainte, accablé de chagrin ; et je devins comme
une personne, de qui l’âme s’est enfuie. 7,342.
• Assurément, aucun kshatrya ne peut me vaincre (1)
par sa vaillance dans la guerre, sinon les sages, mon fils,
par la vertu parfaite de la pénitence. 7,343.
» Je fis part de cette chose, sire, à Nàrada et à Vyâsa;
et ces deux pénitents me dirent : 7,344.
« La fille du souverain de KAçi ue doit t'inspirer aucune
crainte, Bbishma : qui pourrait arrêter la destinée par un
effort humain ? 7,345.
» Cette vierge, arrivée sur les bords de l'Yamounâ, est
entrée dans le cercle des hermitages, et s'y adonne à une
pénitence au-dessus de l'humanité. 7,840.
u Riche en mortifications, dure à elle-même , maigrie,
(!) Imparfait, vyadjayai. De même, en grec, l’aomle second marque use
chose, qui le fait d'habitude, avec continuité.
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OUDYOGA-PARVA.
490
ses cheveux disposés en gerbe, souillée de poussière et de
saletés, sans nourriture, ne vivant que de l’air, ne man-
geant que de six en six mois, immobile comme un pieu,
» Cette noble dame, placée vers les ondes de l'Ya-
mounâ, a déjà supporté dans le jeûne, privée de tout
aliment, une année et celle qui la suit. 7,847 — 7,348.
s Lue nouvelle année fut consommée, en vivant de
feuilles mortes, uniquement portée sur l'orteil d’un seul
pied, soutenue par son ardente colère. 7,849.
» Elle a brûlé ainsi douze ans le ciel et la terre : il est
impossible même à ses parents de la détourner. 7,350.
» De-là, elle s'en est allée au Vatsabhoûuii, habité par
les Siddhas et les Tchâranas , hermitage des magna-
nimes ascètes, adonnés à la pureté. » 7,351.
» La fille du souverain de Kàçi parcourait la terre, nuit
et jour, baignant ses membres en de saints ttrthas, quelle
choisissait à son gré. 7,362.
» Tantût elle habitait, grand roi, dans l'hermitage de
Nanda, tantôt dans la charmante retraite d'Ouloûka, une
autre fois dans l’hermitage du brahme Tchyavana;
» Tantôt dans les forêts des Dieux, ou dans un temple
saint, ou dans un Pryâga fameux, tantôt dans Bhoga-
vatl, ou dans l'hermitage du fds de Kouçika ;
7,358—7,354.
» Ici, dans l’hermitage de Mândavya, sit e; là, dans celui
de Dillpa ; ailleurs, sur la rive du lac de Bâma, ou dans
la retraite de Paüagarga. 7,865.
» Embrassant un vœu pénible, la fille du souverain de
Kâçà baignait ses jeunes membres, monarque des hommes,
en ces différents tlrthas. 7,356.
» Ma mère lui dit ces mots dans l'eau, où elle était
500
LE MAHA-BHARATA.
placée : « Quelle est la cause (le ta douleur, noble dame;
dis-moi la vérité. » 7,357.
» La femme sans défaut lui répondit, sire, élevant au
front ses deux mains réunis : i< Rama fut vaincu dans un
combat par Bhlslmia, femme aux beaux yeux. 7,358.
» Quel autre monarque serait capable de vaincre ce
brahme, quand il tient levé sa flèche ? Je veux donc sup-
porter une bien épouvantable pénitence pour la mort de
Bhlshma ! 7,359.
» Je parcours la terre, Déesse, pour obtenir de tuer ce
roi ; car c’est en cela que j’ai posé le plus riche fruit de
mon vœu. » 7,360.
» Tu suis une mauvaise route, belle dame, lui répondit
la sainte rivière ; car c’est un vœu, que tu ne peux obtenir,
femme aux membres sans défaut. 7,361.
n Si tu observes ce vœu pour la mort de Bhlshma, si tu
restes fidèle à ton vœu, princesse de Kâçi, il te faudra,
bien certainement ! te séparer de ton corps. 7,362.
» Tu deviendras un fleuve au cours sinueux, dame char-
mante. Formé des eaux de la pluie, infranchissable, semé
de périlleux tirthas, la pluie ne te versera pas son eau
huit mois de l’année. 7,363.
» Épouvantable, infestée de crocodiles effrayants, tu
inspireras la terreur à tous les êtres. » Quand elle eut ainsi
parlé en souriant à la fille du roi de Ràçi, la vertueuse
dame, ma mère, sire, se retira. Tantôt dans le huitième,
et tantôt dans le treizième mois, elle étanche sa soif.
7,364—7,365.
» Jamais ensuite elle ne boira d'eau, celte vierge de la
plus élevée des castes I La fille du roi de Kâçi, rejeton de
Kourou, circule çà et là, parcourant le Vatsabhoûmi à la
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OllDYOG A-PARVA.
5C»4
recherche d'un tlrtha. Or, Ambâ (1) est, dit-on, Bharatide,
une rivière célèbre dans le Vatsabhoûmi. 7,366 — 7,387.
. o Elle est le produit des pluies, flexueuse, infranchis-
sable, infestée de crocodiles. Elle renaquit jeune fille par
la moitié du corps, grâce à la pénitence. 7,368.
Et devint alors, sire, une jeune rivière à partir des
seins (2). 7,369.
» Tous les ascètes, la résolution bien arrêtée dans la
pénitence, l’ayant vue, de l'empècher, mon fils, et de lui
dire: « Que fais-tu ? » 7,370.
» La jeune fille répondit aux saints, riches de macéra-
tions : o Je fus répudiée par Bhishma, qui m'a fait pré-
cipiter des devoirs, qu’un mari doit à sa femme. 7,371.
» Mon sacrifice est commencé pour sa mort, non pour
le monde. Que je tue Bhishma d’abord, et j’irai ensuite à
la paix de C esprit. Voilà ma résolution. 7,372.
» C'est pour cela que j’habite sans cesse ce pénible
séjour. Quand on est privé du ciel des époux, on n’est plus
ni homme, ni femme. 7,373.
» Je ne veux pas me retirer, anachorètes opulents de
pénitence, que je n’aie abattu Bhishma dans le combat !
Ce que je dis est une pensée fixe dans mon cœur. 7,374.
» Je regrette les sentiments d’une femme, et j'em-
brasse l’action stérile : on ne doit pas m’empêcher, répé-
ta-t-elle, quand je cherche à me venger de Bhishma.
» L’époux d'Ournâ, le Dieu Çoûlapàni, se montra en
(1) Leçon du texte de Bombay.
(2) E*t*ce ai mû qu’il faut traduire ratséihou ? J'aurai» besoin ici du
commentaire ; il est cependant muet dans toute celte partie de l'épisode;
mais ce morceau est dans un état de vétusté et de ruine lamentables, saus
commencement, pour ainsi dire, ui milieu, ni (in.
605
LE MAHA-BHARATA.
personne à la fettmie anachorète au milieu de ces grands
saints. 7,375—7,376.
« Comblée d'une grâce, elle opta pour ma défaite :
« Tu lui donneras la mort 1 « répondit le Dieu à cette
femme intelligente. 7,377.
« Comment, Immortel, repartit la jeune fille à ces
mots de Roudra, ma victoire pourra-t-elle arriver par la
main d’une femme ? 7,378.
» Ma nature féminine jette une profonde placidité dans
mon âme, époux d'Oumâ; mais tu m'as promis, maître
des créatures, la défaite de Bhtshma. 7,379.
» Agis de telle sorte que cette parole soit une vérité, 6
toi, de qui l'enseigne est un taureau ; fais que j'allronte
Bhishma, le fils de Ç&ntauou, et que je l'abatte sur le
champ de bataille. b 7,380.
» Mahadéva, le Dieu, qui arbore le taureau, répondit
à la jeune fille : « La parole, que j’ai prononcée, ne sera
pas un mensonge : elle sera, noble dame, une vérité.
» Tu acquéreras la virilité et tu donneras la mort à
Bhishma sur le champ de bataille; toutes ces choses revien-
dront à ta métuoire, quand tu auras passé dans un autre
corps. 7,381 — 7,382.
b Née dans la race de Droupada, tu deviendras un
héros : terrible guerrier aüx flèches rapides, tu jouiras de
la plus haute estime. 7,383.
» Tout cela, illustre femme, arrivera comme je te l'ai
dit; tu deviendras un homme dans l’avenir, après une
certaine révolution du temps. » 7,38A.
» Cela dit, Maliadéva-Kaparddt, â l'enseigne du tau-
reau, disparut au même instant sous les j eux des brah-
mes. 7,385.
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Ol.DYOG V-PARVA.
505
» L’irréprochable dame se mit à ramasser des bois
dans cette vaste forêt à la vue de ces grands saints. 7,386.
» Elle construisit un immense bûcher, elle y mitlefeu;
et, quand la flamme fut allumée, grand roi, là fille afnée
du souverain de Kâçi entra, d’une âme bouillante de co-
lère, au milieu du feu, sur la rive de l’Yamounà, en s'é-
criant : «C’est pour la mort de Bhishma! » 7,387-7,388.
Douryodhana l'interrompit :
« Comment cette jeune lille, qui est maintenant
Çikhandt, est-elle devenue un homme? Raconte-moi cela,
mon aïeul, le plus vaillant des combattants! » 7,389.
•: L’épouse royale de Droupada, le souverain de la
terre, lui répondit Bhtshma, était une femme chérie, Indra
des rois; mais elle n'avait pas d'enfants. 7,390.
» Dans ce temps, le roi Droupada se rendit agréable à
Sankara afin d’eo obtenir un. » 7,391.
» Déterminé à notre mort, il accomplit une pénitence
épouvantable : « Qu’un fils me soit donné, Mahadéva,
disait-il, non accompagné d’une fille! 7,392.
# Je désire un fils, Adorable pour tirer vengeance de
Bhishma. » — « Tu auras une fille-homme! lui répon-
dit le grand Dieu. 7,393.
n Retourne, maître de la terre; il n’en sera pas autre-
ment! » Revenu dans sa ville, celui-ci raconte à son
épouse ce qu’il avait entendu. 7,394.
« Je lui Tus agréable, puissante reine, par les efforts
dépensés de ma pénitence. 11 me naîtra une fille, qui de-
viendra un homme. Aiusi m’a parlé Çambhou. 7,395.
» Çiva, mainte et mainte fois supplié, m’a révélé le
destin : « Cela ne sera pas autrement, m'a-t-il dit ; cela
doit être ainsi. » 7,306.
504
Lli MAUA-RUAUATA.
» Ensuite, devenus huuible, l’épouse du roi Droupada
s'unit à son époux aux jours de ses règles. 7,397.
» Elle conçut, au temps marqué, un fruit du Prisha-
tide, comme Nârada me l’avait dit, suivant les conditions
fixées par le Destin. 7,398.
» La reine aux yeux de lotus bleu porta neuf mois son
fruit. Le roi Droupada aux longs bras se faisait une joie
par l’amour, qu’il avait déjà pour son fils, d'aller et de
venir autour de son épouse bicn-aimée, La reine, maître
de la terre, obtenait de ce roi, qui n’avait pas d’enfants,
l’accomplissement de tous ses désirs; et la royale épouse
de Droupada mit au monde, dans le temps voulu, une
fille de la plus grande beauté. La spirituelle princesse
l’annonça en ces termes, Indra des rois, à son mari, qui
n’avait pas d’enfants : a Voilà mon fils ! »
Le monarque, cachant le sexe du nouveau-né, lit célé-
brer à cette occasion, comme pour un fds, toutes les céré-
monies accoutumées à la naissance d’un enfant mâle. De
son côté, la royale épouse conser vait de toutes ses forces le
secret de son mari et disait : « Cest un fils ! » Aucune per-
sonne dans la ville ne connut la choseaulrementque ne le
désirait le Prishatide.(D« ta slance7, 399 à instance 7,A05.)
» Donnant sa foi aux paroles du Dieu à la splendeur
impérissable, il déguisa le sexe de la jeune enfant,
et il disait : « Cest un fils! » 7,400.
» 11 fit célébrer, comme pour un garçon, toutes les cé-
rémonies de la naissance, associées aux rubriques, et l’on
nomma la fille déguisée Çikhandt. 7,407.
» Moi seul, je connus ce mystère, grâce à mon espion,
aux paroles de Nârada, au langage du Dieu cl à la péni-
tence d'Ambâ. 7,408.
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0lil)\'0(i (V-l’AHVA.
aoâ
» Le puissant Droupada mit ses efforts, dans toutes
les affaires de sa fille, il lui enseigner la lecture et les
autres arts avec les métiers divers. 7,409.
» 11 fut le disciple de Droi.a, Indra des rois, dans l’arc
et la flèche. Ensuite, son illustre mère, grand roi, pressa le
monarque de choisir pour sa fille une épouse, comme s’il
était un garçon. Le Prishatide , considérant que la noble
vierge était parvenue à l'adolescence et songeant quelle
était une femme, se plongea avec son épouse dans ces
pensées: 7,410 — 7,411—7,412.
u Ma fille est donc parvenue à la jeunesse pour augmen-
ter ma peine ! fit Droupada. Si je l’ai cachée, n’est-ce pas
suivant la parole de Çoûlapâni? » 7,413.
« Celte parole1 ne sera jamais dite en vain, grand roi,
lui répondit son épouse. Pourquoi le créateur des trois
mondes voudrait-il ici risquer uue parole vaine ? 7,414.
» Écoute ce que j'ai à dire; tu parleras, s’il te plaît,
sire. Lue fois entendue, suis ton sentiment, fds de l’rishat,
» Que l'on fasse avec soin pour lui, suivant l’étiquette,
le choix d’une épouse, la parole du Dieu aura ainsi sa vé-
rité. Telle est mon opinion bien arrêtée. » 7,415 — 7,416.
» Le mari et l’épouse, ayant pris une résolution dans
cette affaire, fixèrent leur choix sur la vierge, fille du
monarque des Daçàrnains. 7,417.
» Quand il eut promené ses regards surHoutes les fa-
milles des rois, Droupada, ce lion des rois, demanda la
fille du monarque Daçàrnain pour épouse de Çikhandl.
» Ce maître de la terre avait nom Hiranyavarman ; il
lui donna sa fille pour Çikhandl. 7,418 — 7,419.
» Ce grand roi était presque invincible ; il portait une
cuirasse d’or, il était environné d’une grande armée; il
506
LE MAHA-BHAHATA.
était inaffrontable et possédait une vaste intelligence.
» Le mariage fut célébré alors ; la vierge était parvenue
à l’adolescence, ô le plus grand des rois, ainsi que la jeune
Çikhandl. 7,420— 7,421.
» Les noces faites, Çikhandl revint dans la contrée de
Kàuipila; et la nouvelle mariée connut, au bout de
quelque temps, qu’il n’était qu'pne jeune fille, une simple
femme. 7,42*2.
« La fille d'Hiranyavartnan eut à peine découvert Ce
mystère qu'elle en lit part, en rougissant, à ses nourrices
et à ses compagnes. 7,424.
« Çikhandl, qu'on dit le fils du roi des Pàntchâlains,
n’est pas autre chose qu'une jeune fille! » Alors, les
nourrices Dâçarnaines tombèrent dans le plus profond cha-
grin ; elles envoyèrent des messagers, qui tous informèrent
de la nouvelle ce monarque du Daçarna. 7,424 — 7,425,
» Le prince s'irrita d’apprendre cette tromperie en ses
détails : « Çikhandl, grand roi, est entré comme un gar-
çon dans la famille des rois. 7,426.
» 11 a menti sur le sexe, et, rempli de joie, il a dissi-
mulé sa condition de femme ! » Quelques jours après
qu'il eut reçu cette confidence, éminent Bharatide, la co-
lère plongea Hiranyavarman dans la douleur ; et le roi
Dàçarnain , saisi d’une bouillante colère, 7,427 — 7,428.
» Dépécha*un messager au palais de Droupada. L’en-
voyé de Hiranyavarman s’approcha du Prishalide, le tira
en particulier et lui dit ces mots tète-à-tête : « Le roi du
Daçarna, sire, t'adresse ce langage : 7,429 — 7,430.
« Ton embrassement a jeté la colère dans mon cœur ;
tu m'as trompé , prince sans péché. Tu me méprises sans
doute ; c'est une mauvaise décision, que tu as prise,
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OUDYOGA-PARVA.
607
» Quand tu m'as supplié, dans ta folie* de te donner
ma fille pour ta fille! Reçois aujourd'hui, insensé, le fruit
de cette tromperie. 7,431 — 7,432.
» Moi, que voici ! je t'immolerai avec ton armée et tes
ministres. Tiens-toi ferme ! » 7,433.
» Droupada, tel qu’un larron pris sur le fait, sire, ne
répondit pas un seul mot à ces paroles du messager.
» D’après le consentement de sa compagne, il repoussa
chaudement l’accusation pat' des envoyés, qu'il chargea
de paroles douces et d’assurer que la chose n'était pas;
7,434—7,435.
» Le roi sur de nouvelles informations parvint à la
vérité : o Le fils du Pântchàlain est fine fille !» et il sortit
précipitamment. 7,430.
» Alors, suivant la parole des noutyices, il confia 4 des
amis d'une énergie sans mesure la tromperie, dont sa
fille était la victime. 7,437.
» Puis, le plus grand des rois exécuta le rassemble-
ment de ses armées ; et mit dans sa pensée, Bharatide,
une marche contre Droupada. 7,438.
» Ensuite, le puissant Hiranyavarman de consulter ses
ministres, Indra des rois, sur le prince du Pantchâla.
» La décision de ces magnanimes sur un tel sujet fut
la suivante : « S'il est vrai, sire, que Çikhandi soit une
jeune fille. 7,439 —7,440.
» Nous emmènerons, chargé de chaînes, le roi du
Pantchâla, et nous mettrons sur le trône des Pàntchâlains
un autre monarque, souverain des hommes. 7,441.
» Nous tuerons le prince du Pantchâla avec Çi-
khandi! » De nouveaux renseignements ayant mis le fait
hors du doute, le maître de la terre envoya une seconde
508
l,!i MAH A-BHAUATA.
fois des messagers au Prishatide lui dire : « Je t’immo-
lerai : tiens-toi ferme! » 7,442 — 7,443.
» Naturellement effrayé de sa faute, seigneur, Drou-
pada, le souverain de la terre, fut précipité dans une ter- «
reur profonde. 7,444.
» Droupada, en proie à la douleur, envoya des messa-
gers au Dàçàrnain ; et, s’étant réuni en particulier it son
épouse bien-aimée. ce monarque des hommes, le roi des
Pàntchàlains, saisi d’un grand effroi, et le cœur battu
par le chagrin, dit ces paroles à la mère de Çikhandi :
7,445—7,446.
» Kntrainant sur ses pas une armée, le roi Hiranya-
varman, mon allié, va' marcher contre moi avec colère, à la
tète de troupes innombrables. 7,447.
» Iuseusés, que. l’erous-nous maintenant 4 l’égard de
cette jeune fille? « Tu caches, je le' soupçonne, assuré-
ment, une fille en Çikhandi, ton fils. » 7,448.
» Voilà ce cju’il pense opiniâtrement avec ses parents,
avec son armée : « 11 m’a trompé! » dit-il ; et, dans cette
idée, il veut m’anéantir. 7,446.
» Dis-moi, femme ravissante, ce qui est ici la vérité,
ou ce qui est ici le mensonge. Quand j’aurai entendu
cette parole de ta bouche, illustre dame, je disposerai les
choses de cette manière. 7,450.
» Car je suis tombé dans l’incertitude : cette jeune
enfant est une Çikhandinl (1) ; et toi, reine, de la plus
noble des castes, tu es embarrassée dans une grande in-
fortune. 7,451.
a Dis-moi, je t’interroge, la vérité pour échapper à
(1) C'est le féuiiuin du nom Çikhandi, qui en est le masculin.
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OUDYOGA-l’ARVA.
50»
tou3 ces malheurs ; et j’aurai bientôt, femme charmante,
disposé toute chose de cette manière, dame au candide
sourire. 7,452.
» N'aie pas de crainte, j'arrangerai tout ici avec soin,
à l'égard de Çikhandi. La pitié m’a trompé, dame à la
taille charmante, sur les devoirs, que je devais à un fils.
» J'ai trompé le souverain de la terre, le roi des Dàç.àr-
nains; dis-moi, éminente dame, quel est en cette affaire
le parti le plus utile, et je l’exécuterai. » 7,553 — 7,45 4.
» Excitée par l’indra des hommes, qui avait la connais-
sance de sa faute, à déclarer un moyen salutaire, la
reine, avec une voix nette, répondit à ce maître du
globe. 7,455.
» La mère de Çikhandi, puissant roi, de raconter en-
tièrement 4 son époux ce qu’il avait à ftiire pour la jeune
Çikhandint. 7,456.
» Voici le moyen :
« La crainte de mes co-épouses, comme je n’avais pas
d’enfants, m’engagea dans cette supercherie, et la jeune
Çikhandint, à sa naissance, fut annoncée comme un
garçon. 7,457.
» Tu m’as affectueusement, ô le meilleur des rois,
accordé cette permission ; les cérémonies, qui ont lieu à
la naissance d’un fds, furent célébrées à l’occasion de
cette jeune lille; 7,458.
» Et tu lui fis épouser, sire, la fille du monarque du
Daçârna. Le discours du Dieu et la vue de ce qu’il signi-
fiait me conduisirent à chacune de ces choses. 7,450.
» Née fille, elle a passé pour homme. Voilà comme
celte affaire se présente à mes yeux. » 7,460.
» Dès qu'il eut entendu ces paroles, le roi Droupada-
610
LE MAHA-BHABATA.
Yajnaséna en fit part à ses ministres, et délibéra avec
eux, comme il convenait, dans un conseil, pour la con-
servation de ses sujets. 7,461.
« L'Iudra des rois pensa qu’une alliance l'unissait à ce
monarque des Dàçârnains; et comme il était véritablement
coupable de la déception, l'esprit uniquement fixé sur le
conseil, il prit une résolution. 7,462.
» Dans ce même temps, auguste Bharatide, l’ennemi
parvint à sa ville bien ornée, défendue par la nature, et
la fit garder de tous les cùtés. 7,463.
a En voyant ce siège posé devant sa capitale par le
souverain des Dafàrnains, le roi tomba, avec son épouse,
dans le plus profond chagrin. 7,464.
« Comment éviterai-je une vaste guerre avec ce roi,
mon allié? » se disait-il ; et, tout en roulant cette pensée
dans son esprit, il adorait la Déesse. 7,466.
» Quand la reine, son épouse, le vit, sire, livré aux
Dieux, à qui il présentait son hommage, elle lui dit ces
paroles : 7,466.
u L’adoration des grands Dieux, par l'homme vertueux,
est une vérité : à plus forte raison, faut-il honorer ses
gourous, lorsqu'on est tombé dans un océan de cha-
grins. 7,467.
a Que tous les Dieux soient adorés en des cérémonies
signalées par de nombreux présents : que l'on sacrifie aux
Feux pour écarter ce Dàçàrnain. 7,468.
» Pense dans ton esprit, seigneur, à jouir du repos,
sans le mêler aux combats. Tout ce que tu délibères avec
tes ministres, monarque aux grands yeux, arrivera de cette
manière, sire, pour le salut de la ville, grâce à la faveur
des Dieux. Exécute cela ! 7,469 — 7,470. m
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OUDYOGA-PARVA.
611
* C’est surtout par le mélange des choses humaines,
seigneur, que prospère le Destin : le succès ne couronne
jamais les tiens côtés par l'inimitié de l’ua et de l'autre
parti. 7,471.
» Établis donc, avec tes conseillers, une règle dans
la ville i honore les Dieux, maître des hommes, suivant
leurs désirs, # 7,472.
» Quand la jeune Çikhandinl , telle qu'une ascète,
pleine de pudeur, les vit ainsi causer ensemble, plongés
dans le chagrin, 7,473.
» Elle se mit à songer : « C'est moi, qui suis la cause
de leur afTliction I » et elle tourna sa pensée 4 la perte de
sa vie. 7,474.
» Aussitôt que , livrée à une douleur profonde, elle
eut ainsi arrêté sa résolution, elle abandonna le palais et
se dirigea vers une forêt solitaire, impénétrable, 7,475,
» Défendue par l'opulent Yaksha Sthoûnùkarna, sire,
de qui la crainte avait forcé tout homme de renoncer à la
forêt. 7,476.
» LA, était le palais de Sthoûna, aux portes arcadées,
aux fossés profonds, avec des endroits de terre et de plâtre,
séjour aux riches fumigations, dont l’oushira indiquait la
cause. 7,477,
» Entrée là, Çikhandint, la fille du roi Droupada, sire,
consuma, desséchant son corps, un grand nombre de
jours, sans manger. 7,478.
» Le bon génie Sthoûna se présenta devant elle, em-
preint de mansuétude ; « Quel dessein as-tu conçu ? lui
demanda-t-il. Je ferai ce que lu désirée. Dis-le moi, sans
tarder! » 7,679.
« C'est unechose impossible! » répondit-elle à l’ Yaksha
512
LK MAHA-BHARATA.
maintes fois, a Je ne la ferai pasmoins, reprit aussitôt le
Gouhyaka. 7,480.
» Je suis l'acolyte du souverain des richesses, fille de
roi ; je suis un donateur de grâces. Je donnerais ce qui
ne peut ôtre donné. Dis-moi ceque tu veux dire. » 7,481.
o Alors, Çikhandint de narrer tout, sans rien omettre,
noble Bharalide, à Stboûnâkama, le premier des Yak-
shas. 7,482.
« Mon père est sans fils, Yaksha, répondit-elle; il
périra bientôt, car le monarque irrité des Dâçàrnains va
fondre sur lui. 7,483.
» C'est un monarque â la grande force, au grand
effort, â la cuirasse d’or; sauve-nous donc, Yaksha, nia
mère, mon père et moi! 7,484.
» Daigne, ton excellence, me promettre de faire cesser
ma peine. Puissé-je devenir par ta faveur, Yaksha, un
homme de cœur sans reproche, 7,485.
» Aussi long-temps que le roi tient le siège autour de
ma ville. Veuille, grand Yaksha, étendre sur moi ta bien-
veillance. » 7,486.
» A peine eut-il entendu la parole de Çikhandint,
l’Yaksha, roulant dans sa pensée, éminent Bharatide,
que c’était une victime du Destin, lui répondit en ces
termes : 7,487.
« 11 en sera ainsi, fille de Kourou, à mon grand
chagrin. J’accomplirai ton désir , noble vierge ; mais
écoute ma condition. 7,488.
» Laisse passer l’intervalle de quelque temps, et je te
donnerai ce sexe de. l’homme. Il faut retourner sur tes
pas : dis, au temps convenable, la vérité, que je te fais
connaître. 7,480.
OUDYOGA-PARVA.
513
» Je suis une éminence, qui réussit en ses desseins; je
vais où je veux et je voyage dans l’air. Sauve entièrement
ta ville et tes parents, grâce à ma faveur. 7,490.
» Je porterai ce sexe de la femme, fille de roi, qui est
ton caractère. Donne-moi une promesse vraie ; je ferai ce
qui t’est agréable. » 7,491.
« Adorable, je recevrai, lui répondit Çikhandi, ton
organe viril; toi, dans l’intervalle, garde quelque temps
mon sexe de femme. 7,492.
•> Mais, après le départ d'Hiranyavarraan, le roi du
Daçârna, nous redeviendrons, toi un homme, et moi une
jeune fille. » 7,493.
» Quand elle eut ainsi parlé, tous deux, ils conclurent
un traité, se fondant sur le doute, que l’un inspirait à
l’autre. 7,494.
» L’Yaksha Sthoûna prit le sexe de la femme, et Çi~
khandinl se revêtit, Bharatide, de la forme éclatante de
l'Yaksha. 7,495.
» Quand Çikhandi le Pàntchâlain eut reçu l'organe
viril, seigneur, il rentra joyeux dans la ville, et s'avança
vers son père. 7,496.
» Il fit à Droupada le récit de tout cela, comme il était
arrivé; et ces nouvelles remplirent ce prince d’une joie
suprême. 7,497.
» Il se souvint alors, avec son épouse, des paroles de
Mahéçwara, et il envoya, sire, un messager au monarque
du Daçârna. 7,498.
» II était chargé de lui dire : « Ce mien fils est un
homme; que ta majesté veuille m’en croire! » Le sou-
verain du Daçârna, rempli de chagrin et de peine, s'ap-
prochait â la hâte de Droupada, le roi de Pàntchâla;
VI 33
514
LE MAHA-BHARATA.
et, quand il fut arrivé dans le Kâmpilya, 7, 499 — 7,500.
» 11 honora un brahine, le plus savant des docteurs
en Védas, et l’envoya en message : n Dis ces mots de
ma part , messager , au Pântchàlain , le plus vil des
rois. 7,601.
« Tu recueilleras aujourd'hui , n’en doute pas! le fruit
de ton impudence, insensé, qui osas me demander ma
fille en mariage pour ta fille ! » 7,502.
» A ces mots du monarque, le brahme, ô le plus excel-
lent des rois, stimulé par le souverain du Daçàrna, partit
en message pour la ville. 7,508.
» L’archi-brahme vint trouver Droupada dans sa capi-
tale. le Pântchàlain reçut l’envoyé avec honneur et lui
présenta avec Çikhandl un arghya et la terre. Celui-ci
n’en fit nul cas , et débita sa commission : 7,50A— 7,505.
o Voici les paroles, que t’adresse l’héroïque monarque
Hiranyavarraan : « Tu m’as trompé avec ma fille, homme
à la conduite ignoble. 7,500.
» Reçois ta récompense, insensé, pour ce crime 1 Livre-
moi un combat, rois des hommes, sur le front de la ba-
taille. 7,507.
» J'exstirperai aujourd'hui ta famille et tes fils avec
tes ministres ! » L’archi-brahme parla au nom du prince
des Daçârnains et fit entendre ces menaces, mêlées au
reproche de sa tromperie, à Droupada, qui les reçut
éminent Bharatide, le corps affectueusement incliné.
7,508—7,509.
« Le messager dira au roi mes paroles en réponse au
langage, que ta sainteté m’a tenu, brahme, au nom de
mon allié. * 7,510.
a Ensuite, il envoya au magnanime Hiranyavarman un
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OUDYOGA-PARVA.
515
hérault, qui était un brahme, parvenu à la rive ultérieure
des Védas. 7,511.
» Celui-ci arrivé, sire, vers le roi, souverain du Da-
çârna, lui rendît les paroles, qu’avait prononcées Drou-
pada : 7,512.
« Viens ici 1 Mon fils est visiblement un garçon. Ce
qu'on a dit est un mensonge ; je ne pourrais le croire, s'il
m’était dit par un autre. » 7,515.
» A peine le roi eut-il ouï les paroles de Droupada
que, rempli d'impatience, il euvoya les plus distinguées
des jeunes femmes , douées des formes les plus char-
mantes, savoir ce qu’était (jikhandl, homme ou femme.
» Quand les jolies messagères, ô le plus excellent des
Kourouides, eurent connu son sexe dans la vérité, elles
s’empressèrent de tout raconter au monarque : « Çikandl
est un homme d une grande vigueur 1 » dirent-elles au
roi des Daçàrnains. 7,514 — 7,515.
» Lorsque ce roi eut appris les résultats de leur voyage,
il vint, ravi de joie, trouver son allié ; et, satisfait, il ac-
cepta une habitation dans sou palais. 7,510.
.> Charmé de Çikhaudl, le monarque des hommes le
combla de richesses, d'éléphants, de chevaux, de vaches
et de nombreux serviteurs. 7,517.
» 11 s’en alla, chargé d’hommages, après qu’il se fut
bien moqué de sa fille. Quand le roi du Daçûrna, Ilira-
nyavarman, fut parti, joyeux de s’ètre fût voir que cette
faute n’existait pas, Çikhandi reprit ses formes enjouées.
Quelque temps s'écoule et Kouvéra, de qui les houqnes
portent le palanquin, vient au palais de Sthoûna dans une
visite, qu’il faisait du monde. 7,618—7,619—7,520.
» Tandis qu’il planait sur sa maison, le gardien su-
LE MAHA-BHARATA.
516
prême des richesses vit la principale demeure de son
Yaksha Sthoûna, richement ornée de bouquets en diverses
qualités, 7,521.
» Avec des grains, des parfums, les honneurs des sacri-
fices, remplie de nuages d’une fumée odorante, parée
d’étendards et de drapeaux, pleine d’or, d’ivoire, de
viandes, de breuvages, de mets et d'aliments. 7,522.
» Dès qu’il vit cette habitation décorée de tous les
côtés, regorgeante de guirlandes, d’or, de perles et de
joyaux, 7,528.
» Biche de senteurs et de fleurs différentes, arrosée,
balayée, embellie, le souverain des Yakshas dit aux Gé-
nies, qui formaient son cortège : 7,52â.
« Ce palais de Sthoûna est splendidement orné... Ses
gens pressent le pas sans mesure !... 11 ne vient pas à ma
rencontre. Pourquoi a-t-il aujourd’hui l'esprit si pares-
seux? 7,525.
» Parce qu’il n’est pas venu me recevoir, connaissant
mon arrivée, il mérite qu’on lui inflige une sévère puni-
tion : c’est mon sentiment. » 7,526.
« Sire, lui répondirent les Yakshas, Çikhandinl est la
fille de Droupada ; elle est née de ce roi. Sthoûna lui a
donné pour une raison quelconque l’organe sexuel de
l’homme. 7,527.
o Lui, devenu femme, il a pris l’organe des femmes ; il
se tient caché dans sa maison et n’ose pas sortir à cause
de cela, rougissant de sa forme de femme. 7,528.
f C’est pour cette raison que Sthoûna ne vient pas
maintenant à ta rencontre. Le sachant donc, agis suivant
la convenance : que ton char demeure en ces lieux ! »
« Que Sthoûna soit amené ici I » dit ensuite le souve-
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OUDYOGA-PARVA.
517
rain des Yakshas. Et il répéta mainte et mainte fois :
« Je le jèterai dans une prison ! » 7,529 — 7,530.
» Le malheureux , appelé, se présenta devant l’Indra
des Yakshas et se tint debout en sa présence, auguste
maître de la terre, couvert de confusion sous sa forme de
femme. 7,531.
» Le Donateur des richesses le maudit, rejeton de
Rourou, dans sa colère : « Gouhyakas, dit-il, que le sexe
féminin reste h ce coupable ! » 7,532.
» Le magnanime souverain des Yakshas lui dit en-
suite : « Parce que, au mépris des Yakshas, qui sont ici,
tu as donné ton sexe à Çikhandinl, et que tu as reçu le
sexe de la femme, artisan de choses criminelles ; 7,533.
» Parce que tu as fait ce qui n’avait pas encore été
fait, Génie à l'étroite intelligence, dorénavant tu seras
une femme ; mais elle, au contraire , elle sera un
homme I » 7,53â.
» Les Yakshas alors de supplier le Viçravanide :
« Mets un terme, lui dirent-ils mainte et mainte fois, à la
malédiction , que tu as lancée contre Sthoûnal » 7,535.
» Le magnanime Indra des Yakshas répondit à toutes
les troupes des Génies, qui formaient son cortège, avec le
désir de fixer un terme à la malédiction : 7,536.
« Une fois qu’on aura immolé Çikhand! , l’Yaksha
Sthoûna reprendra son sexe : qu’il reste jusque-là sans
appétit viril I » Ainsi parla ce Dieu au grand cœur.
» A ces mots, l’adorable Dieu, le souverain bien ho-
noré des Yakshas poursuivit sa route , accompagné de
tous ces Génies, qui parcourent un intervalle dans l'es-
pace d'un clin d’œil. 7,537 — 7,533.
« Chargé de la malédiction , Sthoûna demeura dans sa
518
Lfc MA.HA-BHAUATA.
maison, où Çikhandl vint à la hâte trouver le rôdeur de
nuit au temps expiré de la convention. 7,539.
« 11 s’approche et lui dit ces mots ; « Vénérable, me
voici arrivé I » et Sthoùua lui répond deux et trois fois i
u Je suis content ! » 7,540.
« Dès qu'il vit le fils de roi se présenter si exactement,
l’Yaksha de lui tout raconter avec détail : 7,541.
« J’ai été maudit par le Viçravanide à cause de toi, fils
d’un monarque, lui dit l’Yaksha. Va maintenant; parcours
les mondes 5 ton gré, où te conduisent tes désirs. 7,542.
u 11 nous est impossible , je pense , de surmonter ce
Destin, qui nom fut imposé naguère. 11 te faut aller d’ici
vers Kouvéra, et voir ce fils de Poulasti. » 7,543.
» A ces mots de l’Yaksha Sthoûna, Çikhandl, environné
d'une grande joie, s'en revint à sa ville. 9,544.
» 11 honora avec d’abondantes richesses, des guirlandes
et des parfums divers les brahmes, les Dieux , les tchai-
tyas et lesendroits où aboutissent quatre chemins. 7,545.
» Droupada, le Pàntchâlain, fut élevé au comble de la
la joie avec ses parents, avec Çikhandl, son fils, parvenu
à l’objet de ses désirs. 7,54(5.
» 11 confia à Drona , comme disciple , grand roi , le
héros des Kourouides, son fils Çikhandl, qui, avant d'être
un homme, avait été une femme. 7,547.
u Ce fils de roi, Çikhandl et Dhrishtadyoumnale Pri-
shatide ont étudié avec vous le Dlianour-Véda, réparti en
ses quatre sections. 7,548.
» Les espions, que j'avais répandus autour de Droupada
avec les formes empruntées du sourd, de l’aveugle, de
l’idiot, m’instruisirent exactement de ces nouvelles.
» C’est ainsi que ce fils androgyne de Droupada, que
■Bigiteed by Coegle
013DY0GA-PARVA.
510
Çikhandl, grand rw, devint le plus excellent des combat-
tants sur un char ; 7,549 — 7,550.
» Et que la fille aînée du roi de KAçi , connue sous le
nom d' Ambà, renaquit dans la race de Droupada sous l'ap-
pellation de Çikhandl. 7,551.
» Dieu veuille que je ne voie pas s’approcher de moi,
ne fût-ce qu’un seul instaut, avec le désir d'engager un
combat ce guerrier, son arc à la main, Atciiyouta, et que
je n’aie pas A le combattre 1 7,552.
» Voici le vœu, fils de Kourou, qu’on m’entendit tou-
jours exprimer sur la terre : « Puissé-je ne pas envoyer
une flèche contre cette femme, qui fut une femme avant
d’ètre un homme, qui porte le nom d’une femme et qui est
une sorte de femme ! Que pour cette cause, je n’ôte point
la vie à Çikhandl ! 7,653—7,554.
» Cette naissance de l’androgyne m’est connue dans
sa vérité; je ne tuerai donc pas, mon fils, ce brigand au
milieu des combats. 7,555. .
» S'il arrivait qne Bhlshma pût donner la mort & une
femme, les hommes vertueux jèteraient le blâme sur lui.
Ainsi, je ne le tuerai pas, fût-il debout, en ma présence,
dans les combats. » 7,656.
Dès qu’il eût entendu ce discours, le roi de Kourou,
Douryodhana se tint un moment plongé dans la rêverie,
cherchant ce qu'il séait de faire à Bhlshma. 7,567.
Sandjaya dit :
« Quand la nuit se fut éclaircie aux premières lueurs
du matin, ton fils interrogea son grand-oncle au milieu
de toute l'armée : 7,558.
« Celte armée rassemblée du fils de Pàndou, remplie
de grands chara, de chevaux, d’éléphants et d’hommes en
multitudes, fils de la Gangâ; 7,559.
520
I.h MAHA-BIIARATA.
» Défendue par Bhlma, Arjouna et les autres, qui ont
pour chef Dhrishtadyoumna, ces héros à la grande force,
semblables aux gardiens des mondes; 7,500.
» Cet océan d’armée, que ne sauraient émouvoir les
Dieux mêmes dans un grand combat, inalfrontable et
qu'on ne peut arrêter, comme une mer soulevée; 7,56t.
« Dans combien de temps la coucheras-tu morte, toi,
fils de la Gangà, à la grande splendeur, ou l’Atchârya au
grand arc, ou Kripa à la vigueur immense? 7,562.
» Ou Karna, qui se vante de ses batailles ou Açvatthà-
man, le plus excellent desbrahmes? car vos excellences
ont toutes dans mon armée la connaissance des astras cé-
lestes. 7,563.
» Je désire le savoir : ma curiosité est extrême :
veuille bien me dire cette chose, dont la pensée vit sans
cesse dans mon cœur. » 7,564.
» 11 te sied, souverain de la terre, 6 le plus éminent des
Kourouides, de m’interrogec, ici sur le fort et le faible
des ennemis. 7,565.
» Écoute, monarque aux longs bras, quelle sera dans
cette bataille ma vigueur prédominante , et ce que sera
dans ce combat l’arme et la force de mes deux bras.
n On doit livrer et soutenir une bataille avec franchise.
Un autre , qui est magicien , combat avec l’arme de la
magie ; telle est la décision sur les devoirs. 7,560 — 7,567.
n Chaque jour, éminent prince, j'abattrai une partie
de l'année des Pândouides, ayant fixé au matin quelle
sera ma tâche quotidienne. 7,568.
i> Je prendrai, héros â la grande splendeur, pour ma
portion journalière, dix mille guerriers et un millier d’au-
tres combattants sur des chars : telle sera estimée ma part
d’un jour. 7,569.
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OU DY OG A-PARV A.
521
» De cette manière, toujours armé, toujours levé, c’est
le temps qu’il me faudra, Bbaratide, pour étendre morte
cette grande armée. 7,570.
» Ou si, ferme sur le champ de bataille, je décoche de
longues flèches, homicides des guerriers, par centaines et
par milliers, j’emploierai, Bharatide, un mois pour celte
affaire. » 7,571.
» Dès qu’il eut entendu ce discours de Bhishma, le roi
Douryodhana d’interroger, Indra des rois, Drona, le plus
excellent des Angirasides : 7,572.
« En combien de temps, instituteur spirituel, auras-tu
renversé les guerriers du fils de Pàndou ?» Il dit, et Drona
lui répondit en riant : 7,573.
« Je suis un vieillard aux paresseux actes de la vie,
héros aux longs bras ; je consumerai l’armée des l’àn-
douides avec l’arme du feu. 7,574.
» Mon sentiment est qu’il me faut un mois, comme à
Bhishma, le fils de Çàntanou : voilà quelle est ma plus
grande vigueur, voilà quelle est ma plus grande force ! »
» Kripa, le Çaradvatide, exigea deux mois ; et le fils de
Drona fit la promesse de renverser morte l’armée en dix
jours. 7,575 — 7,57(5.
» Le guerrier, qui avait la science des grands astras,
Karna, promit qu’il pourrait la détruire en cinq jours. A
peine eut-il entendu le fils du cocher prononcer de telles
paroles, le fils du fleuve se prit à rire et dit ces mots
avec un bruyant éclat : « Tu penses ainsi, fils de Ràdhâ ;
mais, une fois que tu auras abordé dans la bataille ce fils
de Prithâ, armé de son arc, de sa conque et de sa flèche,
secondé par le Vasoudévide et s’avançant au combat,
monté sur son char, te sera-t-il possible de parler encore,
622
LE MAHA-BHARATA.
suivant ton désir (1). » 7,677—7,578—7,67» — 7,580.
» Dès qu’il eut ouï ce discours, le (ils de Kountl, You-
dkishthira , appelant ses frères k ses côtés, prononça tes
paroles suivantes : 7,581.
« Que ceux, qui, parmi lesguerriers du Dhritarâshlride,
sont des espions, semés autour de moi, lui donnent de
mes nouvelles, après cette nuit passée. 7,582.
» Douryodhana, c’est un fait certain, interrogea Mahâ-
vrata, le fils du fleuve : « En combien de temps, lui de-
manda-t-il, seigneur, auras-tu couché morte l’armée des
Pàndouides sur le champ de bataille ? » 7,683,
« En un mois ! » fut-il répondu an Dhritarâshtride
insensé; et Drona lui promit la même prouesse dans un
espace égal de temps. 7,584.
» Le Golamide demanda, nous dit-on, deux fois ce
même intervalle, et le fils de Drona, versé dans les grands
astras, promit d’accomplir cette œuvre en dix jours.
» Mais Karna, qui sait les astras célestes, interrogé
dans l’assemblée des Kourouides, s’est engagé .A tuer notre
armée en cinq jours. 7,585 — 7,586.
» Je désire donc entendre, Atjouna, cette parole de
toi : combien emploieras-tu de temps, Phâlgouna, pour
tuer les ennemis ? » 7,587.
» A ces mots du prince , Dhanandjaya-Goudakéça de
regarder le Vasoudévide et de répondre en ces termes :
<i Tous ces magnanimes héros, consommés dans les
armes, tueraient la Vérité même, grand roi, c’est infail-
lible. 7,588—7,689.
(1) Ce passage est désagréablement corrompu dans l'édition de Calcutta;
uous traduisons sur le teste pins correct de Bombay.
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OUDYOGA-PARVA.
528
» Que l’inquiétude s’en aille de ton cœur, aussi sûr que
je te dis la vérité. Avec un seul char, conduit par le Vasou-
dévide, je détruirais dans un clin-d’œil les trois mondes
avec tous les êtres animés et inanimés, avec les Immortels
eux-mêmes, ce qui est, ce qui fut et ce qui sera. Telle est
mon opinion. 7,590 — 7,591.
» Cette arme, grande et terrible, que Paçoupati m’a
donnée dans mon duel, qu'il soutint, déguisé en chas-
seur montagnard, est encore dans mes mains. 7,592.
» Ce trait, que Paçoupati décoche à la fin d’un youga,
quand il rassemble en lui tous les êtres, ce trait, il est
encore dans mes mains ! 7,595.
» Ni le iils de la Gangâ, ni Drona, ni le Gotamide, ni
le fils de Drona, sire, ne le connaissent ; bien moins est-il
connu par le Iils du cocher. 7,594.
» Mais il no sied pas d’employer des astras célestes
pour immoler des guerriers vulgaires ; el nous vaincrons
les ennemis par un combat loyal. 7,595.
« Ces tigres des hommes, tes compagnons, prince, sont
tous consommés dans les astras divins, tous ont le désir
des batailles : 7,596.
» Tous ces héros ont passé par le bain, qui termine la
philosophie tirée des Védas; ils n’ont jamais connu la
défaite : ils tueraient dans un combat, Iils de Pàndou,
l'armée des Dieux mêmes. 7,597.
u Ce sont Youyoudhàna, Çikhandi, Dhrishtadyouuina
le Prishatide, Bhlmaséna, les deux jumeaux, les deux
Youdhâmanyou à la vigueur infinie, 7,598.
» Yirâta et Droupada , l’un et l’autre égal dans la
guerre à Bhlshma et Drona, Çankha aux longs bras et le
vigoureux Haldimba, 7,599,
LE MAHA-BHARATA.
524
» AndjRnaparvan , son fils, à la grande force, à la
grande vaillance, Çalnéya, puissant compagnon, instruit
dans l'art de la guerre, 7,600.
» Le robuste Abhimanyou, et les cinq (ils de Draâupadi,
nos enfants. Et toi-même, n'es-tu pas capable d’anéantir
les trois inondes? 7,001.
» Que ton regard s’abaisse sur l’homme à la plus ter-
rible colère, ô toi, de qui la splendeur est égale à celle de
Çakra, et bientôt il aura cessé d’être! C’est ainsi que tu
es connu de moi, rejeton de Kourou. » 7,602.
Ensuite, à l’aube sereine du jour, tous les rois, stimulés
par Rouryodhana le Dhritarâshtride, s’avancèrent contre
les fils de Pàndou. 7,603.
Tous s’étant baignés, purs, ornés de bouquets, revêtus
de blancs habits, munis de leurs armes et de leurs dra-
peaux, sanctifiés par le mot svvasti et l’offrande versée dans
le feu, 7,604.
Tous étaient des héros, versés dans les Védas; tous
observaient exactement leurs vœux ; tous effectuaient ce
qu’ils voulaient ; tous portaient les cicatrices des ba-
tailles. 7,605.
Tous à la grande force, ils désiraient emporter les
mondes supérieurs, grâce à leur vaillance dans les com -
bats; ils avaient l’esprit fixé sur un seul point; ils avaient
confiance les uns dans les autres. 7,606.
Vinda et Anouvinda, les deux rois d’Avanti, les Kal-
kéyaius avec les Vâhllkas s'avançaient; tous, ils avaient
à leur tête le Bharadwadjide. 7,607.
Açwatthâman, le fils de Çàntanou, Djayadratha, le roi
de Sindhou, et les monarques du midi, de l’orient et du
pays des montagnes, 7,608.
Digitizedby^Gi
oudyogà-pakva.
525
Le souverain du Gândhàra, Çakouni, et les rois au
complet du couchant et du septentrion, les Çakas, les
Kiràtas, les Yavanas et Vaçàtaya, rejeton de Ç.ivi; 7.609.
Tous ces héros, environnés chacun de son année, envi-
ronnant à leur tour l’héroïque prince, sortirent de com-
pagnie, comme une seconde armée. 7,610.
On voyait Kritavarman avec ses troupes, et le vaillant
Trigartain, et le roi Douryodhana, que ses frères entou-
raient. 7,611.
Cala, Bhoûriçravas, Çalya et Vrihadratha le Koçalien,
ces héros, suivis de leurs armées, suivaient eux-mèmes
les pas du Dbritarâshtride. 7,612.
S’étant réunis, comme il convenait, ces Dbritaràsh-
trides à la grande force se placèrent, armés de leur cui-
rasse, dans la seconde moitié du Kouroukshétra. 7,613.
Là, Bharathide, Douryodhana se fit construire un camp
royal, orné, tel qu’un second Hâstinapoura. 7,614.
Les habitants de la cité, les plus raffinés même, ne
distinguaient aucune différence entre la ville et le camp.
Le Kourouide, maître de la terre, fit édifier dans son
camp pour les rois, sur le plan de la ville, les châteaux-
forts par centaines et par milliers. 7,615 — 7,616.
11 laissa devant lui une circonférence de cinq yodjanas
pour le champ de bataille; cent portes donnaient collec-
tivement une entrée dans l’armée. 7,617.
Lit, étaient les souverains de la terre, rangés suivant
leurs forces, suivant les efforts, dont iis étaient capables ;
ils étaient entrés par milliers dans ces camps opu-
lents. 7,618.
Le roi Douryodhana fit distribuer à ces magnanimes, à
leurs guerriers, à leurs chevaux, les plus succulentes
nourritures et les plus délicieux fourrages. 7,619.
52(5
LE MAHA-BHARATA.
Le souverain de Kourou tourna ses regards, suivant la
règle, sur tous les gens, qui vivaient d'un métier concer-
nant les éléphants, les chevaux ou les hommes, sur les
autres, qui étaient les suivants, les encomiastes, les
bardes, les ménestrels, les marchands, les courtisanes,
les espions ou de simples spectateurs. 7,620 — 7,021.
Le royal fils de Kounti, Youdhishthira, duquel Yama
était le père, excita, Bharalide, les héros, qui marchaient
sous la conduite de Dhrishtadyoumna. 7,622.
11 donna ses ordres à Dhrishtakétou, l’immolateur des
ennemis, le général au courage solide, le guide des Ka-
roûshains, des habitants de Kâçi et des Tchédiens ; 7,62$.
A Virâta, Droupada, Youyoudhâna et Çikhandt, aux
deux Youdhâmanyou i» la vigueur infinie, les héros Pânt-
châlains. 7,62â.
Ces guerriers au grand arc, vaillants, revêtus de cui-
rasses admirables, parés de pendeloques d’or bruni, écla-
taient comme des planètes flamboyantes ou tels que des
feux allumés sur l’autel, où l’on a versé le beurre clarifié.
Dès qu’il eut honoré ses troupes, suivant qu’elles étaient
rassemblées, le souverain de la terre, le plus grand des
hommes donna aux armées l’ordre de se mettre en
marche. Le royal Youdhishthira de commander les plus
succulentes nourritures et les fourrages les plus délicieux
pour ces magnanimes, accompagnés de leurs armées, de
leurs bêtes de somme, de leurs éléphants, chevaux et
hommes, qui vivaient d’un métier.
7,625—7,620—7,627—7,628.
Le fils de Pàndou fit marcher le grand Abhimanyou et
tous les fils de Draâupadî sous la conduite de Dbrish-
tadyoumna. 7,629.
Youdhishthira commanda la marche k Bhtma ,
OUDYOGA-PAIIVA.
527
Youyoudhâna et Dhanandjaya, le fils de Pftndou, accom-
pagnés d’une nombreuse armée. 7,630.
Le bruit de ces guerriers, ajustant leurs armes, mar-
chant', courant, témoignant leur joie , s’élevait alors
jusqu'au ciel. 7,631.
Ensuite le souverain s’avança lui-mème, accompagné
de Viràta, de Droupada et des autres monarques. 7,632.
On voyait s’écouler, comme l’humide Gange à pleines
rives, l’armée, qui marchait sous les ordres de Dhrish-
ladyoumna avec des arcs terribles. 7,683.
Sage, il prescrivit en outre à ses armées des injonc-
tions, qui jetèrent le délire dans les conseils enfantés par
l’intelligence des fils de Dhritarâshtra. 7,634.
Le Pàndouide mit les héros, fils de Draâupadî, Abhi-
manyou, Nakoula, Sahadéva et tous ces nobles guerriers,
avec dix mille chevaux, deux milliers d’éléphants, une
myriade de fantassins et cinq cents chars, armée princi-
pale, inaflrontable , sous la conduite de Bhlmaséna. 11
plaça au milieu de ces troupes Viràta et Djayatséna.
Les deux héros Pàntchâlains Youdhâmanyou à la force
sublime, magnanimes, remplis de vigueur, portant l’arc
et la massue , 7,635 — 7,636 — 7,637 — 7,638.
o Le Vasoudévide avec Dhanandjaya, et des guerriers
consommés dans les armes, à la bouillante colère, mar-
chaient au milieu des hommes, qui suivaient leurs pas.
Ils avaient vingt mille chevaux, montés par des héros,
cinq milliers d'éléphants et des multitudes entières de
chars. 7,639 — 7,640.
De vaillants guerriers, qui combattaient à pied, armés
de l’épée, de la massue et de l’arc, les précédaient par
milliers, ou les suivaient en nombre égal. 7,641.
528
LE MAHA-BHARATA.
Là , où était Youdhishthira au milieu des troupes
comme dans un océan d’armées, les souverains de. la terre
se tenaient, l’environnant de leur plus grand nombre.
Là étaient, fils de Bharata, des milliers d’éléphants, des
myriades de chevaux, des milliers de chars et de fantas-
sins. 7,642 — 7,643.
Environné, éminent prince, de sa nombreuse armée
s’avançait Tchékitâna et le roi Dhrishtakétou, le conduc-
teur des Tchédiens. 7,644.
Cent raille chars de guerre, qu’il chassait devant lui, en-
touraient le vigoureux héros Sâtyaki, le meilleur char des
Vrishnides. 7,645.
Montés sur leurs véhicules, deux vaillants guerriers,
Kshattrahan et Kshattradéva , s’avançaient à l’arrière-
garde, protégeant les derrières, 7,646.
Toutes les voitures , les charrettes , les boutiques, les
tentes. Là, étaient les éléphants par milliers et les che-
vaux par myriades. 7,647.
Youdhishthira s’avançait d'un pas lent, après qu’il eut
recueilli avec une armée d’éléphants quiconque était faible
des cuisses, tout ce qui était débile et maigre, les richesses
entassées, les porteurs de fardeaux et le trésor. 11 était
suivi par Saâutchitti, ferme dans la vérité , qui aspirait à
s’enivrer de batailles, 7,648 — 7,649.
Par Çrénimat, par Vasoudâna ou par l'auguste fils du
roi de Kàçi. Leur suite se composait de vingt mille chars,
flanqués par cent millions de grands chevaux, ornés de clo-
chettes, et par vingt mille éléphants de guerre (1) aux
larges et longues défenses. 7,650 — 7,651.
(1) Prahârinas.
OlIDYOGA-PAItVA.
529
Issus de nobles races, les joues fendues, stillantes de
matla comme des nuages. Y'oudhisthira possédait dans les
sept armées, qui s'étaient réunies pour la guerre, soixante-
dix raille éléphants, et dix milliers d'aulres, Bliaratide.
(les pachydermes, dont les faces aux joues fendues stil-
laient de mnda, telles que des nuages, 7,652 — 7,653.
Suivaient les traces du monarque comme des montagnes
ambulantes. Telle formidable était l’armée du âge fils
de Kountî. 7,654.
Alors, s’étant approché, il fondit sur Souvodhana, fils
de Dhritarâshtra. Ensuite, les autres hommes par cen-
taines, par milliers, par myriades, s’avancèrent, poussant
des cris. C'étaient des milliers d’armées ! Les guerriers
joyeux par milliers et par myriades, faisaient résonner
îles milliers de tambours et des myriades de conques.
7,655 — 7,656 — 7,657.
FIN UE LOtJDYOUA-PABVA.
34
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BHISHMA-PARVA.
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BHISHMA-PAHVA
ou
LE CHANT DE BH1SHMA.
Honorer d’abord Nârâyana et Nara, le plus éminent des
hommes, et la déesse Sarasvntt ; ensuite, récitez ce poème,
qui donne la victoire : i.
Djanamédjaya dit :
« Comment les princes héroïques, très-magnanimes,
rassemblés de contrées diverses, les Somakas, les fils de
Pàndou et les Kourouides, ont-ils fait la guerre? » 2.
Yalçampâyana lui répondit :
Écoute, souverain de la terre, comment les héroïques
Somakas, les fils de Pàndou et les Kourouides ont fait la
guerre dans le Kouroukshétra, le champ de la péni-
tence. 3.
Accompagnés des Somakas et désirant la victoire, les
LE MAHA-BHARATA.
534
Pàndouides & la grande force, descendus dans le Kou-
roukshétra, tournent la face vers les Kourouides. 4.
Tous, ils Otaient doués de la lecture des Védas, ils fai-
saient leur joie des combats, ils espéraient la victoire
dans les batailles, et leur armée présentait le visage à
l’ennemi. 5.
S’étant approchés de l’armée inaccessible du fils de
Dhritaràshtra , ils campèrent avec leurs guerrière dans
la partie occidentale, le front dirigé vere l’orient. 0.
Le (ils de Kounti, Youdhishihira, lit construire, suivant
les règles de l’art et par milliers, des résidences royales,
en dehors du champ de bataille, sur tous les côtés. 7.
Toute la terre était vide ; il n'y restait plus que des
vieillards et des enfants; elle était sans chevaux, sans
hommes, et privée d’éléphants. 8.
Pour son arrivée, l’armée employa tout le temps qu’il
fallut au soleil, ô le plus grand des rois, pour échauffer le
cercle du Djamboudwipa. $>.
Ces hommes de toutes les classes, réunis dans un môme
lieu, avaient évolué un cercle de beaucoup d’yodjanas
à travers les contrées, les rivières, les montagnes et les
forêts. 10.
L’auguste Youdhishihira commanda pour eux tous et
leurs bêtes de somme, éminent personnage, les plus
délicieuses nourritures et les plus gras fourrages. 11.
Youdhishthira fit pour eux , seigneur , diverses cou-
ches (1). Ses ordres étaient ainsi proclamés : « Sachez que
l’illustre fils de P&ndou a parlé de celte manière (2).» 12.
(!) Çayydi, que porte l’édilion de Bombay.
(2) Ce ii 'est pas ai nui que veut le commentateur ; mais c’est la significa-
tion littérale du texie.
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IiHISHM A-PAUVA.
535
Le Kourouide, dès qu’il eut vu s’approcher le temps du
combat , distribua à tous des parures , des noms et des
marques distinrlivei. 13.
Environné de ses frères, entouré d'un millier d'élé-
phants, abrité sur sa tête d’une blanche ombrelle, aussitôt
que le Dhritarâshtride au grand cœur aperçut l’extrémité
de l'enseigne du Pritbide, il conjectura que tous les rois
de la terre étaient répandus autour du fils de Pândou.
14—15.
Heureux de voir s’approcher l’heure du combat, les
Pàntchâlains, joyeux à la vue d’Youdhishthira, emplissent
de vent les conques au grand bruit, et battent les tambours
aux sons agréables. 16.
Le vigoureux Vasoudévide et les fils de Péndou, voyant
l’armée pleine d’ardeur, sentirent leur âme pénétrée de
plaisir. 17.
Après qu’ils eurent savouré ce mouvement de joie, ces
deux éminents hommes, le Vasoudévide et Dhatiandjaya,
montés sur leur char, souillèrent dans leurs conques cé-
lestes. 18.
A peine eurent-ils entendu le bruit de Pântchanya et
de Ilévadatta, à peine eurent-ils oui les fanfares de ces
deux instruments, les guerriers laissèrent aller sous eux
l’urine et les excréments. 19.
Aussitôt qu’ils en eurent perçu les sons, ils trem-
blèrent, comme les autres animaux à la voix d’un lion
rugissant, et l’armée s’affaissa. 20.
La poussière de la terre s’éleva, et il fut impossible de
rien distinguer, comme si le soleil, environné soudain par
son armée, était descendu, e/frayt, â la montagne de son
couchant. 21.
LE MAHA-HHAIIATA.
530
Le nuage versa une pluie de chair et de sang. Toutes
les années étaient répandues par tous les points de l'es-
pace : c'était comme une chose prodigieuse. 22.
Un vent bas, soulevant le sable, s’éleva ; et les ar-
mées commencèrent à se frapper par centaines et par
milliers. 23.
Les deux années, remplies d’ardeur, pleines de la plus
grande joie pour cette bataille, se tenaient donc, Indra des
rois, dans le Kouroukshétra, semblables à une mer agitée.
La rencontre de ces deux armées fut prodigieuse, comme
celle de deux mers qui viennent s'entrechoquer à la lin
d’un youga. 24 — 25.
Toute la terre était vide ; il n’y restait plus que des
vieillards et des enfants (1), à cause de cet immense ras-
semblement d’armées par les enfants de Kourou. 20.
Ensuite les Somakas, les fils de Pândou et les Kou-
rouides établirent une loi; ils fixèrent, Bharatide, les rè-
gles du combat. 27.
« Dans cette bataille, qui va commencer et qui sera
menée à sa lin , nous éprouverons une satisfaction mu-
tuelle, si C on observe tes conditions suivantes. 28.
» A ceux qui attaquent avec des paroles, on pourra
donner la riposte également avec des paroles. 11 ne faut
jamais frapper un homme qui est sorti du milieu de la
bataille, # 20.
Le mattre d'un char devait être combattu, fils de Bha-
rata, par un maître de char, le guerrier monté sur les
épaules d’un éléphant par un éléphant, le cavalier par un
homme à cheval, le fantassin par un fantassin, 30.
(1) C’e»t le même vers, par lequel commence le huitième distique.
BHlSHMA-l'AKVA.
53"
Suivant le désir, suivant la forte, suivant qu’on est apte
à la chose, suivant l’effort, duquel on est capable. Onjètera
une apostrophe à l'ennemi , et l’on fondra sur lui, ni avec
tropde confiance ni dans un esprit agité par la crainte. 31.
On ne devra jamais frapper, ni le combattant, qui est
engagé avec un nuire, ni celui, qui a tourné le dos au
combat, ni le guerrier, de qui l’arme est brisée, ni le sol-
dat, qui u’a pas de cuirasse. 32.
11 ne faudra jamais s’attaquer, ni aux cochers, ni aux
porteurs de fardeaux, ni à ceux, qui vivent d’un métier
utile aux armées, ni èceux, qui battent le tambour et qui
sonnent de la conque. 33.
Quand ils eurent établi ces règles, les Somakas, les
fils de Pàndou et les Kourouides restèrent dans la plus
grande incertitude, les yeux fixés les uns sur les autres.
Ensuite, une fois pris leur repas, ces magnanimes chefs
avec leurs guerriers ne présentèrent à la vue que des
formes joyeuses et des âmes bien disposées. 3 A — 35.
Lorsque le vénérable saint Vyàsa, fils de Satyavatl, le
plus excellent de tous ceux, qui savent les Védas, vit l’une
et l’autre armée : 30.
» L’auguste aïeul des Bharatidcs, pensa-t-il, qui voit
présent à ses regards ce qui fut, ce qui est et ce qui sera,
doit mourir dans celte épouvantable bataille ! » 37.
11 dit en particulier ces mots au roi fils de Vitchitra-
vfrya, gémissant, affligé et qui songeait alors au destin
malheureux de ses enfants : 38.
n Sire, tes fils et les autres monarques sont assiégés
par la mort; une lois qu’ils se seront abordés, ils vont se
nuire l’un à l’autre dans le combat. 30.
» Eux, que le trépas environne, ils périront! Songe à
5S8
LE MARA-BHARATA.
la révolution du temps, Bharatide, et ne livre pas ton âme
à la douleur. 40.
» Si tu veux les voir dans le combat, monarque des
liommes, je te donnerai des yeux, mon fils ; et tu verras
d’ici la bataille. » 41.
« Je ne désire pas, 6 le plus éminent des brahmarshis,
lui réj)ondit ühritarâshtra, voir la mort de mes parents;
mais que j'entende, grâce à ta puissance, raconter cette
bataille en détail. » 42.
Comme il ne désirait pas voir, mais ouïr conter cette
bataille, non aïeul donateur souverain des grâces accorda
un don à Sandjaya : 43.
« Voici Sandjaya, qui te racontera ce combat, sire, lui
dit-il, soit évident, soit invisible, ou dans le jour ou dans
la nuit. 44.
» Rien n’échappera aux regards de Sandjaya, quoiqu’il
voie les choses dans le miroir de sa pensée: il ne sera point
blessé des traits et la fatigue ne pèsera pas sur lui. 4â.
» Ce Gavalganide, il sortira vivant de ce combat, et moi
je proclamerai la gloire de ces lils de Kourou, éminent
Bharatide, et de tous les Pândouides. Ne t’afflige donc
pas ; ne veuille point, tigre des hommes, déplorer ce Destin :
on ne peut l'empêcher-, mais là, où sera le juste, se tien-
dra aussi la victoire. » 40 — 47 — 48.
Ainsi parla ce vénérable bisaïeul des enfants de Kou-
rou et l’homme vertueux adressa ces nouvelles paroles à
Dhritarâshtra : 49.
« Dans cette bataille-ci, grand roi, un vaste carnage
sera accompli, et j’en vois ici les présages épouvantables.
f~ » Les vautours, les faucons, les corbeau \y les ardées,
en compagnie des grues blanches, volent sur la chne des
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BHISHMA-l'ARVA.
539
arbres et s’y rassemblent de tous les côtés. 50 — 51.
» Les oiseaux de proie avec des cris de joie présagent
hautement la bataille ; les carnassiers mangeront les chairs
des éléphants et des coursiers. 52.
» Les corbeaux eflrayants, qui prédisent les dangers,
croassent d'une manière impitoyable ; ils volent par la
moyenne région des airs vers la plage méridionale. 53.
» L’un et l'autre crépuscule du suir et du matin voient
le soleil environné de corps mutilés h son aurore et 5 son
coucher. 55.
» Des cercles aux trois couleurs, accompagnés d'éclairs,
environnaient l’astre lumineux au commencement et au
déclin du jour; ils étaient noirs au milieu, rouges et blancs
aux deux extrémités. 55.
» Je vis à la fois le jour et la nuit, la perte indistincte
du jour, les constellations, la lune et la lumière du soleil
briller ensemble sur l’horizon : cela dénote un péril. 50.
» On ne pouvait discerner la lune privée de sa lu-
mière, au mois de Karttika, dans une nuit de pleine lune:
et les couleurs du feu étaient répandues sur toute l'at-
mosphère, qui ressemblait au lotus rouge. 57.
» Les héroïques princes, les rois et les valeureux fils
de rois, aux bras comme des massues, dormiront sur la
terre, couverte de leurs corps immolés. 58.
» Le bruit du combat, que se livrent dans l’aluios-
phère le Porc et le Chat, ces deux astérismes, jette la
terreur au sein de la nuit sur la perte des créatures. 59.
» Les images des Dieux remuent, elles rient, elles
vomissent le sang par leurs bouches, elles suent, elles
tombent! 60.
» Les tambours résonnent saus qu’on les frappe, sou-
540
LE MAHA-BHARATA.
verain des hommes ; les grands chars des kshalryas
roulent d eux-mêmes , avant que les chevaux y soient
attelés. 61.
» Les kokilas, les piverts, les geais bleus, les poules-
d’eau, les perroquets, les grues indiennes et les paons
jettent des cris épouvantables. 62.
» Les soldats aux petits boucliers, qui montent sur
l’échine des chevaux, poussent des cris d effroi en sai-
sissant leurs armes. Dès le point du jour, on voit déjà par
centaines les essaims des sauterelles. 63.
» Aux deux crépuscules, les plages du ciel brillent,
semblables à un incendie : le nuage pleut de la poussière,
Bharatide ; il pleut de la chair. 64.
» Voici Vaçishtha, sire, que la glorieuse Aroundhati,
bien estimée dans les trois mondes , a mis derrière
elle. 65.
» Voilà Çanatçtchara, sire, qui se tient sur Rohini,
qu’il opprime. Un grand danger doit éclater, car le sexe
de Lunus est caché. 66.
» Dans un ciel sans nuage, un bruit de tonnerre infi-
niment épouvantable vient frapper les oreilles; et les
coursiers , pleurant , laissent tomber des gouttes de
larmes. 67.
» Des ânes sont nés du sein des vaches; les fils
apprennent la volupté daus les bras de leur mère ; les
arbres des forêts montrent le fruit et la fleur, quand ce
n’en est pas la saison. 68.
» De nouvelles épouses enceintes, des mères, qui ont
déjà des enfants, accouchent de peur. Les carnivores
mangent avec les oiseaux, et mutuellement tes oiseaux
mangent avec les carnivores. 69.
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BH1SHM A-l'AliVA.
541
» Des pourceaux, de sinistres bestiaux naissent avec
trois cornes, quatre yeux, cinq pieds, deux phallus, deux
têtes et deux queues. 70.
» Des paons à trois pieds, des chevaux, des éléphants,
des taureaux vieuuent au inonde la bouche ouverte, exha-
lant des voix de mauvais présages. 71.
» Et, de plus, on voit dans la ville des femmes, unies
à des brahmes, donner le jour à des paons et des vau-
tours. 72.
» La cavale enfante le veau, souverain de la terre ; la
chienne uiet bas le chacal, des chiens naissent des ca-
melles , et les perroquets prononcent des paroles si-
nistres. 73.
» Il est des femmes, qui accouchent de quatre eu de
cinq filles ; à peine nées, celles-ci dansent, chantent et
rient. 74.
» Les boiteux, les borgnes et les bossus dansent,
chantent et se rient de tout homme bien constitué (1) :
ce qui annonce un grand danger. 75.
» Voilà des statues, qui, poussées par la mort, écrivent
avec leurs armes; voici des enfants, qui courent les uns
sur les autres, un bâton à la main. 76.
» Dans le jeu d’enlever par la force et de défendre les
villes, ils se broient de coups mutuels. Des lotus , des
nymphées blancs, des nélumbos d'azur naissent sur les
arbres. 77.
» Des vents orageux soufflent à tous les points de l’ho-
rizon ; la poussière ne se calme pas; la terre est ébranlée à
(0 Le mot eat au génitif. Cet exemple est contraire à l a. serin. Il de
Bopp et de Westergaard que PSAiuf.fT.it a, irriikrt aliquem, veut son
complément à l'accusatif.
54 "2
LK MAHA-BHARATA.
chaque instant, elle Démon de l'éclipse offusque le soleil.
» La planète C.wéta se tient au-dessus de Tchitrà ; et,
de là, elle semble contempler la complète destruction des
enfants de Kourou. 78 — 79.
» Une comète très-épouvantable a dépassé Poushya;
ce grand météore jètera une sinistre alarme dans les deux
armées. 80.
» Angàraka est contraire dans les Maghfts, Vrihaspati
dans Çravana; l’astérisme Bhaga est oppressé par le (ils
du soleil, qui est arrivé dans cette mansion. 81.
» Çoukra, monté dans le premier des Prosthapadas,
resplendit, et on le voit se promener, accompagné dans
le septentrion, avec la planète Çwéta, qui flamboie comme
un feu dans sa fumée. L'astérisme d’Indra est venu dans
la Djyéshtà, où il se tient. 82 — 83.
» Dhrouva enflammé s’avance vers l’épouvantable
droite : le soleil et la lune accablent llohini de leur dou-
ble poids. 84.
» Après quelle a donné et redonné une maligne in-
fluence au Çravana, la funeste planète, qui a l'éclat du
feu (1), se tient au milieu du resplendissant Arcture. 85.
» Lohitùnga reste, masquant de son corps Vrihatpati ,
cette montagne de la science Védique. La terre se
montre couverte d’armes en toutes les sortes , au lieu des
moissons fertiles, dont elle est douée. 80.
» Les orges ont cinq têtes, le riz est à cent têtes (1),
ces principales semences de tout l’univers, sur les-
quelles (2) ce monde vit appuyé (8). 87.
(1) Ràhou.
(1-2) On aurait besoin ici du commentaire; jnaii il »e latt malheureuse-
ment.
(3) YiUv>âynttnm, porte l’édition de Bombay.
— Bigitized by Gc
BHISHMA-PAM
543
» La vache, qui a mis bas récemment, prête à son veau
une mamelle, où il tette tlu sang; hors des eaux enflam-
mées sortent des conques très -flamboyantes. 88.
» Évidemment, les armes voient que le combat est
proche : les armes et l’eau ont la couleur du feu, comme
si elles étaient enflammées. 89.
h 11 y aura une vaste destruction de cuirasses et de
drapeaux ; et, dans ce carnage des Kourouides engagés
avec les fils de P&ndou , sire , fils de Bhàrata , sur ces
fleuves de sang, la terre sera pleine d’étendards en guise
d’embarcations. Les quadrupèdes et les volatiles crient à
toutes les plages du ciel avec des bouches enflammées, ré-
vélant de profondes infortunes et dénonçant un immense
danger. Hôte des airs pendant la nuit, l’oiseau irrité avec
un seul pied, un œil unique, une seule aile gémit horri-
blement et vomit le sang , pour ainsi dire. Les armes
semblent jeter des flammes, Indra des rois. Les clartés
éternelles des nobles sept grands rishis sont éclipsées.
Les deux flamboyantes planètes, qui brillent toute l’an-
’ née sur l’horizon, Çanaitchara et Vrihaspati, se tiennent
auprès de l’astérisme Viçâkhà. Des pluies de poussière
jettent un sinistre augure de tous côtés sur toutes les
plages du ciel. [De la stance 90 à la stance 95.)
» Des images miraculeux, épouvantables, versent du
sang pendant la uuit; et la constellation des Pléiades,
souverain de la terre, nous accable de funestes pré-
sages. 96.
» On voit souffler des vents continuels, dont une comète
est la source. Tous ces pronostics, monarque des hommes,
ils font naître une grande infortune, mère des gémisse-
ments dans toutes les trois constellations de l'orient. Le
LK MAHA-H11ALIATA.
5AA
vautour étend son vol sur nos têtes, annonçant une im-
mense alarme. 07 — 98.
» Le soleil et la lune sont éclipsés le treize dans un
mois, au lieu de l'étre, comme c’était avant, le quatorze,
le quinze et le seize. 90.
» Ces astres, obscurcis en dehors des parvans, détrui-
ront les créatures : les Hakshasas alors, sans être rassa-
siés, auront la bouche remplie de sang. 100.
» Les torrents, les grandes rivières, les fleuves roulent
des eaux ensanglantées ; et les puits, gonflés d’écume,
semblent se jouer comme de jeunes taureaux. 101.
» Des météores de feu, accompagnés de vents impé-
tueux, tombent du ciel , avec une lumière semblable au
tonnerre de Çakra. Aujourd’hui même, après cette nuit
passée, vous obtiendrez l’infortune. 102.
» Sort-on de sa maison avec de grandes torches, elles
ne peuvent dissiper l'obscurité répandue partout dans
l’espace. Les grands anachorètes s’approchent les uns des
antres, et tiennent ce langage : 103.
« La terre du mont Kallftsa, du Maudara et de l’Himâ-
laya boira le sang des milliers de souverains. 10A.
« lin vaste bruit s’élève dans le tremblement de la
terre ; les oiseaux du ciel tombent par milliers ; et les
quatre mers soulevées, chacune à part, agitent ce globe
entier, pour ainsi dire, et détruisent ses rivages. Des vents
terribles soufflent, brisant les arbres, et entraînent le sable.
105—106.
» Frappés par la foudre ou par des vents d'une violence
extrême, les arbres tchaîtyas tombent, non brisés dans les
villages et dans les villes. 107.
» I.e feu dans les sacrifices des brahmes est jaune ,
■©rgitirod-H Go
BHISHMA-PARVA.
616
rouge et noir. Sa flamme est tournée à gauche, et le
doushtagandha (1) jette une horrible odeur. 108.
» Les choses tactiles, les odeurs, les objets, qui affec-
tent le goût, ont des qualités contraires : agités à tout
moment, les drapeaux vomissent de In fumée. 109.
» Les tambours et les patahas jettent une pluie de
charbons; les corneilles, décrivant un cercle à gauche,
croassent horriblement de tous les côtés au-dessus des
hautes montagnes. Les oiseaux se perchent sur la cime
des drapeaux, où sans relâche ils crient : « Mûr ! il est
mûr (2) ! » pour la perte des mattres delà terre. Rêveurs,
les éléphants rétifs de répandre les excréments et l’u-
rine 13) dans un tremblement d’effroi. 110 — 111 — 112.
» Tous les coursiers, tous les pachydermes contristés
sont baignés de sueur. Ces choses entendues, que ta ma-
jesté décide ici ce qui est propre â la conjoncture de
manière que ce monde ne soit pas, Bharatide. précipité à
sa perte. » 113 — llâ.
Dès qu’il eut entendu ce discours de son père, le
Dhritarâshtride articula ces paroles : « Voilà, je pense, le
destin, qui fut arrêté jadis : cette destruction des hommes
s’accomplira. 11 5.
» Si, grâce à la vertu militaire, les rois méprisent le
plaisir dans la guerre, une fois entrés dans le monde des
héros, ils obtiendront le plaisir en entier. 116.
(1) Qui répand une nuiuvaise odeur. Qu'est-ce dans le règne animal ou
dan» l'ordre végétal ? Tout» les dictionnaires, l'Ainara-Koslia, le commen-
taire, Bopp, Bôlhlingk et Roth gardent le silence.
(2) Paford! jwkwd ! dit le texte. Je le cite, parce qu’il y a ici, je
pense, une onomatopée du chant de ces oiseaux, qui disparaît dans la
traduction.
(3) Implication du commentaire.
VI
35
LU AIAHA-BHAKATA.
646
■> Ces personnes éminentes, qui feront le sacrifice de
leur vie dans cette grande bataille, mériteront la gloire
ici-bas et, dans l'autre vie, un bonheur éternel. » 117.
« Oui! il en sera ainsi 1^ » répondit le solitaire, cet
Indra des poètes ; et là-dessus, 6 le plus excellent des
rois, il suivit Dhritarâshtra, son fils, dans une méditation
profonde. Il 8.
Quand il eut réfléchi un moment, il ajouta ces paroles :
« Le temps, sans nul doute, Indra des princes, va détruire
l’ univers. 119. -
» Il créera de nouveau les mondes; il n'existe rien d’éter-
nel ici-bas. Montre le chemin du devoir aux Kourouides,
aux (ils de Pàndou, à nos parents, à nos amis : tu peux
empêcher le mal. La mort donnée aux parents est un
crime, dit-on ; ne fais pas une chose, qui m’est odieuse.
120—121.
» La mort est née pour toi sous la forme d'un fils, sou-
verain des hommes : le meurtre n’est pas honoré dans les
Védas; il n'est jamais bon de le commettre. 122.
» Immoler ce devoir de famille, c’est immoler son
corps même : la uiort étant impossible dans le moment
actuel, tu marcheras dans la voie de l’erreur, à la perte
de cette famille et à celle des rois de la terre. L’infortune
est née pour toi, monarque des hommes, sous la forme
d’un royaume. 12 S — 124.
» Le devoir s’est enfui! Tu es au-dessus de tes fds;
montre ta vertu [ Sauve ton devoir, ta renommée et ta
gloire, en cédant ce même royaume, qui t’a fait encourir
le péché, et tu obtiendras le Swarga ! Que les Pàndouides
soient rétablis dans le royaume, et que tes Kourouides
savourent la félicité L » 125 — 126.
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BHISHMA-PARV A.
5A"
Quand l' Indra des brahmcs eut achevé de parler, Dhri-
taràshtra, habile à manier le discours, le fils d’ Ambikâ,
reprenant la parole, fit cette réponse : 127.
o Je sais ce que sait ta sainteté ; l’être et le non-être
me sont connus, comme les deux intérêts opposés. Mais
le monde est dans l'égarement sur l’objet de son désir ;
sache qu'il n’y a aucune différence entre moi-même et la
nature du monde. 1 28.
a Je te supplie, toi, de qui la puissance est incompa-
rable -, tu es notre voie ; tu es le sage, qui nous montre le
salut. Ceux, qui marchent sous ma volonté, ne sont pas
dignes d'obtenir ta faveur : c’est là mon sentiment. 129.
» Tu es l’origine du devoir, tu es la renommée et la
gloire des Bharatides; tu es le vénérable aïeul des enfants
de Kourou et de Pàndou. » 130.
b Roi, fils de Vitchitravtrya , expose-moi, répondit
Vvàsa, ce qui est dans ton esprit; je vais trancher tes
doutes. » 131.
« Je désire entendre suivant la vérité, révérend, re-
prit Dhritar.lshtra, tous les caractères , que possèdent
ceux, qui doivent remporter la victoire dans la bataille. »
« Un soleil limpide, répondit Vyâsa, un feu, qui jette
verticalement ses rayons, une flamme sans fumée, qui
tourbillonne à droite, des vents, qui promènent les sen-
teurs pures des oblations, ces formes, dit-on, annoncent
les approches d’une victoire. 132 — 133.
» Quand les tambours et les conques retentissent avec
un vaste bruit, avec des sons profonds, quand le soleil et
la lune versent des rayons pleins de pureté : ces formes
sont, nous dit-on , celles d'une prochaine victoire. 13A.
n Des paroles telles, qu’on les désire, jetées par des
548
LE M4HV-BHA1UTA.
corneilles, ou des personnes en voyage, ou des gens, qui
vont s’y mettre, soit qu'ils hâtent leurs pas derrière vous,
soit qu'ils donnent cet avis par-devant, 135.
» Des oiseaux aux voix fortunées, des flamingos, des
perroquets, des ardées, des paons, qui volent à droite,
annoncent pour sûr, au dire des bralimes, la victoire dans
un combat. 136.
» Ceux, de qui l’armée est resplendissante, épouvan-
table à voir, terrible <1 entendre par les sons flatteurs des
parures, des cuirasses, des étendards, et les hennisse-
ments des chevaux, triomphent des ennemis. 137.
» Où les paroles sont joyeuses, où est l’énergie des
combattants, où les guirlandes ne se flétrissent pas, les
guerriers traversent sans naufrage l’océan des combats.
» Les mots heureux d'un guerrier au moment qu'il
entre dans C année des ennemis, ou ses paroles foriunées,
quand il veut s’y plonger, dénotent l’action, qui va suivre,
et les mots, qui en sont les avant-coureurs, empêchent
un fait de s' accomplir. 138 — 139.
» L’ouïe, la vue, le toucher, le goût et l’odorat, s’ils
restent dans le même état, sont des signes heureux. La
joie des combattants est toujours un caractère de la victoire.
» Les vents, qui souillent avec une haleine fortunée,
les nuages, les eaux, la succession des nuées et les arcs-
en-ciel lâO — 141.
» Sont les caractères des armées, qui ont l’orgueil de
la victoire; celles, qui cherchent la mort, souverain des
hommes, ont des caractères tout différents. 1 42.
» Voici la décision arrêtée sur les armées, ou grandes,
ou petites : l’ardeur est la qualité par excellence des
combattants; on l’appelle un signe de victoire. 143.
BHISHMA-PA11VA.
649
» Un seul guerrier sans confiance rompt toute une ar-
mée, quelque nombreuse qu’elle soit ; l’armée rompue
entraîne les combattants rompus après elle, malgré tout
leur courage. 166.
» Une grande armée est brisée par cette honteuse fuite
d'un seul, telle que les vitesses accélérées des eaux, ou
comme des troupes de gazelles tremblantes. 145.
b 11 est impossible de corriger, à cause de la multitude,
une grande armée rompue; les guerriers les plus instruits
sont eux-mêmes brisés : « Que faire, disent-ils, contre
une Armée rompue? b 146.
n La vue des hommes rompus, tremblants, ajoute une
nouvelle force à la crainte, sire ; et l’armée dans sa dé-
route soudaine s’enfuit à tous les points de l’espace. 147.
b Les héros eux-mêmes auront beau lui rappeler
qu'elle est une grande armée, divisée en quatre corps, ils
ne pourront jamais, souverain de la terre, faire tenir pied
ferme à une armée nombreuse. 148.
b Gagner l'ennemi par des moyens de conciliation est,
dit-on, la plus grande victoire : cell_e, qu'on obtient par
la division, est moyenne ; mais la victoire, qu'on remporte
sur un champ de bataille, est, monarque des hommes, la
dernière des victoires. 149.
b La multitude est un grand défaut dans une armée ;
c’est, dit-on, la première cause de sa perte. Elle ébranle,
elle entraîne des amis pleins d'ardeur et l’âme bien ré-
solue. 150.
b Cinq cents héros, c’est assez pour broyer une grande
armées : sept, six et même cinq, qui ne savent pas recuit r,
suffisent pour remporter la victoire. 151.
u Garouda, le lils de Vinatâ, ne donne pas des éloges
550
LE MAHA-BHAHATA.
au grand nombre ; car le volatile aux belles ailes, a vu
que la multitude, Bharatide, est souvent la cause de sa
perte. 152.
» La victoire d’une armée n’est pas toujours attachée à
la supériorité du nombre : la victoire est incertaine j c'est
là surtout que prédomine le destin. 153.
» En effet, la perte tombe dans le combat sur les vic-
torieux. n 15â.
Vyâsa sortit, après qu’il eut parlé ainsi au sage Dhrila-
râsbtra ; et. ce discours entendu, Dhritarâshtrase plongea
dans ses pensées. 155.
Dès qu’il eut réfléchi un instant, il poussa mainte et
mainte fois des soupirs, et interrogea, 6 le plus excellent
des Bharatides, Sandjaya à l’Ame accomplie : 156.
« Ces maîtres de la terre, Sandjaya, sont des héros, que
réjouissent les batailles. Ces princes, ayant fait le sacri-
fice de leur vie à cause de la terre, se chargeront dans
cette bataille de coups réciproques avec des flèches va-
riées, et, leurs mutuelles blessures n’éteignant pas leur
colère, ils augmenteront les habitants des palais d'Yama.
157—158.
» Désirant la suprématie do la terre, ils ne peuvent se
supporter les uns les autres ; je pense donc qu’elle est
remplie de qualités, cette terre ! Dis-moi cela, Sandjaya;
» Quels sont les nombreux milliers, millions, dizaines
et centaines de millions d’hommes vaillants, rassemblés
dans le Kouroudjânghala. 159 — 160.
« Je désire entendre avec vérité , Sandjaya , de quels
côtés, villages et contrées res guerriers sont venus s’y
réunir., 161.
n Tu as l’œil de l’intelligence, tu es doué du flambeau
BHISHMA-l’ARVA.
551
d’une intelligence céleste ; tu possèdes la puissance et la
splendeur infinie de l'illustre Vvâsa. » 162.
« Je te dirai, autant qne j’ai de science , lui répondit
Sandjaya, les qualités de la terre, monarque A la grande
science. Regarde avec l’œil des Traités. Adoration à toi,
éminent Bharatide. 163.
» 11 y a deux sortes d’étres ici-bas : les animés et
les inanimés. La naissance des animaux procède de trois
causes : l'œuf, la chaleur et la matrice. 161.
» Ceux, qui naissent d’une matrice, sont assurément,
sire, les plus excellents parmi tous les animaux; les
hommes et les bestiaux sont les meilleurs de ceux, qui vien-
nent à la vie dans une matrice. 165.
» Ils sont quatorze espèces, revêtues de formes diffé-
rentes, sire : sept d'entre elles habitent les forêts et sept
sont habitantes des villages. 166.
On compte sept animaux des forêts, sire : les singes,
les ours, les éléphants, les buffles, les sangliers, les tigres
et les lions. 167.
» L'homme, la brebis, la chèvre, la vache, le cheval,
l’âne et le mulet : voilà sept espèces d’animaux, que les
sages disent appartenir an village. 168.
o 11 y a donc, souverain de la terre, quatorze espèces
d'animaux, soit des villages, soit dès forêts, sur lesquels,
au sentiment des Védas, reposent les sacrifices. 169.
» Les hommes sont les plus excellents des villageois,
les lions des habitants des forêts : la vie de tous ces êtres
dépend l’une de l’autre. 170.
» Les végétaux sont appelés des êtres inanimés; il y a
d’eux cinq espèces : les arbres et les arbustes, les lianes,
les plautes rampantes, les bambous et le grauien. 171.
552
LIS MAHA-BHARATA.
» Ces Pires animés, soit villageois , soit forestiers, et
ces végétaux forment donc une vingtaine moins un d’in-
dividus. La Gayatrl, en estime dans les inondes, est com-
posée de vingt-quatre syllabes. 172.
» 11 ne périt pas, en vérité dans ce monde, 0 le plus
excellent des Bharatides, l’homme, à qui est connue cette
Gàyatrl sainte et douée de toutes les qualités, 173.
» Sur la terre tout naît, toutmeurtsur la terre; la terre
est la gloire des êtres : la terre est pour eux la chose, qui
ne péril pas. 174.
» La terre, c’est-à-dire, tout cet univers, d’êtres ani-
més et inanimés, appartient au roi, gui est sanctifié par
les sacrifices ; mais ici -lias, objets d’une brûlante envie,
les rois se donnent mutuellement la mort. » 175.
« Dis-moi, Sandjaya, reprit Dhritarâshtra, les noms des
neuves, des montagnes, des peuples et des autres habi-
tants de la terre. 170.
» Dis-moi, ô toi, qui connais les mesures, quelle est
l’étendue de toute la terre; dis-moi entièrement, San-
djaya, quelles en sont les forêts. » 177.
« Les sages disent, puissant roi, lui répondit Sandjaya,
que les cinq grands éléments, principes de tout, se tiennent
également partagés dans la terre, suivant leur agrégation.
La terre et l'eau, le vent, le feu et même l’air : voilà
quels sont les cinq éléments; la terre, d’après sa prédomi-
nance, sur les quatre autres, possède toutes ces qualités
les plus grandes. 17$ — 170.
« Le son, le toucher, la forme, le goût et l’odeur, la
cinquième qualité : voilà celles de la terre au jugement des
rishis, de qui les paroles sont l’expression de la vérité des
choses. 180.
BHISHMA-PARVA.
553
» Il y a quatre qualités dans les eaux, sire, où ne se
trouve pas l'odeur : le son , le toucher et la forme , ces
trois qualités appartiennent au feu. 181.
» Le son et le toucher au vent, mais l'air n'a que le son
uniquement. Cès cinq qualités, sire, existent dans les cinq
grands éléments. 182.
» Ils se trouvent dans tous les mondes, où habitent les
êtres animés : ils se font l’un à l'autre un mutuel contre-
poids, quand il y a égalité entre eux. 183.
a Mais, dans la condition de l'égalité, ils entrent l'un
dans l'autre ; ils brûlent par leurs formes subslancielles
et n'obtiennent pas une existence autrement. 184.
» Tour à tour, ils périssent, et tour 5 tour il3 renaissent;
tous ils échappent à la mesure; c’est leur forme souve-
raine. 185-
» (ià et là, on voit les cinq métaux élémentaires : les
hommes en évaluent la grandeur par le raisonnement.
h Mais que l’on ne tente pas d’atteindre par la pensée
aux substances, qui sont au-dessus de la pensée : ce qui
est au dessus déjà nature est le caractère de l’inconce-
vable. 180—187.
» Je dirai l'ile Soudarçana, rejeton de Kourou ; cette
île forme un cercle, grand roi, semblable à un disque de
guerre. 188.
» Elle est environnée par les eaux du bonheur; elle est
couverte par des montagnes, pareilles aux nuages, par di-
verses formes les plus distinguées et par des campagnes
délicieuses, 180.
» Des arbres chargés de (leurs et de fruits, des mois-
sons abondantes, des richesses obtenues ; la mer salée
est répandue à l'entour de tous les cotés. 190.
564
LE MAHA-BHAKATA.
» On voit l'He Soudarçana dans le disque de la lune ;
tel qu'un homme pourrait voir son visage dans un miroir.
» D'un côté est le figuier religieux, de l’autre est un
grand lièvre : elle environne de toutes parts lus collec-
tions des simples au grand complet. 191 — 192.
» I.es eaux, c'est-éi-dire, f agrégation de» cinq éléments,
qni, détruite dans les maîtres de la terre , s'écoule et sc
disperse (1), différent les unes des autres essentiellement.
Le reste, qui surrit au prulaya de toutes choses (2), est
appelé Santchépo, l'abréviation ; on nomme aussi : nnni/a,
l'Autre, ce Lièvre, ou le Dieu essence de pureté (S).
Écoute ! je vais raconter sommairement cequ’il esL» 193.
(1-2-3) Comment ai'ir.
FIS DE LA CINQUIÈME I.ECTUUE l)C CHANT DE tUliblIMA
FIN Dl: SIXIEME VOLUME.
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INDEX
l)t MOIS Ptl CONNUS.
A
Atasi, linum unilatistimum, le lin commun.
Y
Youta, une mesure de (|iiatre coudées.
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ERRATUM.
Page 21, ligne 5, lisez: que se fasse la chose, dont ils sont occupés.
Page 23, ligne 3, étourderie de correcteur, lisez: quand ton fils
à (Jhoshuydtrd.
Page 29, lignes 10 et 11, lisez: i l'animal
Page 66, ligne 26, lisez: étendre sa vaillance.
Page 78, ligne 11, lisez avec un seul d : Yotidhishthira .
Page 86, ligne 26, supposez un point et virgule devant : la vi-
gilance et l’abstention, etc.
Page 135, après le 3,009* distique, mettez une virgule au lieu
du point.
Page 240, ligne 25, retranchez le mot il, faute d’impression,
entre les mots : un héros , et le troisième.
Page 258, ligne 13, lisez : par Kris/uut et Bhtshma,
Page 294, ligne 5, il y a amphibologie, lisez donc : par les ac-
tions puissantes de Çakra.
Page 296, ligne 14, lisez : n’avons tenu.
Page 389, ligne 8, lisez : ]>our ton frère puîné , qui a le Vasnu -
dévide jxnir compagnon , de remplir ces menaces, qu’il jette,...
Page 414, ligne 5, le plus vieux de tous les rois ; il s’agit d’Youdhlsh-
thira. Le mot vieux est sans doute pris au figuré, lisez : le plus au-
guste.
Page 426, ligne 18, c’est conforme au texte de Calcutta ; mais
je préférerais sort char noir au pronom possessif de la deuxième
personne: ton.
Page 458, ligne 28, lisez : Exposc-lui à plusieurs fois , noble
dame .....
35 2 $ m i
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS I.E SIXIÈME VOt.UME.
Chapitre» : Pages :
A mes lecteurs i
Les résulta.s du message pour la paix .... 1
Ambassade de Bhagavat ÜQ
La sortie dos armées ■ . . . 355
Ouloûka envoyé en message 388
Enumération des chars et de leurs combattants . 422
L’épisode d’Ainbà 44 7
' RIIISHMA-PARVA.
Création du Djamboudvvipa. . . . .... M3
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
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D its tiw* n-rcrrr,
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